Il s’apprête à passer une nouvelle nuit à la rue :

– car le 115 lui a dit qu’il n’y avait absolument aucune place,
– car il n’est plus un enfant, n’en a pas à charge et n’est pas encore malade (“encore” parce qu’on voit mal comment ne pas le devenir dans des conditions de vie pareil) donc ne rentre pas dans les critères qui donnent une chance d’être hébergé par la Mairie,
– car il y a tellement d’autres personnes dans la même situation que les squats et autres solutions militantes collectives sont saturées,
– car l’Etat n’en a rien à carrer qu’il dorme dehors puisque, sans-papiers, il n’a “pas vocation à rester sur le territoire français” et pas vocation non plus à être mieux traité qu’un animal errant,
– car dans ce pays, dans cette ville, toutes les nuits, des rouleaux de PQ, des plantes en plastique et des boîtes de conserve “dorment” dans des magasins bien couverts ; des tableaux et des bouquins “dorment” dans des musées et des bibliothèques ; des ballons de baskets et des maillots de foot “dorment” dans des gymnases immenses et quasiment vides ; mais des gens “dorment” à la rue… et ça n’a l’air de choquer que quelques dizaines de pelos qui se font traiter d’utopistes parce qu’ils et elles demandent que personne, aucun être humain, ne soit obligé de dormir dehors.

Alors hier soir, on se sentait tous mal, mal et écoeurés par ce que cette ville “de gauche” nous force à avaler.

Et personnellement, j’avais juste envie de prendre le mégaphone et de hurler dans les rues de Rennes que cette ville “de gauche” laisse des gens dormir – et peut-être bientôt crever – dans ses rues toutes les nuits, et j’avais envie ensuite d’aller enfoncer la porte de la mairie, cette soi-disant maison du peuple et de la démocratie, pour loger S. et pour que là haut on comprenne que, si, il y a encore “des choses à ajouter” sur la question du logement contrairement à ce qu’en pensent certains élus de la Mairie. Et que non, “les prendre chez nous” comme on l’entend régulièrement, n’est pas une solution (même si c’est ce qui finit souvent, et hier soir encore, par se passer) parce que la solidarité, elle doit être collective, c’est ça le socialisme, enfin je croyais !

Finalement, AG de vacances, on n’avait pas vraiment les forces pour attaquer, coup de pot pour la Mairie… et finalement, une solution individuelle a été trouvée in extremis pour S. : une petite nuit de gagnée pour lui, et la boule au ventre qui s’estompe un peu pour nous.

Mais la colère ne risque pas de retomber : chère municipalité, cher Etat, et tous les autres échelons du pouvoir quels qu’ils soient qui acceptez que des êtres humains dorment dehors toutes les nuits alors qu’on a tellement de fric pour construire hôtels de luxe et stades de foot, ne criez pas victoire et ne “dormez” pas sur vos deux oreilles, parce qu’on reviendra, et on ne lâchera pas !