Les féministes contre la morale sexuelle
Published on , Edited on
Category: Global
Themes: Genre/sexualités
Salopes et féminisme pro-sexe
Elizabeth Mercier analyse le phénomène de la SlutWalk (marche des salopes). Ces manifestations permettent aux femmes de revendiquer la libre disposition de leur corps. Elles s’opposent aux discours qui accusent les victimes de viols de revêtir des tenues trop provocantes. A Toronto, « des jeunes femmes en majorité ont défilé dans un effort de réappropriation du mot salope et de détournement du sens péjoratif dont est chargée la sexualité féminine », décrit Elizabeth Mercier.
Mais la SlutWalk (SW) reste critiquée par les conservateurs et certaines féministes qui les accusent de se conformer au modèle de l’hypersexualité marchande. Ces discours visent à dénigrer la libération sexuelle pour se ranger derrière l’ordre moral. Ils « participent aussi à tracer les contours normatifs d’une respectabilité féminine, en l’occurrence, à travers la moralisation d’un bon sujet féministe et la mise à l’écart de la question sexuelle soulevée par la SlutWalk », analyse Elizabeth Mercier.
La SW se distingue du discours qui vise à dénoncer l’ivrognerie et la sexualité prédatrice des hommes, notamment des classes populaires. La SW s’inscrit dans le féminisme pro-sexe de la 3ème vague. Les manifestantes défilent en sous-vêtements, en talons aiguilles et autres bas résilles. Même si la diversité des tenues vestimentaires est encouragée. Le terme de salope est réapproprié, comme dans le mouvement des Riot Grrrls.
La féminisme traditionnel privilégie le combat contre la « culture du viol » et dénigre la SW. Au contraire, le nouveau féminisme revendique la liberté sexuelle et le plaisir sans devoir subir le moindre dénigrement. Ces féministes refusent de se poser en victimes et revendiquent une sexualité active. Elles critiquent l’ordre moral qui impose une culpabilisation et une négation du plaisir. La bonne sexualité ne doit plus correspondre à des critères de morale ou de respectabilité, mais uniquement au critère du plaisir.
Diversité des féminismes
Christine Lévy se penche sur le féminisme japonais des années 1970. En France, à la même époque, le Mouvement de libération des femmes (MLF) permet une rupture avec la morale sexuelle. Les féministes luttent pour la contraception et l’avortement. « Un enfant si je veux, quand je veux », devient le mot d’ordre des féministes.
Au Japon, la lutte pour l’accès à la pilule reste minoritaire. Les féministes critiquent la médicalisation du corps et les laboratoires pharmaceutiques. Les féministes rejettent la modernité occidentale et son culte de la technologie. Les effets secondaires de la pilule, mal supportés, permettent de légitimer ces positions. Evidemment, les féministes attaquent le système patriarcal et le mariage monogamique bourgeois. Elles défendent la contraception mais préfère la responsabilisation de l’homme à travers le préservatif.
Christine Machiels évoque les débats autour de la prostitution à la fin du XIXème siècle. Des féministes considèrent la jouissance comme exclusivement masculine. Elles considèrent donc que les femmes ne peuvent être que les instruments sexuels des hommes. Le plaisir sexuel de la femme est nié. « Dans la conjugalité comme dans la débauche, sexe rime avec compensation », décrit Christine Machiels. Ces féministes dénoncent même la sexualité sans amour.
La diffusion d’une morale sexuelle passe par l’éducation des enfants. La jeunesse masculine est incitée à la modération sexuelle. Ces féministes considèrent donc que la sexualité rime avec maternité. « Leur utopie égalitaire d’une morale commune pour les deux sexes reste prisonnière d’une vision négative de la sexualité et d’une conception essentialiste de la différence des sexes », analyse Christine Machiels. Le principe universel de libre disposition de soi et de son corps est donc mis en doute.
