Les mamans qui choisissent de porter un foulard sont une nouvelle fois la cible d’attaques discriminatoires et liberticides. Par un amendement sénatorial au projet de loi Blanquer, projet qui va déjà à l’encontre de l’école pour toutes et tous que nous souhaitons pour nos enfants, les mamans portant un foulard risquent d’être interdites de sorties scolaires.

La ficelle est trop grosse : afin de détourner notre regard des vrais problèmes sociaux, économiques et politiques, dans le contexte actuel que nous connaissons, on nous montre de nouveau du doigt des boucs émissaires, aujourd’hui les mamans portant un foulard. Le repli identitaire autour d’une identité française fantasmée, alors que la France a toujours été un pays de brassage et que c’est bien cela qui constitue sa richesse, est encore une fois la solution miracle. Qui peut croire que ce sont les mamans portant un foulard qui sont le problème en France ? Qui peut croire que des mamans qui essuient un refus d’accompagner les sorties scolaires, humiliées devant leurs enfants, constituent un risque pour le pays ? Qui peut prendre la mesure de cette humiliation sans imaginer la violence qu’elle représente pour les familles concernées ? Qui peut croire que le vivre ensemble passe encore par l’exclusion d’une catégorie de la population, les mamans portant un foulard, en raison de la manière dont elles choisissent de se vêtir ? Qui peut encore croire que le traumatisme produit chez leurs enfants n’aura pas de conséquence sur l’idée qu’ils se font de la laïcité, qui n’inclut plus et ne permet plus le vivre ensemble, mais au contraire exclut et discrimine ? Accepterons-nous encore une fois de faire de ces enfants et de leurs familles des parias de notre société ?

Cette position établit deux catégories de mères aux yeux des enseignants et des enfants : les mères dignes et les mères indignes de s’intégrer dans la communauté scolaire. Elle est insupportable car elle établit une inégalité entre mères fondée sur la religion. Elle remet en cause les fondements de l’école publique en opposant deux catégories d’élèves en fonction de la religion de leur famille. En s’attaquant aux mères musulmanes portant un foulard, le vote sénatorial pousse les discriminations jusqu’à l’ignominie.

L’Article 1. de la loi de 1905 sur la laïcité nous dit que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »

En clair, l’article 1. garantit le droit de tout citoyen d’exercer son culte, quelle que soit sa confession. Elle est une garantie contre toute persécution religieuse, contre toute tentative d’établir une discrimination entre les citoyens en fonction de leur religion.

Elle ne cantonne pas l’exercice de ses convictions à la sphère privée. La liberté de conscience et le libre exercice des cultes garantis par la loi supposent évidemment leur liberté d’expression. Une telle liberté qui ne pourrait s’affirmer que dans l’espace privé est un non-sens. Toute évocation d’une foi devant être cantonnée au privé, voire à l’intime, est contraire à la lettre et à l’esprit de la loi.

L’article 2. précise que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. » En clair, l’Etat est neutre, il ne doit  marquer aucune préférence ni pour une religion, ni pour l’absence de religion (athéisme). Et ses  représentants doivent l’être aussi, ce qui veut dire qu’ils doivent traiter également tous les citoyens, quelles que soient leurs convictions. Et, dans ce but, ils doivent eux-mêmes ne manifester aucune appartenance religieuse ou philosophique. 

Or, si l’Etat est neutre, l’espace public est un lieu de liberté d’expression ; toutes les opinions peuvent s’y exprimer, par la parole, par le vêtement… La seule restriction aux manifestations religieuses serait le danger de trouble à l’ordre public.

En 2013, le Conseil d’Etat a été saisi par le Défenseur des Droits sur l’accompagnement des sorties scolaires par les mères portant le foulard. La plus haute juridiction administrative a rendu son avis. Elle réaffirme clairement que les parents accompagnateurs ne sont pas soumis au devoir de neutralité de la fonction publique. En effet, les parents d’élèves sont des usagers du service public et non des agents de l’Etat.

La Haute Cour précise, néanmoins, que les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente à recommander aux parents de s’abstenir de manifester leurs appartenances ou croyances religieuses. Mais l’expression religieuse étant garantie aux usagers, le refus de laisser un parent accompagner une sortie devra être motivé et proportionnel. Le chef d’établissement devra prouver que le/la parent·e a occasionné des troubles au service. Or, on ne voit pas comment un foulard pourrait, à lui seul, perturber une sortie scolaire.

