Gare aux brigades sanitaires
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Contrôle socialCoronavirusImmigration/sans-papierEs/frontieresLogement/squat
Lieux : France
En complément de la fameuse appli pour smartphones en cours d’élaboration qui prétend enregistrer l’ensemble des personnes fréquentées ou croisées plus de x minutes et à moins d’un mètre sur les 15 derniers jours, voici donc quelques infos qui commencent à sortir sur les futurs 30 000 flics en blouse blanche des Brigades sanitaires chargées de remonter la trace de toutes les personnes-contacts des cas positifs afin de les mettre en quarantaine de précaution et de les tester à leur tour.
Parallèlement au dispositif Covisan déployé en région parisienne pour mener des inspections à domicile, le pouvoir installe et forme depuis quelques jours à travers tout le territoire ses nouvelles Brigades sanitaires (dites « brigades de cas contacts »). Rien que le terme de brigades devrait provoquer un sursaut de répulsion chez n’importe quel anti-autoritaire, tout comme ce vocabulaire de préfecture déjà employé lors des expulsions de squats de migrants et réutilisé sans vergogne par le ministre pour expliquer leur futur travail : la « mise à l’abri », c’est-à-dire ici la mise en quarantaine forcée. En entendant cette novlangue, on se dit que ce n’est peut-être pas pour rien qu’un sociologue, une anthropologue ou une crapule humanitaire (ATD Quart Monde) siègent au Conseil scientifique du gouvernement pour travailler sur le volet « acceptation sociale » des mesures autoritaires qu’il prend.
Avec les 700 000 tests hebdomadaires annoncés en fanfare pour mai-juin au sein de dispositifs variés (mobiles en mode tentes/ drive-in, ou fixes), le nombre de cas positifs détectés en dehors des hôpitaux va se démultiplier –1000 à 5000/jour selon leurs projections–, déclenchant inévitablement une série d’interrogatoires et d’effets en cascade si les cas positifs se mettent à baver leurs contacts à l’État plutôt que de s’auto-organiser en conséquence.
Parmi les premiers enquêteurs (épidémiologiques, puisque c’est leur nom), beaucoup seront les labos et surtout les médecins qui ont prescrit les tests et suivi leurs résultats. Comme n’importe quels flics qui voudraient nous faire croire que seul compte l’amour du métier, les généralistes seront d’ailleurs rémunérés pour ce travail d’enquête, le montant perçu étant encore en cours de négociation avec leurs syndicats. En cas de test positif, les inspecteurs en blouse blanche des cabinets médicaux rentreront donc non seulement les coordonnées de la personne dans un logiciel nommé « contact Covid», qui remonte à l’Assurance Maladie (CPAM), mais également toutes les infos qu’ils auront réussi à gratter sur les contacts de leur patient, directement ou grâce à son entourage (nom, prénom, adresse, liens et surtout téléphone). C’est à partir de là, dans les 24 heures, que vont véritablement entrer en scène les enquêteurs de choc de la Brigade Sanitaire, gris et obtus comme tous les bureaucrates qui suivent des consignes données par un écran, de ceux qu’on connaît déjà trop bien à la CAF ou la Sécu. Ils sont organisés au sein des plateformes départementales de l’assurance-maladie sous forme de cellules dédiées au « contact tracing » : 8000 enquêteurs, dont 60-90 en Haute-Garonne ou 51 dans le Calvados (en temps plein) selon les premiers chiffres sortis. Leur tâche sera bien sûr d’appeler les premières personnes contacts signalées au médecin –ou plutôt balancées, si c’est sans leur consentement– pour recouper l’info, mais surtout de rappeler le cas positif afin de mener une seconde enquête plus poussée et identifier l’ensemble de ses contacts de la manière la plus exhaustive possible (ce qu’on appelle prosaïquement un interrogatoire poussé à base de culpabilisation et de menaces). « Les appels devraient durer une vingtaine de minutes selon des premières estimations et l’hypothèse est que chaque malade peut contaminer 20 à 25 personnes » précise un ponte, « trois critères devant être retenus : la durée de l’échange entre le patient positif et ses contacts ; la distance au moment de l’échange ; et le port ou non d’un masque par les personnes ».
