Nous avons récemment publié sur notre blog, au fur et à mesure que nous en prenions connaissance et qu’ils nous parvenaient, des documents produits par et autour du mouvement des « gilets jaunes » qui secoue la France depuis plusieurs semaines. Ce qui suit est une sorte d’introduction à l’ensemble de ces matériaux (introduction que nous publions habituellement avant, il est vrai).

Nous ne reviendrons pas sur l’histoire du mouvement, sur des événements ou des expressions particulières. Nous pouvons renvoyer les lecteurs intéressés vers différents sites web et blogs qui assument très bien cette tâche.

Ce dont nous voudrions parler ici, c’est de la manière dont nous abordons ce mouvement, comment nous l’analysons, comment nous évaluons son importance dans le cadre de la lutte des classes. Et nous ne voulons pas cacher que divers articles crachant sur ce mouvement produits et reproduits par beaucoup de groupes d’ultragauche ont été une inspiration (négative) pour cette contribution, ce que nous pourrions appeler : « Que NE PAS faire ».

Malgré que nous soyons conscients des nombreuses faiblesses exprimées par le mouvement et que nous soyons les premiers à les critiquer, nous pouvons difficilement être d’accord avec la méthodologie utilisée par ces groupes – méthodologie qui limite le mouvement uniquement à ces faiblesses, qui généralise ces points faibles et ces illusions exprimées seulement par une partie des « gilets jaunes » comme si c’était la nature du mouvement, bref une analyse saisissant la classe comme une chose statique, sociologique, mécanique…

Nous n’allons pas passer en revue tous les arguments utilisés par l’ultragauche contre les « gilets jaunes », mais nous devons au moins mentionner les plus absurdes pour y répondre, pour remettre ce mouvement à sa juste place dans la lutte des classes, pour le remettre sur ses jambes et qu’il ne marche plus sur la tête…

 

Deux conceptions de la classe : le prolétariat en tant qu’entité sociologique versus le prolétariat en tant que force en lutte

Beaucoup de ceux qui méprisent le mouvement des « gilets jaunes » prétendent qu’il s’agit d’un mouvement interclassiste, un mélange de bourgeoisie et de prolétariat, une multitude d’intérêts et de programmes historiquement opposés. Un tel point de vue est basé sur une définition sociologique de la classe ouvrière : prolétaire = ouvrier, voire même ouvrier d’usine si possible.

Pour nous, le prolétariat n’est pas un groupe statique d’individus définis par leur salaire, mais plutôt une entité qui se structure dans la lutte et à travers la lutte, une force qui n’existe qu’en tant que potentialité durant les périodes de paix sociale et qui ne se transforme en une force réelle que dans la lutte, trempée dans son programme historique qu’elle exprime partiellement dans tout conflit avec le Capital.

Nous définissons bien sûr le prolétariat comme la classe exploitée, mais nous ne nous laissons pas berner par de nouvelles formes de statuts sociaux que le capital invente pour être plus flexible, plus rentable. Tous ces petits commerçants, indépendants et cols blancs qui dérangent tant les « petits malins » de l’ultragauche partagent exactement les mêmes conditions de vie (parfois même pires), les mêmes problèmes, la même misère que les « prolétaires purs ».

C’est en fait une stratégie très réussie du Capital et de sa démocratie que de dissimuler différentes catégories du prolétariat sous le masque de différentes couches de la société afin d’empêcher la classe de se reconnaître, de s’unir. Et d’en présenter d’autres, qui sont en effet formellement des salariés, comme s’ils étaient des prolétaires, même s’ils restent objectivement de l’autre côté de la barricade.

Le développement même de la démocratie se charge de cacher l’importance actuelle de la simplification/exacerbation des contradictions du capitalisme en effaçant en permanence les frontières de classe. Cela se voit ou s’est vu affirmé par des formes idéologiques spécifiques qui développent la confusion la plus complète et principalement celles basées sur un ensemble complexe de statuts formels et juridiques qui diviseraient la société – non pas en deux classes antagoniques – mais en un nombre indéterminé de catégories plus ou moins floues et élastiques.

Ainsi, par exemple, à un pôle de la société, un ensemble de formes juridiques pseudo-salariales tendent de camoufler la nature bourgeoise de structures entières de l’État. C’est le cas par exemple, des officiers de l’armée ou de la police, des haut-gradés de l’administration ou des entreprises, des bureaucrates de tout type… qui, sous ce couvert, sont rangés dans des catégories neutres, sans appartenance de classe ou, pire encore, sont assimilés à des « couches ouvrières ».

A l’autre extrême de la société se produit le phénomène complémentaire : un ensemble de formes juridiques de pseudo-propriété – coopératives « paysannes », réformes agraires, artisanats,… – camouflent objectivement l’existence d’immenses masses de prolétaires associées par le capital pour produire de la survaleur (c’est-à-dire dont le caractère salarial est déguisé).

