Retour sur deux séjours sur la zad de notre-dame-des-landes
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Category: Local
Themes: RépressionResistancesZad
Places: Notre-Dame-des-LandesZAD
Premier retour, le 20 avril 2018 :
Je pose ça là parce que je sens qu’il faut que je le fasse maintenant. J’étais sur la zad jeudi et vendredi la semaine dernière, et j’y retourne demain. Tout ce que j’ai vécu n’a fait que confirmer ce que je pensais auparavant. Mais le fait de l’expérimenter dans sa chair, d’être sur place, de voir, d’entendre, de sentir, de souffrir, ça change tout.
Voici des extraits d’échanges que j’ai eus dans les jours qui ont suivi mon premier séjour sur zone :
Vendredi 13, minuit :
“Salut tout le monde,
On prend le chemin du retour – on vient de partir – après deux jours sur place.
Ça a été bien bien chaud, voir même hallucinant par moments. Ambiance guerilla. Les gendarmes sont tarés et font usage de la force de façon totalement disproportionnée. Ils sont 2500, ils ont deux blindés, un hélico des drones et ne lésinent pas sur la lacrymo, les grenades paralysantes et celles de désencerclement. Par moment c’est vraiment très violent. Les blessés se comptent par dizaines.
Moi j’en ai réchappé de justesse ce matin.
J’ai entendu parler d’une trêve de 10 jours qui aurait débuté cet aprèm. On verra. En tout cas, c’est pas fini…”
lundi 16 :
“Je suis rentré samedi matin après avoir passé deux jours sur place. Je ne peux pas exprimer beaucoup plus que mes impressions car j’ai encore besoin d’assimiler cette expérience. C’était très, très violent, et en même temps très, très nourrissant : D’un côté, 2500 gendarmes mobiles arnachés comme des légionnaires romains du XXIème siècle, soutenus par deux blindés, un hélico et des drones, qui utilisaient sans compter grenades de désencerclement (incroyablement dangereuses), paralysantes et lacrymo. De l’autre, quelques centaines de zadistes résidents et d’autres comme moi arrivés en renfort (il paraît qu’on était 500 sur zones lorsque j’y étais mais la zad est très étendue et personne ne réalise vraiment de comptage). Parmi les résidents, il y a les “énervés” qui n’hésitent pas à lancer des offensives à coups de cocktails molotov, et les “modérés” qui malgré tout ne renient pas les premiers sans lesquels ils n’auraient jamais pu en arriver là.
J’ai vécu deux offensives. Une le premier jour (jeudi soir au Lama fâché), du fait des “énervés”, que je n’ai pas comprise tout de suite et qui m’a choqué. L’autre le lendemain (de 5-6h du matin à l’heure du déjeuner du côté de la wardine et de l’ambazada), du fait des gendarmes qui ont tenté d’arrêter du monde et de déblayer quelques passages stratégiques en n’omettant pas d’arroser copieusement tout le monde de lacrymo au passage. Nous avons fait face avec des méthodes agressives et pacifiques, et ce fut pour moi un grand moment. J’ai senti une véritable union au sein des zadistes, rendue possible par la présence d’un ennemi commun : l’Etat. Tout ça m’a fait furieusement penser à la commune de Paris, sans les canons et les fusils, toutefois. Mais bon. C’est loin d’être terminé, et je ne sais jusqu’où l’escalade de la violence pourra nous mener. Toujours est-il que ce genre d’expérience te fait vite comprendre le concept de violence légitime et celui de violence d’Etat.”
jeudi 20 :
“- C’était “bien” NDDL ?
– C’était…choquant, flippant, vivifiant, humide, bien physique, dangereux, totalement hors cadre et incroyablement nourrissant. D’ailleurs, j’y retourne samedi.
– Ok… ça sonne comme l’idée que je m’en fais !
– Franchement, je pense que tu surkifferais d’aller passer quelques jours là-bas. Pas forcément pour aller au front, mais pour aider “à l’arrière”, être témoin de ce qui s’y passe, et le vivre !
– J’imagine… J’ai hâte d’entendre ce que tu pourras en dire !
– Même en lisant les excellents articles de Reporterre sur le sujet, même en écoutant les zadistes dans les interviews, on se rend pas vraiment compte. Faut le vivre H24 pour commencer à en goûter la moelle. C’est un truc de dingue. L’expression la plus proche – bien qu’imparfaite – de cette résistance que j’appelle de mes voeux.
