Massacre à gaza : contorsions cyniques dans les médias français
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Catégorie : Global
Thèmes : AntifascismeGuerreRacismeRépressionResistances
La « Marche du retour » qui a rassemblé 30 000 Gazaouis à son premier jour, le vendredi 30 mars, a été réprimée dans le sang par l’armée israélienne : ses soldats ont assassiné 22 Palestiniens tandis que les blessés par balles se comptent par milliers. Ce massacre a fait l’objet d’un traitement médiatique qui, quoiqu’abondant, et parfois pertinent, n’en souffre pas moins des travers malheureusement « classiques » dès lors que les médias s’intéressent à la question palestinienne en général, et à la violence de l’État d’Israël en particulier. Si nous ne prétendons pas à l’exhaustivité, nous revenons ici sur un certain nombre de biais qui s’inscrivent dans une double continuité : celle d’une information internationale de plus en plus bâclée par les médias dominants d’une part [1] et celle, plus spécifique, de la couverture médiatique du conflit opposant les Palestiniens à Israël [2].
Depuis que nous avons écrit ces lignes, la manifestation du vendredi 6 avril a été réprimée dans le sang : les soldats israéliens ont tué dix Palestiniens et blessé par balles des centaines d’entre eux. Force est de constater que les biais médiatiques identifiés dans cet article sont toujours de mise.
Le 2 avril sur France Inter, soit trois jours après la répression et le meurtre des manifestants gazaouis, Bernard Guetta déclamait son éditorial géopolitique depuis Paris, confortablement assis dans un studio de la Maison ronde. « L’aveuglement de Monsieur Netanyahou » titrait-il, avant de commencer ainsi : « On peut en dire tout, le reste et son contraire de cette bataille de Gaza dont le bilan s’est élevé, vendredi soir, à seize morts et quelques 1400 blessés, tous Palestiniens ».
L’entrée en matière laisse d’abord dubitatif quant au fait de pouvoir dire « tout et son contraire » sur les événements d’une part, et de parler d’autre part d’une « bataille de Gaza » quand – et le géopolitologue médiatique le précise lui-même – des « tireurs d’élite » israéliens, couchés sur le haut d’une colline surplombante qui les séparait des manifestants de plus d’une centaine de mètres, ont abattu de sang-froid des Palestiniens désarmés. Ces ambiguïtés laissent toutefois place à un « constat pas contestable » : celui d’une « manifestation très majoritairement pacifique » et d’une « disproportion de la riposte [israélienne] d’autant plus choquante qu’aucun manifestant n’était en passe de franchir la frontière entre la Bande de Gaza et Israël ».
Là était le « tout ». Mais comme l’avait annoncé Bernard Guetta, « son contraire » est venu ensuite :
Mais il est également vrai qu’il s’agissait-là de la première journée d’un mouvement conçu pour durer six semaines et queles autorités israéliennes n’avaient ainsi pas de bonne solution [3]. (Sic) Si elles se contentaient de lacrymogènes et de balles en caoutchouc, elles risquaient qu’il y ait beaucoup plus de gens qui s’approchent de la frontière et essayent même de la franchir, il n’y aurait alors pas eu seize morts, mais un bain de sang d’une tout autre ampleur qui pouvait embraser la Palestine et placer Israël dans une position diplomatique encore bien plus difficile que celle qu’il affronte aujourd’hui.
Une sorte d’action humanitaire avec comme premier objectif de sauver des vies en somme ? Et de poursuivre :
Le gouvernement israélien a, en un mot, tenté de tuer dans l’œuf un mouvement de levée en masse des Palestiniens qui, visiblement, l’inquiète. On verra dans les prochains jours s’il y est parvenu ; tout pronostic serait hasardeux, mais la certitude est que le bras de fer de vendredi dit toute l’impasse où en sont Israéliens et Palestiniens.
Cet éditorial a au moins un mérite : nous éclairer sur le cynisme et le caractère hors-sol du « journalisme géopolitique ». Car sous prétexte de « prendre de la hauteur » en nous révélant les stratégies des uns et des autres en bon porte-voix d’une géopolitique désincarnée, Bernard Guetta néglige toute réalité de terrain et méprise les vies humaines, ramenées à des variables négligeables dans le « grand jeu » que le « grand » journaliste prétend éclairer. Alignant son commentaire sur la communication de l’armée israélienne, le géopolitologue reprend à son compte l’idée que le meurtre de dix-sept manifestants [4] (dont il faut comprendre qu’il ne s’agissait donc pas d’un « bain de sang ») aurait évité un « bain de sang ». Mais il affirme aussitôt que l’objectif de la fusillade était de « tuer dans l’œuf un mouvement de levée en masse des Palestiniens »… Comprenne qui pourra : fusillade humanitaire ou opération d’intimidation politique sanglante [5] ?
Cette chronique est également révélatrice de l’arrière-plan qui sous-tend les différents comptes rendus ou prises de position journalistiques : l’acceptation et la légitimation de l’ordre colonial tel qu’il est établi depuis des années par Israël – sans que cet ordre ne soit systématiquement rappelé. En s’abstenant de rappeler les raisons (légitimes) qui poussent les Palestiniens à se mobiliser, Bernard Guetta entérine ainsi la colonisation et l’occupation, tout comme il légitime la violence dont elle use systématiquement pour se maintenir en place. On comprend qu’un tel cadrage conduise à déduire que « les Israéliens n’avaient pas de bonne solution ».
