Ingouvernables : un devenir commun

Devenir ingouvernable ? Vaste débat au bar Le Chat Noir à Nantes le 20 février, pour ouvrir la troisième semaine des résistances.

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On aura entendu dans la soirée plusieurs réponses à cette question d’échapper à la domination politique. Réponses divergentes selon que l’on regarde du point de vue d’un espace géographique occupé et géré collectivement, ou qu’on se place du côté de pratiques individuelles dans un espace social.

Un territoire ingouvernable ? Des exemples ont évoqué des expériences concrètes et vivaces, de la Zad de Notre Dame des Landes au Chiapas zapatiste, en passant par le confédéralisme démocratique du Rojava kurde, via la plus éphémère (dix jours) Maison du peuple à Rennes.

Des expériences créant du commun, des usages et des cultures de vie collective, même si la notion d’être ingouvernable, et comment (autogestion, commune, etc.), n’a pas été vraiment creusée. Ce qui représente sans doute un autre débat possible, autour des moyens à envisager pour assumer une sécession par rapport au système capitaliste, aux Etats et leurs gouvernements dit démocratiques, mais s’affirmant de plus en plus autoritaires ?

L’autre réponse apportée au thème du débat, devenir ingouvernable, certain·es l’ont exprimé par la reprise individuelle, le vol, l’auto-réduction, la fraude aux transports en commun, sans ticket, voire pour un intervenant par la revendication d'”incivilités” sur les boîtes aux lettres…

Questions restées en suspens :

– comment rendre désirable le fait d’être ingouvernable ?

– comment rendre ingouvernable ce qui est désirable ?

– dans une perspective révolutionnaire, quand commencer à être ingouvernable, avant, après, pendant l’avènement du Grand Soir ?

– qu’est ce que ça veut dire être ingouvernable quand on est syndiqué·e ? mineur·e ? blanc·he ? contribuable ? au RSA ? déjà ronchon·ne de naissance ? etc.

– comment s’auto-gouverner ?

et bien d’autres….

La forme du débat dans une double salle de bistrot bondée, obligeant une prise de parole au micro, n’aide pas à ce que chacun·e se sente à l’aise pour s’exprimer facilement. Chacune, surtout. D’autant que le niveau de langage et d’analyse posé en préambule a pu gêner certain·es.
Mais les discussion plus informelles après le débat, sur le trottoir ou dans la salle, échappent évidemment à une vision d’ensemble. C’est déjà une manière de se montrer ingouvernable même vis à vis d’une tentative de compte rendu d’automédia.

 

Verbatims pasfidèlestoutletemps

« …ingouvernable, ce n’est pas une identité politique, c’est une attitude… »

« ingouvernable c’est difficile à définir, c’est souple car ça s’adapte au local : comment, à cette échelle, on s’échappe du gouvernement qui nous oppresse ? »

« le refus individuel c’est le départ… élargissement du refus… aller vers le collectif »

« assumer collectivement la répression »

« ne pas avoir envie d’être gouverné.e… comment on évite les oppressions dans nos organisations à nous ? » citation non exacte

« comment rendre désirables le fait d’être ingouvernables ? »

« être ingouvernables…réussir à propager ces foyers-là »

« rendre accessible…plus de pédagogie »

« être ingouvernable au quotidien : vols, fraudes… »

« construire son propre récit et ne pas se le laisser voler »

« arrêter d’adopter les mots de la gauche intellectuelle »

« quels espaces pour mettre à disposition son travail dans le mouvement ? »

« ne pas pointer celleux qui ne soulèvent pas…ne pas oublier la question de la servitude volontaire » citation non exacte

« on se pose des questions…on est déjà ingouvernables »

« il y a des luttes pour la démocratie, nous on lutte contre…expliquer pourquoi on lutte contre cette démocratie » citation non exacte

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Vous pouvez aussi écouter quelques interventions enregistrées lors de la soirée tout en bas de cet article…

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Pour l’occasion, ce sont deux imprimables de début mars qui sont sortis : Ingouvernables et Un souffle

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Radio Cayenne a aussi abordé tant la soirée que le programme de la semaine : à retrouver dans ses podcats du lundi 20 février par là

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Liens possibles :

Des exemples concrets ont émergés pour illustrer cette idée d’ingouvernabilité.

La maison du peuple occupée à Rennes est un des exemples qui a pu être donné. Si c’est un lieu qui a servi d’espace politique et syndical dans ses débuts, il s’est vu transformer rapidement dans le temps n’ayant de « maison du peuple » que le titre. Au cours du mouvement social contre la loi Travaille et son monde, la maison du peuple a recouvert sa fonction originelle un temps, explications : https://lundi.am/Rennes-occupation-de-la-Maison-du-Peuple.

Beaucoup moins près du grand ouest, il y a l’exemple du Rojava (ou Kurdistan Syrien). Expérience d’autoorganisation populaire qui rassemble des milicien.ne.s de partis tels le PYD (Parti de l’union démocratique) comme des minorités persécutées (assyrien.ne.s, arménien.nes, chrétien.ne.s…). Un territoire qui s’est organisé en réponse à des violences plurielles dans la confusion de la guerre civile syrienne. A lire, le témoignage de Zaher Baher : http://www.alternativelibertaire.org/?Dossier-Kurdistan-Oui-le-peuple.

Les mouvements queer sont des passerelles supplémentaires qui donnent à voir l’ingouvernable en actes. Dans son étymologie toute l’expression « queer » traduit le refus de la conformité car le terme renvoie à l’idée d’ « être de travers », « tordu.e.s ». C’est l’idée de déconstruire le genre, le sexe, de ne pas laisser administrer nos corps, nos identités par le patriarcat, l’hétéronormativité… et puis ce peut être l’organisation d’une réponse collective aux violences existantes. De plus amples précisions avec cette traduction d’extraits du livre “Queer Ultra Violence : Bash Back ! Anthology” : https://www.infokiosques.net/lire.php?id_article=1021

Bien sûr, la Zone A Défendre de Notre Dame des Landes, qu’on ne présente plus, est un des exemples, très local, qui a été cité. Une lutte à suivre sur : http://zad.nadir.org/. On vous invite à aller creuser –si cela vous dit- les autres exemples qui ont surgi comme la chourre, la fraude ou encore la révolte au Chiapas.