1er mai 2020 : un aperçu de cette journée à travers le monde.
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Category: Global
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Le 1er mai 2020 nous a confronté à un défi de taille : il n’a jamais été aussi nécessaire d’agir pour instaurer un changement, et cela n’a jamais été aussi difficile. Dans certaines régions du monde, notamment à Ljubljana, Vienne et Chicago, les anarchistes ont réalisé des percées inspirantes ; ailleurs, où les gens sont soit resté·e·s chez elleux par désespoir, soit ont tenté de répéter des traditions déjà bien connues et répandues, les résultats ont été décourageants. Nous présentons ici une vue d’ensemble des différentes expériences auxquelles les gens se sont livré·e·s dans une douzaine de pays, dans l’espoir de susciter l’inspiration et d’offrir des modèles utiles à l’organisation des prochaines luttes.
Nos ennemis de la classe dirigeante veulent que l’économie reprenne son cours sans nous accorder aucune des libertés dont nous avons besoin pour pouvoir nous défendre de leurs décisions. Partout dans le monde, nous avons vu des policier·ère·s sans aucun équipement de protection harceler et attaquer des manifestant·e·s correctement masqué·e·s, risquant allègrement de propager la pandémie et ce, au nom de vouloir stopper sa propagation. Cela souligne l’absurdité de compter sur la violence des États pour nous protéger d’un virus. La police a certainement été l’un des principaux vecteurs par lesquels le virus s’est répandu dans le monde et a pénétré au sein de nos communautés. Nous ne serons en sécurité que lorsque nous ne serons ni contraint·e·s de nous engager dans des activités économiques risquées pour survivre, ni contraint·e·s de rester confiné·e·s et soumis·es à nos dirigeant·e·s par des mercenaires qui se fichent éperdument si nous vivons ou mourons.
Vous pouvez lire des réflexions stratégiques sur les avantages et les inconvénients liés aux manifestations en voiture ici et ici. Nous espérons qu’un plus large éventail de tactiques verra le jour au cours des mois de lutte à venir.
Comme d’habitude, ces comptes rendus sont classés par pays pour montrer les régimes contre lesquels les participant·e·s se battent, et non parce que nous affirmons la légitimité d’un quelconque État ou héritage colonial.
Autriche
Des célébrations et manifestations du 1er mai ont eu lieu partout en Autriche. Les mesures de confinement limitant les déplacements des individus ont pris fin la veille au soir à minuit. Par conséquent, plusieurs des manifestations prévues pour cette journée ont été officiellement déclarées et autorisées par les autorités. Outre les marches et rassemblements habituels des sociaux-démocrates et de divers groupes communistes, dont les mesures de distanciation sociales en ont modifié les aspects, il y a également eu plusieurs manifestations de groupes radicaux de gauche.
Vienne, Autriche
Une grande marche s’est réunie à midi sous le mot d’ordre « Solidarité transnationale – contre le racisme et la guerre. » Environ 850 personnes ont participé à la marche en portant des masques, en gardant leurs distances et en arborant des banderoles et des pancartes. La marche s’est terminée devant l’hôtel de ville vers 15 heures.
À la fin de la manifestation, une action de type critical mass (manifestation à vélo) ayant pour slogan « La solidarité au lieu de la “nouvelle normalité” » s’est élancée et de nombreuses personnes ayant pris part à la marche se sont naturellement jointes à l’action. La manifestation à vélo a rassemblé près de 600 participant·e·s. L’action s’est déroulée autour du Ring, un large boulevard entourant le centre ville. Cette dernière n’avait pas été déclarée auprès des autorités ; par conséquent, de plus en plus de policier·ère·s ont commencé à suivre la manifestation et on pouvait même entendre un hélicoptère de la police voler au-dessus de la ville.
Après avoir essayé de bloquer la route, les cyclistes se sont regroupé·e·s et se sont dirigé·e·s vers le Prater, un grand parc où la manifestation devait prendre fin. La police a attaqué les manifestant·e·s dans le Prater, renversant les cyclistes, frappant à coups de pied une personne qui était assise par terre, fouillant les gens et arrêtant trois personnes, qui ont ensuite été emmenées au centre de détention de la police de Rossauer Laende.