Marianne, d’analyses biaisées en partis-pris cyniques
À lire « l’analyse » du correspondant à Jérusalem de Marianne, le cynisme de certains « spécialistes » de l’information internationale est une déformation professionnelle. Quatre jours après les événements, Julien Lacorie publie en effet une « analyse » [6] intitulée « Gaza : la poigne de fer israélienne contre la surenchère permanente du Hamas ». Où l’on peut lire dès le chapô :
Les acteurs du drame de Gaza du vendredi 30 mars se préparent d’ores et déjà à rejouer la scène. Il s’agit pour chaque camp d’aller au bout d’une stratégie sanglante.
En plus de négliger l’élan populaire ayant poussé des dizaines de milliers de Palestiniens à manifester et de réduire les événements à une pure et simple « stratégie » du Hamas – qualifiée de « surenchère » qui plus est – le journaliste met sur le même plan les « acteurs » de la « Marche du retour », non armés et dont certains furent assassinés, avec « l’autre camp ». Sous la plume du journaliste, les victimes et leurs bourreaux sont ainsi présentés comme les co-responsables d’une « stratégie sanglante ». Or, force est de constater que le bilan a été plus sanglant d’un côté que de l’autre…
Le titre de l’article et son introduction condensent peut-être à eux seuls un biais récurrent du traitement de la question palestinienne par les grands médias : « l’obsession de la symétrie » au nom d’une « prétendue neutralité ». Dans un article que nous publiions en 2012, déjà, nous l’expliquions en ces termes :
Le premier de ces biais est celui de l’injonction permanente à un traitement « équilibré » du conflit […] Or la situation ne s’y prête pas, pour la bonne et simple raison que l’État d’Israël et les Palestiniens ne sont pas dans une situation équivalente. S’il existe bien un « conflit » opposant deux « parties », nul ne doit oublier que ses acteurs sont, d’une part, un État indépendant et souverain, reconnu internationalement, doté d’institutions stables, d’une armée moderne et suréquipée et, de l’autre, un peuple vivant sous occupation et/ou en exil, sans souveraineté et sans institutions réellement stables et autonomes. Adopter une démarche qui se veut équilibrée conduit donc nécessairement à occulter certains aspects de la réalité, tout simplement parce qu’ils n’ont pas d’équivalent dans l’autre « camp ». […] Il s’agit de montrer que la souffrance des uns ne va pas sans la souffrance des autres, et que les moments de tension ou d’apaisement sont liés à des décisions ponctuelles prises par l’un ou l’autre des deux « camps », ou par les deux conjointement.
À ce travers, qui irrigue le reste de l’article, s’ajoute comme précédemment un biais « géopolitique » : un prisme qui conduit Julien Lacorie à regarder les événements uniquement « par le haut », loin de toute enquête de terrain à laquelle pourrait pourtant prétendre un journaliste sur place, même basé à Jérusalem… Ces biais dépolitisent la question palestinienne et se doublent d’un ton particulièrement complaisant et cynique du journaliste :
Israéliens et Palestiniens prennent un malin et cruel plaisir à confirmer les pires scénarios (sic). Ils l’ont une nouvelle fois prouvé vendredi 30 mars lorsque des dizaines de milliers de manifestants chauffés à blanc par les islamistes du Hamas ont marché vers la frontière entre la bande de Gaza et Israël. La centaine de tireurs d’élite israéliens qui les attendaient de pied ferme bien décidés à ne pas les laisser s’infiltrer, ont fait un « carton » (re-sic). Bilan : 18 morts et des centaines de blessés par balles. Plus grave encore ; les acteurs du drame se préparent d’ores et déjà à des remakes sanglants.
On ne sait si des aspirations cinématographiques animent secrètement le journaliste, mais il aime vraisemblablement mettre la réalité en scène pour en faire des fables édifiantes. Au vu des événements, et malgré les guillemets, les mots et le ton dont use le correspondant de Marianne sont pour le moins inappropriés quand ils ne conduisent pas à la désinformation pure et simple : à moins d’assumer une servilité sans borne à l’égard de la propagande israélienne, nous sommes en effet plus que curieux de connaître quelles bases sourcées permettent au journaliste d’évoquer une menace de masse en sous-entendant que les « dizaines de milliers de manifestants »avaient pour but de « s’infiltrer » en territoire israélien [7]. Mais les informations de terrain ne semblent pas intéresser le journaliste-géopolitologue de Marianne. Après nous avoir expliqué combien les événements étaient un « succès » pour le Hamas car « Israël s’est de nouveau retrouvé en position d’accusé dans le monde, à la seule exception de Donald Trump », le journaliste conclut en citant une mesure à même de « désenclaver la bande de Gaza » selon lui :
Seul Israël Katz, le ministre des Transports et chargé des services de renseignements, a osé présenter une initiative un tant soit peu originale en proposant de créer une île artificielle à 5 km des côtes de Gaza qui pourrait abriter un port, un aéroport, des centrales électriques et de dessalement de l’eau de mer, le tout sous contrôle de sécurité israélien.
« Original » en effet…
Les assassinats ? Une « réplique » !
L’acceptation de fait de la colonisation et la banalisation des violences ont également conduit de nombreux médias à présenter les tirs israéliens comme des « répliques » – soit une quasi légitime défense, d’autant plus « naturelle », pour certains, que l’armée israélienne « avait prévenu », rendant le massacre « inéluctable ». Plus ou moins marqué selon les articles de presse ou reportages, ce bruit médiatique n’en reste pas moins omniprésent.
Au 20h de France 2, le soir du 30 mars, l’« obsession de la symétrie », au mépris non seulement des rapports de forces, mais des faits eux-mêmes est poussée à l’extrême dès le titre du sujet : « Israël-Gaza : affrontements meurtriers ».
