Sam. 1er nov à toulouse : finissons-en avec le projet de barrage et les crimes de la police
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Category: Global
Themes: RépressionResistancesTestet
Places: Toulouse
Ces deux derniers mois, au Testet, nous avons vu le visage odieux de « l’aménagement du territoire », nous avons vu les débardeuses travailler inexorablement derrière des rangs des gardes mobiles repoussant les opposants, derrière des nuages de gaz lacrymogènes, au milieu du bruit des grenades, nous avons vu aussi après leur passage la désolation et la stérilité. Ça ne ressemblait pas aux plaquettes de papier glacé imageant le futur, qu’ils tendent avec impudence pour nous convaincre de leur Progrès. Ils créent du vide, et ce vide, ils le défendent avec la violence séculaire dont ils sont capables, jusqu’à tuer. C’est ce néant et la possibilité de sa croissance qu’ils défendaient encore ce samedi 25 octobre, possibilité qui repose sur la peur qu’ils inspirent, sur la pression mentale et physique qu’ils exercent sur nous. Ils étaient là ce samedi, malgré les promesses du préfet, non pas pour prévenir de nouvelles dégradations sur les quelques mètres de grillage qui les entouraient, mais pour faire perdurer cette mise sous pression des opposants qui depuis le début des travaux de déboisement n’a jamais cessé. Chaque jour les charges policières, les multiples exactions ont tenté de faire passer aux défenseurs de la forêt de Sivens l’idée folle qu’ils puissent avoir quoi que ce soit à dire sur l’avenir de ce territoire. Et aujourd’hui encore, sans aucun souci de décence, ils affirment que les travaux sont trop avancés pour revenir en arrière. Experts ou flics, ils exercent cette politique du fait accompli sans vergogne.
Pourtant, vendredi soir, les opposants ont démontré que ce qui est bâti peut être détruit. En effet, dans la nuit, la « base de vie » des gendarmes a été incendiée. Son aspect donnait d’ailleurs une idée de ce que « vie » signifie pour eux : une plate-forme de terre « dévégétalisée » entourée de douves de trois mètres de profondeur, remplies d’eau, doublées de rangées de grillages. A l’intérieur, un algeco et un groupe électrogène alimentant un énorme spot tourné vers l’extérieur. Le lendemain, ils faisaient tout de même bloc autour de ses cendres, voulant démontrer qu’aucune victoire n’est possible pour nous. C’est cette assertion qui tentait d’être retournée durant la manifestation, en affirmant à plusieurs milliers qu’on ne pliera pas, et que c’est eux qui partiront. Rapidement nous nous sommes massés le long des boucliers et des grillages. La co-présence de deux visions du monde si antagonistes ne peut durer longtemps sans exploser. Certains s’avancèrent un peu plus pour passer de la parole au geste et les affrontements commencèrent pour ne s’arrêter qu’au petit matin. Face à nous, des lacrymogènes par centaines, lancés à hauteur de visage, des grenades assourdissantes éclatant au milieu de la foule, des tirs de flash-balls en pagaille… Dans ce contexte, Cazeneuve a raison, le meurtre de Rémi n’est pas une bavure. C’est bien une possibilité toujours présente de l’action des forces de l’ordre et de leurs armes soi-disant non létales. Leur ultime menace. D’ailleurs, plusieurs heures après le drame, alors qu’ils savaient tous qu’ils avaient tué un jeune homme, les gardes mobiles continuèrent leur distribution généreuse de grenades. La stupéfiante normalité de ce crime ne fut brisée que lorsqu’ils prirent conscience de la légitime colère qui risquait de s’abattre sur eux. Alors seulement, ils levèrent le camp.
On a entendu, ce dimanche, des voix nauséabondes tenter de scinder le mouvement, de séparer le bon grain de l’ivraie, comme d’habitude, comme toujours. Rémi était dans les affrontements, nous y étions tous. Ils veulent que nous nous cloîtrions dans le pré carré d’identités faciles à cerner : le non-violent et celui qui s’affronte avec la police, le pacifiste et le casseur, etc. Alors il faudra le répéter : il n’y a ni bon, ni mauvais manifestant. Il n’y a que des opposants à ce stupide projet. Lorsque la police use d’une telle violence, lorsqu’on voit tant de mutilés, on comprend aisément l’utilité de boucliers ou de masques à gaz, lorsque le fichage politique est exponentiel, lorsqu’après la manifestation du 22 février à Nantes, l’accusation se base sur des vidéos, on comprend que certains se masquent le visage. Parler de « black bloc », désigner des « encagoulés », c’est ce que l’État fait pour masquer un fait majeur : les opposants ont tiré des enseignements des luttes de ces dernières années, notamment en ce qui concerne les pratiques policières et judiciaires. C’est toute une génération politique qui a appris comment s’équiper face à la police si l’on ne veut pas céder à l’argument du flashball et de la matraque. Et l’on sait comment à la Notre-Dame-des-Landes cette forme de résistance fut décisive.
