Féminisme ? non, colonialisme !
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Catégorie : Global
Thèmes : Genre/sexualitésRacismeResistances
Il y a des gens qui aiment montrer au passant leurs fesses ou leurs parties génitales, on les appelle des exhibitionnistes. Dans certains pays, l’exhibitionnisme est considéré comme un crime, dans d’autres c’est une sorte de trouble mental léger et ils sont envoyés vers un traitement psychiatrique. Personnellement, je ne pense pas que l’exhibitionniste nuise à quiconque et doit donc être laissé libre, ni en prison ni en hôpital psychiatrique.
Le groupe FEMEN est un groupe d’exhibitionnistes qui aiment montrer leurs seins aux passants. Jusqu’ici, pas de problème. Elles affirment pourtant que leurs provocations relèvent de la manifestation politique, et même d’une manifestation féministe. Dans les années soixante-dix, j’ai appris du mouvement féministe que le corps de la femme n’est pas un objet de publicité, y compris d’une éventuelle publicité politique.
Les FEMEN ne sont pas plus féministes que les filles de Playboy ou des danseuses de strip-tease, avec une différence cependant : alors que les strip-teaseuses se déshabillent en public pour gagner leur vie, le gang FEMEN n’a même pas cette excuse pour ses expositions publiques.
Il y a quelques mois, les FEMEN avaient décidé d’aller montrer leurs seins en Tunisie, afin de donner des leçons aux Tunisiennes sur la libération des femmes. Au cours d’une contre-manifestation, des féministes tunisiennes – certains voilées et d’autres dévoilées – ont clairement signifié aux FEMEN qu’elles n’étaient pas les bienvenues en Tunisie. “Vous ne nous enseignerez pas ce qu’est la libération des femmes ici ! », a déclaré une femme tunisienne à la bande FEMEN, “Retournez chez vous et n’essayez pas de nous coloniser.”
“Colonialistes” ? C’est la vraie caractéristique des FEMEN : des femmes occidentales qui prétendent enseigner aux femmes arabes (et à d’autres) ce qu’est l’émancipation des femmes et la façon dont elles devraient s’y prendre. Après le prêtre catholique et sa bible, la FEMEN et ses seins ! Rien n’a changé : l’Occident tente toujours d’éduquer les indigènes et leur montrer ce qu’est la vraie civilisation.
Les FEMEN sont allées à Bethléem à Noël pour exposer leurs corps à la Basilique de la Nativité. Je suppose que les femmes de Bethléem, Chrétiennes et Musulmanes ensemble, ont dû leur montrer le chemin de l’aéroport de Lod, en précisant que celles qui ont participé, voire mené la grande Intifada de 1987, et pris une part active dans la résistance à l’occupation coloniale israélienne qui dure depuis près d’un demi siècle, de telles femmes n’ont pas besoin de leçons de résistance de la part d’Occidentales qui montrent leurs seins pour quelques minutes de publicité.
Voir :
www.facebook.com/Estbel
J’ai un souci avec cet article et j’ai pris 2 jours pour tenter d’expliquer ce qui me gène. Autant je suis moi aussi en colère sur certains aspects dictatoriaux et “colonialiste” voire très nationaliste des Femen, autant je veux bien qu’on ne me dise pas sous quelle forme de vêtements ou non une féministe a le droit de s’exprimer.
Je trouve hallucinant de les comparer à des exhibitionistes. Et c’est bien une des chose que je leur accorde : mettre les individu-e-s de toutes nationalistés et religions face au simple fait d’être une femme, de chair et d’esprit.
Du coup, j’ai carrément pas confiance en ce qui anime cet article et je serai plutôt pour le refuser.
Je croyais au contraire que le rôle d’Indymedia était de dénoncer le colonialisme, le paternalisme occidental et l’islamophobie partout où ils se manifestent, quels qu’en soient les auteur-e-s, qu’ils ou elles se réclament par ailleurs de la révolution, du patriotisme ou du féminisme.
Si on lit bien le texte de Warschawski, il n’a aucun jugement de valeur sur le féminisme, l’exhibitionnisme et la façon de s’habiller des Femen, mais sur l’exportation de leurs valeurs dans des cultures qu’elles jugent pour le moins d’une manière méprisante. Il ne suffit pas de se réclamer du féminisme pour être exonéré de toute critique sur son nationalisme, colonialisme et autoritarisme. Les Femen peuvent faire ce qu’elles veulent ici, et il n’y aurait eu aucune réaction si elles n’avaient pas fait de provoc en déclarant vouloir aller précisément à Bethléem quand on sait les conditions de vie et la résistance des femmes palestiniennes. Je crois qu’elles sont particulièrement mal placées pour leur donner des leçons.
