“le milieu est pavé de bonnes intentions”
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Local
Thèmes : Contrôle socialZad
Lieux : Notre-Dame-des-LandesZAD
Cette brochure est une compilation de trois textes écrits à la première personne pour parler des mécanismes de normalisation qui se sont joués sur la zad de NDDL dans cette fin de la lutte contre l’aéroport.
Il y a beaucoup à dire sur la stratégie de l’État pour faire rentrer dans les clous cette grosse épine qu’il avait dans le pied. Il y a beaucoup à dire sur la collaboration de quelques ex-zadistes pour se régulariser.
Leurs tentatives répétées à grands tirages servent à maquiller un retour sur investissement matériel en victoire politique. Pour qui accepte de le voir, cela montre suffisamment leur opportunisme, leurs choix et leurs
alliances.
En pleine expulsion de la partie en non-négociation de la zad, un des occupants aspirant-exploitant agricole de la ferme de St Jean du Tertre déclarait en conférence de presse : « Nous, on veut un retour à l’état de droit ». On ne peut être plus clair, et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Beaucoup de choses ont été et seront écrites la-dessus. Ici, nous avons choisi de nous concentrer sur ce qui a permis ce lent pourrissement du rapport de force interne au mouvement de lutte contre l’aéroport.
Comment les conflits politiques sur zone n’ont-ils pas éclatés en rupture frontale ?
Quels rôles ont fabriqué et entretenu cette pacification ?
Quelles leçons en tirer, ici et ailleurs ?
* L’ARNAQUE DES DEUX CLANS
Un texte écrit un an et quelques après l’abandon de l’aéroport et retravaillé depuis. Qui vient de ce que j’ai capté en vivant à la zad de NDDL les deux années précédent les expulsions et la période des expulsions elle-même (printemps 2018). J’utilise le terme «ex-zad» pour parler de ce qui reste après les expulsions de 2018 car il faut bien assumer la fin de ce que cet endroit a été.1C’est pas simple de faire le tri entre ce qui a existé et ce qui est toujours vrai à l’heure actuelle. Je suis loin de cette zone depuis juin 2018 et j’aidu coup une vision partielle de ce qui s’y passe actuellement. Ça ne m’empêche pas de vouloir continuer à démêler ce qui s’est joué là, que ça serve pour qui veut détruire l’autorité sous toutes ses formes,démasquer les crevures politiciennes et se méfier de la tendance à la pacification face à ça.J’essaie d’expliquer dans les détails, ça demande un certain effort vu la dose de colère et d’amertume qui m’habite à ce sujet. J’écris ça parce que j’ai envie de voir dans quels rôles chacun.e a pu se retrouver et en tirer de la compréhension, de la critique au-delà des enjeux inter-personnels. Et si je dis au-delà c’est pas pour minimiser ou dénigrer la colère qui s’exprime contre des individu.e.s mais c’est pour ne pas en rester là et regarder un peu plus largement des dynamiques qui se répètent à plein d’échelles.Ça va parler du groupe qui est devenu dominant les dernières années (le CMDO et ses potes) mais aussi des personnes du «milieu» comme on dit, celleux qui ont pris des rôles de tampons, de médiation. J’ai besoin de parler de ça aujourd’hui pour péter la vision de deux clans, montrer la complexité des enjeux et des stratégies.2
– «Non mais tu sais, moi j’ai des liens des deux côtés…»
Les discussions que j’ai autour de moi au sujet de ce qu’il s’est passé et continue encore sur l’ex-zad de NDDL tournent parfois court quand la personne avec qui je parle me dit cette phrase. Alors j’me suis dit que ça valait le coup de dire pourquoi c’est très réducteur et carrément distordu de résumer la situation à un conflit entre deux clans, avec au milieu celleux qui feraient les intermédiaires. Cette vision qui tend vers le binaire et le symétrique est aussi nourrie par des personnes habitantes de l’ex-zad ou ex-occupantes.Je vais tenter d’éclaircir tout ça… mettre un peu de complexité là-dedans, essayer de visibiliser les rapports de force en place.