Ce mécanisme, comme tant d’autres, tend à nous présenter comme opposés et comme ayant des intérêts particuliers, les différents secteurs du prolétariat : urbains/agricoles, actifs/sans travail, hommes/femmes, « ouvriers »/employés, travailleurs manuels/intellectuels… [GCI, Thèses d’Orientation Programmatique, thèse n°14]

Enfin, la preuve ultime de la position sociale de ceux que certains gauchistes refusent d’appeler des prolétaires (la liste varie selon les groupes mais on peut retrouver cette approche vis-à-vis des indépendants, petits propriétaires, chômeurs, retraités, etc.), c’est le fait que la présence de ces couches sociales dans le mouvement ne change rien au programme du mouvement. Ces groupes de prolétaires « impurs » n’imposent aucun agenda de la petite bourgeoisie (comme certains voudraient nous persuader que c’est là leur intention), au contraire, ils rejoignent et développent la critique prolétarienne, le programme prolétarien.

Au lieu de ces pseudo-analyses sociologiques qui continuent d’occuper les gauchistes, le mouvement s’articule plutôt en se définissant comme une classe antagoniste à la classe bourgeoise, à la société bourgeoise :

Nous, travailleurs, chômeurs, retraités, nous vivons du salaire (y compris déguisé en chiffre d’affaire pour les auto-entrepreneurs) et des allocs. Ce salaire et ces allocs, on les obtient en vendant notre force de travail à un patron. Et c’est grâce à ça qu’il arrive à se faire de la thune, c’est grâce à ça que l’économie roule, sur notre dos. On peut comprendre les appels à l’unité au sein des gilets jaunes. Mais quand cette unité signifie marcher avec ceux qui nous exploitent au quotidien et avec leurs représentants politiques ce n’est plus de l’unité, c’est de la domestication. En réalité, nos intérêts sont irréconciliables et cela s’exprime aussi au niveau des revendications. [Jaune – Le journal pour gagner]

Un autre argument courant que certains gauchistes utilisent, c’est que les « gilets jaunes » ne sont pas un mouvement prolétarien, parce qu’ils représentent une minorité, parce que la majorité de la classe n’y participe pas. Mais cette logique est complètement à l’envers. Nous pouvons difficilement reprocher à ceux qui luttent que les autres ne le font pas. Oui, le mouvement doit se répandre et se généraliser, oui, le reste de la classe doit s’arrêter de le regarder à la télévision ou d’en discuter sur Facebook, il doit le rejoindre dans la pratique. Et les « gilets jaunes » en sont assez conscients car on peut lire de nouveaux appels au reste de la classe pour les rejoindre.

Cependant, ce n’est pas la quantité qui peut être une mesure pour savoir si quelque chose est prolétarien ou non. Le mouvement s’est en effet développé depuis le début en nombre mais surtout dans son contenu. Les « gilets jaunes » ont dépassé, grâce à l’afflux des travailleurs et des chômeurs qui les ont rejoints, la forme originale d’un mouvement contre les impôts et ils continuent à créer un mouvement contre nos conditions de vie, devenant une lame de fond qui ébranle toute la société, en France du moins.

Tout ce qui s’est vécu et continue de se vivre sur les ronds-points, les blocages ou les émeutes, a permis à tout un peuple de retrouver sa capacité politique, c’est à dire, sa capacité d’agir que même un RIC ne pourra pas contenir. [Gilets Jaunes. Fin de première manche ?]

Et c’est ce contenu (qui s’inscrit tendanciellement dans le processus de négation pratique et théorique de l’État bourgeois, de l’économie, de l’idéologie…) qui le définit comme un mouvement prolétarien au-delà de la conscience de ses protagonistes, au-delà des drapeaux qu’ils agitent.

Tout le secret de la perpétuation de la domination bourgeoise peut ainsi se résumer à la difficulté du prolétariat à se reconnaître pour ce qu’il est réellement ; à reconnaître dans la lutte de ses frères de classe (dans quelque partie du monde que cela soit et quelles que soient les catégories dans lesquelles la bourgeoisie le divise) sa propre lutte, condition indispensable à sa constitution en force historique. [GCI, Thèses d’Orientation Programmatique, idem]

Ce n’est pas un hasard si ceux qui ont du mal à voir le prolétariat dans les « gilets jaunes » sont finalement ceux qui ont difficile à voir notre classe dans les révoltes des jeunes en banlieue ou les soulèvements hors d’Europe. Comme l’un des textes que nous publions le dit :

La plupart des camarades hostiles à la mobilisation des gilets jaunes le sont avant tout parce qu’ils ont choisi de ne pas faire la séparation entre ce qui est dit (discours de légitimité très médiatisé) et ce qui est fait (les pratiques que les différents blocages énoncent). [Gilet ou gilet pas ? Il faut de l’essence pour tout cramer]

Ils limitent le mouvement à ses faiblesses et ses idéologies sans voir le processus de leur dépassement.

