Soulèvement en iran : un appel
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Peu d’informations filtrent sur la répression massive menée par le gouvernement iranien contre les milliers de manifestants qui se sont soulevés ces dernières semaines. Nous recevons et diffusons cet appel à solidarité d’amis iraniens
« Nous protestons contre des problèmes qui font partie d’un système global. Nous avons atteint un niveau de crise tel que le système ne peut plus les contenir »
Un manifestant chilien
Notre monde est en feu. Non seulement les forêts mais aussi les villes brûlent à travers le monde. Les conflits sociaux de toutes sortes éclatent, répandant leurs flammes partout sur la planète. Algérie, Chili, Equateur, Haïti, Hong-Kong, Irak, Liban, Soudan, complétez la liste. Dans ce contexte global de luttes contre l’enfer social du capitalisme néolibéral et financiarisé, un autre soulèvement de masse a démarré, depuis le 15 novembre 2019, en Iran.
Il a fallu l’étincelle du triplement du prix des carburants pour que des dizaines de milliers d’Iraniens et d’Iraniennes, de plus de 100 localités à travers tout le pays, sortent dans la rue pour protester. Bien sûr, ce n’est pas en soi le prix des carburants qui a généré un soulèvement partagé aussi largement dans le pays et aussi massivement. Plutôt, c’est l’accumulation de quarante ans de l’oligarchie privilégié basée sur l’autoritarisme, exclusion systématique des opposants, dépossession et expropriation qui a fini par plonger des millions de personnes dans la pauvreté, le chômage, l’extrême précarité, les privant des conditions de base de vie (éducation, soins, alimentation et logement). Exactement de la même manière qu’une augmentation de 30 pesos sur les tarifs du métro a fait éclater la rage trop longtemps contenue au Chili, le prix du carburant en Iran a été l’étincelle du soulèvement récent en Iran (et c’est la même chose pour la taxe Whatsapp au Liban, l’annulation des subventions sur les carburants en Equateur etc). Comme l’exprime bien une affiche chilienne, « ce n’est pas une question de 30 pesos, c’est une question de 30 ans de néolibéralisme ».
Depuis vendredi, le peuple en Iran a courageusement affronté le personnel lourdement armé des Corps des Gardes de la Révolution Islamique du régime, ainsi que les voyous des milices armées en civil (connus sous le nom de Bassij) qui dépendent économiquement de ce même régime. Le peuple avait toute légitimité et tout le droit pour se défendre contre la violence d’État systématique, pour construire des barricades dans les rues, bloquer les autoroutes et occuper les rond-points et les places publiques. Les oublié-es et les invisibles de l’Iran se sont rendus visibles aux yeux du monde en mettant le feu. Le feu est à tous ces gens ce qu’est le gilet jaune pour les prolétaires et la population marginalisée et délaissée en France. Tous deux sont une voix pour les sans-voix. Tandis que la BBC en persan et consorts, y compris les forces réactionnaire loyales au régime, prétendent dicter au peuple la doctrine libérale de la « manifestation civile et pacifique », la jeunesse iranienne a bien compris le fait qu’« un peuple ne triomphe pas sans haine » et que « la force matérielle doit être renversée par la force matérielle », qu’elle a le droit légitime de se défendre contre la violence d’État qui vise le meurtre systématique des citoyennes et citoyens.
« Trop, c’est trop ! » est le message de celles et ceux du Sud [Global South] et même au-delà. Comme les étudiant-es l’ont chanté dans l’une des universités de Téhéran, « les gens en ont marre, assez de l’esclavage ». Comme nos sœurs et nos frères d’Irak et du Liban, le peuple iranien n’en peut plus et n’en veut plus de ce néolibéralisme autoritaire qui réduit leur vie à une existence quasi végétative, de cette corruption systématique inhérente au capitalisme de mafia et de l’impérialisme régionale [Sub-imperialism] de la République Islamique en Irak, au Liban, en Palestine, en Syrie, au Yémen et dans la région dans son ensemble. Il ne fait pas que s’opposer au triplement du prix des carburants mais bien à la République Islamique dans son ensemble. Aucun autre slogan, si bien chanté par nos camarades au Liban, ne peut mieux exprimer l’esprit des luttes dans la conjoncture actuelle : « Tous, ça veut dire tous ! » (??? ???? ???).
La main de fer, voilà quelle a été la réponse de la classe dirigeante à cette radicale et concrète négation de tous les pouvoirs existants. La violence systématique employée par la République Islamique pour paralyser le soulèvement a été d’une intensité et d’une ampleur sans précédent dans l’histoire. Les autorités ont complètement fermé Internet depuis 4 jours, transformant le pays en une immense boite noire afin de pouvoir massacrer le peuple en toute tranquillité. Selon Amnesty International, des centaines de personnes ont été blessées, des milliers arrêtées et « au moins 106 manifestant-es dans 21 villes ont été tué-es », même si « le nombre total de morts pourrait être bien supérieur, avec des témoignages et des rapports évoquant le chiffre de 200 personnes tuées ». De nombreuses vidéos montrent que la police tire directement et volontairement vers les manifestant-es, en visant les têtes et les poitrines, comme cela a déjà été observé avant en Irak. C’est le cas en particulier dans les provinces kurdes et arabes dont les peuples, discriminés, sont une nouvelle fois en première ligne de ce soulèvement et en paient le prix le plus élevé.