En cas d’absence de coordonnées précises pour retrouver un contact, chaque cellule de « contact tracing » aura tout loisir d’interroger les bases internes de données de la Sécu pour retrouver l’individu qu’elle souhaite. En Italie, un décret gouvernemental a même complété ce point en offrant la possibilité aux enquêteurs de la Sécu de rechercher le numéro de téléphone d’un « cas-contact » grâce aux flics, lorsqu’ils ne l’avaient pas ou ne le trouvaient pas.
A partir de cette petite investigation basée sur les bavardages intempestifs de la personne concernée ou de son entourage proche (et plus tard également de l’appli délatrice), l’enquêteur de la Brigade Sanitaire déterminera quelles personnes-contacts présentent au final un risque potentiel d’infection selon sa grille statistique, et pourra enfin aboutir au troisième objectif de tout ce fouinage : « tester, tracer… isoler », selon la déclaration ministérielle du 28 avril. L’ensemble des présumés touchés par le virus vont donc recevoir l’injonction (par téléphone ou par une visite à domicile) de se faire tester en cessant immédiatement toute activité, puis d’effectuer une quarantaine de 14 jours si le test est positif, et de 3 jours s’il est négatif (par précaution) avec un second test ensuite. Quant à l’aspect répressif de contrôler si ces « cas-contacts » se font bien tester comme on le leur ordonne ou s’ils respectent bien leur quarantaine (surveillance téléphonique à distance, prise de température à domicile, bracelet électronique,…), tout cela sera bien sûr annoncé dans un deuxième temps, mais nul doute que tout réfractaire sera au minimum signalé par les Brigades Sanitaires aux autorités compétentes, à savoir l’Agence régionale de santé (ARS) qui travaille en étroite collaboration avec les préfectures et les forces de l’ordre.
L’avant-projet de loi qui sera présenté samedi 2 mai en Conseil des ministres prolongeant de deux mois supplémentaires l’état d’urgence sanitaire, a ainsi prévu un volet « quarantaine forcée et placement à l’isolement » lors « de l’arrivée sur le territoire national » ou lorsqu’un cas positif, en refusant de manière «réitérée» les prescriptions médicales d’isolement, crée «un risque grave de contaminer d’autres personnes». Le préfet pourra alors, sur proposition du directeur général de l’ARS, prononcer pour une durée de 14 jours la mise en quarantaine et le placement à l’isolement «par décision individuelle motivée». Et c’est là qu’on rejoint la déjà terrible normalité du pouvoir préfectoral d’avant le covid-19, avec par exemple la rétention administrative pour les étrangers sans-papiers ou l’internement d’office en HP (Soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État, SDRE).
Qui ? Les enquêteurs de l’Assurance maladie pourront être des médecins, des pompiers ou des infirmières… mais également des téléconseillers, des administratifs ou des commerciaux ! Pour recruter en masse au-delà des seules professions médicales – un personnel estimé à 30 000 personnes selon le Président du Conseil scientifique –, une mesure dérogatoire est déjà prévue dans la loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire de deux mois, donnant accès aux données médicales individuelles à un tas de fouineurs supplémentaires. Ce petit fichier temporaire (art. 6) qui peut « notamment comporter des données de santé et d’identification » devrait avoir pour finalité « la détermination des personnes infectées ou susceptibles de l’être, la collecte des informations nécessaires pour déterminer les personnes ayant été en contact avec ces dernières, l’organisation des examens de biologie médicale de dépistage», ainsi que « les prescriptions médicales d’isolement prophylactique des personnes».