– 2 des enfants de ma copine F y vivent depuis des années… et à voir déjà comment elle vit et les a éduqués je ne suis pas étonnée de ce que tu dis ! Apparemment pas mal de monde l’appelle de ses voeux, de plus en plus… vivement!
– En attendant, faut passer par la case violence, et c’est chaud les marrons.
– C’est sûr… tu as été blessé ?
– Nan. La nature en pâtit énormément (animaux morts, champs meurtris, terres stérilisées par les gaz, chemins encombrés de barrages de toutes sortes,…). Par moments, j’avais l’impression d’être dans un fucking film de guerre.
J’ai vécu deux offensives. La première en tant qu’observateur, la seconde en tant qu’acteur non violent. Mais j’étais face à face avec les robocops, et c’était moins une par moment. J’ai aussi dû slalomer entre les grenades, j’ai inhalé des masses de gaz lacrymo, j’ai marché au moins 20 bornes en 2 jours… La routine sur place, pour celles et ceux qui vont au front.
En tout cas, à propos de la non violence : Au début, lors de la première offensive, j’ai été choqué par la violence des affrontements, en particulier de la part des énervés de chez nous. Je comprenais pas parce que j’avais encore rien vécu (et c’était mon baptême du feu). Mais en discutant, en allant interroger, chercher des infos, j’ai commencé à saisir. Et le lendemain, franchement, j’ai recommencé à sentir l’injustice, la révolte, la colère qui montaient en moi lorsque je lisais les infos devant mon ordi avant de partir. Le goût de la violence a commencé à monter. Lorsque je me suis retrouvé sur le terrain lors de la seconde offensive, j’ai ressenti la peur. Plus que la veille. Mais j’ai aussi ressenti la violence, et je l’ai souhaitée. Il m’a fallu faire des efforts pour rester non violent. Mais c’est ce qui m’a permis de monter au contact et de m’affranchir de ma peur. C’est assez paradoxal. Rester non violent m’a permis d’être courageux. Fou, non ?
En tout cas, c’est comme ça que je l’analyse aujourd’hui, une semaine après. Alors que je n’ai pas encore tout assimilé et que j’y retourne dans 2 jours.
– Putain !
– Ouais. Putain.
– Tu as dû en apprendre sur toi même plus que jamais !?!!
– Ouais. Work in process.
– Putain !
– Mais c’est aussi grâce au contexte, aux gens autour, à l’ambiance, à cette énergie qui vibrait en chacun de nous. Seul, je ne sais pas comment j’aurais réagi. En tout cas, plus le second départ approche et plus je me sens serein (bien que j’aie presque 16 de tension). Je sens que j’ai encore plein de choses à apprendre là-bas.”
Vendredi 20, à propos de Satprem, un survivant des camps de concentration allemands durant la seconde guerre mondiale :
“Satprem, comme d’autres, a réagi à la tragédie qu’il a vécu en construisant une forme de spiritualité pour donner sens à son expérience. Je ne juge pas – je ne peux pas juger – cette forme de résilience. Mais je constate qu’on focalise avec lui sur l’après, la réaction. Moi je suis dans l’anticipation, dans l’avant, dans un possible évitement du pire. Et j’ai beaucoup de mal à concevoir que l’on puisse se réfugier dans un fatalisme que je perçois comme une forme de lâcheté, que l’on se tourne complètement vers cette spiritualité dont parle ici Satprem en abandonnant tout le reste, alors que l’on n’a encore rien vécu, et que – peut-être – on peut éviter ou tout du moins désamorcer en partie ce que nous redoutons tant. Mais pour cela, il faudrait se révolter. Or, cette spiritualité n’est pas encore de ce temps ; elle arrive comme un anachronisme et, au lieu d’aider à désamorcer la catastrophe, elle désamorce les forces vives de celles et ceux qui y succombent par avance. Pour moi, c’est mal utiliser les enseignements de Satprem que de se réfugier dans sa spiritualité aujourd’hui. C’est trop tôt ; il y a encore des choses à tenter avant d’en arriver là.
Ma mémoire me fait défaut, mais j’ai déjà lu des choses sur des gens qui avaient vu venir l’horreur, qui avaient tenté de prévenir, et qui étaient passés pour des Cassandre – les gens utilisent cette expression pour décrédibiliser alors que Cassandre avait raison ! Je trouve qu’on ne parle pas assez de ceux-là, alors qu’on pourrait certainement apprendre beaucoup d’eux, pour être à l’écoute, aux aguets, pour pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie lorsque l’on crie au loup autour de nous.