Lucile Quéré revient sur la lutte des féministes pour le consentement en gynécologie. Ce mouvement vise à dénoncer la brutalité du corps médical. Surtout, les féministes veulent se réapproprier elles-mêmes les pratiques gynécologiques pour véritablement avoir le contrôle de leurs corps.
Magali Della Sudda présente la démarche des femmes catholiques. Elles tentent, dans le cadre de la religion, de revendiquer davantage de liberté. Elles s’appuient sur les textes du pape pour exprimer le choix d’avoir des enfants.
Féminisme des années 1970
Lucile Ruault propose un entretien avec Guilaine Enoc, militante du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) à Aix et à Lyon dans les années 1970. La féministe retrace son parcours politique dans un contexte bouillonnant.
Elle se politise fortement à travers le mouvement de Mai 68. Même si les gauchistes restent profondément machistes. « Dans les amphis, il n’y avait que les mecs qui pouvaient parler. Il fallait arracher le micro pour pouvoir dire des choses ! S’ils nous autorisaient à prendre la parole, ils nous la coupaient au bout d’une minute ! », témoigne Guilaine Enoc. Les femmes décident alors de se réunir entre elles. Elles discutent de l’antipsychiatrie, de la contraception et des rapports entre hommes et femmes.
Guilaine Enoc participe à La Commune, un lieu collectif qui remet en cause l’éducation, la famille et les relations humaines. Ce groupe décide également de lutter dans les entreprises. Le partage des tâches s’organise bien. Mais la remise en cause du couple se heurte à la jalousie et à des sentiments divers. Le parcours et la personnalité de chacun.e ne sont pas pris en compte. « On a beaucoup discuté de la jalousie, des rapports de domination, tout ça, mais de façon très intellectuelle à mon avis. Et ça a choqué », regrette Guilaine Enoc.
Les féministes s’inspirent également de la critique de la famille et d’Herbert Marcuse. L’éducation collective des enfants est alors mise en œuvre. La vision traditionnelle de la maternité est remise en cause. Les femmes peuvent alors avoir une activité politique à l’extérieur. Cette forme d’organisation collective ne renforce pas le contrôle mais favorise au contraire une plus grande liberté.
Les féministes et les communautés ne sont pas repliées sur elles-mêmes. Bien au contraire, elles participent aux luttes sociales. « Oui, j’étais caissière dans un Euromarché. On a mené la première grève de femmes… Extraordinaire », témoigne Guilaine Enoc. Bien que deux militantes travaillent dans cette entreprise, ce sont les salariées elles-mêmes qui s’emparent de la lutte. Ce moment de grève permet également d’aborder les problèmes d’avortement. « Des filles qui en avaient bavé dans leur vie, qui n’avaient pas pu faire d’études, et pour lesquelles c’était une revanche », décrit Guilaine Enoc.
Le MLAC repose sur des permanences. Les femmes se forment elles-mêmes aux pratiques médicales. L’avortement devient un moment d’apprentissage. Le MLAC ne se contente pas de demander une loi pour permettre la prise en charge par le corps médical. Les féministes veulent surtout transformer le monde. Elles relient leurs réflexions politiques à une pratique. Elles ne veulent pas laisser le contrôle des corps aux médecins.
Détruire la morale sexuelle
La revue Nouvelles Questions Féministes partage un féminisme matérialiste. Elle s’inscrit dans une approche pragmatique. La théorie féministe part de la pratique pour élaborer des perspectives émancipatrices. Le féminisme est valorisé dans sa diversité et s’adapte au contexte culturel dans lequel il s’inscrit. Cette approche permet de remettre en cause l’universalisme abstrait et le modèle d’un bon féminisme.
La revue présente une bonne critique des institutions patriarcales. La santé et les médecins sont souvent critiqués. Ce véritable contrôle sur le corps des femmes doit être largement critiqué. Surtout qu’il passe souvent pour positif. La revue encourage pertinemment les femmes à s’approprier les pratiques médicales.