Ailleurs, la Belgique se propose par exemple de recruter quelque 2 000 enquêteurs issus de la société civile, la Californie planifie une brigade de 20 000 « traceurs », et l’Allemagne qui vise 20 000 personnes songe à faire appel à l’armée en cas de besoin.
En plus. En cas de clusters (groupement de malades dans un même endroit géographique), ce sont directement les inspecteurs-en-chef de l’Agence régionale de santé qui s’occuperont avec moins de pincettes du traçage concentré de tous les cas contacts, à la place des sous-fifres départementaux. Enfin, un dispositif spécial pauvres/galériens/chômeurs et autres plus éloignés ou plus réticents avec les dispositifs médicaux a été pensé pour les Brigades Sanitaires. L’État va ainsi recruter et former une partie de ses enquêteurs au sein des CCAS des mairies et des départements, mais également dans « le milieu associatif » comme la Croix Rouge.
Selon Marc Zyltman, administrateur national de l’organisation, la Croix-Rouge va par exemple « mettre en place des équipes mobiles qui pourront effectuer des tests virologiques, le suivi sanitaire des personnes malades isolées, ainsi que participer aux enquêtes épidémiologiques. Pour cela, nos équipes sont en train d’être formées auprès de la direction générale de la santé.»
[Synthèse établie à partir de la presse quotidienne d’aujourd’hui]
Des “médias” disent maintenant :
” «brigade d’anges gardiens» ou «brigade d’ange gardiennes» ”
– au détour d’un des reportages français du pouvoir, on a vu que les brigades ne viennent pas que “sur demande” mais que ces brigades pratiquent des mesures d’espionnage massifs des données/résultats médicaux (hôpitaux, cliniques, médecine de ville((généraliste/spécialistes)), labo, pharmacie, infirmières libérales… )
[Une actualisation publiée le 3 mai 2020]
Gare au Brigades Sanitaires ! (suite)
Un conseil des ministres extraordinaire s’est tenu samedi 2 mai pour définir plus précisément le projet de loi qui sera voté ces prochains jours. D’une part il prolonge l’état d’urgence sanitaire de deux mois supplémentaires, du 24 mai au 24 juillet, d’autre part il définit le fonctionnement des flics en blouses blanches des Brigades Sanitaires.
Par rapport aux intentions initiales, qui avaient été résumées ici le 30 avril, la question de la quarantaine (quatorzaine, en réalité) et de l’isolement ont été revues. Pour tout voyageur arrivant de l’extérieur sur le territoire dominé par l’État français, « ou en provenance» des DOM-TOM et de Corse à l’intérieur des frontières, quelle que soit sa nationalité, la quarantaine sera obligatoire, indépendamment du résultat du test. En cas de symptômes, ce sera la mise à l’isolement forcée, et sinon (pour les cas dits « non symptomatiques« ) une quatorzaine simple (sic) ! Elle sera de quatorze jours, renouvelable une fois jusqu’à 30 jours, donc. Ce renouvellement pourra être choisi, mais surtout imposé par l’État via un préfet et un juge (JLD).
Concernant les cas positifs détectés et déjà présents sur le territoire, qui devraient être de 1000 à 5000 par jour selon leurs projections suite à des tests de masse, la personne devra répondre à toutes les questions sur ses « contacts » et s’isoler chez elle, ce qui entraînera la quarantaine de tous les cohabitants pendant quatorze jours, ou bien s’isoler dans un lieu choisi par l’État, qui ne seront pas exclusivement des hôtels réquisitionnés (selon la quantité de personnes concernées, l’État dispose d’une quantité de lieux autrement plus glauques pour contrôler et surveiller que les cas positifs restent bien isolés).
En cas de violation de quarantaine ou d’isolement, « il peut être prévu des mesures de contrainte s’ils refusent » a-t-il été précisé de façon lacunaire, mais aucun nouvel article de loi spécifique ne sera ajouté comme initialement prévu. On se souvient de toute façon qu’au début du confinement, plusieurs procureurs n’avaient pas hésité à engager des poursuites pénales pour « mise en danger de la vie d’autrui« , et qu’il n’est nul besoin de nouvel article, puisque l’arsenal existe déjà.