La Convention européenne des droits de l’homme, en son article 9, rappelle la liberté de conscience, de pensée et de religion, de même que l’article 14 interdit toute discrimination. Par ailleurs la Convention internationale des droits de l’enfant rappelle à diverses reprises que c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer. La France doit appliquer ces conventions internationales de manière pleine et entière.

Dans les quartiers populaires, interdire aux mamans portant un foulard d’accompagner les sorties scolaires de leurs enfants revient à interdire les sorties scolaires tout court. C’est inacceptable. Les droits des enfants sont bafoués, le principe d’égalité est violé et l’humiliation faite aux mamans constitue un traumatisme pour leurs enfants. Nous ne pouvons accepter que pour certains enfants la laïcité, complètement dévoyée, soit désormais synonyme de racisme. Les enfants doivent tous être égaux et les mamans toutes égales.

Ces mesures qui ne sont pas seulement vexatoires mais aussi préjudiciables à l’éducation des enfants, s’ajoutent à l’ensemble des discriminations subies dans tous les domaines par les citoyen·ne·s de confession musulmane tout au long de leur vie.

L’extension continue de la chasse aux musulman·e·s appelle une lutte ambitieuse : mobilisons-nous  contre les discriminations dont sont victimes des mères musulmanes, et plus largement contre toutes les attaques islamophobes et toutes les formes de racisme.

Nous ne devons pas laisser faire toutes ces remises en cause de la loi de 1905. Au nom du principe d’égalité, de laïcité inscrit dans la Constitution. Au nom du refus des persécutions religieuses inscrit dans la Déclaration universelle des droits humains de 1948 et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 2000. Au nom de la solidarité avec tous/toutes  les musulman·e·s de France. En les discriminant chaque jour un peu plus, c’est nous tous, quelles que soient nos croyances ou non-croyances, qui sommes concernés. Car la société qu’on veut imposer est de plus en plus totalitaire. 

Signataires : 

Mamans Toutes Egales

Avec le soutien de :

APSF (Association parents solidaires Fontenay)

Attac 

CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France)

CEL (Cercle des enseignant.es laïques )

Clappe (Collectif de luttes antiracistes et populaires des personnels de l’éducation)

Cedetim

CEF (Collectif éducation Fontenay)

CFPE (Collectif féministes pour l’égalité)

Collectif Irrécupérables

Collectif de défense des jeunes du Mantois

Commis?sion Islam & laïcité

DIEL (Droits ici et là-bas)

Fasti (Fédération des associations avec tou-te-s les immigré-e-s)

Femmes plurielles

Femmes en lutte 93

Femmes en Luth citoyennes à part entière

Femmes Gilets jaunes Ile-de-France

FFR (Filles et fils de la République)

Fondation Copernic

Identité plurielle

Lallab

Organisation de Femmes Egalité 

Panthères des ministères (les) (Association de lutte contre les discriminations dans les ministères sociaux)

Sorties scolaires avec nous

Sud Education 93

Musulmans et végétariens (collectif)

PSM (Participation et spiritualité musulmanes)

PACT (Participation Citoyenne)

Plateforme L.E.S Musulmans

UDMF (Union des démocrates musulmans de France)

ACORT (Assemblée citoyenne des originaires de Turquie)

AMDH Paris-IDF (Association marocaine des droits humains Paris-IDF) 

ATMF (Association des travailleurs maghrébins de France)

Bruxelles Panthères

CEELSPS (Collectif des étudiants étrangers de Lyon et sans papiers solidaires)

Collectif de soutien aux sans papiers 95 

CRLDHT (Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie)

DNSI 37 (Collectif D’ailleurs nous sommes d’Ici 37 )

FTCR (Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives) 

FUIQP (Front uni de l’immigration et des quartiers populaires)

Montreuil Palestine

La Révolution est en marche, mouvement citoyen

Section CGT de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration

Solidarité Palestine Argenteuil

UJFP (Union juive française pour la paix)

UNPA (Urgence notre police assassine)

AFA PB (Action antifasciste Paris-Banlieue)

Alternative libertaire

Ensemble! 

Le Mouvement Ecolo

NPA (Nouveau parti anticapitaliste)

Pacte (Parti antispéciste citoyen pour la transparence et l’éthique)

PIR (Parti des indigènes de la République)

https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/240519/le-senat-s-acharne-contre-les-meres-qui-portent-un-foulard