Au Val Susa dans les alpes italiennes, toute une vallée se bat contre un projet de ligne TGV, dans la multiplicité des pratiques. Ainsi, lorsque l’État italien a tenté de les diviser en pointant du doigt un prétendu « black bloc » qui serait venu s’infiltrer parmi les « opposants non-violents », le mouvement a répondu d’une seule voix : « nous sommes tous des black blocs ». Si s’opposer physiquement, si refuser de plier, si faire éclater sa colère, c’est être un casseur, alors nous sommes tous des casseurs.
Ce qui nous réunit, c’est une commune émotion, un NON ferme et sans appel à leur projet. Et depuis la mort de Rémi, c’est la tristesse et la rage qui nous tiennent ensemble. C’est cette certitude aussi : nous ne laisserons jamais ce barrage se faire. L’émotion commune, la colère populaire, voici ce qui les effraie, ce qui les a toujours effrayés, rois, flics ou aménageurs. Ils nous voudraient calmes, patients, attendant que « justice se fasse ». Mais leurs appels résonnent dans le vide. Car l’un d’entre nous est mort. Valls nous a prévenus, il « n’acceptera pas la mise en cause des policiers. » Leur justice cautionnera leur police comme elle l’a toujours fait. Et nous, nous faisons ce que le peuple sait faire : prendre la rue, hurler au visage des assassins, lézarder le décor impassible pour qu’il en porte la marque, pour en finir avec l’impunité policière. Il en va de notre vie à tous. Il en va du souvenir de Rémi.
Samedi, toutes et tous à Toulouse !
Samedi 1er novembre, 2000 personnes se sont réunies à Toulouse pour faire acte de leur colère suite à l’assassinat par la police d’un manifestant à Sivens samedi 25 octobre. 2000 personnes déterminées à que leur colère et leurs tristesse ne passent pas inaperçues. Bien évidemment les pouvoirs publics ont cherché à empêcher cette démonstration non sans peine, s’en sont suivies 3 heures de protestations éparses dans la ville et de violences policières.
Quelques petites remarques préliminaires
Alors que la presse insiste sur quelques vitrines abimées, il parait important de rétablir certains éléments factuels :
– 2000 personnes de tous âges et de tous horizons se sont réunies suite à un appel informel pour exprimer leur tristesse et leur colère face à l’assassinat d’un jeune homme dans une manifestation ;
– elles étaient déterminées à faire entendre leur rejet de la violence policière et des projets inutiles imposés, autres violences faites à nos vies ;
– les gardes mobiles [1] ont immédiatement empêché la manifestation d’avoir lieu sans qu’aucune explication ne soit donnée. Si la manifestation n’avait pas été déclarée, elle n’était pas pour autant interdite ;
– Dès lors l’action policière a été d’user systématiquement de grenades lacrymogènes et de désencerclement, de matraques et de pressions diverses en vue de disperser la manifestation. Le message était clair : votre colère, votre tristesse n’a pas lieu d’être. Manque de pot, la détermination était totale et les moyens employés ont été à la hauteur.
Ce qui suit est un récit subjectif de la manifestation n’hésitez pas à ajouter des compléments d’information [2]. Difficile de savoir tout ce qui c’est passé, on ne peut être partout d’autant que la manifestation s’est trouvée assez vite disloquée en groupes épars dans toute la ville.
Un démarrage sous pression
Rendez vous au Capitole, beaucoup de monde, beaucoup de pancartes : contre le barrage de Sivens, en souvenir de Rémi Fraisse, contre les violences policières, contre l’armement policier. Pas d’organisation préalable de la manif, dans le même mode que les précédentes manifestations de la semaine. Donc à un moment quelques banderoles se mettent en route et la manifestation démarre pour rejoindre les boulevards, en direction du palais de justice semble dire la rumeur.
Très vite bloquée par les gardes mobiles, la manifestation s’échauffe, les gaz sont lâchés très vite histoire de donner le ton de l’après midi et de repousser les manifestant.e.s sur la place du Capitole. Celle-ci est en partie bouclée, seules voies de sortie, les petites rues… Quelques manifestant.e.s font en sorte que les policiers ne nous serrent pas de trop près. Nous sommes en effet en présence d’un dispositif important lourdement armé. Un hélicoptère de la gendarmerie survole la manifestation et ne nous quittera pas jusqu’à sa dispersion totale. Ce bruit d’hélicoptère rappelle sans doute des choses à ceux et celles qui étaient au Testet une semaine auparavant.
