C’est le mot de la semaine (« retenue »). Oui, jeunesse de Gaza, de la retenue, que diable ! Et c’est la communauté internationale qui l’exige, appelant « toutes les parties à la retenue » ! Oui, « toutes les parties » ! C’est un peu comme si vous disiez aux Rambo de Netanyahu : « Continuez vos exercices de tirs, sur des cibles humaines, pour tester vos nouvelles armes, mais allez-y modérément. Ou discrètement. Sans pavoiser comme vous le faites à chaque fois que vous faites mouche. Et sans que Bibi n’applaudisse et vous félicite sans… retenue ! Retenez-vous, donc, tireurs d’élite de “l’armée la plus morale du monde” ! Et n’oubliez pas que tout se voit, de nos jours, que tout s’entend, et rien n’échappe aux téléphones chasseurs d’images ! »…

C’est une vieille rengaine que celle qui consiste à mettre dos à dos une armée (onzième puissance militaire au monde et première au Proche-Orient) et des manifestants civils armés de frondes et de cerfs-volants. Mais des cerfs-volants… incendiaires, tout de même ! De quoi sans doute causer le plus de dégâts et de victimes parmi l’armée la plus sophistiquée, et, surtout (on ne le répétera jamais assez, car on est sommé de le croire) « la plus morale du monde ». Et bien sûr, l’auteur de la distinction, Netanyahu, l’a répété, ces jours-ci… Des mots qu’un député franco-israélien ânonne depuis des années au sein même de l’Assemblée nationale française, sans objection mais sans acquiescements, du moins affichés (il ne faut quand même pas exagérer : l’allégeance a ses limites !)… 

« De la retenue ! » clament courageusement les commentateurs et autres éditorialistes de la France des droits de l’Homme ! Ainsi, France 24, le 31 mars déjà : « Dimanche, le Quai d’Orsay a appelé Israël à la plus grande retenue à la suite de la mort de16 Palestiniens vendredi dans la bande de Gaza ». L’expression sera reprise par i24, le Monde, le Figaro, la Croix, Huffington-Post et même par Times of Israël.

« État de colonies, dirigé par une clique sans morale»

A la « retenue », Lieberman, le ministre de la Défense israélien, ajoute la… provocation : « Le Hamas joue avec vos vies. Toute personne s’approchant trop près des frontières se met en danger. Je vous suggère de (…) ne pas participer à cette provocation ». Le comble ! Mais qui provoque qui ? Oui, qui provoque sans pitié ni retenue : celui qui colonise, expulse, rationne jusqu’à l’eau et l’électricité ou celui qui résiste et réclame son dû ? 

Heureusement qu’il y a d’autres voix, en Israël même ! Plus de voix que dans tous les pays arabes réunis ! Un exemple parmi cent, ce constat terrible pour Israël, établi sans concession – et pas par n’importe qui, surtout : « Nous devions être la lumière des Nations. En cela, nous avons échoué. Il apparaît que ces deux mille ans de lutte du peuple juif pour sa survie se réduisent à un État de colonies, dirigé par une clique sans morale de hors-la-loi corrompus, sourds à la fois à leurs concitoyens et à leurs ennemis. Un État sans justice ne peut pas survivre (…) Le compte à rebours de la société israélienne a commencé » ! (*)

Et qui est l’auteur de ce terrible constat ? Abraham Burg, en personne, ancien président de la Knesset, et un temps président par intérim de l’Etat d’Israël !

Comme quoi la vérité ne sort pas seulement de la bouche des enfants ou des prophètes : elle sort, ici, de l’homme qui a compté et compte parmi les mieux avertis et les mieux édifiés pour juger de la politique de son pays et des risques et responsabilités que prend son gouvernement devant l’Histoire, aux dépens de l’avenir de son propre peuple ! 
Pendant ce temps-là, en guise de condamnation, l’ONU demande de la « retenue » ! Ah ! quel révélateur que ce terme : révélateur de la propre retenue de la communauté internationale !

P.S. Scoop : l’Allemagne se dit favorable à une enquête indépendante ! C’est Steffen Seibert, le porte-parole de la chancelière, qui l’a annoncé aujourd’hui devant la presse : « Je peux dire au nom du gouvernement allemand que nous sommes aussi d’avis qu’une commission indépendante pourrait faire la lumière sur les violences et les affrontements sanglants dans la zone frontalière ». Certes, le porte-parole a aussi pointé du doigt le Hamas, qu’il accuse « d’abuser du droit de manifester ». C’est le « Et en même temps » qui, désormais, est de rigueur, en matière de diplomatie. Surtout lorsqu’il s’agit d’Israël, « la seule démocratie de la région ». « Tout de même ! » s’écrierait Manuel Valls.

Autant dire que l’heure approche : celle de la fin de l’exploitation, entretenue de manière machiavélique, de la culpabilisation de tout un peuple… Et les mots d’Abraham Burg résonnent alors comme des shoffars non plus contre les murailles de Jéricho mais contre d’autres murs… Amen !