Mais l’approche pluraliste et relativiste peut aussi dérouter. L’institution religieuse ne fait pas vraiment l’objet de critiques. C’est pourtant un des piliers de la société patriarcale et de l’ordre moral. Les femmes qui subissent un environnement religieux doivent évidemment lutter en tenant compte de ce contexte. Mais il semble également important d’affirmer le nécessaire dépassement de la religion avec sa morale et ses contraintes.
Ce féminisme pluraliste s’inscrit dans une approche intersectionnelle, voire postmoderne. La revue valorise les féminismes dans toute leur diversité. Mais elle oscille entre l’addition des luttes locales et la perspective d’un féminisme matérialiste pour abattre le capitalisme et le patriarcat. L’approche universitaire, avec la spécialisation de chaque chercheuse dans un sujet spécifique, renforce cette impression d’une addition de mouvements séparés. Même si ces analyses peuvent permettre de renouveler une pensée globale, féministe et émancipatrice.
Ce féminisme matérialiste peut permettre de trouver un équilibre entre la sexualité marchande et la morale bourgeoise. Un féminisme pro-sexe valorise la liberté sexuelle, notamment la prostitution et la pornographie, sans tenir compte de la logique marchande qui traverse ses phénomènes. Inversement, un féminisme traditionnel se centre sur la violence sexuelle. Le désir et le plaisir des femmes sont alors éludés. La destruction de la morale et de la marchandise doivent permettre un véritable épanouissement pour valoriser le plaisir sexuel.
Source : Marta Roca i Escoda, Anne-Françoise Praz, Eléonore Lépinard (Coord.), « Morales sexuelles », Nouvelles Questions Féministes, Volume 35, N°1, Antipodes, 2016
Articles liés :
Érotisme, littérature et politique
Les mouvements de révolution sexuelle
Contrôle des corps et misère sexuelle
Pour aller plus loin :
Vidéo : “Regarde elle a les yeux grand ouverts” : le MLAC, présentation du documentaire sur le site Paris-luttes.info le 27 février 2014
Vidéo : Christine Lévy – Marxisme et féminisme au Japon, conférence mise en ligne sur le site de la Tendance Claire le 10 novembre 2015
Radio : Charlotte Bienaimé, “Nos corps, nos choix”, émission Grande traversée : Women’s power, les nouveaux féminismes diffusée sur France Culture le 23 août 2016
Radio : IVG, contraception… et technologies médicales de contrôle des corps, Emission G’enrage #19 mise en ligne le 5 mars 2016
Radio : émissions avec Christine Lévy diffusées sur France Culture
Emilie Laystary, Gaëlle, responsable de la Slutwalk France, l’interview, publié sur le site MadmoiZelle le 5 octobre 2011
Alice Maruani, « Tu connais un bon gynéco ? » Sinon, il y a un site pour ça, publié sur le site Rue 89 le 30 octobre 2015
Dossier 68’, révolutions dans le genre ?, publié dans la revue Clio. Histoire‚ femmes et sociétés n° 29 en 2009
Avorter Histoire des luttes et des conditions d’avortement des années 1960 à aujourd’hui (Grenoble – Printemps 2008), brochure mise en ligne sur le site Infokiosques le 30 septembre 2008
À propos de l’appel “Laïcardes, puisque féministes”, d’Anne Vigerie et Anne Zelensky
Dans l’appel « Laïcardes, puisque féministes », lancé dans le journal Le Monde, Anne Vigerie et Anne Zelensky, instituent un rapport de stricte équivalence entre le féminisme, la laïcité et l’exclusion des élèves « voilées ». Nous contestons cette « évidence » : pour notre part, nous sommes « contre l’exclusion, puisque laïques et féministes ». C’est pourquoi il nous paraît nécessaire de revenir sur un certain nombre d’assertions.