La vision des deux clans :
pour moi, c’est une manière de voir ce qu’il s’est passé sur la zad comme un conflit entre deux parties plus ou moins égales. Comme dans un conflit entre deux personnes, chacun.e.sauraient (éventuellement) des torts partagés et il s’agirait de les démêler.
L’affect, les amitiés pourraient aussi s’en mêler. Et des «personnes extérieures» pourraient décider de ne pas s’en occuper parce que c’esttrop compliqué, que c’est des désaccords entre personnes qui ont partagé le fait d’occuper ce lieu et que des personnes dites «extérieures»pourraient se considérer comme pas légitimes à prendre parti. Le souci là-dedans, ce qui me fait rager quand j’entends ça, c’est qu’iln’y a pas eu deux «clans» à la zad et que c’est soit naïf, soitmalhonnête, soit pas conséquent de calquer une situation de conflit entre deux parties distinctes à cet endroit. C’est une manière de simplifier les choses sans chercher à comprendre ce qu’il s’est passé ces dernières années sur zone. Une manière de dépolitiser en mettant tout lemonde sur un même plan, sans prendre en compte le rapport aux normes, aux oppressions systémiques1. Comme un déni de l’asymétrie des forces en présence et de l’opportunisme du groupe dominant2. C’est une manière de passer sous silence les perspectives / enjeux /stratégies / ressources de chacun.e.s. Ça permet ainsi de ne pas se positionner, de ne pas se mouiller de trop dans l’affaire.
De ne pas analyser ce qu’il s’y passe en termes politiques voir de se suffire de ce qu’en dit le groupe dominant, à savoir que ce sont des «embrouilles entretenues par des personnes qui ont une certaine passion pour la défaite».
En bref, c’est tout sauf une base correcte pour se positionner,se solidariser ou attaquer.Et oui, tristement mais tellement banal dans ce monde, il y a bien un groupe qu’on peut définir comme dominant. Et les autres c’est qui alors? Et bah l’ensemble des personnes qui n’en font pas partie. Qui ne se sont pas choisies et qui s’en sortent plus ou moins bien selon leurs stratégies diverses.
LES FORCES EN PRÉSENCE: un groupe qui centralise, celleux qui ne font pas partie du groupe et des intermédiaires.Là je vais parler essentiellement des dynamiques entre occupant.e.sde la zad, les deux années avant les expulsions de 2018. Pour pas trop m’emmêler les pinceaux, je vais décrire ces dynamiques en utilisant leprésent, comme une photo de ce que j’ai vu. Je ne sais pas précisément ce qu’il en reste aujourd’hui. Ce que je vois de loin c’est que ces dynamiques-là ont pris (quasi) toute la place, le groupe centralisateur (leCMDO & Co) étant devenu majoritaire et sa stratégie se déployant sans trop de limites, ni de honte d’ailleurs. Peut-être un léger sentiment de gène les anime-t-ils? L’histoire ne le dit pas. L’argent récolté en ce moment sur le dos de cette lutte doit aider à se sentir légitime, droit.e.s dans ses bottes de nouvel exploitant.e agricole… (ceci est du cynisme). Je mets plus loin deux dessins qui tentent de visualiser les forces en présence, peut être ça aide pour comprendre.Alors que la lutte de la zad avait clairement des perspectives anti-autoritaires de ses débuts jusqu’aux expulsions, on a eu affaire les dernières années a une centralisation grandissante de la lutte contre l’aéroport autour du CMDO1.