Je te dis ça alors que ma propre famille – à l’exception de ma soeur – et mes amis de longue date n’écoutent pas ce que je leur dis. Il paraît que nul n’est prophète en son pays, mais peut-être que l’on n’a simplement pas encore trouvé la bonne façon de communiquer.
Lucie Aubrac, Jean Moulin, Marceline Loridan-Ivens, les héros de la Commune, les vietnamiens au XXième siècle, les coréens pris en enclume pendant 5000 ans entre la Chine et le Japon, quelques grands chefs de guerre des indiens d’Amérique, certaines grandes figures de l’anarchie, William Wallace et tant d’autres sont des gens dont on devrait s’inspirer aujourd’hui pour ne pas baisser les bras, pour puiser au plus profond de nous l’énergie, l’essence même de la vie, la force d’entrer en résistance (il y a tellement de formes de résistance), le courage de regarder la réalité en face. Au lieu de ça, on se tourne vers des Satprem. Magnifique défaite par anticipation, en forme de sagesse.
Pardon mais ça me déprime.
Je penserai à Satprem quand tout sera perdu et que je ne pourrai plus agir.”
Vendredi 20 :
«D’abord, afin d’éviter tout malentendu, voici ma définition de la violence : C’est une atteinte à l’intégrité physique et/ou psychologique d’individus humains et non humains. Bien sûr, toute définition est soumise à interprétation, et on peut toujours considérer qu’une action, quelle qu’elle soit, est violente par les conséquences indirectes qu’elle peut avoir sur tel ou tel individu ou groupe d’individus. Ainsi, on peut considérer que le sabotage d’outils de production industriels nuit aux gens dont l’emploi dépend de ces outils. Mais on peut aussi pointer du doigt les ravages causé sur l’environnement par l’industrie visée. Et on se rend compte qu’il existe une échelle des violences : Une menace pour l’emploi ne peut être comparée avec une menace pour la vie. Et ne va pas me dire que l’emploi d’un humain vaut plus que la vie d’un individu non humain…
Ceci étant précisé, je te propose de prendre un max de recul afin d’épouser une vision d’ensemble. Si tu t’intéresses à l’état du monde, tu as remarqué que notre modèle de civilisation – basé sur une croissance infinie, elle-même s’appuyant sur l’exploitation irraisonnée et immorale de l’environnement – est à bout de souffle, faut de carburant. L’humanité a pillé tant et si bien les ressources naturelles dont elle dépend, s’est tellement multipliée, a tellement imprimé dans l’esprit de chacun cette culture de la croissance, de la compétition, de l’individualisme, du libéralisme économique, que la planète entière est aujourd’hui saccagée. Les plaies béantes et bien visibles par lesquelles la vie s’échappe à un rythme inédit dans l’histoire de l’humanité sont les témoins de notre folie. Peu importent les intentions des uns et des autres. Les héros d’hier sont les psychopathes d’aujourd’hui ; l’étiquette qu’on colle aux gens et aux choses ne change rien à la réalité.
Tout ça pour dire qu’avec le dérèglement climatique, la surexploitation des ressources, le déclin accéléré de la biodiversité et la pollution généralisée de l’air, de l’eau et de la terre, on fait face aujourd’hui à un risque majeur d’extinction de la vie sur Terre telle qu’on la connaît et dont on dépend. On est en train de se suicider en massacrant la vie autour. Toute la communauté scientifique mondiale s’accorde à dire que la situation est catastrophique, sans précédent, et que l’enjeu est ni plus ni moins que la survie de l’humanité (pour ne parler que de nous)…à court ou moyen terme ! Chaque année, on se rend compte que la réalité dépasse le pire des scénarios envisagés l’année précédente. Et pendant ce temps, la quasi totalité d’entre nous laisse faire les pouvoirs politique et économique, enfermés dans les dogmes hallucinants du mythe de la croissance et du techno-scientisme. Quand j’ai réalisé que les transhumanistes, ces fous furieux déconnectés de la vie qui croient que la technologie est la réponse à tous nos maux, ont inflitré les plus hautes instances du pouvoir en occident depuis le siècle dernier, j’ai compris que tous les beaux discours pacifistes, tolérants, ouverts et optimistes dans lesquels baignent bon nombre de militants français ne peuvent suffire à changer les choses. Imagine toi un instant au XVème siècle, athée face à un tribunal de l’Inquisition, tentant de raisonner ton juge en lui envoyant des “ondes positives” et en lui exprimant ton amour et ta compassion. Quand bien même ton discours ressemblerait à celui du Christ, tu finirais sur un bûcher, victime d’un extrêmisme aveugle et ultra violent, coupé de l’essence même de la vie. On en est là aujourd’hui. Mais comme les bûchers sont encore dressés hors de la vue du plus grand nombre, on a du mal à réaliser l’ampleur de la catastrophe. Quand il nous arrive d’être témoin de violences faites à la vie, on est choqués et indignés, et on réagit plus ou moins tièdement parce que notre vie ne semble pas être en danger immédiat (la compassion et l’empathie ne sont pas aussi stimulantes que l’instinct de survie). Mais on n’arrive toujours pas à assimiler que la vaste majorité de ces exactions sont industrialisées, commises loin de nos yeux et loin de nos coeurs à un rythme incroyablement soutenu, et que notre mode de vie les favorise au quotidien.