La présentation du correspondant à Jérusalem est à l’avenant :
Un bilan lourd qui pourrait même s’alourdir encore un peu plus dans les heures qui viennent puisque l’armée israélienne vient d’annoncer avoir bombardé trois cibles à Gaza en réponse à une incursion d’hommes armés sur son territoire. Auparavant, plus de trente mille Palestiniens s’étaient massés le long de la frontière avec l’État hébreu pour dénoncer la politique israélienne. L’armée israélienne au cours de cette semaine avait tout fait pour dissuader les Palestiniens de se rendre à cette manifestation […] L’armée avait notamment bombardé euh… déployé, lâché des tracts sur l’enclave palestinienne et également annoncé le déploiement de tireurs d’élite pour faire face à ces manifestants mais les affrontements ont tout de même éclaté en début d’après-midi.
À nouveau, le message – toujours selon le même schéma de cause à effet – est le suivant : les Palestiniens se sont entêtés et n’ont pas écouté les recommandations qui leur ont pourtant été faites. Ça ne pouvait donc se passer que de la sorte. Autrement dit : n’ayant pas respecté les interdictions israéliennes de se rassembler sur leur propre territoire, les manifestants palestiniens tués ou blessés par balles sont responsables (coupables ?) de leur sort… Remarquable respect du droit à manifester et du droit à l’autodétermination des peuples.
Parce qu’elles endossent plus ou moins consciemment les « règles » israéliennes, de telles présentations n’ont en réalité rien de « neutres » ou d’« équilibrées » malgré leur prétention. Elles le sont d’autant moins quand elles s’accompagnent d’éléments de contexte qui, sous couvert d’éclairer la situation, sont interprétés par les journalistes comme autant de motifs venant disqualifier toute mobilisation du côté des Palestiniens, quand ils n’amènent pas à se dire que ces derniers « l’auraient quand même un peu cherché »… Ainsi de deux questions de Raphaël Kahane, relevées lors d’un débat que le journaliste animait sur France 24 le 3 avril :
– Connaissant là encore le dispositif qui avait été déployé par Israël, est-ce que cela n’aurait pas dû dissuader les mouvements, y compris de la société civile gazaouie, d’envoyer ou de laisser disons, d’encourager des dizaines de milliers de personnes notamment beaucoup de femmes et d’enfants de se rendre sur ce qui allait devenir une ligne de front ?
– Cette manifestation qui doit se poursuivre jusqu’au 15 mai c’est-à-dire le jour de la Nakba […] C’est aussi le moment, la mi-mai, où doit avoir lieu le début du transfert de l’ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem : est-ce que là on n’a pas une symbolique qui est particulièrement risquée en terme de dates ? On a pris un risque en choisissant de manifester à ces dates-là ?
On notera que ce journaliste du service public audiovisuel français ratifie, normalise et finalement légitime les menaces sanglantes des autorités israéliennes, qui auraient dû « dissuader » les Palestiniens de se mobiliser, mais ne demande jamais ce qui pourrait « dissuader » l’armée israélienne de tirer sur des manifestants pacifiques, et encore moins si le respect du droit international, y compris la levée du blocus de Gaza, ne pourraient pas contribuer à « dissuader » les Palestiniens de manifester.
De « tensions » en « affrontements »
Autre tare récurrente dès qu’il s’agit du conflit opposant les Palestiniens à Israël : présenter ce qui relève de massacre comme des « affrontements » voire de simples « tensions » contribue à invisibiliser les rapports de force en minimisant les violences d’une part et en considérant, de l’autre, que les deux « camps » seraient à égalité. Ce vocabulaire culmine dans l’invisibilisation même de l’intervention meurtrière des militaires israéliens : « les affrontement ont causé la mort d’au moins douze personnes », « affrontements et face-à-face meurtriers » ou encore « la manifestation a fait 16 morts ».
Particulièrement ravageuses en titraille – mais pas seulement – de telles formulations témoignent au moins autant d’un réflexe journalistique résultant d’un travail « à la va-vite » et d’une profonde méconnaissance du sujet que du peu de considération que vouent les journalistes à un territoire situé loin de l’hexagone… En d’autres termes, au moment de déplorer des morts – cérémonie que les médias savent jouer en grande pompe et des heures d’antenne durant – tous ne se valent pas.
Le « syndrome de Tom et Jerry »
Tom et Jerry, célèbres personnages de dessins animés, sont en conflit permanent. Ils se courent après, se donnent des coups, construisent des pièges, se tirent parfois dessus et, quand ils semblent se réconcilier, sont en réalité en train d’élaborer de nouveaux subterfuges pour faire souffrir l’adversaire. Le spectateur rit de bon cœur, mais il reste dans l’ignorance : il ne sait pas pourquoi ces deux-là se détestent, on ne lui a jamais expliqué pourquoi Tom et Jerry ne peuvent pas parvenir à une trêve durable, voire une paix définitive. La comparaison a ses limites, mais il n’est sans doute pas exagéré de considérer que les grands médias, notamment audiovisuels, nous offrent souvent, lorsqu’il s’agit du Proche-Orient, une information digne de Tom et Jerry : « le cycle de la violence a repris » ; « la trêve a été brisée » ; « la tension monte d’un cran » ; « les deux parties haussent le ton » ; etc.
Ce syndrome, nous le diagnostiquions déjà dans la plupart des grands médias en 2012. Nous ajoutions alors que sont toujours privilégiés « les événements spectaculaires et les causalités immédiates […] au détriment de l’exposé et de l’analyse des causes profondes et des tendances sur la longue durée. Le pseudo-équilibre et la course à l’événement vont peut-être offrir au public les moyens de s’émouvoir, mais absolument pas de comprendre. »
Vendredi dernier, on peut dire que les grands médias français ont redécouvert Gaza et le conflit. Un massacre : voilà ce qu’il faut aux grandes rédactions pour daigner traiter l’actualité de la région [10]. Hormis une minorité de correspondants documentant régulièrement la vie sur place, on peut dire que les territoires palestiniens, au même titre que bien d’autres régions du monde, sont enfermés dans les oubliettes des rédactions. Et quand un événement semble digne d’attirer l’attention médiatique, il subit les travers d’une couverture bâclée, symptomatique d’une information internationale aux abois.