L’histoire des luttes de notre classe nous montre que beaucoup de mouvements prolétariens similaires, surtout lorsqu’ils proviennent de l’extérieur des lieux de travail et ne sont donc pas directement confrontés à la production de marchandises, ont tendance à débuter avec des revendications liées à nos intérêts de classe d’une manière confuse. Tant que leur dynamique est sur une courbe ascendante, tant qu’ils attirent des prolétaires au-delà des frontières sectorielles et sociologiques que nous impose le Capital, tant que s’intensifie la confrontation avec l’État dans ses multiples incarnations, la nature de classe du mouvement devient de plus en plus claire.

Ceci conduit à la cristallisation de deux courants opposés dans le mouvement. Le courant prolétarien – qui jusqu’à présent a le dessus à l’intérieur du mouvement – pousse à des ruptures toujours plus profondes avec la société capitaliste : pas de dialogue avec la classe dirigeante, affirmation explicite de l’affrontement violent avec les forces répressives, tentatives d’étendre la lutte sur les lieux de travail, tentatives d’internationalisation de la lutte, etc. Un autre courant, social-démocrate celui-là, tente de pacifier la lutte et de la ramener dans le cadre démocratique de la citoyenneté – dans ce cas, représenté par toutes ces « vedettes médiatiques » provenant des rangs des « gilets jaunes », tous ces petits « leaders » qui tentent de transformer le mouvement en parti politique ou en syndicat, ou de le relier aux partis et syndicats existants, tous ces appels au référendum et aux révélations patriotiques.

Nous voulons souligner que la constitution du prolétariat en classe est un processus, un processus de lutte, un processus dans lequel notre classe clarifie sa position en tant que classe n’ayant qu’un seul et unique intérêt à défendre, un processus de rupture d’avec l’idéologie bourgeoise et ses forces matérielles :

Ce colosse ne sait plus comment il s’appelle, ne se souvient plus de son histoire glorieuse, ne connaît pas le monde où il ouvre les yeux. Pourtant, il découvre, à mesure qu’elle se réactive, l’ampleur de sa propre puissance. Des mots lui sont soufflés par de faux amis, geôliers de ses songes. Il les répète : « français », « peuple », « citoyen » ! Mais en les prononçant, les images qui reviennent confusément du fond de sa mémoire jettent un trouble. Ces mots se sont usés dans les caniveaux de la misère, sur les barricades, les champs de bataille, lors des grèves, au sein des prisons. C’est qu’ils sont du langage d’un adversaire redoutable, l’ennemi de l’humanité qui, depuis deux siècles, manie magistralement la peur, la force et la propagande. Ce parasite mortel, ce vampire social, c’est le capitalisme !

Nous ne sommes pas cette « communauté de destin », fière de son « identité », pleine de mythes nationaux, qui n’a pas su résister à l’histoire sociale. Nous ne sommes pas français.

Nous ne sommes pas cette masse faite de « petites gens » prête à s’allier avec ses maîtres pourvu qu’elle soit « bien gouvernée ». Nous ne sommes pas le peuple.

Nous ne sommes pas cet agrégat d’individus qui ne doivent leur existence que par la reconnaissance de l’État et pour sa perpétuation. Nous ne sommes pas des citoyens.

Nous sommes ceux qui sont obligés de vendre leur force de travail pour survivre, ceux dont la bourgeoisie tire ses profits en les dominant et en les exploitant. Nous sommes ceux que le capital, dans sa stratégie de survie, piétine, sacrifie, condamne. Nous sommes cette force collective qui va abolir toutes les classes sociales. Nous sommes le prolétariat. [Appel de « Gilets Jaunes » de l’Est Parisien]

 

« Blocage de l’économie » versus sa destruction

Beaucoup reprochent aussi au mouvement le fait qu’il ne fait pas réellement de mal à l’économie, qu’il ne bloque pas le flux des capitaux. Et un autre argument suit logiquement : il ne se développe pas sur les lieux de travail, donc il n’a rien à voir avec la façon dont les travailleurs s’organisent.

Rappelons tout d’abord que le mouvement n’est pas sans effet pour l’économie capitaliste. Les barrages sympathiques des ronds-points, tous ces gens qui dorment et se les gèlent sous des tentes, ne changeront sûrement rien. Mais n’oublions pas qu’il y a eu aussi des occupations réussies et des blocages de dépôts d’essence qui ont provoqué (trop peu de temps malheureusement) une pénurie de produits pétroliers et donc une panique sur le marché. N’oublions pas que les « gilets jaunes » ont également occupé de nombreux points de péage, laissant les gens emprunter les autoroutes gratuitement, ils ont aussi détruit des milliers de radars sur les routes de France. Et n’oublions pas non plus les émeutes, les destructions spectaculaires dans les centres-villes et les divers pillages qui représentent aussi un certain niveau d’attaque directe contre le capital, et donc réappropriation d’une petite partie de la richesse sociale produite par notre classe, par nous autres prolétaires, juste un minuscule et infime moment du processus général d’expropriation des expropriateurs, de négation de la propriété privée des capitalistes [“Gilets jaunes” – La lutte continue]. En d’autres termes, les « gilets jaunes » ont fait beaucoup plus de mal à l’économie qu’aucune grève générale syndicaliste négociée et préparée avec les patrons longtemps à l’avance.

