Loi sur le renseignement : tous surveillés !
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Présentant le projet de loi relatif au renseignement adopté en Conseil des ministres ce 19 mars 2015, le Premier ministre a fièrement assuré qu’il contenait « des moyens d’action légaux mais pas de moyens d’exception ni de surveillance généralisée des citoyens » !
Certes, ce projet légalise des procédés d’investigation jusqu’à présent occultes. Mais pour le reste, les assurances données quant au respect des libertés relèvent d’une rhétorique incantatoire et fallacieuse. Et, prétendant que ce projet de loi fait l’objet d’un large consensus, le gouvernement soumet l’examen du projet en procédure accélérée, confisquant ainsi le débat parlementaire.
« Pas de moyens d’exception » : sonoriser des espaces privés, capter des images, accéder en temps réel aux données de connexion Internet ou installer des dispositifs de recueil des communications couvrant de larges périmètres de l’espace public, suivant la technique du chalutier jetant son filet pour faire le tri ensuite : voilà donc des dispositifs qui ne constituent pas « des moyens d’exception » ! Faudrait-il donc admettre qu’ils relèveront dorénavant du quotidien le plus banal ?
« Pas de surveillance généralisée des citoyens » : au prétexte de la lutte légitime contre le terrorisme, le projet déborde largement hors de ce cadre. Il prévoit que les pouvoirs spéciaux de renseignement pourront être mis en œuvre pour assurer, notamment, « la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». Au nom de la lutte contre le terrorisme, ce sont donc aussi les mouvements de contestation sociale qui pourront faire l’objet de cette surveillance accrue. L’ensemble des citoyens constituera ainsi la cible potentielle du contrôle, à rebours de ce qui est affirmé.
Plus grave, tout le dispositif est placé entre les mains de l’exécutif évitant le contrôle par le juge judiciaire de mesures pourtant gravement attentatoires aux libertés individuelles qu’il est constitutionnellement chargé de protéger.
La vérification du respect des critères, particulièrement flous, de mise en œuvre de ces pouvoirs d’investigation exorbitants, est confiée à une commission qui fonctionne selon une logique inversée : pour les autoriser, un seul membre de la commission suffit, sauf en cas d’urgence, où l’on s’en passe. Mais pour recommander d’y renoncer, la majorité absolue des membres de la commission doit se prononcer, l’exécutif demeurant en dernier ressort libre d’autoriser la mesure. Et si la commission ne dit mot, elle consent. L’atteinte à la liberté devient ainsi la règle, la protection l’exception.
Ce n’est qu’a posteriori, et seulement si le filtre de la commission est passé, que des recours juridictionnels pourront être formés, exclusivement devant le Conseil d’Etat. Et, secret défense oblige, ils seront instruits sans respect du contradictoire. Ils resteront illusoires quoiqu’il en soit, puisque par définition, le plaignant doit être dans l’ignorance des mesures de surveillance qui peuvent le concerner.
Enfin, vice majeur du dispositif, aucune limite n’est fixée pour déterminer à quel moment et selon quels critères le régime du renseignement relevant d’une police administrative d’exception doit laisser place à une enquête judiciaire de droit commun, avec les garanties qu’elle comporte pour ceux qui en font l’objet. Le juge judiciaire pourrait donc continuer ainsi de rester à l’écart d’investigations portant sur des délits ou des crimes dont l’élucidation relève pourtant de sa mission.
Ce projet de loi installe un dispositif pérenne de contrôle occulte des citoyens dont il confie au pouvoir exécutif un usage quasi illimité. Il est à ce titre inacceptable. Seul un véritable contrôle a priori de techniques de renseignement proportionnées et visant un objectif strictement défini relevant de la sécurité nationale, restera respectueux des droits fondamentaux.
L’Observatoire des libertés et du numérique appelle les citoyens et les parlementaires à se mobiliser pour conduire ce projet vers sa seule finalité légitime : mettre les dispositifs d’encadrement de la surveillance et du renseignement en adéquation avec les exigences de l’Etat de droit.
Organisations membres de l’OLN : Cecil, Creis-Terminal, LDH, Quadrature du Net, Saf, SM.
[Globalement, ce projet de loi adopté le 19 mars 2015 en conseil des ministres et qui sera examiné “en procédure d’urgence” à l’assemblée nationale à partir du 13 avril (et dès le 1er avril à huis clos par sa commission des lois où les premières propositions d’amendements des députés vont tomber), donne aux différents organismes de renseignement les mêmes possibilités légales que celles auparavant uniquement possibles dans le cadre d’instructions judiciaires. C’est-à-dire qu’à tout moment -au quotidien- ils ont auront tout loisir de s’en donner à coeur joie de manière administrative et “préventive” (les fameuses mauvaises intentions). Cela ne fait bien sûr que légaliser des pratiques déjà courantes (comme la fausse antenne de la taille d’une valise qui permet de siphonner tous les portables à proximité), mais permet aussi de massifier ces pratiques (des millions d’euros ont déjà été annoncés pour le recrutement d’agents spécialisés). De plus, une des toutes nouvelles missions dédiées aux services de renseignement est créée avec cette loi, élargissant leur compétence au-delà du “terrorisme”, de la “criminalité organisée” ou de la “sécurité nationale” : « la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». Enfin, en plus d’anonymiser tous leurs noms (des PV jusqu’au Journal Officiel !) ou l’élargir la couverture de la DGSE pour son sale travail à l’étranger, un gros volet concerne aussi le renseignement dans le cadre de l’administration pénitentiaire (brouillage et écoute des portables).]
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http://cettesemaine.info/breves/spip.php?article887
Le 26 mars dernier, la Quadrature du Net a organisé avec d’autres associations, une conférence de presse sur la Loi de Renseignement, la voici : https://www.youtube.com/watch?v=xTEqai3eyAc
Se sont réunis :
– Amnesty International France — Geneviève Garrigos
– L’Observatoire des Libertés et du Numérique :
CREIS-Terminal — Geneviève Vidal
La Ligue des Droits de l’Homme — Pierre Tartakowski
La Quadrature du Net — Félix Tréguer
Le Syndicat de la Magistrature — Laurence Blisson
Le Syndicat des avocats de France
Le CECIL — Sylvain Steer
– Reporters sans frontières — Christophe Deloire