Et comme la situation sur place ne bénéficie d’aucun suivi régulier, comment s’étonner que, dès lors que survient un « événement », la plupart des médias en soient réduits à le traiter sous forme de brève, à « bâtonner » des dépêches AFP et, ne disposant d’aucune source du côté palestinien (et encore moins dans la bande de Gaza dirigée par le Hamas), à reprendre sans précaution les « éléments de langage » proposés par la puissante propagande israélienne.
À cet égard, la dépêche AFP datée du 3 avril est symptomatique. On y apprend « [qu’]un Palestinien a été tué mardi [3 avril, NDLR] par des tirs de soldats israéliens à la frontière entre la bande de Gaza et Israël, où 17 autres ont été tués depuis vendredi ». Près d’un tiers de cette dépêche se résume à citer l’armée israélienne parlant d’« émeutes », prévenant les manifestants qu’ils « mettaient leur vie en danger », justifiant ses tirs du vendredi parce que « des suspects endommageaient la barrière de sécurité ». Le ministère de la Santé à Gaza n’est cité que lorsqu’il s’agit de comptabiliser les morts palestiniens. En d’autres termes, le peu de « fond » peut être laissé à l’armée israélienne et la « forme », aux Palestiniens. Du contexte, on n’apprendra en quatre mots ce que réclame la « Marche du retour », en trois que l’ambassade états-unienne va bientôt se déplacer à Jérusalem et en deux que la vie à Gaza est dure :
La désespérance dans la bande de Gaza, éprouvée par les guerres, la réclusion, la pauvreté et les pénuries, ajoute à la volatilité ambiante.
Il n’en fallait visiblement guère plus à L’Express, au Parisien, au Figaro et à Capital entre autres pour publier une brève sans rien y ajouter, à quelques nuances près.
Des brèves qui en disent peu aux lecteurs, et long sur la précipitation des rédactions à courir derrière l’information sans chercher à l’étayer et à l’étoffer davantage. Samedi 31 mars, au lendemain du massacre, les lecteurs du Parisienauront par exemple appris brièvement que la veille, à Gaza, « un face-à-face tendu […] a dégénéré en affrontement ». L’information (ou ce qu’il en reste) étant reléguée en page 6, dans une petite colonne où la brève qui suivait s’intitulait « Qui s’est fait passer pour Brigitte Macron ? ».
Dans un court reportage se voulant « récapitualtif » intitulé « 16 Palestiniens tués : ce qu’il s’est passé lors d’affrontements à Gaza », BFM-TV s’illustre quant à elle par sa capacité à délivrer des informations de qualité. Le téléspectateur chanceux a eu droit, en effet, à une mise en perspective replaçant l’événement dans des tendances de longue durée :
Pour rappel, Israël et le Hamas se sont livrés trois guerres dans l’enclave palestinienne depuis 2008, et observent depuis 2014 un cessez-le-feu tendu.
En résumé donc : deux lignes, « pour rappel », qui permettent au téléspectateur d’avoir un regard fort éclairé sur la situation… Deux lignes d’une platitude sans nom, qui ne disent rien, ou plutôt tout de la mal-information sur la situation dans les territoires palestiniens.
Mais le temps pressait : Macron revenait sans doute d’un énième et coquet voyage au Taj Mahal ou faisait une déclaration depuis le Touquet : pour cela oui, BFM peut passer l’antenne en « édition spéciale » ou donner « la priorité au direct »…
Depuis que nous avons écrit ces lignes, et comme nous le rappelions en introduction à cet article, la manifestation du vendredi 6 avril a été réprimée dans le sang : les soldats israéliens ont assassiné dix Palestiniens et blessé par balles des centaines d’entre eux. Le samedi 7 avril, les médias français ont en particulier relayé, suite à une dépêche AFP, la mort de Yasser Mourtaja, journaliste tué par les soldats israéliens pendant qu’il couvrait la manifestation. Il travaillait pour l’agence Ain Media de Gaza. Nous noterons que dans un premier temps, cette dépêche a été relayée par de nombreux médias à l’instar d’Europe 1 sans plus de commentaire quant à l’assassinat d’un confrère dans l’exercice de son travail.
Si condamnation il y a eu, elle a été faite uniquement « par procuration » chez un bon nombre de médias français, par le relai du communiqué de Reporters sans frontières qui rapportait de nombreux autres journalistes blessés au cours des manifestations, appelait à une enquête indépendante et condamnait « les auteurs de ce crime contre la liberté de la presse ».
Nous reproduisons d’ailleurs ci-dessous un communiqué intersyndical paru le 9 avril (SNJ, SNJ-CGT et CFDT-Journalistes) :
Gaza : un journaliste palestinien tué de sang-froid, la liberté de la presse visée au cœur
Notre confrère palestinien Yasser Mourtaja figure parmi les neuf Palestiniens tués vendredi à Gaza par les tirs à balle réelle de l’armée israélienne lors de la manifestation près de la barrière de sécurité. Yasser Mourtaja, un photographe âgé de 30 ans travaillant pour une société de production gazaouie, Ain Média, portait pourtant, au vu et au su de tous, un gilet « press ». Il a été atteint de plein fouet à l’abdomen. Il est décédé de ses blessures après avoir été hospitalisé.
Bien que l’armée israélienne soutienne dans un communiqué « ne pas viser intentionnellement les journalistes », la question reste posée : s’agit-il d’un tir délibéré visant les journalistes pour faire barrage à l’information de terrain ? Pour y répondre, les syndicats de journalistes français réclament l’ouverture d’une enquête indépendante sur les circonstances de la mort de notre confrère Yasser.
