Depuis maintenant quelques semaines, nous sommes en Etat d’urgence sanitaire.
Les militant.e.s que nous sommes, dénonçons évidemment la répression engagée par l’Etat, notamment dans les quartiers populaires, à coups d’amendes répétées et de coups distribués.
Cette répression intervient au nom du respect de l’Etat d’urgence sanitaire, tout comme elle intervenait au nom de l’Etat d’urgence quelques mois auparavant. Nous associons ces deux moments historiques et nous avons raison de le faire. Mais le parallèle n’est pas total.

Les militant.e.s que nous sommes, considèrent l’Etat d’urgence sanitaire uniquement comme un ordre venu de l’Etat, et donc autoritaire et donc illégitime.
Il est rare d’entendre des personnes dire que la réduction des risques a un sens en ces temps de pandémie mondiale.

Les différents collectifs et organisations qui accueillent du public ont eu un semblant de réflexion sur la réduction des risques et la plupart ont mis à disposition des masques et du gel hydro-alcoolique pour les personnes accueillies, notamment lors de permanences. Tant mieux.
Mais cette semi-réflexion s’est arrêtée aux personnes accueillies. Entre nous, ces consignes sanitaires n’ont plus de sens. Elles deviennent des injonctions de l’Etat qu’il ne faut surtout pas respecter au risque de devenir le ou la porte parole de l’Etat.
L’anarchisme et le gauchisme préservent du virus, on dirait.

Si nous décidons sciemment de ne pas respecter les consignes sanitaires, nous allons exclure de fait, une partie de la population de nos espaces.
J’ai l’air valide, non ? Je suis jeune, j’ai 30 ans.
Je vous ai dit que ma mère était diabétique et qu’elle avait des problèmes respiratoires ?
Quand je vais dans des espaces militants, si je ne suis pas une “personne accueillie”, je suis de fait intégrée dans le groupe des gauchistes préservé.e.s du virus, qui de toute façon, refusent les injonctions de l’Etat. A quoi bon porter un masque, se laver les mains, ne pas s’embrasser. C’est un acte de résistance contre l’Etat de se prendre dans les bras pour certain.e.s.

Je vous ai dit que ma mère était diabétique et qu’elle avait des problèmes respiratoires ?
Est-ce que je vais devoir me justifier à chaque fois que je serai dans un espace militant ? “Non, en fait, je porte un masque, parce que ma mère est diabétique et je la vois demain…”
“Non, en fait, je porte un masque, je ne suis pas de la République en Marche, mais ma mère…”.

Cette semaine, je me suis empêchée d’aller dans une réunion et une manifestation car je ne faisais pas confiance à mes camarades pour respecter un minimum de consignes sanitaires de base. Alors oui, je n’ai pas de problèmes de santé, mais je considère que le port du masque est un acte militant et collectif. Le port du masque protège LES AUTRES.

Ne considérons jamais que toutes les personnes présentes pensent de la même façon et ont les mêmes conditions physiques ou les mêmes réalités. Ça a l’air bateau, dit comme ça, mais ces derniers temps, je vois des groupes de jeunes gentes en bonne santé, s’enlacer, s’embrasser, manger à 20 cm les un.e.s des autres et ne pas porter de masque, comme si toutes les personnes présentes partageaient cette réalité.
Et bien non.
Je vous ai dit que ma mère était diabétique et qu’elle avait des problèmes respiratoires ?

oui, je vous l’ai dit et j’aurai aimé n’avoir pas à le dire.

 

vu ici: https://cric-grenoble.info/libre-opinion/article/le-gauchisme-ne-preserve-pas-du-virus-1713