La plate-forme Radikal Linke, un des groupes qui a soutenu l’appel à la manifestation à vélo, résume : « Malgré la répression policière, nous avons pu montrer un signe clair de solidarité : avec les réfugié·e·s dans les camps et les centres de détention, contre le fait de forcer celles et ceux qui dépendent d’un salaire à porter le fardeau de la crise et de ses effets, pour une autre forme de (re)production sociétale, en dehors des forces capitalistes et patriarcales. Pour une société mondiale sans État et sans classe ! C’est aussi ce que représente le 1er mai, journée de lutte des travailleur·euse·s salarié·e·s et des opprimé·e·s. »
Salzbourg, Autriche
Des asperges pour tou·te·s ! À Salzbourg, des anarchistes ont « libéré » quelques asperges et les ont distribuées gratuitement lors d’une action directe avant le 1er mai. Dans les magasins alimentaires autrichiens, le prix des asperges est élevé, mais les agriculteur·rice·s autrichien·ne·s (et allemand·e·s) comptent sur des ouvrier·ère·s d’Europe de l’Est pour s’occuper des récoltes en échange d’un salaire de misère. Les producteur·rice·s d’asperges ont rejeté l’idée d’employer des ouvrier·ère·s autrichien·ne·s qui proposaient leur force de travail pour la récolte, arguant qu’ils et elles veulent des salaires trop élevés et qu’ils et elles ne travailleraient pas aussi dur que la main d’œuvre venue d’Europe de l’Est. Il faut savoir que les travailleur·euse·s d’Europe de l’Est sont acheminé·e·s en Autriche par avion, malgré les restrictions imposées par le COVID-19, et ce, alors même que l’Autriche a jusqu’à présent refusé d’évacuer ne serai-ce qu’une seule personne détenue dans les camps de détention situés aux frontières extérieures de l’UE (comme celui de Moria). Les conditions dans ces camps y sont inhumaines, comme elles l’étaient déjà avant l’épidémie de Covid-19. Nous voyons les frontières s’ouvrir pour les profits des entreprises, mais pas pour sauver des vies humaines.
Des soins de santé pour tou·te·s ! Ouvrez les frontières, évacuez les camps ! En plus de conclure leur communiqué par : « Le luxe pour tou·te·s » et « Bon appétit », les anarchistes de Salzbourg ont également inclus quelques recettes à base d’asperges. L’article complet avec photos à l’appui est disponible ici.
Belgique
Une nouvelle initiative de grève des loyers a été lancée en Belgique avant le 1er mai. Une liste des efforts visant à organiser une grève des loyers comprend maintenant des groupes aux États-Unis, au Canada, en France, en Espagne, en Italie, en Grande-Bretagne, au Brésil et en Grèce.
Le 1er mai, des personnes ont manifesté à Bruxelles devant la prison de Saint-Gilles. Suite à cette action, neuf personnes ont été arrêtées mais elles ont finalement été libérées plus tard dans la soirée. Les banderoles disaient « Rasons toutes les prisons, les mauvais jours finiront ! » et « Liberté pour tous.tes. » Les gens scandaient « Brique par brique, mur par mur, détruisons toutes les prisons. »
Il y a également eu une manifestation devant un supermarché à Forest, où un·e travailleur·euse est mort·e du COVID-19 il y a quelques semaines et ce, après s’être vu·e refuser le droit de porter un masque sur son lieu de travail.
Un appel à une manifestation féministe sur les balcons a circulé avant le 1er mai. Une manifestation en solidarité avec le Rojava a également eu lieu devant l’ambassade de Turquie. Plus d’informations sur les événements de la journée sont disponibles ici.
Brésil
Au Brésil, seules quelques actions anarchistes ont eu lieu pour le 1er mai, comme cet accrochage de banderole à Bahia, dans le nord du pays.
À Brasilia, la capitale du pays, un partisan du président fasciste brésilien Jair Bolsonaro a fait la une des médias en attaquant un groupe d’infirmier·ère·s qui manifestaient pour attirer l’attention sur le sort des travailleur·euse·s du secteur de la santé.
Pendant ce temps, les anarchistes brésilien·ne·s pleurent la mort d’un camarade qui vient d’être tué par le COVID-19.
Canada
À Hamilton, un convoi de véhicules « Keep Your Rent » (« Gardez l’argent de votre loyer ») a traversé les quartiers de Central, Durand, Corktown, Stinson, Gibson, Landsdale et Beasley, s’arrêtant devant des immeubles de grande hauteur appartenant à certain·e·s des plus important·e·s propriétaires de Hamilton, afin de promouvoir la grève des loyers et de montrer leur solidarité envers celles et ceux qui ont du mal à payer leur loyer.
À Montréal, des banderoles et des graffitis affichant des messages antiautoritaires sont apparus dans toute la ville.
À Toronto, en réponse à la spéculation liée à la pandémie, certain·e·s anarchistes ont bloqué les serrures de plusieurs banques avec de la colle, décoré les bâtiments de graffitis et publié un communiqué expliquant en détail leurs motivations.
Chili
Au Chili, la pandémie a stoppé net un soulèvement massif en cours qui était sur le point d’entrer dans une nouvelle phase passionnante.
Dans de nombreux endroits, les gens ont appelé à des cacerolazos (des manifestations sonores) pour le 1er mai ; une assemblée a même organisé une journée dédiée à la fabrication de masques et de visières de protection.