L’urgence de la situation et les enjeux vitaux font que nous devons réagir par tous les moyens, le plus vite possible. Les postures de principe basées sur la non violence et une certaine idée de la démocratie ne doivent pas être des freins à l’action, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Nous faisons face à une caste de tarés au pouvoir qui est sourde à notre parole. Et quand bien même la majeure partie de la population soutiendrait ces fous-furieux, il appartiendrait aux réalistes de faire ce qu’il faut pour limiter le désastre. L’effondrement de l’environnement et par conséquent de notre civilisation est en cours et c’est dès à présent qu’il faut agir, sur plusieurs front à la fois, et de façon coordonnée dans la mesure du possible : Sur le front de l’information et de l’éducation, sur celui du développement et de l’expérimentation d’alternatives et enfin sur celui de la résistance active, de la désobéissance civile et du sabotage du sytème. On ne peut pas faire l’économie de la force ni de certaines formes de violences légitimes car on n’a pas le temps de faire autrement, et parce qu’en face ils sont sourds, aveugles et manipulateurs. C’est une guerre qu’une partie de l’humanité a déclenchée contre la vie sur Terre. Moi j’ai choisi le camp de la vie, et je veux croire que je serai capable d’en assumer les conséquences sans me voiler la face avec des postures hypocrites ou irréalistes, et sans me tirer une balle dans le pied en refusant d’utiliser les outils qui sont à ma disposition pour atteindre notre objectif : Empêcher les nuisances du système tant que faire se peut, amortir les effets de l’effondrement dans l’espoir que ça suffise à maintenir des conditions de vie sur Terre pour qu’on puisse continuer l’aventure humaine, et préparer l’après.
Ceci dit, je ne prône pas la violence. Je dis juste que c’est un outil dont on ne peut pas toujours faire l’économie. Nous devons tolérer son usage s’il n’y a pas d’alternative aussi efficace. Cela ne signifie pas pour autant que tout le monde doit en faire usage. Je répugne pour ma part à me tourner vers elle, d’autant plus que j’en ai peur et que je ne suis pas sûr d’être capable de la maîtriser. Ce qui se passe en ce moment sur la zad est une formidable illustration de ce que j’essaie de te dire : Les modérés non violents et les énervés aux cocktails molotov bossent ensemble en regardant dans la même direction, sans se gêner et en ayant conscience que seuls, ils ne pourraient parvenir à rien. Il faut le vivre pour le comprendre. Pour ma part, j’ai été choqué lorsque j’ai assisté à ma première offensive sur la zone, la semaine dernière. Mais après avoir échangé avec plein de gens et vécu une autre offensive lors de laquelle je suis allé au contact en mode non violent pendant que d’autres usaient de violence sur un autre front à quelques dizaines de mètres, j’ai compris qu’on aurait tout à gagner à favoriser cette complémentarité des tactiques.”
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Deuxième retour : 29 avril 2018
De retour d’un second séjour sur la zad, du dimanche 22 au vendredi 27 avril.
Ambiance plus détendue, maillage plus large des GM (gendarmes mobiles) à l’extérieur de la zad, plus facile d’accès du coup. Rien à voir avec ma visite des 12 et 13 avril, durant la première semaine de l’opération gouvernementale (mes impressions sur ce premier séjour : https://www.facebook.com/lair.derien/posts/10213135975008826). La moyenne d’âge a sacrément baissé, il me semble qu’il y a moins de monde sur zone, même s’il y a encore pas mal de mouvements.