La République Islamique a, jusqu’à présent, réussi à atteindre ses objectifs. Ils ont profité de l’opportunité offerte par les sanctions étasuniennes pour réaliser leurs rêves néolibéraux, afin à la fois de combler le déficit actuel du budget et d’augmenter les opérations militaires dans la région. Pour ce faire, ils ont fermé Internet et en ont profité pour massacrer brutalement leurs opposant-es. Sur le plan international, il n’y a pas de couverture spécifique par les médias, pas de condamnation internationale de la répression d’État et très peu de solidarité de la gauche mondiale. En d’autres mots, le bain de sang se déroule en silence. Et les choses se déroulent ainsi parce que, là où les classes opprimées d’Iran et du Moyen-Orient n’ont aucune illusion sur le prétendu rôle « anti-impérialiste » de la République Islamique, beaucoup à gauche continuent à croire au vernis idéologique auto-proclamée du régime, qui se présente comme une force anti-impérialiste face aux Etats-Unis et à ses alliés dans la région. La gauche a besoin d’apprendre des classes opprimées pour opposer à la fois l’impérialisme des États-Unis (en particulier les sanctions américaines) et les interventions République islamique dans la région.
Nous, signataires du monde académique ou militant, invitons la gauche mondiale à briser son silence et à exprimer sa solidarité avec le peuple d’Iran et sa résistance. Selon nous, il est inutile de demander quoique ce soit à la République Islamique mais nous demandons que nos camarades du monde entier se positionnent, par tous les moyens possibles, comme les porte-voix des opprimé-es en Iran qui se retrouvent étouffé·es par l’isolement forcée. Nous appelons également la gauche internationale à condamner les atrocités du régime contre son propre peuple. Finalement, nous nous tenons aux côtés des manifestant-es iranien-nes qui réclament leur dignité en refusant l’austérité, l’autoritarisme, la militarisation de la société, ainsi que toutes les autres formes de domination qui limitent leur autonomie et leur liberté.
Liste des signataires :
Adrienne Bonnet (Comédienne/Metteure en scène )
Amin Hosouri (Leftist militant, Germany)
Antifascist Culture (Αντιφασιστικ?ς Πολιτισμ?ς, Greece)
Azadeh Shourmand (Feminist militant)
Dr. Angela Dimitrakaki (University of Edinburgh)
Behrang Pourhosseini (ATER Chargé de Cours au Département de Philosophie, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis)
Catherine Malabou
Clint Burnham (Professor and Chair of Graduate Program Department of English Simon Fraser University)
Cinzia Arruzza
Dinah Rajak (University of Sussex)
Dr Andrea Brock (Lecturer, University of Sussex)
Éric Alliez (Professor of Philosophy, Kingston University/Paris 8).
Éric Michaud (directeur d’études Ehess, Paris)
Etienne Balibar (Ancien Professeur à l’Université de Paris-Nanterre ; Anniversary Chair in the Center for Research in Modern European Philosophy (CRMEP), Kingston University.
Hostis Journal
Ivana Bago (Independent Scholar, Zagreb)
Jacob Rogozinski (philosopher, professor at Strasbourg University)
Jaleh Jane Mansour
Kaveh Kermanshahi (human rights activist)
Matthieu Renault (Associate Professor, University Paris 8)
Nicholas S.M. Matheou (Researcher at the Institute of Historical Research, University of London)
Jean-Christophe Goddard (Université de Toulouse Jean-Jaurès Coordinateur du Consortium Erasmus Mundus EuroPhilosophie)
Jean-Claude Bonne (directeur d’études École des Hautes Études en Science Sociale Paris)
Jeff Derksen
Jose Rosales (PhD candidate, Stony Brook University)
Judith Rodenbeck (Associate Professor Media & Cultural Studies University of California, Riverside)
Jules Falquet (Sociologist, feminist, Université de Paris)
Kamran Matin (Sussex University, International Relations Department)
Kollektiv aus Bremen (Germany)
Michael Hardt
Mariana Silver (Artist)
Nantes Révolté
Nara Cladera (Réseau syndical international de solidarité et de lutes)
Patricia Morton (Associate Professor, Media and Cultural Studies Department
University of California, Riverside).
Plateforme d’enquêtes militants
Plan C, Kurdistan Cluster
Peter Hallward (Professor of Philosophy, Kingston University)
Raymond Bellour (Directeur de recherche honoraire au CNRS)
Rose-Anne Gush (Lecturer in Art Theory/Art History, University of Applied Arts, Vienna.)
Rouen dans la rue
Sabine Bitter
Saman Aftabkaaran (independent researcher and militant)
Sanem Güvenç (Emily Carr University of Art and Design)
Sandro Chignola, Professeur (Università di Padova)
Sayg?n Salg?rl? (University of British Columbia)
SOAS Students Union
Tatiana Mellema, PhD student Art History UBC
Dr. T’ai Smith, University of British Columbia.
Trevor Stark, Assistant Professor of Art History, Department of Art, University of Calgary
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