Ces neuf morts vendredi font suite aux tirs de la semaine dernière qui avaient fait 19 tués civils palestiniens et des centaines de blessés. Un des bilans les plus meurtriers dans l’enclave depuis la guerre de 2014.
Les syndicats français de journalistes SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, membres de la Fédération internationale des journalistes (600 000 adhérents dans le monde), affirment leur solidarité avec leurs confrères palestiniens et leur syndicat. Ils leur adressent leurs condoléances émues après ce nouvel acte de répression des forces israéliennes.
Devant cette incessante vague de répression contre nos confrères, ils adressent aujourd’hui une lettre ouverte de protestation à l’ambassadrice d’Israël en France Mme Aliza Bin-Noun.
Madame l’ambassadrice,
Nous nous adressons à vous pour dénoncer un crime de sang-froid perpétré contre notre confrère palestinien Yasser Mourtaja tué par les tirs des snippers de votre armée alors qu’il portait un dossard PRESS bien visible. Ce jeune photographe couvrait la manifestation pacifique de vendredi à Gaza où 8 autres civils ont été tués.
Avec la Fédération internationale, nous dénonçons une fois encore les violences perpétrées par les autorités israéliennes contre les civils et journalistes palestiniens.
Nous vous demandons de transmettre à votre gouvernement nos protestations et qu’une enquête soit menée sur les circonstances de la mort de Yasser.
Nous exigeons que cesse l’impunité pour les auteurs de ces tirs meurtriers contre des journalistes et les victimes civiles.
Veuillez agréer, Madame l’Ambassadrice, nos salutations syndicales
Paris, le 9 avril 2018
SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes
Encore un article sous copyright de pro pro pal
la dénonciation de crimes contre l’humanité a toujours défrisé les fachos et les stals
http://www.acrimed.org/Massacre-a-Gaza-contorsions-cyniques-dans-les
Notes :
[1] Lire à ce sujet le Médiacritique(s) n°18 consacré à l’information internationale et disponible en .pdf.
[2] Une couverture dont les biais ont largement été documentés par notre association depuis plus de quinze ans.
[3] Nous soulignons, comme tous les passages en gras des citations.
[4] Au moment où Bernard Guetta s’exprime.
[5] « Terrorisme d’État » diraient certains…
[6] Nous avons consulté l’article sur le site de Marianne.
[7] Un degré de déformation des faits d’autant plus prononcé que la plupart des médias – dont celui pour lequel écrit Julien Lacorie – ont relayé des informations, dont celles d’Amnesty International donnant une toute autre image de la situation : « Si certains manifestants palestiniens ont lancé des pierres et d’autres objets vers la clôture, il est difficile de croire que cela ait pu constituer un danger imminent pour la vie de soldats bien équipés, protégés par des snipers, des tanks et des drones. » Le journal israélien Haaretz écrit quant à lui qu’une « large majorité des 30 000 manifestants palestiniens étaient regroupés en famille et sont restés à 500 mètres environ de la clôture » avant de reprendre : « Durant les premières heures des affrontements, alors que l’armée évaluait la situation, il était évident qu’il n’allait pas y avoir de rassemblements massifs au niveau de la barrière frontalière. » (Nous traduisons).
[8] Titre repris d’une dépêche AFP sur Europe 1, Arte, L’Union notamment.
[9] Titre repris sur les sites de BFM-TV, Europe 1, Le Parisien, La Provence, et 20Minutes notamment, à partir d’une dépêche AFP.
[10] Lire à ce sujet l’article « Un petit monde » d’Hélène Servel paru dans le Manière de voir n° 157, hors-série du Monde diplomatique. On peut y lire notamment que malgré la présence d’une « vingtaine de représentants des médias français […] la question palestinienne semble lasser les rédactions de l’Hexagone. » Et l’auteure d’ajouter, témoignages de journalistes à l’appui, que ces rédactions sont « de plus en plus réservées vis-à-vis d’une situation qu’elles jugent trop figée »…
Article mis en débat en attendant que l’équipe de modération trouve le temps de s’y pencher.
A part les spams manifestes qu’il est facile de virer, qu’y aurait-il de choquant dans cet article d’Acrimed qui énonce des évidences ?
Ce n’est pas la seule actualité urgente, mais elle en fait partie.
La plupart des Israéliens, qui n’ont jamais parlé à un seul Gazaoui, savent seulement que la bande de Gaza est un nid de terroristes. C’est pourquoi il est convenable de les fusiller. Choquant ? Oui, mais vrai.
On peut se déchaîner contre le premier ministre autant qu’on le veut ? il le mérite. Mais en définitive il faut se rappeler : Ce n’est pas Benjamin Nétanyahou. C’est la nation. Au moins la plus grande partie de la nation. Tout le déploiement de férocité de ces derniers jours et toute cette farce ont été conçus pour satisfaire les désirs les plus malicieux et les instincts les plus vils des Israéliens. Les Israéliens voulaient du sang à Gaza, autant que possible, et des expulsions de Tel-Aviv, autant que possible. Il n’y a aucun moyen de l’embellir ; il ne faut pas brouiller les faits. Nétanyahou ? faible, pathétique, méchant ou cynique – était mu par un seul motif : satisfaire les Israéliens et réaliser leurs désirs. Et ce qu’ils voulaient, c’était du sang et de l’expulsion.
Si seulement le problème résidait en Nétanyahou et son gouvernement. Alors, en une élection, ou peut-être deux, le problème pourrait être réglé. Les gentils reprendront le contrôle, Gaza et les demandeurs d’asile seront libérés, la provocation fasciste s’arrêtera, la probité des tribunaux sera assurée et Israël sera à nouveau un endroit dont on peut être fier. C’est une chimère. C’est pourquoi la campagne contre Nétanyahou est importante, mais certainement pas décisive. La vraie bataille est beaucoup plus désespérée et sa portée est beaucoup plus large. C’est une bataille pour la nation, parfois même contre elle.