Mais bien sûr, tout cela n’est pas suffisant. Si le mouvement veut survivre, se renforcer, généraliser et développer sa critique pratique jusqu’aux conséquences ultimes, il doit aller plus loin. Et en effet pour cela, il doit s’organiser aussi sur les lieux de travail. Jusqu’à présent, ce n’était pas facile :

Le mouvement des gilets jaunes s’arrête aux portes des entreprises, c’est-à-dire là où commence le règne totalitaire du patronat. Ce phénomène résulte de différents facteurs. Retenons-en trois : 1) L’atomisation de la production, qui voit un grand nombre de salariés travailler dans des (très) petites entreprises où la proximité avec l’employeur rend très difficile la possibilité de faire grève. 2) La précarité d’une grande partie des salariés, qui détériore gravement leur capacité à assumer une conflictualité dans les boîtes. 3) L’exclusion et le chômage, qui placent en dehors de la production bon nombre de prolétaires. Une grande partie des gilets jaunes est directement concernée par au moins l’une de ces trois déterminations.

L’autre composante du salariat, celle qui bosse dans les grandes sociétés et qui dispose d’une meilleure sécurité de l’emploi (CDI et statut) paraît être sous cloche, sur laquelle la puissante force du mouvement se rompt comme la vague sur le rocher. Un traitement particulier, composé d’efficience managériale et de honteuse collaboration syndicale, est réservée à cette frange de la population travailleuse. La bourgeoisie a bien compris que cette catégorie des travailleurs a le pouvoir de frapper la production capitaliste en son cœur, par la grève générale illimitée. C’est pour cela qu’elle consolide la pacification en donnant des sussucres en formes de « primes de fin d’année exceptionnelles ». [Appel de « Gilets Jaunes » de l’Est Parisien]

Mais la question est encore plus complexe. Une action « en usine » n’est pas une garantie de quoi que ce soit et la grève n’est pas synonyme d’une action révolutionnaire car c’est son contenu qui détermine son caractère. Des grèves de type syndical pour quelques miettes, « lorsque la situation de l’entreprise le permet », ne changeraient rien, même si elles échappaient au contrôle des syndicats, si elles étaient organisées par les travailleurs eux-mêmes ou si elles représentaient un pas vers la mystérieuse « autonomie ouvrière » (au sein du capitalisme) que ses partisans veulent construire par une multiplication de revendications.

L’organisation sur les lieux de travail ne peut pas être mise en opposition avec la nécessité de s’organiser sur une base de classe également à l’extérieur, dans toute la société. Faire cela signifie suivre la même logique que celle qu’applique la bourgeoisie afin de diviser le mouvement en bons travailleurs (dans les usines) et mauvais émeutiers (dans les rues). La citation qui suit à ce sujet pourrait être aisément désignée comme une véritable perle de la bourgeoisie bien que provenant d’un groupe qui se revendique « du communisme » :

Les centres-villes sont un décor formidable pour la télévision et l’Internet mais ils sont totalement opaques et désincarnés quand il s’agit de frapper la chaîne de la valorisation du capital. Les pillages et les dégradations de ces centres-villes opulents sont des actes étrangers et parfois même hostiles aux centaines de milliers de travailleurs, le plus souvent pauvres, qui y sont exploités. Les protagonistes de ces actions violentes agissent comme des guerriers contre les futures luttes offensives du prolétariat, contre son autonomie, contre sa lutte contre l’exploitation et l’oppression. Ils doivent être considérés comme des supplétifs des forces armées de la bourgeoisie et des soutiens objectifs de l’ordre et de l’État et du capital. [Mouvement Communiste/Kolektivn? proti Kapit?lu, GILETS JAUNES : Premières tentatives à chaud de formation du peuple pour un État encore plus fort et contre le prolétariat]

Quand l’ignoble le dispute à l’abject !!! Soulignons également que nous pourrions démultiplier à l’infini, ad nauseam, de telles citations d’ultragauchistes qui s’autoproclament « avant-garde » du prolétariat révolutionnaire mais qui ne sont juste capables que de (dé)montrer où objectivement ils se situent et ce qu’ils défendent face à un mouvement de lutte qui ne correspond pas à leur écran de fumée idéologique et rhétorique… Nous ne les appelons en aucun cas à saisir plus dialectiquement la matière sociale et les processus de la guerre de classe qui se développe juste devant nos yeux. Nous disons simplement que leurs prises de position écœurantes les placent de l’autre côté de la barricade sociale, avec nos ennemis, et que le prolétariat, lorsqu’il se soulèvera globalement, devra passer sur leurs cadavres…

Mais continuons maintenant avec ce que nous disions plus haut, l’action sur les lieux de travail est nécessaire, non pas pour négocier un petit quelque chose pour les travailleurs de telle ou telle entreprise ou telle branche industrielle, mais pour proposer un contenu radical. Il ne s’agit donc pas d’une grève, ni même d’une grève générale, il ne s’agit pas seulement de bloquer l’économie, mais de prendre le contrôle de la production et la transformer pour satisfaire les besoins du mouvement et détruire la logique du marché et de la valeur qui est la cause de ce mouvement.