Tout d’abord, on ne peut pas décréter, comme le font les deux auteures, que « le port du voile symbolise la place de la femme dans l’islam tel que le lit l’islamisme », « dans l’ombre, la relégation, la soumission à l’homme ». Car, comme l’ont montré de nombreux sociologues peu suspects de complaisance pour l’islamisme (comme Françoise Gaspard, Farhad Khosrokhavar ou Niluphar Göle), le sens du port du voile n’est pas unique : il varie d’un lieu, d’une époque et d’une femme à l’autre. Il faut notamment souligner que, sur fond de sexisme et de domination masculine, le port du foulard est parfois ce qui permet à des jeunes filles d’oser investir des « domaines réservés » aux hommes : sorties le soir, études prolongées, mariage différé, engagement dans la sphère politique…
« Que des femmes le revendiquent ne change rien au sens qui l’affecte » affirment pourtant, imperturbables, les deux auteures. Comment peut-on refuser aussi radicalement la parole des principales intéressées ? Et comment peut-on évacuer aussi rapidement la complexité du réel ? Quant à ce poncif : « Il n’est plus à prouver que les dominé(e)s sont les plus fervents supporters de leur mise sous tutelle », il laisse perplexe. On aurait préféré que les deux auteures se donnent la peine de « prouver » cette assertion. Car, que les dominés puissent contribuer, à des degrés divers, à leur propre domination (ou qu’ils s’y adaptent, comme ils peuvent) est une chose ; pour autant, les « premier supporters » de l’oppression ne sont pas les victimes, mais bien les bénéficiaires de l’oppression, c’est à dire les oppresseurs eux mêmes !
Anne Vigerie et Anne Zelensky ne l’entendent pas ainsi : « Il n’est plus sûre oppression que l’auto-oppression », poursuivent-elles, sans se donner, là encore, la peine d’argumenter. Il faut dire que ce concept d’ « auto-oppression » est très commode : il permet à n’importe qui de décider, indépendamment de la volonté des jeunes filles, voire contre leur volonté, comment elles doivent se vêtir. On pourrait généraliser ce raisonnement, et soutenir par exemple que porter des mini-jupes ou se maquiller, c’est aussi se soumettre à un modèle de féminité aliénant : la femme-objet, qui n’a de valeur que pour autant qu’elle suscite le désir de l’homme ; par conséquent, interdisons le port de ces vêtements ! Et si des femmes objectent qu’elles aiment les porter, c’est la preuve qu’elles sont dans la pire des oppressions, « l’auto-oppression », et c’est donc une preuve supplémentaire de l’urgence qu’il y a à les « libérer d’elles-mêmes ». Bref : il faut les forcer à changer de vêtements ! Cette philosophie politique, qui décrète une partie de la population « aliénée » et inapte à toute pensée et à toute prise de parole, pour ensuite la « forcer à être libre », est terrifiante.
Des féministes conséquents ne peuvent que sursauter, plus loin, lorsqu’Anne Vigerie et Anne Zelensky affirment, froidement, que « la France est une nation qui respecte deux principes », « la laïcité » et « l’égalité des sexes ». Car ces principes existent comme principes, mais on ne peut décemment pas affirmer qu’ils sont respectés. Le statut de concordat de l’Alsace-Moselle ne respecte pas la laïcité, et la neutralité politique est loin d’être attestée dans certains enseignements (songeons à la place dérisoire accordée à la Traite des Noirs, à l’oppression coloniale ou aux femmes, à leur domination, leur exclusion et leurs luttes d’émancipation).
Quant au second principe, « l’égalité entre hommes et femmes », il n’est pas plus « respecté » : à tous les niveaux (rémunération, sécurité de l’emploi, accès au pouvoir économique et politique, répartition des tâches domestiques, violences sexuelles…), la France est un pays où règne une profonde inégalité au détriment des femmes.