Cela dit, malgré les annonces de trêves/cessez-le-feu de nos élites élues, les GM n’ont cessé de provoquer, attaquer, détruire, gazer, expulser. Tous les jours. Toujours secondés par leur hélico, leurs drones, leurs blindés et leurs foutus gaz lacrymo et incapacitants, leurs grenades de désencerclement au TNT et leurs flashballs.
Durant les premiers jours de l’opération, les GM ont rasé et évacué une bonne partie de l’est de la zad, fixant le front aux alentours du carrefour de la Saulce. Depuis, la grée, la wardine, l’ambazada, la chèvrerie et les fosses noires sont quasi quotidiennement témoins d’affrontements, de jour comme de nuit.
Les antiautoritaires sont sur la brèche, quoi qu’il arrive. Ils sont les seuls à tenir en première ligne sur la durée. Alors que les GM détruisent les barricades le jour, ils les reconstruisent la nuit en faisant face aux attaques d’unités spéciales du PSIG, creusent des pièges, dessinent des chicanes et se préparent à l’affrontement suivant. De l’avis général, sans ces activistes très engagés prêts à utiliser la violence pour faire rempart à la violence, la zad aurait été évacuée depuis bien longtemps. Qu’on se sente à l’aise ou non avec ça, on ne peut pas les ignorer ; ils pèsent trop lourd dans le rapport de force.
Mais le gouvernement joue la division en accentuant la pression sur le front tout en pointant du doigt l’usage de la violence chez les zadistes dans une propagande éhontée. Dans le même temps, il accule les porteurs de projets à faire compromis sur compromis et les amener là où il veut : dans le cadre bien normé de “l’état de droit”, où seule prévaut la loi votée par et pour l’oligarchie. Et ça marche. Quelques leaders de la partie modérée du mouvement zadiste font sécession avec celles et ceux sans qui ils n’auraient jamais pu arriver si loin, reprenant la rhétorique du pouvoir en place qui condamne les violences des antiautoritaires.
J’ai un peu bougé sur zone durant ce second séjour, et j’ai rencontré des personnes de différentes sensibilités qui semblent de plus en plus focaliser sur ce qui les divise. J’espère que cela n’est pas représentatif, mais l’ambiance a changé ; je n’ai pas senti l’unité qui m’avait tant plu la première fois.
Aujourd’hui, sur la zad, on a un conflit à deux dimensions : Une dimension où priment les projets individuels plus ou moins officialisés, et une dimension symbolique et collective. Alors que la première glisse de plus en plus vers une posture de simple adaptation à un système qu’elle dénonçait il y a encore quelques jours, la seconde reste vive, radicale et révolutionnaire dans l’âme, et refuse de faire des concessions qui s’apparentent pour elle à des sacrifices. Cette seconde dimension, qui doit absolument primer si l’on ne veut pas que le soufflé retombe et que la lutte soit récupérée, pourrait peut-être cristalliser un mouvement de résistance global, indispensable à un véritable et profond changement de système (petit rappel : https://reporterre.net/La-Zad-et-la-guerre-civile-mondiale).
Face à un tel constat, je suis sidéré par l’absence sur zone de mouvements et d’ONG comme Alternatiba, ANV COP21, les Amis de la Terre, Greenpeace ou 350. S’il leur arrive de soutenir timidement les zadistes et de s’indigner de loin de la violence d’état qui fait rage depuis bientôt trois semaines, on ne les voit pas sur le terrain ! Ils ne viennent pas, n’organisent rien, ne montent pas au front, n’utilisent pas leurs tactiques non violentes pour soutenir physiquement les zadistes. J’ai rencontré sur la zad quelques militants qui comme moi se sentaient proches de ces organisations ; tous partagent ce sentiment d’abandon. Elles ont pourtant les moyens nécessaires pour mener des campagnes de réinformation (pour jeter des ponts entre les luttes sociale et environnementale et relayer la communication de la zad, par exemple) et pour mobiliser du monde sur zone en utilisant des tactiques non-violentes. Elles ont de quoi faire la différence, mais au lieu de ça elles continuent leur petit bonhomme de chemin, empêtrées dans leur manque de cohérence et leurs postures de principe.
un commentaire menaçant a été caché,ça serait pas mal de se renseigner au prélable sur B17, son fonctionnement,… avant d’écrire de telle ineptie!