À Santiago, une manifestation a eu lieu sur la Plaza de la Dignidad (anciennement Plaza Italia) – l’un des principaux foyers d’affrontements récurrents avec la police à l’automne dernier – où un petit nombre de personnes se sont rassemblées pour commémorer la journée internationale des travailleur·euse·s et pour exiger la libération de tou·te·s les prisonnier·ère·s politiques. Cela a commencé vers 11 heures du matin ; il y avait déjà une forte présence policière sur place. Vers midi, la police a commencé à arrêter violemment les gens et à leur tirer dessus avec le canon à eau. La police diffusait également un enregistrement audio via un haut-parleur avertissant des dangers que pourrait créer une contestation violente et déclarant, entre autres, que la police « prendrait des mesures appropriées contre les rassemblements illégaux. » L’enregistrement parlait de manifestations violentes – ce qui, en tout point, n’était pas ce qui se passait sur la place en question. Les gens étaient simplement debout, tenant des banderoles, et lançant parfois des tracts en l’air.
Vidéo des manifestations à Santiago.
Au final, la police a arrêté près de 60 personnes ; les média officiels parlent de 57 arrestations. Parmi elles, de nombreux·euses journalistes dont un reporter d’une chaîne de télévision nationale, qui a pu continué à émettre en direct pendant quelques minutes depuis l’intérieur du véhicule de détention jusqu’à ce que les policier·ère·s interviennent et finissent par lui confisquer sa caméra.
Au poste de police, les forces de l’ordre ont d’abord libéré les membres de la presse. Puis, du fait que soi-disant il y avait trop de monde dans le bâtiment et que des rumeurs circulaient selon lesquelles quelqu’un·e de contaminé·e était présent·e dans les locaux, les forces de police ont transféré les personnes arrêtées vers un autre commissariat. Les rapports de presse affirment que le cas de contamination est confirmé ; nous n’en sommes pas sûr·e·s. En plus d’avoir déplacer les prisonnier·ère·s vers un autre poste pour poursuivre les démarches liées à leur arrestation, les policier·ère·s n’ont pris aucune mesure sanitaire préventive contre la propagation du virus et, au moment de libérer les détenu·e·s, ne leur ont fourni aucune instructions particulières concernant, par exemple, une possible mise en quarantaine ou le fait de subir des tests de dépistage.
Après que certaines personnes aient quitté le premier commissariat, les flics en ont profité pour utiliser du gaz lacrymogène contre tou·te·s celles et ceux qui attendaient à l’extérieur du bâtiment en signe de solidarité avec les personnes interpellées.
Bien que la police ait profité de la situation pour diffuser la nouvelle selon laquelle une des personnes arrêtées lors de la manifestation aurait été testée positive au COVID-19, nous notons que les forces de l’ordre n’ont même pas demandé à ce que les personnes arrêtées se livrent à une quelconque forme d’auto-quarantaine une fois relâchées. Cela remet en cause la véracité de leur récit. Il est certain que dorénavant, les autorités utiliseront le spectre du COVID-19 pour terroriser les gens et les empêcher de manifester, alors même qu’elles essaient de nous forcer à reprendre un travail dangereux sans aucune protection.
Les affrontements se sont poursuivis sur la place tout au long de la journée. Il y a également eu une manifestation devant le palais du gouvernement, où un dirigeant syndical a été arrêté pour avoir tenté d’y accrocher une banderole. Des manifestations ont aussi eu lieu dans d’autres villes, notamment à Valparaiso et à Concepción, où l’on trouve également des preuves vidéo de la brutalité toute particulière de la répression policière lors de cette journée.
Plus tard, la police a attaqué au gaz lacrymogène les habitant·e·s de différents quartiers de Santiago, en particulier ceux de Villa Olimpica et de Lo Hermida, deux endroits généralement connus pour leur forte activité politique et pour leurs nombreuses confrontations avec les forces de l’ordre.
Le gouvernement chilien – presque universellement considéré comme illégitime avant la pandémie – continue par ses décisions et ses actions de se mettre à dos la population. Ces derniers jours, il a autorisé la réouverture de certains centres commerciaux, tout en continuant à interdire les rassemblements publics. Il voulait à l’origine que les élèves retournent à l’école et reprennent les cours cette semaine, mais le gouvernement à du faire face à de nombreuses réactions négatives de la part de différents secteurs, notamment de la part des maires de certaines municipalités et d’autres politicien·ne·s. Par conséquent, les autorités ont rétropédalé et ont décidé de remettre cette mesure à plus tard. La vérité est que le système scolaire ici n’est pas en capacité d’organiser des cours conformément aux règlements sanitaires qui visent à limiter le nombre d’élèves par classe et ainsi de suite.
De nombreuses personnes ont également perdu leur emploi et le gouvernement n’a pratiquement offert aucune aide à cet égard.
En général, les gens font de leur mieux pour conserver la mémoire de la lutte aussi intacte que possible, pour se rappeler des raisons pour lesquelles la révolte de l’automne dernier a éclaté et pour s’accrocher à l’idée que lorsque les choses se calmeront un peu avec la pandémie, nous retournerons dans les rues.
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