Concernant le traçage de tous les cas contacts (contact tracing, en novlangue), la fameuse appli StopCovid a pour l’instant du retard, et c’est plutôt vers le déploiement de Brigades Sanitaires massives que le pouvoir s’achemine. D’un côté, l’État va créer un nouveau fichier nommé Sidep, dans lequel les laboratoires de test renseigneront tous les cas positifs dès le départ, de l’autre un second fichier (pudiquement baptisé « base de donnée » ou « système d’information ») nommé Contact Covid, recensant les contacts croisés par les premiers et l’ensemble de leur suivi, y compris à moyen terme (jusqu’à un an). En termes législatifs, cela donne : « les données relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles peuvent être partagées, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées, dans le cadre d’un système d’information», y compris « le suivi médical et l’accompagnement de ces personnes pendant et après la fin de ces mesures. »
Ce deuxième fichier sera d’abord alimenté par les infirmières en hôpital ou tout centre de santé, ainsi qu’en cabinet par les médecins généralistes et les spécialistes afin d’identifier le premier cercle des contacts – ils toucheront « 55 euros par patient, comprenant à la fois la consultation et la saisie informatique des coordonnées des membres de la cellule familiale», « deux euros seront versés pour chaque contact supplémentaire identifié. Ce montant sera porté à quatre euros quand les coordonnées permettant de les joindre seront renseignées » ; puis le fichier sera alimenté par les enquêteurs des Brigades au niveau de la Sécu (Assurance Maladie) ou des associations et mairies (Croix Rouge et CCAS) sur la base d’interrogatoires poussés des cas positifs et des premiers contacts, afin de « vérifier qu’aucune personne potentiellement malade n’ait pu échapper aux premier tracing » ; et enfin par ceux de l’ARS lors de concentration géographique (les clusters). Du personnel non médical sera bien chargé de ces vastes enquêtes, interrogatoires et fichages, avec une dérogation accordée pour l’accès à des données médicales (« un nombre important d’intervenants« , selon les mots du ministre de la Santé, 30 000 évalués par le président du Conseil scientifique).
Plus globalement, pour « constater le non-respect des règles de l’urgence sanitaire et le sanctionner », les pouvoirs de police seront étendus à un paquet de sous-larbins armés : adjoints de sécurité, gendarmes adjoints volontaires, réservistes de la police et de la gendarmerie nationale (genre Benalla), agents de sécurité assermentés dans les transports, agents des services de l’autorité de la concurrence pour les commerce.
Sur le fonctionnement détaillé du dispositif de flicage par les Brigades Sanitaires nommées « Anges Gardiens » (triple sic) par l’État dans ses annonces, on peut également se reporter à la synthèse précédente.
[Synthèse établie à partir de la presse quotidienne d’hier et aujourd’hui]
https://demesure.noblogs.org/archives/2234
La première partie de ce texte contient beaucoup de procès d’intention. Factuellement, c’est uniquement sous réserve du consentement que ce fera le traçage. Donc il n’y a pas de problème pour les militants, ils pourront refuser.
Factuellement, un nouveau fichier sera créé, et ça c’est critiquable. En même temps il vaut mieux que les anges gardiens n’aient pas accès aux autres fichiers de renseignement. C’est mieux de créer un nouveau fichier avec le minimum d’informations dedans.
cette croyance que les gouvernements n’ont qu’une parole et en on quelque chose à faire du consentemement.
T’as pas du lire le rapport du conseil scientifique : “Si les usages volontaires sont à privilégier, des options obligatoires ne peuvent être écartées […]”. Tout est déjà en place pour que cette histoire de consentement saute, cf https://nantes.indymedia.org/articles/49781