Nous devons employer l’extraordinaire force doublée de détermination que ce mouvement développe pour réaliser ce que des millions d’exploités souhaitent depuis tant d’années, sans jamais y être parvenus : paralyser la production de l’intérieur, décider des grèves et de leur coordination en assemblées générales, unir toutes les catégories de salariés, dans une même optique de renversement du système capitaliste et de réappropriation de l’appareil de production. [Appel de « Gilets Jaunes » de l’Est Parisien]

Mais nous n’en sommes pas encore là et il n’est pas sûr que le mouvement puisse aller aussi loin.

 

Les « gilets jaunes » sont un mouvement contradictoire, mais certainement pas contre-révolutionnaire

Plus tôt dans ce texte, nous avons parlé de la constitution du prolétariat en classe aussi bien qu’en tant que processus de ruptures. Ce processus comprend nécessairement une série permanente d’affrontements entre la classe qui est en train de s’affirmer, sa conscience ré-émergeante obtenue dans et par la lutte pratique, et la fausse conscience profondément enracinée dans l’esprit de chaque individu, fausse conscience qui est la pierre angulaire de toute fausse communauté de « citoyens », de « peuple » ou de « nation ». Il serait fou de s’attendre à ce que tout mouvement puisse passer outre ce processus de développement des ruptures et avoir une conscience de classe claire dès le début, et il serait également fou de condamner un mouvement parce qu’il ne l’a pas à un certain stade de son existence. Ce qui est important, c’est que cette dynamique de clarification existe, que le programme prolétarien apparaisse toujours plus explicite en opposition à toute tentative de récupération politique et syndicale. Si le résultat de cet affrontement est loin d’être clair à ce stade, il est évident que ce conflit existe, qu’il continue à se développer à l’intérieur même du mouvement des « gilets jaunes », comme cela apparaît toujours dans tout mouvement prolétarien.

Nous pouvons déjà voir des ruptures très importantes avec les actions traditionnelles des syndicalistes. Comme le résume l’un des textes que nous publions :

Le mouvement s’est développé en dehors et dans une certaine mesure aussi contre les structures traditionnelles (partis, syndicats, médias…) dont le capitalisme s’est doté afin de rendre inoffensive toute critique pratique. (…) Même si les média tentent d’enfermer les manifestants dans le cadre de la « lutte contre les impôts », la consigne universelle est plutôt « lutte contre la pauvreté en général » dans toute sa complexité (bas salaires, prix élevés, perdre sa vie à la gagner, aliénation…) et donc, en définitive, elle remet en question l’ordre capitaliste en tant que tel. Le mouvement est organisé au niveau régional et dépasse les divisions habituelles des syndicalistes selon les branches de production. (…) Le mouvement, ou une grande partie, est radical et donc violent et il l’assume. (…) ce qui rend difficile l’utilisation des tactiques habituelles de la bourgeoisie pour diviser le mouvement en « bons manifestants » et « mauvais casseurs ». (…) Rien n’est sacré pour le mouvement, pas de symboles, pas de légendes, pas d’identité, pas d’idéologie qui ne puissent être brûlés, détruits, éradiqués. [“Gilets jaunes”… “Communards”… “Sans-culottes”… “Va-nu-pieds”… “Damnés de la terre”…]

Nous sommes bien sûr très critiques à l’égard du mouvement des « gilets jaunes ». Il n’est pas très difficile de décrire les faiblesses les plus évidentes du mouvement. Ce qui nous donne de l’espoir, c’est qu’aucune de ces faiblesses n’est exprimée par le mouvement dans son ensemble, pas même par sa majorité et chaque fois que telle ou telle version de l’idéologie bourgeoise apparaît, elle doit faire face à une critique venant du mouvement lui-même. Chaque question exprimée par le mouvement est l’objet de contradictions, de discussions critiques et d’un conflit plus ou moins violent entre le rejet et l’acceptation de l’idéologie bourgeoise. C’est le processus que nous avons mentionné plus haut – la ligne de rupture avec l’État n’existe pas seulement dans les affrontements de rue, elle s’exprime aussi à l’intérieur du mouvement.

La question du nationalisme, tellement mise en avant par les médias, est un exemple de ce processus. Oui, en effet, nous avons également vu des drapeaux nationaux ou régionaux lors de manifestations et de blocages. Oui, en effet, nous avons aussi lu l’histoire de certains manifestants qui ont livré des réfugiés à la police. Mais nous en avons vu d’autres aider des migrants, exprimer leur solidarité avec le prolétariat en lutte dans d’autres pays, appeler à l’unité non pas sur la base d’une communauté de cartes d’identité ou de couleur de peau, mais sur une base classiste. Ce qui est important pour nous en tant que communistes, ce n’est pas ce que pense individuellement tel ou tel « gilet jaune », mais ce que le mouvement dans sa globalité apporte à la lutte des classes, dans laquelle la rupture avec le nationalisme est un élément important. Cela signifie être en opposition à la position nationaliste, lutter contre elle à l’intérieur du mouvement, imposer cette rupture au mouvement. Il existe de nombreuses expressions écrites ou non écrites de cette lutte à l’intérieur des « gilets jaunes » :