Même les critiques de Nétanyahou admettent qu’il sait identifier les désirs de la population. Il a reconnu que la majorité voulait le nettoyage ethnique à Tel Aviv, l’ultranationalisme, le racisme et la cruauté. Nétanyahou, n’étant pas tout aussi méchant que ses supporters, a essayé un autre chemin pour un moment ? plus humain et plus rationnel. Mais quand il s’est brûlé et s’est rendu compte qu’il avait négligé le désir du peuple, il a rebroussé chemin en un temps record et est redevenu lui-même. La base, l’électorat, la majorité veut le mal. C’est ce qu’il a fourni, et c’est quelque chose qu’aucune élection ne changera. La vraie calamité n’est pas Nétanyahou ? c’est le fait que toute manifestation d’humanité en Israël est un suicide politique.
Une ligne droite du mal et du racisme s’étend de la frontière de Gaza à Tel-Aviv. Dans les deux cas, les Israéliens ne voient pas les êtres humains devant eux. Le Gazaoui et l’Érythréen sont une seule et même chose : des sous-humains. Ils n’ont aucun rêve, aucun droit et leur vie ne vaut rien.
À Gaza, les tireurs d’élite de l’armée israélienne ont abattu des manifestants non armés comme s’ils se trouvaient sur un champ de tir, salués par un concert de jubilations des médias et des masses. Dans le sud de Tel-Aviv, ils reprennent les arrestations et expulsions ? cela aussi, au son des célébrations.
C’est ce que la nation demande, et c’est ce qu’elle va obtenir. Même si des soldats tuent des centaines de manifestants à Gaza, Israël ne cillera pas. La raison : la méchanceté et la haine envers les Arabes. Gaza n’est jamais perçue comme elle est vraiment, un lieu habité par des êtres humains, une énorme et terrible prison, un immense site d’expérimentation humaine. La plupart des Israéliens, qui ? comme leur premier ministre ? n’ont jamais parlé à un seul Gazaoui, savent seulement que la bande de Gaza est un nid de terroristes. C’est pourquoi c’est convenable de les fusiller. Choquant ? Oui, mais vrai.
C’est la même chose au sud de Tel Aviv. Quand on parle des « résidents du sud de Tel Aviv », on entend par là seulement les Juifs racistes parmi eux. Les Noirs qui y vivent ne sont pas davantage considérés comme des résidents que les souris qui y vivent. Le degré de haine accumulé contre eux s’est manifesté dans la réaction au compromis présenté par Nétanyahou. Pourquoi les expulser en Europe et au Canada ? Pourquoi pas en Afrique ? Pourquoi pas par la force ? C’est un sentiment difficile à comprendre. Nétanyahou n’a fait que naviguer sur la vague de ces sentiments méprisables. Il ne les a pas générés. De toute évidence, un leader de stature les aurait combattus, mais un tel leader n’apparait même pas à l’horizon en Israël. Remplacer la nation n’est pas non plus une option viable pour l’instant.
Des Israéliens aussi s’opposent à tout ce mal bien sûr. Il n’y a pas de raison de ne pas les étiqueter par le bon nom : meilleurs, plus humains, remplis de compassion, consciencieux, moraux. Ils ne sont pas une minorité négligeable, mais la guerre menée contre eux par la majorité et le gouvernement les a paralysés. L’excuse du présentateur de radio Kobi Meidan pour avoir ressenti de la honte indique que ce camp est vaincu. Si le massacre de Gaza et l’expulsion depuis le sud de Tel-Aviv ne les font pas sortir enragés dans les rues, tout comme le massacre de Sabra et Chatila, alors ils sont une espèce en voie d’extinction.
Nous restons une nation de la majorité.
https://www.haaretz.com/opinion/.premium-this-is-the-nation-1.5976946
Les services médicaux de la bande de Gaza avaient recensé l’arrivée de plus de 520 blessés vendredi à 17 heures locales (14h00 GMT), que ce soient par tirs à balles réelles de l’armée israélienne ou tirs de gaz, dont une substance de couleur verte, inconnue à ce jour, et apparemment très toxique.
Le Directeur de l’hôpital Shifa, le Dr Abbas Mehdat, avec lequel nous correspondons en direct, ajoute que le positionnement, avec coordonnées GPS précises, des différents dispensaires d’urgence installés en retrait de la manifestation désarmée de plusieurs dizaines de milliers de civils avait été signalé bien en avance au Comité International de la Croix-Rouge (CICR), pour répercussion à l’armée d’occupation.
Eh bien, la soldatesque a “visé juste” : les postes de soins installés en rase campagne, bien en retrait de la manifestation, des ont été copieusement arrosés de gaz dès la fin de la matinée.
A 16h00 locales, le ministère de la santé ne recensait heureusement aucun décès pour la journée, mais un total de 363 blessés, dont 256 pris en charge dans les postes de soins et 107 dans les hôpitaux où toutes les interventions programmées avaient été par avance reportées, de façon à pouvoir faire face aux situations les plus urgentes.
Sur les 107 patients hospitalisés, dont plus de 20 enfants, 59 avaient été blessés par balles réelles, 5 autres par balles réelles recouvertes de caoutchouc, 24 par intoxication aux gaz, 7 par éclats de munitions, et 12 pour d’autres causes. La condition de 8 de ces blessés était qualifiée de “sérieuse” et celle de 58 autres de “modérée”.
Les équipes de soins comptent dans leurs rangs 1 blessé par balle et 13 par intoxication aux gaz.