« La laïcité suppose un espace public neutre », poursuivent les deux auteures. Certes ; mais il y a plusieurs manières de concevoir la neutralité : à une neutralité « négative » (consistant à interdire tous les signes d’appartenance, sans exception) on peut opposer une neutralité « positive » (consistant à tolérer tous les signes, sans discrimination, sauf ceux qui sont une offense directe à l’égard d’autrui, comme les croix gammées). Accepter à l’école les élèves voilées, au même titre que celles et ceux qui portent une croix, une kippa, un tee-shirt Nike ou une faucille et un marteau, n’est-ce pas, également, faire preuve de neutralité ?
Anne Vigerie et Anne Zelensky ne l’entendent pas ainsi : pour elles, un espace « neutre » est un espace « libre de toute croyance religieuse ». Là encore, la perspective est inquiétante. Car être athée, et penser qu’un monde sans religion est souhaitable, est une position légitime ; mais imposer cet horizon comme un préalable, faire de l’éradication de toute croyance religieuse une règle de droit positif, c’est la définition même d’une logique totalitaire.
Le foulard, poursuivent les deux auteures, « range les femmes en deux camps : soumises ou putes ». Et elles ajoutent : « Là où commence la violence sociale, morale ou physique contre les femmes qui ne portent pas le voile, doit s’arrêter la liberté de le porter ». Or, si nous admettons aisément, en nous référant à la Déclaration des Droits de l’homme, que la liberté d’un individu doit être limitée lorsque cet individu abuse d’un autre individu, il est en revanche plus difficile d’admettre le glissement qu’Anne Vigerie et Anne Zelensky font subir à ce principe : car si on les suit, c’est la liberté d’une femme voilée qui doit être remise en cause lorsque des hommes abusent de femmes non-voilées ! En d’autres termes, les femmes voilées sont traitées comme des coupables (ou du moins des complices) de brutalités qu’elles ne commettent pas, et que, dans leur grande majorité, elles n’approuvent pas.
On ne peut qu’approuver les deux signataires lorsqu’elles s’en prennent aux « indignations hypocrites » de la « gent publicitaire et médiatique », qui invoque la liberté d’expression lorsqu’elle est critiquée pour ses dérives sexistes. Car effectivement, ce sexisme existe, et sa dénonciation est légitime, et même nécessaire. Mais nous ne pouvons pas suivre les auteures lorsqu’elles prétendent que c’est « idem » face au voile : la situation est en réalité tout autre lorsqu’on ne se contente plus de stigmatiser des discours ou des images ouvertement et univoquement dégradantes, et qu’on se tourne vers un symbole, par définition polysémique, pour décréter en connaître l’unique signification, et appeler à la répression brutale des femmes qui s’y reconnaissent. Dans un cas, des publicitaires sexistes sont critiqués, attaqués verbalement, dans le cadre d’un combat politique loyal ; dans l’autre, des femmes sont sanctionnées brutalement et privées d’un droit fondamental : le droit à l’éducation.
Anne Vigerie et Anne Zelensky incriminent l’idéologie du « droit à la différence », qu’elles assimilent à une « sacralisation irraisonnée de la différence ». Il y a là une totale confusion, car dans le « droit à la différence », ce n’est pas la différence qui est sacrée, mais le droit, c’est-à-dire la liberté individuelle. Autrement dit : pour la majorité des défenseurs du droit à la différence (dont nous sommes), la différence n’a en elle même aucune valeur, et elle n’est pas une obligation ; elle est, comme le dit la formule, un droit, ce qui signifie qu’un individu a le choix, et que, tant qu’il respecte la liberté d’autrui, il peut assumer et afficher une différence, sans risquer une quelconque sanction pour cela.
Les deux auteures concluent : « voilà comment, au nom du respect des coutumes, on nous a fait honte quand nous avons décidé de dénoncer l’excision et de porter devant la justice les cas d’excision ». Le flou autour de ce « on » leur permet d’assimiler les opposants à l’exclusion des élèves voilées aux défenseurs de la légitimité de l’excision, ce qui est parfaitement malhonnête, puisque parmi les personnes qui se sont engagées contre l’exclusion des élèves voilées, quasiment aucune n’a défendu l’excision, ni même le droit l’excision.