Mais, cette liste [la première liste de 42 revendications rédigée par la partie réformiste du mouvement en décembre 2018, note de GdC], c’est aussi l’expression limpide d’une tendance nationaliste, avec quatre mesures contre les étrangers, à mille lieues de nos problèmes et à dix mille de leur solution. Faut être borné pour croire que les problèmes en France viennent d’ailleurs. Qu’une sortie de l’Europe nous permettrait de vivre bien ou que la chasse aux sans-papiers fera monter notre salaire. C’est d’ailleurs précisément l’inverse qui se passerait. (…) Les fachos veulent juste se faire une plus grande place à la table des exploiteurs en faisant du Trump. Et nous n’avons absolument aucune raison de les y aider.

En réalité, cette liste de revendication, tout le monde s’en fout. Il n’y a que les politiciens pour espérer en tirer quelque chose et bien sûr, les médias et le gouvernement, qui ne manqueront pas l’occasion de nous faire passer pour des nervis d’extrême droite. Mais, comme quand on appelle quelqu’un par un prénom qui n’est pas le sien, nous n’avons pas prêté attention. [Jaune – Le journal pour gagner]

Il en va de même pour les illusions sur la démocratie (directe ou participative), les référendums, le président, les élections, etc., la critique apparaît toujours plus forte :

(…) une autre initiative, plébiscitée par de nombreuses organisations politique de l’extrême gauche à l’extrême droite, allait bientôt nous donner du fil à retordre : le RIC au nom du peuple et de la démocratie. (…) C’est la propagande bourgeoise qui nous fait croire qu’avant d’être des prolos, nous sommes des citoyens, que la vie des idées précède celle des conditions matérielles. Pourtant, la République ne remplit pas le frigo. C’est sur cette illusion que le RIC a surfé. Il faut avouer qu’à première vue, la proposition était séduisante. On nous disait qu’avec ça, on allait enfin pouvoir être entendus directement, qu’on pouvait reprendre le pouvoir sur notre vie. C’est nous qui déciderions de tout. Et sans lutter en plus, sans risquer sa vie sur les ronds-points et dans les manifs, juste en votant, sur son ordi dans son salon, les pantoufles au coin du feu qui crépite ! Mais dans le commerce, quand on a un produit à vendre, on ment : « Oui, une fois qu’on a le RIC, on peut tout faire passer ! ». C’est faux. Déjà, quel comble de demander l’avis aux bourges pour savoir s’ils sont d’accord pour nous augmenter ! [Jaune – Le journal pour gagner]

Cet aménagement démocratique ne réglerait rien, quand bien même il serait adopté. Il étirerait juste l’élastique électoral tout en maintenant le rapport entre les classes sociales – ses conditions ainsi que ses enjeux – avec en sus la fortification du réformisme juridique, ce parent pauvre du déjà illusoire réformisme économique. Cela reviendrait à cautionner un peu plus directement l’asservissement ordinaire. [Appel de « Gilets Jaunes » de l’Est Parisien]

Il en va de même pour la consigne « Macron démission » :

Pour contrer le RIC, certains d’entre nous ont dit : pas besoin de RIC pour gagner, on veut la démission pure et simple de Macron. Cette revendication a la bonne idée de mettre à l’honneur notre action, de recentrer le débat sur notre force collective. En effet, c’est la rue qui fera partir Macron, pas les urnes. Mais, juste après avoir dit ça, tout le monde se pose la question : qui le remplacera ? C’est justement là où le bât blesse. Macron, aussi arrogant qu’il soit, est remplaçable et son successeur fera exactement la même chose pour défendre le profit. Il faut clairement jeter le bébé avec l’eau du bain. Les institutions qui existent sont là pour défendre la logique de l’argent et de l’exploitation. [Jaune – Le journal pour gagner]

 

En dehors et contre les syndicats

Comme nous l’avons dit, le mouvement des « gilets jaunes » s’est développé à partir de son refus des structures traditionnelles d’encadrement bourgeois que sont les partis politiques et les syndicats. Dès le début du mois de décembre, les syndicats (toutes tendances confondues) se sont comme d’habitude mis au garde-à-vous devant le gouvernement qui cherche un moyen de désamorcer un mouvement social qui risque de s’étendre à d’autres secteurs du prolétariat : les dénonciations d’interclassisme sont lancées dans une tentative désespérée des syndicats de décourager ses membres à rejoindre les « gilets jaunes ».

Aujourd’hui, on assiste à des velléités de « convergence des luttes » et encore une fois le mouvement est divisé et hésitant : certains « gilets jaunes » appellent à directement collaborer avec les structures centrales des syndicats, d’autres par contre refusent cette collaboration mais appellent les prolétaires dans les entreprises à entrer à leur tour dans la lutte, ce qui est profondément correct. Des appels ont été lancé visant à prolonger la « journée d'[in]action nationale » du 5 février (à l’appel des syndicats et principalement de la CGT) et à la transformer en « grève générale illimitée ». Nous tenons à mettre en garde, si besoin en était, les camarades « gilets jaunes » quant à la nature profonde des syndicats et du syndicalisme.