Le chirurgien Christophe Oberlin, arrivé dimanche dans la bande de Gaza dans une équipe française de 5 soignants, nous indiquait un peu plus tôt dans la journée que ces professionnels avaient pu traiter une vingtaine de blessés des manifestations précédentes depuis le début de leur mission.
“Nous avons principalement traité des patients touchés par balles. Et il faut savoir qu’une opération de ce type peut prendre facilement 4 heures. C’est pourquoi, avant même la manifestation qui va commencer tout à l’heure, nous avons déjà beaucoup de patients en attente”, nous déclarait-il.
Plusieurs des photos illustrant le présent article nous ont été adressées par les médecins français sur place, tandis que les autres proviennent d’agences de presse.
Les besoins médicaux et sanitaires des 2 millions d’habitants du camp de concentration de Gaza sont colossaux.
C’est pourquoi CAPJPO-EuroPalestine poursuit sa campagne de collecte de fonds.
http://www.europalestine.com/spip.php?article14159
Le vendredi 30 mars, plusieurs dizaines de milliers de PalestinienEs manifestaient, en Cisjordanie et à Gaza, pour inaugurer la «?marche du Retour?», une série d’initiatives qui culminera le 15 mai à l’occasion du 70e anniversaire de la Nakba, la grande expulsion des PalestinienEs lors de la création de l’État d’Israël. À Gaza, l’armée israélienne a tiré à balles réelles sur les manifestantEs, alors qu’ils et elles étaient désarmés. Bilan?: 20 mortEs et plus de 1?500 blesséEs. Une semaine plus tard, les snipers de l’armée d’occupation ont récidivé lors de nouvelles manifestations?: 10 mortEs et plus de 400 blesséEs.
Interviewé à propos de ces tueries, le ministre de la Défense d’extrême droite Avigdor Lieberman a déclaré?: «?Il n’y a pas de gens naïfs dans la bande de Gaza. Tout le monde est connecté au Hamas. […] Tout le monde reçoit un salaire du Hamas et tous les militants qui essaient de nous défier et de franchir la frontière sont des militants de la branche armée du Hamas?». En d’autres termes, Lieberman assume sans complexe le fait que, pour Israël, touTEs les GazaouiEs méritent d’être châtiés et que, dans la petite bande côtière surpeuplée, personne n’est innocent.
Punition collective
Cohérent avec cette position en totale contradiction avec le droit international, qui interdit toute forme de punition collective, l’État d’Israël a refusé les enquêtes demandées par la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini et par le secrétaire général de l’ONU, tandis que les États-Unis ont joué leur rôle habituel en bloquant toute saisie ou déclaration du conseil de sécurité de l’ONU. Une telle enquête et une telle déclaration auraient-elles changé quoi que ce soit à la situation sur le terrain??
Certainement pas. Mais ces événements témoignent une fois de plus du sentiment d’impunité totale dont jouit l’État d’Israël, et de la façon dont ses «?amis?» le couvrent dans les institutions internationales. Et c’est bien parce qu’elles se sentaient autorisées à récidiver que les autorités israéliennes ont de nouveau donné l’ordre de tirer le 6 avril, conscientes qu’elles ne risquaient à peu près rien, sinon de timides condamnations de la «?communauté internationale?».
Israël?: un État hors-la-loi
Ce qui se joue en ce moment à Gaza nous rappelle à quel point les PalestinienEs ne peuvent compter que sur leurs propres forces, et sur le mouvement de solidarité internationale. Ce qu’ils et elles osent revendiquer, ce sont leurs droits. Rien de plus. Des droits consacrés par de multiples résolutions de l’ONU et théoriquement protégés par des dizaines de conventions internationales, résolutions et conventions qui prévoient des mécanismes de sanction contre les États qui ne les respecteraient pas. L’État d’Israël est un État hors-la-loi et, on ne le répétera jamais assez, mérite d’être sanctionné. Agir pour la mémoire des morts de Gaza, agir pour l’avenir du peuple palestinien, c’est agir pour isoler et affaiblir l’État d’Israël. La campagne BDS, construite sur le modèle de la campagne de boycott de l’Afrique du Sud de l’Apartheid, a remporté des victoires au cours des dernières années. Il faut la prolonger, la développer, en refusant toute forme de chantage à l’antisémitisme et en rappelant que dans la «?grande guerre pour la civilisation?», les barbares ne sont pas forcément ceux que l’on nous présente comme tels.
Le Tribunal Criminel International a émis un avertissement sans précédent selon lequel les dirigeants israéliens peuvent avoir à subir un procès pour le meurtre de manifestants palestiniens non armés dans la Bande de Gaza.
« Depuis le 30 mars 2018, au moins 27 Palestiniens ont été déclarés tués par les Forces de Défense Israéliennes, alors que plus mille autres ont été blessés, dont beaucoup à la suite de tirs à balles réelles et de balles enrobées de caoutchouc », a déclaré dimanche Fatou Bensouda, procureure générale du TPI.
« La violence contre des civils – dans une situation telle que celle qui prévaut à Gaza – pourrait constituer des crimes selon le Statut de Rome du Tribunal Pénal International, de même que l’utilisation de la présence de civils dans le but de couvrir des activités militaires », a dit Bensouda.
« Toute personne qui incite ou s’engage dans des actes de violence, y compris en ordonnant, sollicitant, encourageant ou contribuant de toute autre façon à la commission de crimes dans le cadre de la juridiction du TPI, est passible de poursuites devant le tribunal », a ajouté Bensouda.
La référence de Bensouda à l’utilisation de civils pour « couvrir des activités militaires » ressemble à une reconnaissance de la prétention d’Israël comme quoi les rassemblements massifs de la Grande Marche du Retour organisés par les Palestiniens ces deux derniers vendredis le long de la frontière de Gaza avec Israël seraient un stratagème du Hamas pour couvrir des « activités terroristes ».
