Lors de son interview sur RMC, la ministre, Madame Rossignol, a démontré son ignorance en matière de nationalité ; en affirmant, la main sur le cœur, que « nous avons le devoir de garantir à tous ceux qui vivent en France, et aux franco-musulmans, qu’ils y vivent bien », elle démontre ainsi sa méconnaissance de la différence entre religion et nationalité.

De plus, elle encourage non seulement un discours de haine et d’exclusion en discriminant les femmes de confession musulmane et en suscitant des pressions sur celles qui portent le voile, mais aussi remet en cause la liberté de se vêtir, qui est un élément de l’intimité de la vie privée, mais aussi la liberté de commerce et de l’entreprise en traitant « d’irresponsables » des grandes marques comme H&M, Uniqlo, Dolce Gabanna parce qu’elles feraient la promotion de « l’enfermement des femmes ».

Dans ce combat, le gouvernement vient d’être rejoint par Elisabeth Badinter qui, dans un entretien au journal Le Monde (édition du 2 avril), pense « que les femmes doivent appeler au boycott de ces enseignes ». Sera t elle, comme les militants de BDS, poursuivie par ces marques pour entrave à l’exercice normal d’une activité économique, critère de la provocation à une discrimination illicite ?

Oui, les mots ont leur importance. Par la violence de la mise en relation inadmissible entre « il y a les femmes qui choisissent » et le « il y avait des négres afri…négres américains qui étaient pour l’esclavage », elle prône l’idée que le port de certains vêtements musulmans traduirait une mise en esclavage, d’autant plus redoutable qu’il est le fait de femmes qui en font elles-mêmes le choix. Avec cette comparaison, elle prétend révéler la logique d’esclaves organisateurs de l’esclavagisme qu’il y a derrière le fait de porter le voile. Mais il y a pire, avec cette comparaison, la ministre développe l’idée que les esclaves ont participé à leur propre extermination. Elle affirme cela non comme une exception mais comme une donnée centrale, ce qui est de nature à impressionner un public non averti, ou celui qui croit déjà dans ces thèses, et est à la recherche de référence intellectuelle.

Dès lors, face à cette nouvelle forme d’ « esclavagisme », le gouvernement se doit d’agir et de conduire une action déterminée pour libérer et protéger les femmes, qui sont sous l’emprise de groupes menés par « les salafistes ». Il l’annonce par la voix de sa ministre chargée de l’Enfance, de la Famille et des Droits des femmes qui a montré avec détermination qu’elle endossait ces propos. L’objectif étant de montré qu’il était temps qu’une action forte soit menée contre un problème d’une d’ampleur telle que seule une réaction de haut niveau pourrait venir à bout de ces voiles qui hantent les jours et les nuits de ceux qui nous gouvernement.

Quelques heures plus tard, cette même ministre n’a t elle pas concédé, face à l’AFP, une « faute de langage », mais a souligné qu’elle « ne retirait pas un mot » à ce qu’elle avait dit par ailleurs ? Elle signifie ainsi qu’elle a voulu donner une assise générale à son propos avec de fortes références sociologiques et politiques.

Ces propos ne sont pas tenus pour rien. Contre le voile, la marge de manœuvre légale du gouvernement est ténue.

Mais dans ce faux combat, l’Etat s’égare. Ses obligations ne sont elles pas de garantir les libertés fondamentales, de protéger les minorités exposées et de lutter contre le négationnisme qui essentialise des populations qui sont toujours racialisées et demeurent invisibles.

Or, la ministre a choisi de discriminer les femmes portant le voile et de les exposer, une nouvelle fois, à la vindicte publique, entre autres en stigmatisant les musulmans comme étant des étrangers à perpétuité, puisqu’il y aurait d’un côté « tous ceux qui vivent en France », et de l’autre « les franco-musulmans ».

Il se doit aussi de ne pas reprendre les éléments des thèses racistes les plus insipides en recourant à des propos faux, infondés bafouant la mémoire des morts et des victimes de l’esclavage, dans une démarche négationniste, qui tourne le dos à la connaissance.

Madame Rossignol a exprimé son mépris à l’égard des Afro-américains mais plus généralement à l’égard de tous les Afro descendants et des millions de victimes de la traite négrière et de la mise en esclavage, le plus grand crime contre l’humanité jamais commis.

En droit, une déclaration d’un-e ministre annonçant une action publique est un fait, et tout fait de l’administration engage sa responsabilité s’il est fautif. La faute ne doit pas être qualifiée par rapport à des données politiques ou morales, mais juridiques. Notons que la ministre ne peut pas revendiquer l’irresponsabilité, alors qu’elle a stigmatisé les fabricants de vêtements comme « irresponsables ».

Bien sûr, il ne saurait être question de remettre en cause la liberté d’expression d’un-e ministre. Mais cette liberté ne saurait être sans limite, et en particulier elle se doit de respecter les droits et les libertés d’autrui, à commencer par tout ce qui relève des choix concernant la vie privée.

On ne peut continuer à accepter l’emprise du pouvoir politique sur des questions qui relèvent de l’intimité de la vie privée et de la croyance personnelle.

On peut dès lors affirmer que la déclaration publique de cette ministre résulte d’un abus de pouvoir ; l’autorité publique s’affichant pour but de faire changer des choix qui relèvent de la liberté religieuse.

Mais on ne peut laisser de côté la malhonnêteté intellectuelle qui guide cette démarche ; la ministre choisit de monter en épingle des questions sociales qui parlent à l’électorat populiste, alors que les problèmes des femmes de religion musulmane en France sont ceux de toutes les femmes, à commencer par ceux de l’emploi et de l’inégalité salariale. Les femmes portant le voile subissent des discriminations accrues, en raison de leur intersectionnalité, notamment au travail.

Le devoir de la ministre, qui a dans son portofolio les droits des femmes, n’est il pas de lutter contre ces discriminations au lieu de les aggraver ?

Ces propos mettent en évidence une pensée coloniale et colonialiste, alors que la lutte contre le colonialisme n’est pas une option politique mais une obligation juridique.

Rappelons juste pour mémoire que l’ONU, depuis 2011, a lancé la troisième décennie pour l’éradication du colonialisme. Depuis Jules Ferry, héros républicain qui professait l’inégalité des races et le devoir de coloniser, la France, et particulièrement ses élites politiques et intellectuelles, n’en a pas fini avec la grande tradition colonialiste de la Gauche gouvernementale.

Devant la gravité et les conséquences, sur le plan sociétal, de ces propos, la Fondation Frantz Fanon, avec d’autres organisations, va engager un recours devant le Premier Ministre puis déposer une requête devant le tribunal administratif de Paris parce que « tout acte d’une autorité publique qui a un impact sur la vie des tiers est susceptible d’engager sa responsabilité s’il est constitutif d’une faute » et parce que « la faute d’un-e ministre, pour des actes commis dans le cadre de ses fonctions, engage la responsabilité de l’État ».
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Il s’agit, par cette démarche ??de n’exclure aucune des voies offertes ?par la loi ?
à tous ceux et toutes celles qui refusent de se laisser racialiser, exclure, marginaliser, discriminer, stigmatiser ?et? elle n’empêche nullement d’emprunter ?d’en emprunter d’autres telles que celle du pénal ?ou? de déposer plainte auprès de la Haute cour de Justice.

Oui, les mots ont bien de l’importance !

http://frantzfanonfoundation-fondationfrantzfanon.com/article2338.html