L’urgence est un paravent à la merde
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Local
Thèmes : Actions directesEcologieImmigration/sans-papierEs/frontieresLogement/squat
Lieux : NormandieOuistreham
L’urgence est un paravent à la merde
« Je veux partout, dès la première minute, un traitement administratif qui permette de déterminer si on peut aller vers une demande d’asile ou non », Emmanuel Macron, Orléans, juillet 2017.
« Ce que nous voulons c’est un centre d’accueil. Ca s’appelle CAO, centre de répit, comme on veut… on ne peut pas faire en sorte qu’à partir du moment où ils ont préenregistré une demande, on ne soit pas en capacité de leur permettre d’aller au bout d’une démarche », Un avocat proche de Roya Citoyenne à Nice matin, juin 2017. Traduction : nous voulons des taules où parquer les migrants et migrantes et favoriser le fichage.
Nous savons qu’il y a des situations d’urgence et de simples conditions de survie à essayer d’améliorer, particulièrement en ce moment, et qu’il est bien difficile de lutter ensemble, avec ou sans papiers, tant nous ne vivons pas la même chose. En outre, une bonne partie des migrants et migrantes aspirent à partir le plus vite possible d’ici pour rejoindre l’Angleterre. Il est donc difficile de créer des bases de lutte commune.
Il est toutefois impossible pour nous de nous contenter d’en rester là. Un toit, des fringues, et même de potentiels papiers, sont déjà beaucoup, mais ne résoudront jamais les causes de cette situation. C’est pourquoi nous comptons participer à cette lutte en mettant en cause l’existence même des frontières et des Etats. Il n’y aura jamais de liberté de circulation, si ce n’est pour les riches, tant qu’ils existeront.
En outre, la condition qui est faite aux jugés indésirables par les gens au pouvoir et leurs complices sert d’abord à maintenir un ordre existant merdique, et annonce les modes de gestion et de répression de tout pas de côté et de toute révolte. Les indésirables, toujours plus nombreux et nombreuses dans le monde d’aujourd’hui, sont les cobayes de la répression et de l’administration de nos vies sacrifiées au nom du fric et d’un progrès qui nous mène au désastre. Si une lutte a ses spécificités, elle ne peut pas être séparée tant la domination est partout et se renforce. Les flics et les juges répriment et enferment, les politicards (de gauche comme de droite) décident à la place des gens, les médias mentent et justifient l’injustifiable, les patrons exploitent et profitent. Europe Ecologie Les Verts, dont une sénatrice a été invitée à visiter un squat caennais de migrants et migrantes, a par exemple participé à des gouvernements qui se vantaient de faire mieux que la droite en termes de reconduite à la frontière. Qu’aurions-nous à faire avec ce genre de personnes dans cette lutte ? C’est bien pour cela que toute lutte doit être autonome des organisations politiques et syndicales.
L’Etat annonce en ce moment un tour de vis supplémentaire sur toutes les franges sociales. Pour les migrants et migrantes, ce sera davantage de reconduites aux frontières et d’enfermements (en doublant le temps de la rétention administrative et en augmentant le nombre de places dans leurs taules), pendant que l’Etat continue de défendre les régimes autoritaires qui lui sont favorables en Afrique et ailleurs. Elle entend faire de plus en plus participer les associations à sa politique, en proposant des hébergements et autres centres d’accueil, où les migrants et migrantes seront fichés et triés, pris dans la machine à expulser. Certaines associations y sont mêlées depuis déjà bien longtemps, tels la Croix-Rouge, Emmaüs, ADOMA et bien d’autres encore. A la dernière manif à Ouistreham, un bien étrange slogan est d’ailleurs apparu, appelant à l’aide les pouvoirs publics pour fournir un hébergement d’urgence : pour leur donner une bonne occasion de ficher des gens qui essaient de s’y soustraire ?
Nous sommes plusieurs à avoir participé à l’Assemblée générale de lutte contre toutes les expulsions et à ses ouvertures de squat, puis à l’avoir quitté suite à des divergences, notamment en opposition à un certain esprit gestionnaire et paternaliste qui s’est développé de plus en plus. On ne veut pas lutter à la place des gens, mais avec elles et eux. Nous sommes tous et toutes déterminés à ne pas laisser en paix les gens qui décident de laisser crever, de parquer, ficher, faire la chasse à des personnes parce qu’elles n’ont pas le bon bout de papier et essaient de trouver un endroit où vivre un peu plus dignement.
Au moment où sept camarades et compagnon-nes passent en procès, accusés d’avoir contribué aux sabotages de la machine à expulser (dégradations de locaux de collabos, à savoir Air France qui reconduit aux frontières, Bouygues qui construit les taules, la SNCF qui balance aux flics), nous tenons à affirmer notre détermination à nous opposer à l’ordre existant, par l’auto-organisation et l’action directe.
Des révolté-es.
une discussion à partir des constats posés par ce texte aura lieu à la Pétroleuse, 163 cours cafarelli Mondeville (presqu’île de Caen), le mercredi 31 à 18h.