La manifestation prend donc la rue Gambetta pour rejoindre le tribunal par le seul parcours laissé libre par la police. Est-ce que le préfet autorise tacitement la manifestation à parcourir la ville mais seulement par des itinéraires moins fréquentés ? Toujours est-il que la manifestation peut parcourir les rues du vieux Toulouse : rue Peyrolières, rue des Couteliers, rue de la Dalbade… Vous pouvez manifester mais dans les arrières cours, l’insulte est cinglante. Lorsque nous croisons un boulevard, c’est une rangée de policiers casqués, bottés et armés qui nous empêche de passer…
Malgré toute cette pression, nous restons en nombre dans le défilé. Peut-être que nous voulons dire que nous n’avons pas peur, que nous continuerons à protester malgré les pressions et ce mort. Difficile de dire ce qui passe par la tête de tant de gens divers, difficile de comprendre les raisons de chacun.e qui conduisent à braver la violence de la police…
Un tout petit bout du dispositif policier site subversiones: http://subversiones.org/archivos/108308
Dispersion et continuité de la manifestation
Lorsque la manifestation débouche sur la place du Salin face au tribunal, le gazage est immédiat et dense… Les grenades éclatent dans tous les sens dans les rues étroites, rebondissent sur les murs. La peur est palpable, tout le monde a dans la tête la grenade funeste qui a couté la vie à un autre comme nous, dans une situation similaire. La foule se disperse à gauche et à droite mais des petits groupe se forment rapidement qui vont faire durer la présence de la manifestation quelques heures encore sous diverse formes :
– un sitting prend forme place Rouaix face à la chambre de commerce et d’industrie, des chants résonnent,on tient la rue ;
– des vitrines de banques et des abribus tombent sous les coups de la colère quai de Tounis et place Esquirol. Quelques jets de projectiles sur la police qui n’a toujours pas cessé ses tirs divers de balles de gomme, de lacrymogènes ;
– Des groupes partout crient leur colère, la manifestation est partout, il est de plus en plus difficile de distinguer ceux et celles qui y ont pris part depuis le début et les passant.e.s. Les forces de l’ordre ne font d’ailleurs aucune différence, tout ce qui ne porte pas d’uniforme est un ennemi potentiel. Le gaz ne connait pas de frontière d’âge ni de classe, l’égalité républicaine réalisée par les compagnie de sécurité du même nom.
Blessures et arrestations
Des charges sporadiques des forces de l’ordre dans toute la ville déplacent les manifestant.e.s qui tentent de se réunir tant bien que mal pour continuer la protestation, la tombée de la nuit ajoute à la confusion. Le métro est fermé, le centre ville est bondé comme d’habitude. Les lacrymogènes tombent sur les voitures coincées dans les bouchons. Des vitrines sont encore étoilées ici et là. Surtout commence la valse des arrestations. Il faut justifier l’action policière par un nombre conséquent d’arrestations. La préfecture annonce 16 personnes arrêtées sans que l’on sache si elles sont maintenues en garde à vue, inculpées de quoique ce soit ou simplement relâchées après un contrôle d’identité. Cette semaine nous a habitués à une certaine prudence vis-à-vis des communiqués de la préfecture. Il est avéré que les manifestant.e.s ont pu constater un certain nombre d’arrestations assez violentes, mais aussi des blessures diverses allant du bleu important à la blessure ouverte, sans compter les yeux qui piquent, la peau qui brûle et les bronches en feu [3]….
Réalité vécue et reflet médiatique
Depuis hier la ritournelle des casseurs et de la violence n’en finit plus de tourner en boucle sur tout ce que ce pays a de moyens de communication. Les organisations embrayent le pas prenant peur de voir leur crédibilité entachée par quelques vitrines abîmées, quelques policiers mis en congé pour un doigt foulé. De qui se moque-t-on ? Un homme est mort, et d’autres sont régulièrement mutilés et tués par les forces de l’ordre. Samedi nous étions nombreux et nombreuses, nous étions déterminé.e.s, nous étions en colère et nous l’avons fait savoir. Riens de plus, rien de moins, les mises en scène spectaculaires, les jérémiades des syndicats de police et les condamnations des organisations à courte vue ne doivent pas occulter ce que nous avons vécu. Les forces de l’ordre voulaient nous faire taire, nous immobiliser, nous invisibiliser et ça n’a pas marché. Nous avons crié dans les rues, nous avons exprimé notre tristesse et notre colère, nous avons informé, nous avons rendu visible la brutalité policière… Nous avons tout simplement manifesté…
Qui casse nos vies ?
Qui casse nos avenirs ?
Qui casse la nature ?
Qui casse nos emplois ?
Qui casse nos droits ?
Qui casse nos gueules ?
Qui casse nos villes ?
Alors c’est qui les casseurs ?
Notes :
[1] On a peine à imaginer que c’est la même brigade qui serait responsable de la mort de Rémi Fraisse, mais peut-être que le cynisme des autorités va jusqu’à mettre face à face le tireur et ses comparses avec les manifestant.e.s. Reste que c’est tout de même le même corps répressif en terme de tact et de respect, on fait mieux…
[2] Soit directement par le bouton “proposer un complément d’info” au pied de l’article soit sur la boîte mail de IAATA, contact.iaata@riseup.net
[3] On ne peut que souscrire à ce qu’écrive les camarades de ZAD nadir “Un mort au Testet, un œil dans les quartiers nord de Blois, un nez à Nantes, grosse semaine pour la police nationale… Jusqu’où ira cette politique de mutilation systématique ? On constate qu’aujourd’hui, au nom du maintien de l’ordre, c’est devenu la routine de revenir de toutes les manifs avec des éclats de grenades offensives dans la chair, des personnes éborgnées, mutilées par des tirs de flashball”
https://iaata.info/Compte-rendu-succinct-de-la.html