Cependant, comme l’a déterminé une enquête de Human Rights Watch et comme l’ont confirmé les observations d’un journaliste, il n’y a rien eu qui ressemble à des « activités militaires » de la part des Palestiniens qui participaient à ces manifestations.
Ces rassemblements festivaliers ont fait sortir des milliers de personnes qui réclamaient la fin du blocus israélien sur Gaza et le droit au retour des réfugiés.
On n’a signalé aucun blessé israélien à l’occasion des manifestations palestiniennes à Gaza.
Mais ce qui ne fait aucun doute, c’est que les dirigeants israéliens ont ordonné de prendre pour cible les manifestants civils non armés dans ce que Human Rights Watch a appelé des meurtres « calculés » de personnes qui ne représentaient strictement aucune menace.
Trois de ceux qui ont été tués étaient des enfants.
En amont de ces manifestations de vendredi, l’association de défense des droits de l’Homme B’Tselem avait prévenu les soldats qu’ils seraient susceptibles de commettre des crimes s’ils obéissaient aux ordres « manifestement illégaux » de tirer sur des civils non armés.
Les snipers israéliens postés le long de la frontière avec Gaza ont tué vendredi neuf Palestiniens.
Rompant avec la position de l’Union Européenne, qui continue de refuser de condamner les actions d’Israël, samedi, la France a condamné les « tirs sans distinction » contre les civils Palestiniens à Gaza.
Mais en dépit de ces avertissements, les dirigeants israéliens ont refusé de modifier leurs ordres de tir à balles réelles et ont à plusieurs reprises félicité leurs soldats pour ce carnage.
Dimanche, le ministre de la Défense Avigdor Lieberman a effectivement déclaré que les deux millions de résidents de Gaza sont tous des cibles légitimes, disant aux médias israéliens que « dans la manifestation du terrorisme, il n’y avait pas de civils innocents, qu’ils étaient tous membres du Hamas ».
Selon The Times of Israel, Lieberman « a expliqué plus tard qu’il avait utilisé le mot hébreu tamim, pas pour signifier ‘innocent’, mais ‘naïf’ ».
Qu’il soit revenu sur ce commentaire n’est pas surprenant puisqu’on peut utiliser ce genre de déclaration comme preuve d’intention dans n’importe quel tribunal pénal international.
Lieberman avait rejeté les demandes d’enquête sur le meurtre du journaliste Yaser Murtaja qui a été mortellement touché vendredi alors qu’il portait une veste clairement marquée du mot « Presse ».
« Nous avons vu des dizaines de cas de militants du Hamas déguisés en infirmiers et journalistes », a prétendu Lieberman.
« Nous avons également vu un journaliste approcher de la frontière et lancer un drone, nous ne prenons pas de risques dans ces cas là », a-t-il ajouté, affirmation sur laquelle l’armée israélienne n’a trouvé aucune preuve pour l’étayer.
Dans les rassemblements de la semaine d’avant le meurtre de Murtaja, les forces israéliennes ont blessé 10 journalistes, dont plusieurs à balles réelles, selon le Comité de Protection des Journalistes.
En dépit des objections de Lieberman, dimanche l’armée israélienne a nommé l’un de ses propres généraux pour enquêter sur ses actions qui ont provoqué la mort de Palestiniens de Gaza, dont Murtaja .
Mais ces sortes d’auto-enquêtes n’ont historiquement été rien de plus que des entreprises de blanchiment qui ont servi à maintenir l’impunité d’Israël et à décourager l’enquête du TPI.
C’est pourquoi la déclaration de la procureure du TPI comporte une signification particulière puisque le tribunal international n’est invité à intervenir que lorsque les autorités judiciaires nationales sont réticentes ou incapables de réaliser de procédures authentiques.
Dans sa déclaration de dimanche, Bensouda a fait remarquer que « la situation en Palestine est sous examen préliminaire effectué par mon bureau ». C’est la procédure par laquelle le procureur décide d’ouvrir ou non une enquête officielle qui pourrait conduire à des inculpations.
Mais cet examen préliminaire illimité dure depuis des années avec Bensouda qui semble traîner des pieds.
Dans une affaire liée à l’attaque israélienne de 2010 sur la flottille pour Gaza, Bensouda a reconnu que les forces israéliennes avaient vraisemblablement commis des crimes de guerre dans les eaux internationales, mais elle a néanmoins refusé d’ouvrir une enquête officielle.
Les avocats des familles des victimes de l’assaut des commandos israéliens sur le Mavi Marmara ont accusé le bureau de Bensouda de « faire tout son possible pour échapper à l’obligation de lancer toute véritable enquête au niveau international, sachant très bien que les autorités nationales [israéliennes] ne mènent pas d’enquête sur ces crimes ».
Depuis sa création, le TPI a perdu beaucoup de sa crédibilité en ne poursuivant que des Africains, en dépit du fait que le Statut de Rome de 1998 demande au tribunal de « mettre fin à l’impunité » pour les crimes les plus graves, quel qu’en soit l’auteur.
Les Palestiniens ont projeté d’autres rassemblements de masse à Gaza dans les semaines qui conduisent au Jour de la Nakba – commémoration annuelle le 15 mai du nettoyage ethnique de la Palestine en 1948.
Reste à voir si la mise en garde faite par Bensouda détournera les dirigeants israéliens d’un nouveau carnage et si le tribunal va enfin agir pour mettre fin à l’impunité dont Israël jouit depuis des décennies.
http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2018/04/11/le-tpi-met-en-garde-les-dirigeants-israeliens-a-propos-des-meurtres-a-gaza/