Calais : salut ô toit !
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Category: Global
Themes: Immigration/sans-papierEs/frontieresInformatiqueLogement/squatRacisme
Places: Calais
Nous sommes un ensemble de personnes venues de différents pays et d’horizons politiques divers qui luttons pour le droit au logement pour toutes et tous, quelles que soit leurs origines. Nous occupons actuellement, depuis plus de 48 heures, des bâtiments publics vides dans différents quartiers de la ville de Calais.
Pourquoi ici et pourquoi maintenant ? Plus de 4 000 bâtiments sont vides à Calais, ce qui représente 9% des logements (500 d’entre eux sont d’ailleurs la propriété de l’OPH, le bailleur social majoritaire de la ville…). En contrepartie, plus de 500 personnes sont à la rue sans qu’aucune solution digne de ce nom n’ait été proposée par les autorités. Pour répondre à cette situation, ils ont transformé Calais en ville fantôme.
Qui peut prétendre avoir marché dans une rue où il n’y avait pas au moins une maison aux fenêtres murées, aux portes barricadées, à la cave scellée ? Pourquoi laisser des endroits vides et des gens dehors ? Pourquoi dépenser de l’argent pour condamner les accès des bâtiments plutôt que de les utiliser pour venir en aide à une population précaire ?
Afin de répondre à ces questions que les pouvoirs publiques ont choisi d’occulter, cela fait plusieurs années déjà qu’un ensemble d’individus cherche des solutions collectives en redonnant vie à des bâtiments laissés à l’abandon, pour que les sans-abris aient un toit sur leurs têtes. Jusqu’à ce jour, les autorités n’ont répondu que par la répression qui s’est traduite par de multiples expulsions illégales fondées sur des détournements de procédures, manipulations de témoins au cours des enquêtes de voisinage, altérations de preuves…
A Calais, le droit au logement est pris en otage par les différentes instances du pouvoir qui n’ont cessé de se servir de la situation migratoire pour agiter peurs et fantasmes autour de la question des squats. Il y a quelques mois, ces manipulations politiques se sont incarnées dans l’appel à la délation lancée par la maire UMP de Calais, Natacha Bouchart, qui, faute de perspectives politiques réelles pour sa ville, a voulu faire croire aux Calaisiens que les « squats » et leurs habitants présumés étaient à l’origine de tous leurs maux. Ce climat délétère a permis au collectif xénophobe, « Sauvons Calais », dont le fondateur est un néo-nazi, de germer comme par hasard, deux jours plus tard, avec la bénédiction de la mairie qui s’est réjouie de sa naissance.
Rappelons d’ailleurs que deux de ses principaux représentants, Philippe Mignonnet et Emmanuel Agius, sont allés jusqu’à les accueillir à la mairie, et soutenir leur « sit in », le jeudi 7 novembre devant la mairie, alors que les organisateurs et les participants ne cachaient pas leur racisme et leur affiliation avec le Front National. Citons pour exemple quelques uns de leurs propos discriminatoires sur les migrants : « ce sont des nuisibles, les trois quarts sont des agresseurs potentiels ».
« Sauvons Calais » a depuis lors prolongé la campagne de stigmatisation des squats, campagne qu’il a accompagné d’un discours xénophobe nauséabond. Ce collectif est devenu la branche opérationnelle de l’appel à la délation de la maire de Calais, et a mis en place un système de traque des migrants et des militants pour repérer leurs lieux de vie. S’il était déjà presque impossible de se loger à Calais lorsque l’on était sans abris, et plus particulièrement sans abris et sans papiers, sans être victimes des exactions des autorités, depuis la semaine dernière, un nouveau pallier a été franchi.
Des extrémistes et des riverains manipulés ont en effet assiégés une maison squattée par un couple de personnes dans le besoin, ne lésinant pas sur les menaces de mort, les jets de pierres, et les incendies volontaires à coups de cocktails Molotov. Aujourd’hui, à Calais et ses environs, squatter, c’est prendre le risque de se faire lyncher, sous l’œil impassible des forces de police et l’inaction du sous préfet et du préfet.