La fonction des syndicats s’est toujours révélée ouvertement dans les moments de lutte, par leur empressement à éteindre l’incendie social. Les syndicats, dont le rôle est normalement et précisément de prévenir ce genre d’explosion, de servir de tampon et au besoin d’encadrer toute expression autonome de notre classe, tentent de freiner la lutte en feignant d’organiser ce qui les dépasse. Si après avoir sapé nos luttes pendant des décennies, les syndicats n’ont plus vraiment la cote, le mouvement des « gilets jaunes » qui se déroule en-dehors d’eux en est une nouvelle preuve.

Mais une forme plus subtile se déploie pour reprendre en mains nos luttes subversives et elle se retrouve dans toutes les luttes actuelles, c’est ce que nous pourrions appeler globalement le parlementarisme ouvrier. Même lorsque des luttes éclatent sur base d’une rupture formelle avec les syndicats, même si un certain niveau de violence est assumé par les prolétaires, jamais cette rupture n’est consommée globalement, poussée jusqu’à ses ultimes conséquences : c’est-à-dire s’organiser non pas seulement en-dehors des syndicats, mais aussi contre eux. Ce qui signifie rompre radicalement non seulement avec des organisations, mais surtout avec une pratique : le syndicalisme, qui n’est jamais que la négociation de la vente de notre force de travail avec nos exploiteurs…

 

Des « assemblées populaires » à l’assembléisme !?

Dès le début du mouvement des « gilets jaunes », nombre de sectes d’ultragauche idéalistes et idéologiques l’ont dénoncé car il ne s’organisait pas en « assemblées générales », considérées comme le saint Graal. Depuis lors, circulent des nouvelles de la mise en place d’assemblées à Commercy, Saint-Nazaire, Montreuil, etc., sans compter les assemblées « informelles » organisées autour des ronds-points occupés et des divers blocages.

D’une part, le prolétariat a historiquement toujours structuré sa lutte autour d’assemblées, de coordinations, de conseils, de soviets, de communes, de comités, etc. Nous ne pouvons donc que saluer le fait que des prolétaires reprennent leur lutte en mains, qu’ils se rencontrent, qu’ils discutent ensemble, qu’ils s’organisent, qu’ils échafaudent des plans pour l’avenir, qu’ils se réapproprient mille et un aspects de la vie, qu’ils développent la convivialité, la camaraderie, qu’ils participent à « libérer la parole »,… d’autre part, nous tenons à mettre en avant qu’aucune structuration, quelle qu’elle soit, ne sera jamais une garantie quant au déroulement et au contenu de nos luttes.

Au contraire même, la pratique du démocratisme, de l’assembléisme, du fétichisme de la massivité dans les structures de luttes marque souvent un frein à l’extension et à la radicalisation des luttes. Si les prolétaires rejettent les syndicats, ils risquent néanmoins de reproduire au sein de leurs « assemblées » la même pratique syndicale, réformiste, etc. L’émergence de la « démocratie directe des ronds-points », la tenue de larges « assemblées générales » ouvertes à tous, signifie souvent la pratique du syndicalisme sans syndicat. Les « assemblées » et leur « magie » des délégués « élus et révocables à tout moment » n’ont jamais constitué aucune garantie formelle. Historiquement, notre seule garantie, c’est notre pratique sociale. Ce n’est jamais la forme qui prime, mais toujours le contenu…

En outre, le démocratisme ambiant dans ces « assemblées » fait que tout le monde peut s’exprimer « librement », les grévistes comme les briseurs de grévistes, les radicaux comme les conciliants : on « libère la parole » (et il est évident ici que nous ne revendiquons pas la « liberté d’expression » dont notre ennemie la démocratie fait tellement l’apologie pour mieux nous faire parler, nous faire taire) mais souvent on libère aussi la parlotte au détriment de l’action directe. A quoi cela rime-t-il de voter de grandes résolutions très « radicales » si le prolétariat ne casse pas les forces d’inertie qui bloquent l’extension et le développement de la lutte !?

 

Et après ?

Nous avons essayé de montrer ici que le mouvement des « gilets jaunes », comme tout mouvement prolétarien dans le passé, est contradictoire. Pour le moment, y sont présentes à la fois des expressions de l’idéologie de la société bourgeoise sous forme de fausse conscience de notre classe, mais aussi des intérêts prolétariens, du but final de détruire le capitalisme. Et son contenu prolétarien est confronté à deux dangers : la réaction et le réformisme.