« Il est vrai, poursuivent les deux auteures, qu’en un sens le voile n’est que la partie émergée de l’iceberg. L’iceberg, c’est la politique de mainmise des ” réseaux d’Allah ” sur les populations issues de l’immigration », via des réseaux de soutien scolaire ou d’aide aux familles en difficulté… Tout cela existe sans doute, mais en se focalisant sur ces réalités, les deux auteures ne voient toujours qu’une toute petite partie de l’iceberg : elles oublient notamment de voir plusieurs décennies de relégation et de discrimination, une gestion policière et néo-coloniale de l’immigration et des banlieues, et deux décennies de démolition ou de récupération de toutes les formes de contestation laïques issues de la Marche pour l’Égalité de 1983. Ainsi que la stigmatisation à outrance de l’islam, qui a donné au foulard une dimension d’étendard politique qu’il n’était pas forcément appelé à avoir dans la France du début des années 1980.
Lorsqu’enfin on en vient aux conclusions et aux revendications, les deux auteures demandent ni plus ni moins que « l’interdiction du voile dans les lieux d’enseignement et de vie commune (école, fac, entreprise, administration) », ce qui signifie concrètement que la femme « voilée » se voit dans l’impossibilité d’étudier et de travailler – bref : d’acquérir les outils indispensables à son émancipation intellectuelle et à son autonomie financière. Elle se voit donc livrée sans défense au pouvoir des hommes. Comment peut-on être féministe et accepter cela ?
Mais le plus énorme vient en second : Anne Vigerie et Anne Zelensky demandent « l’interdiction du voile dans la rue », « si les agressions envers les femmes non voilées se perpétuaient ». Le « si » est de pure forme : en réalité, les auteures savent très bien que des agressions envers des femmes sans voile vont malheureusement se poursuivre. Or, aucune étude statistique ne permet d’établir la moindre corrélation entre l’apparition du voile islamique dans l’espace public français et une quelconque recrudescence du nombre de violences contre les femmes. On est donc ici face à une incroyable opération d’amalgame. Les femmes portant le voile doivent donc être sanctionnées pour des agressions qu’elles n’ont ni commises, ni approuvées !
Lorsqu’Anne Vigerie et Anne Zelensky se prononcent pour finir contre l’enseignement de la religion en dehors des cours d’histoire et de philosophie, et pour un enseignement sur les discriminations racistes, sexistes et homophobes, les féministes que nous sommes ne peuvent qu’approuver. Car c’est bien à l’institution que doit s’adresser l’obligation de laïcité, et non à l’élève. Mais par ailleurs, ce qui manque le plus, c’est un enseignement sur les luttes d’émancipation – laïques, féministes, ouvrières, anti-coloniales… La connaissance des discriminations doit en effet être articulée à l’histoire des luttes menées par les dominé-e-s eux-mêmes et elles-mêmes, sans quoi on en reste à un discours de dénonciation morale, qui demeure inefficace contre les idées et les comportements qu’il condamne, et qui aboutit logiquement à une seule demande : plus de police, plus de répression, plus de punition, sans discernement quant aux cibles visées. La campagne pour l’exclusion des élèves voilées est un exemple-type de ce moment où l’impuissance politique se retourne en désir de toute-puissance étatique. Une posture qui donne au féminisme un visage auquel nous ne sommes pas accoutumés : le visage terrifiant de l’intolérance, de la répression la plus brutale et du consentement cynique au « sacrifice » d’une partie des femmes.
http://lmsi.net/Un-feminisme-a-visage-inhumain
Le porno féministe n’existe pas
http://sexes.blogs.liberation.fr/2015/08/12/le-porno-feministe-nexiste-pas/
le porno féministe n ‘existe pas ? tout existe hélas.
et des copines aiment regarder des porno soft ou moins soft,pas des masses certes,mais y en a.
les façons de penser :tout ou rien ce binarisme rend la réalité incompréhensible