Nous ne pouvons pas laisser l’arbitraire de la violence d’une minorité, jusque là impunie, nous empêcher d’avoir accès à un toit et de défendre la nécessité d’un logement digne pour tous et toutes quelles que soient leurs origines. Nous refusons la banalisation de ces méthodes et ne rien faire, c’est, en un sens, accepter qu’elles deviennent la norme.
Votre présence et votre regard est important car la police va, comme à son habitude, ignorer les preuves que nous leur fournissons et trouver un voisin qui dira : je les ai vu pour la première fois aujourd’hui ou hier, pour prouver que les occupants sont à l’intérieur depuis moins de 48 heures. Ce seul témoignage l’emporte alors sur l’ensemble des preuves certifiées auxquelles ils ont accès, et devient le justificatif d’une expulsion au motif de flagrance.
Une maison occupée, appartenant à la mairie, et située au 3 impasse Leclercq a été évacuée illégalement dans l’après-midi. Cela même alors que les preuves de l’occupation qui datent de plus de 48h avaient été rendues publiques. Les médias ont été prévenus, et la voix du nord et le nord littoral se sont rendus sur place. La voix du Nord a publié un article où l’on peut voir en photo l’une de ces preuves, un courrier recommandé dont l’envoi date du mercredi 26 février 2014 et dans lequel se trouvent des témoignages, photos, captures d’écrans datées, attestant d’une occupation du bâtiment de plus de 48 heures.
La mairie a-t-elle choisie d’ignorer délibérément ces preuves en donnant son aval à l’expulsion de la maison ? Si oui, quelles motivations ont pu la pousser à bafouer publiquement, pour la énième fois, la loi ? Il semblerait bien, une fois n’est pas coutume, que Natacha Bouchard et son équipe se soient rangés du coté de l’extrême droite.
Le matin même, la police municipale accompagnée d’un officiel de la mairie, puis rejointe par la police nationale, s’est rendue sur les lieux. Ils y ont réceptionné les preuves de l’occupation de plus de 48 heures que les habitants et habitantes leur ont fourni. En début d’après-midi, six à sept vans de CRS sont arrivés ainsi que trois voitures de police nationale, afin de procéder à l’expulsion.
Alors que les habitants tentaient de communiquer avec les forces de police pour leur rappeler l’illégalité d’une expulsion sans décision du tribunal d’instance alors que des preuves ont été fournies, les policiers ont directement défoncé la porte sans proposer aux occupants de sortir. Des habitants et habitantes ont tenté de filmer l’action de la police mais ces derniers ont attrapé la caméra et l’ont jeté contre le mur.
Des violences physiques extrêmement brutales se sont également déroulées à l’encontre des occupants et occupantes (ces derniers vont écrire des témoignages pour relater les détails de cette brutalité policière) qui ont ensuite été arrêtés au motif d’occupation illégale et de dégradation volontaire. Ils ont été relâchés quelques heures après, sans aucune charge, ce qui démontre une fois de plus que ces expulsions sont juridiquement infondées, et n’ont qu’un seul objectif :vider les maisons de leurs habitants à tout prix, et au détriment de la légalité et de l’intégrité physique et psychologique des personnes.
Trois autres maisons occupées ont été découvertes par les forces de police au cours de la journée.
Les résidents de ces trois lieux sont également en mesure de fournir les preuves attestant de leur occupation de plus de 48 heures, et les ont déjà présenté à divers médias ainsi que, pour certains, aux forces de police. Ces habitations n’appartiennent pas à la mairie, mais à d’autres instances publiques qui n’ont pas, pour l’instant, montrer autant d’empressement que la mairie pour déloger illégalement les habitants.
Le dépôt de plainte pour éviction illégale de la maison du 3 impasse Leclercq est en cours, et toutes les preuves originales, dont certaines irréfutables, ont été réceptionnées par notre avocate et seront présentées au tribunal. Nous sommes prêts à réitérer ce dépôt de plainte pour les trois autres lieux qui ont été ouverts, aussi longtemps que notre droit au logement ne sera pas respecté.