Mais la fausse conscience ne peut et ne doit être dépassée que dans et à travers la lutte, dans l’expérience de notre classe qui naît et se régénère dans chaque nouveau conflit ouvert entre les classes. La tâche des communistes n’est pas de cracher sur un mouvement parce qu’il n’est pas assez pur, parce qu’il ne fait pas référence à de bonnes sources ou parce qu’il y manque tel ou tel aspect que nous considérons important :

Pour ceux qui caressent encore ce désir, comment imagine-t-on que la révolution puisse éclater ? Pense-t-on vraiment que ce sera l’œuvre d’une convergence de mouvements sociaux, tous dotés de leur juste revendication, mus par des décisions prises à l’unanimité au cours d’assemblées où l’idée la plus radicale emportera le morceau ? Et donc avec un scénario de ce genre : naît un mouvement à la cause impeccable, à sa tête se trouvent les militants les plus illuminés qui le guident de bataille en bataille en obtenant des victoires enthousiasmantes, ses rangs grossissent, sa réputation s’accroît, son exemple se diffuse de manière contagieuse, d’autres mouvements similaires surgissent, leur puissance se rencontre, ils s’alimentent et se multiplient réciproquement, jusqu’à arriver à l’affrontement final au cours duquel l’État est enfin abattu… Quel beau récit ! Qui l’a produit, Netflix ? A quel épisode on en est ? Si on ne veut pas en rire, on peut toujours rester sérieux. (…)

Parce qu’au cours de l’histoire, l’étincelle des émeutes, insurrections et révolutions a presque toujours surgi non pas de profondes raisons mais de simples prétextes (par exemple : le déplacement d’une batterie de canons a déclenché la Commune de Paris, une protestation contre le rata de la marine militaire a allumé la révolution spartakiste, le suicide d’un vendeur à la sauvette a lancé le dit Printemps arabe, l’abattage de quelques arbres a entraîné la révolte du Parc Gezi en Turquie), nous trouvons vraiment embarrassant ceux qui face à ce qui se passe avec les gilets jaunes (…) n’acèrent leur regard que pour y trouver des traces du programme communiste, ou de la pensée anarchiste, ou de la théorie radicale, ou de la critique anti-industrielle, ou… Après quoi, suite à la déception de ne pas avoir discerné dans la rue de contenus suffisamment subversifs, de ne pas avoir compté de masses suffisamment nombreuses, de ne pas avoir remarqué des origines suffisamment prolétariennes, de ne pas avoir constaté de présences féminines suffisamment paritaires, de ne pas avoir entendu un langage suffisamment correct -on pourrait allonger la liste à l’infini- il ne reste qu’à s’horrifier et demander à qui peut bien profiter toute cette agitation sociale. [Finimondo, Di che colore è la tua Mesa ?]

La tâche des communistes n’est pas non plus d’approuver tout ce que fait le mouvement. La tâche des communistes est de saisir le mouvement sur base de sa dynamique radicale, d’encourager cette dynamique à se développer comme praxis révolutionnaire, en faveur du projet révolutionnaire du prolétariat. En tant que communistes, nous devons accompagner la classe dans sa lutte de clarification de ce projet contre la réaction et la réforme, pour constituer le lien entre la lutte actuelle et les luttes passées de notre classe tout en partageant l’expérience acquise de ces dernières en tant que classe, et aussi entre la lutte actuelle et les luttes à venir afin de tirer des leçons de celle-ci pour le futur, en bref pour représenter la lutte historique de notre classe.

Nous sommes conscients du fait que ce n’est pas facile. Les « gilets jaunes » sont un mouvement contradictoire comme tout autre mouvement prolétarien dans l’histoire. Et peut-être qu’il n’en sortira rien dans l’immédiat, si ce n’est une forte expérience de lutte et de ruptures, renforçant notre « mémoire de classe ». Mais il est difficile de saisir un mouvement à travers le prisme de ce qu’il devient quand il est vaincu (surtout si la défaite est loin d’être achevée).

D’autre part, une partie du mouvement a déjà ouvert une rupture avec la société bourgeoise, son idéologie et ses institutions – syndicats, partis de gauche ou de droite, union nationale antiterroriste, etc. Et le contenu prolétarien du mouvement peut ouvrir la voie à des luttes de classe plus larges.

Finalement, au risque de paraître provocateur, nous affirmons que tout le battage médiatique autour du mouvement des « gilets jaunes » ne peut en aucun cas nous faire oublier cette chose essentielle qu’il n’existe pas de mouvement « gilet jaune », que celui-ci n’a jamais existé et ne saurait exister. Et cela pour une raison simple, fondamentale, incontournable : c’est qu’il n’existe ni classe ni projet social « gilet jaune »…

Ici et maintenant, partout et toujours, c’est prolétariat contre bourgeoisie, deux classes sociales aux projets résolument antagoniques…

Il n’y a en effet que deux projets qui s’affrontent pour le devenir de l’humanité : d’un côté, le processus historique d’abolition des rapports sociaux capitalistes et de son État, fauteurs de misère, de guerre, d’exploitation, d’aliénation, d’oppression, de domination… de l’autre côté, les forces de conservation de ce cauchemar…

# Guerre de Classe – hiver 2018/19 #

https://www.autistici.org/tridnivalka/guerre-de-classe-09-2019-gilets-jaunes/