La Convention citoyenne pour le climat, dont les travaux s’achèveront le 4 avril 2020, est censée en six week-ends de trois jours, apporter des réponses concrètes et législatives à la question: «Comment faire baisser d’au moins 40% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans un souci de justice sociale»?

Ces 150 personnes ont été en réalité choisies par un institut de sondage, Harris Interactive, selon leur âge, leur sexe, leur travail ou leur lieu de domicile afin de «respecter les grands équilibres de la société française». L’opacité de la procédure de choix est déjà une première limite au caractère démocratique de cette Convention.

Plusieurs entreprises ont été désignées pour contrôler le plus possible les débats: Res Publica[1]et Missions publiques[2]. Le comité de gouvernance, qui encadre le fonctionnement de la convention, est lui majoritairement un ramassis d’experts et de conseillers désignés par le pouvoir et proches de lui.

Pour les diriger dans leur réflexion, les participantes et participants ont écouté des intervenantes et intervenants. Par exemple, le week-end des 5 et 6 octobre 2019, sont intervenus la climatologue Valérie Masson-Delmotte, Laurent Berger de la CFDT, la ministre de la Transition écologique Élisabeth Borne, le PDG d’Aéroports de Paris et Anne Bringault du Réseau Action Climat.

Les participantes et participants peuvent aussi poser des questions à une équipe de chercheurs et à des experts devant garantir la faisabilité technique des mesures proposées. Au vue de tout cela, il apparaît évident qu’il est seulement demandé aux participantes et participants de choisir entre des solutions apportées sous la forme d’expertises. N’est évidemment pas abordé le fait que l’objectif proposé est notoirement insuffisant pour résoudre la crise climatique.

Malgré cela, ils sont nombreux à LREM à avoir peur de la Convention. «Si la copie est radicale et ne passe pas sous les fourches caudines de la démocratie représentative avant d’être examinée, on va se retrouver avec des demandes inapplicables, s’inquiète un pilier de la majorité[…]On peut donc craindre qu’à l’arrivée ils vont charger la barque, juge un pilier de la majorité»[3]. La mission de la Convention doit se terminer le 4 avril 2020, date à laquelle la Convention doit livrer ses préconisations. Mais les débats qui ont déjà eu lieu permettent de se faire une vague idée de ce qui pourrait en sortir.

Un fonctionnement très encadré

La participation de membres des classes populaires donne toutefois une tonalité particulière aux débats. Ça et là dans la presse on en décèle la trace. En premier lieu pour beaucoup c’est une découverte de la réalité: «Je ne pensais pas que la planète était aussi atteinte. Il faut trouver des solutions pour alerter les gens, dans les écoles, les facs, les usines»[4].

Et la question de la justice sociale semble s’imposer: «lors des deux premières sessions, on nous a beaucoup parlé de la taxe carbone, ce qui nous a donné l’impression qu’on voulait nous inciter à la garder. Je n’y suis pas favorable, parce qu’elle pénalise les plus pauvres»[5].

Les questions sont aussi abordées à partir de solutions concrètes. Par exemple dans le secteur du transport, la question d’une ligne de bus à hydrogène ou l’utilisation des gaz issus des restes alimentaires…

Plus problématiques quelques questions semblent émerger: Pourquoi les constructeurs fabriquent-ils des voitures toujours plus grosses et plus lourdes? Pourquoi le train est-il plus cher que l’avion? Pourquoi nous bourrent-on la tête de pub?

À mi-parcours de son mandat, de premiers éléments de propositions ont été rendus publics: faire évoluer la Constitution en faveur de l’environnement; développer l’éducation et la formation; réformer la politique agricole commune; réguler la publicité; modifier l’utilisation de la voiture individuelle; lutter contre l’artificialisation des sols en limitant l’étalement urbain; obliger les entreprises à faire un bilan carbone; financer l’investissement vers l’écologie pour modifier le modèle d’organisation industrielle; prolonger la durabilité des produits; recycler obligatoirement toute pièce plastique en 2025; gestion prévisionnelle des emplois vers la transition; traçage de l’impact carbone, notamment grâce au bilan comptable… Bref essentiellement un catalogue de mesures techniques.

Si Macron a affirmé que les mesures proposées seraient reprises sans filtre, par voie réglementaire, législative ou par référendum, il a tenu à préciser néanmoins que cela nécessitait qu’elles soient «précises, claires et détaillées». Édouard Philippe, a quant à lui, précisé que les mesures proposées devaient être «finançables».

Mais si la Convention ne correspond pas à ses attentes ? Il a précisé «”Je n’ai pas fait cet exercice pour en arriver là”. Il expliquera les raisons de la non-reprise de la mesure[…]. “Je défendrai une économie de marché libre et ouverte et je pense qu’elle est compatible avec l’écologie”»[6]. Et possiblement alors, les craintes de sa majorité se réaliseront.

Ne surtout pas remettre en cause l’économie de marché

Car le véritable enjeu politique pour Macron est de donner des gages de conversion à l’écologie. Et au lieu de servir de brosse à reluire du gouvernement cette initiative pourrait lui couter cher politiquement. Mais, imaginer que cette Convention pourrait inaugurer un tournant écologique du capitalisme en France relève de l’illusion…

[1] Res Publica est l’entreprise qui a été payée pour animer les conférences régionales de citoyens lors du «grand débat national».
[2] Missions publiques est cette entreprise qui a organisé les débats autour de la voiture sans conducteur et la ville du futur.
[3] Le Monde du 22 novembre 2019.
[4] Le Monde du 18 novembre 2019.
[5] Reporterre du 18 novembre 2019.
[6] Le Monde du 11 janvier 2020.