Une description rapide s’impose : Ses membres véhiculent une image de « jeune agriculteur / trice travailleur / travailleuse », comme dirait quelqu’un.e2. Sa perspective première: tenter d’arracher une victoire parla mobilisation de masse, la lutte symbolique et juridique. Ce groupe a ainsi poussé à l’abandon du projet tout en préparant dans un même mouvement une stratégie de légalisation pour rester sur zone après la«victoire»3. Pour ça, il compose et se situe comme interface à l’intérieur de la zad pour les orgas citoyennistes et COPAIN. Il communique dans les médias, cherche à montrer une image polie de la zad, acceptable par la «société civile»1. Il monte des évènements et des projets sur zone allant dans ce sens. C’est un groupe hiérarchique,qui s’appuie sur les normes de ce monde pour être efficace, captant la gauche classique, les réseaux écologistes – alternatifs mais aussi des réseaux militants attirés par sa capacité logistique, sa capacité à mobiliser et à communiquer dans les médias. Par un romantisme militant qui plaît , qui parle à la classe moyenne voir bourgeoise. C’estun groupe qui apparaît sérieux dans le sens où un de ses crédos c’est un certain réalisme politique, réalisme qui balaie les éthiques révolutionnaires d’autres, réalisme qui met en avant l’efficacité, la productivité, le nombre. Il se veut aussi «sexy», par une prose révolutionaro-romantique émeutière. Des membres du CMDO peuvent ainsi appeler à foutre le zbeul en ville le samedi et le lundi être dans le bureau de la préfète (et d’y trouver de la cohérence politique). Qu’importe les moyens, la fin est de gagner en puissssaaaannnce(musique de film d’action en arrière plan). C’est un groupe autoritaire. Si des critiques apparaissent, il les disqualifie en parlant de «purisme». Ce groupe, je le vois comme un noyau fait de différentes couches hiérarchiques.
Il est soutenu et renforcé par tout un réseau d’associations citoyennes, d’agriculteurs, de militant.e.s. Qui elleux-mêmes sont soutenu.e.s pour certain.e.s par des partis politiques ou d’autres grosses orgas. Le 2ème dessin (la coupe transversale) essaie de montrer ça. C’est pas à l’échelle, y aurait sûrement d’autres acteurs à ajouter. C’est une manière de montrer ce que j’ai dans la tête quand je parle de réseau qui soutient.C’est un noyau qui est en mouvement perpétuel pour arriver à ses fins. Au sein de la zad, il entraîne dans son sillage des personnes qui sont attirées par lui, par son organisation, sa vitrine de «celleux qui se bougent» vs «celleux qui réflechissent tout le temps et ne font rien». Il y a aussi des personnes ou des groupes qui ne voient pas vraiment le souci, qui acceptent du coup de participer à certain.e.s de leurs initiatives comme faire la cantine, accueillir des réunions, héberger des personnes. Comme ielles le feraient pour toute proposition venant d’occupant.e.s sans marquer de rupture avec ce groupe-là1. En-dehors il y a les personnes qui veulent amoindrir l’impact de ce groupe dominant, en allant dans les AG ou réus des habitant.e.s pour pas leur laisser toute la place, en prenant une position critique. Enparticipant quand même à leurs évènements ou décisions en espérant faire entendre une voix différente. Dans ce cas là on entre dans unespace où la remise en question des régles du jeu n’a pas sa place, où ona zéro prise, où on est contre ce qui est en train de se passer. (Je dis«on» car je me reconnais dans cette tentative-là, jusqu’à ne plustrouver de sens à faire ça). On va se mettre dans une position de courir derrière en criant (plus ou moins)fort. Ou en faisant entendre une analyse perspicace de la situation pour celleux qui arrivent à ne passe faire balader les neurones pendant une AG ou en réu. En espérant que ça suffise à faire que le groupe dominant se remette en question.Petit à petit certain.e.s vont se fatiguer d’être dans la réaction permanente. Ou s’énerver plus. Ou partir. D’autres vont devenir des intermédiaires reconnus entre ce noyau et le reste des occupant.e.s. J’en cause plus loin dans la partie «le travail de médiation». Comme dans tout club de dominant.e.s, ça demande un certain «passing» pour y être accueilli. A l’extérieur du noyau et de celleux qui gravitent autour, on trouve toutes les personnes sur zone qui choisissent de se tenir à distance et / ou qui sont de fait exclu.e.s. Ça devient possible de rejoindre le club, quand, en temps de«crise», le groupe central recrute des personnes qui peuvent lui être utile d’une manière ou d’une autre, soit pour ses compétences, soit pour servir de caution et flouter les contours du noyau.
merci pour ces textes qui mettent des mots sur ce que je me pris dans la gueule sur place
c’est decevant on est encore une fois moins cité.es que le CMDO.
quelques habitant.es de C.H.I.P.S
Même si la situation sur place de NDDL ZAD semble complexe avec des attitudes d’entre-deux, trahisons, de médiation, d’intermédiaires, retournement, infiltration…
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