Si nous soutenons la zad de NDDL et voudrions la voir devenir une Zone d’Autonomie Définitive qui puisse en inspirer et en renforcer beaucoup d’autres, c’est (entre autres) parce que nous sommes anticapitalistes.

Cela signifie que nous sommes contre la loi de la propriété privée, qui voudrait qu’on accepte tout impératif de la part de ceux qui possèdent la terre ou les lieux de vie. La terre n’appartient à personne
– même celles et ceux qui la travaillent ne devraient en avoir que l’usufruit, le droit d’usage.

Cela signifie aussi que nous sommes contre l’agriculture productiviste, qu’elle soit petite ou grande, cette agriculture qui emploie engrais ou pesticides nuisibles à la vie et soumet le territoire à la contrainte de machines qui servent d’abord un impératif de rentabilité. Ces machines viennent du même monde que l’aéroport, ne l’oublions pas. Et cette forme d’agriculture a aussi été imposée par la sorcellerie capitaliste – par l’endettement, la manipulation, la concurrence – transformant des paysans et paysannes autrefois autonomes en parties prenantes malgré elles et eux du monde qui les oppresse.

Si nous soutenons la zad de NDDL, c’est aussi parce que les possibilités qu’elle a ouvertes s’ancrent dans la réalité concrète d’un territoire, nous engageant à y vivre et à l’habiter ; mais aussi, surtout, à le libérer des dominations qui s’y déploient et l’exploitent au profit du système totalitaire marchand.

De cette libération, la route des barricades est un des plus beaux emblèmes qui nous aient été donnés à voir. Une route, au moins depuis l’Empire Romain, c’est l’instrument par excellence du Pouvoir.

Ne pas se contenter de bloquer une route pour protester, comme tant de mouvements sociaux, mais en faire, à la force de nos mains et de nos liens, un lieu de lutte qui devienne lieu de vie, de création, de
partage, c’est contrecarrer par avance la récupération de nos désirs en revendications, en commençant dès maintenant à construire un monde habitable.

Que la route des barricades devenue route des chicanes, devienne la route des dos d’âne, qu’une fois une “victoire” obtenue la zad devienne un petit village un peu plus alternatif que les autres, serait au contraire le symbole de notre défaite, même sans aéroport.

Nous entendons la complexité d’un territoire, et la profonde diversité des composantes du mouvement contre l’aéroport. Mais nous ne nous sommes pas engagés dans cette lutte pour défendre la propriété de quelques uns et leur droit de polluer l’eau et les sols pour alimenter les marchés du Capital.

Surtout, nous savons qu’empêcher la construction d’un aéroport n’interrompra nullement la destruction causée par la société capitaliste, bien nichée dans les fonctionnements habituels que nous reproduisons souvent sans même s’en apercevoir.

Par ce texte, nous n’entendons dicter à personne son comportement, simplement affirmer la position politique au fondement de notre implication dans la lutte. Nous comprenons qu’on ne changera pas d’un
coup d’un seul les pratiques héritées. Mais nous savons aussi qu’il faut bien commencer quelque part. Nous appelons donc les personnes investies dans la lutte contre l’aéroport, en particulier au sein des composantes agricoles, à questionner leurs relations au monde qui a donné naissance à l’aéroport : leurs rapports à la propriété, au marché et à l’argent, leur reproduction d’un modèle productiviste, même à plus petite échelle, même sous l’étiquette « paysanne ».

Nous sommes solidaires de celles et ceux qui, au-delà de l’aéroport, luttent contre son monde. À ce titre, nous prenons position ainsi : le comité Zad à Saint-Denis voudrait voir refleurir la route des barricades, et soutiendra et participera à sa mesure à toute initiative en ce sens.