Les femmes palestiniennes, comme toutes les femmes, subissent l’oppression d’une société machiste. Les femmes palestiniennes, comme tous les habitants de la Palestine, subissent l’oppression d’un Etat fasciste et raciste qui mène une politique de nettoyage ethnique. Peut-être faudrait-il en tenir compte.
La critique d’une militante sur les Femen :
Quoi de neuf avec le « nouveau féminisme » ?
« […] Le « truc » des Femen, c’est en effet de mener leurs actions le buste nu afin de retenir l’attention des médias. Anna Hutsol, qui a fondé le groupe à Kiev en 2008, considère avoir inventé là « une façon unique de s’exprimer, basée sur la créativité, le courage, l’humour, l’efficacité, sans hésiter à choquer ». Et d’ajouter : « Les gens ne s’intéresseraient pas à notre message si nous n’étions pas habillées [!] de cette façon. » Femen a depuis essaimé d’Ukraine dans d’autres pays – au Brésil, en Italie, en Belgique… et en France au mois de septembre dernier. […]
La cinquantaine de membres que revendique Femen France présentent une grande homogénéité socioculturelle (elles viennent des facs, de la presse et des milieux culturels – avec quelques « ils », nous dit-on, mais bien cachés). Cette branche française s’est installée fin janvier au Lavoir moderne, à la Goutte d’Or ; et elle a signalé son implantation dans un quartier où vivent beaucoup de musulmans ou assimilés par une délicieuse affiche de pin-up bleu-blanc-rouge et une déambulation d’autres seins nus pour faire connaissance avec le voisinage.
En l’absence jusqu’à récemment de textes présentant le mouvement et ses objectifs – Calmann-Lévy vient de publier Femen, des entretiens réalisés par Galia Ackerman avec les Ukrainiennes qui ont lancé la section française –, on en a été réduit-e à déchiffrer les messages présentés sur le buste de ses troupes. Ou à s’en remettre à la parole d’Inna Chevchenko qui, sitôt en France, a répondu aux questions de Libération, le 17 septembre 2012… en posant nue (ce qui a incité le journaliste à nous préciser des détails d’ordinaire jugés peu utiles pour apprécier des propos, genre : « Elle croise les jambes »). Elle considère en effet que son image sert à vendre le « pop féminisme » – un « nouveau féminisme » résolu à « montrer que les féministes ne sont pas que des vieilles femmes cachées derrière leurs bouquins », mais des « soldats » (re-sic !) qu’elle entraîne pour des opérations chocs et provocs dirigées vers les médias. « On sait de quoi les médias ont besoin, déclarait-elle en décembre à Rue89. Du sexe, des scandales, des agressions : il faut leur donner. Etre dans les journaux, c’est exister. » Grâce à Femen, « le féminisme redevient populaire auprès des jeunes » – car Femen se préoccupe de sexe et d’âge, mais nullement de classe sociale.
Sa prétention et son arrogance n’ont pas valu à la leadeure des Femen que des félicitations, on s’en doute : ses remarques sur le féminisme « traditionnel » faisaient trop écho à d’autres visant à présenter les féministes comme des intellos éloignées du sexe (voire hystériques et mal baisées). Et si I. Chevchenko modère depuis parfois son discours, la méfiance à l’égard de son collectif s’est accrue dans les milieux féministes, on a pu le constater avec la parution récente de textes au questionnement souvent très pertinent. […]
Un recours à des corps féminins conformes aux critères dominants de jeunesse, minceur, beauté et fermeté de la peau – une forme de racolage pour le bien de la cause. « Femmes, vous voulez vous faire entendre ? Une seule solution : déshabillez-vous ! » en déduit M. Chollet. Dans les apparitions des Femen, on se trouve face à des corps « de rêve » qui pourraient tout aussi bien servir de support à une pub pour des savonnettes ou une crème épilatoire, et dont les propriétaires paraissent suivre les préceptes du marketing publicitaire le plus grossier pour faire vendre (les « techniques » mises en œuvre étant de se positionner toujours à l’identique, un bras levé, l’autre sur la hanche, le regard sévère, et de crier et se débattre dès qu’il y a de la répression). Si ces amazones des Temps modernes ont de quoi alimenter bien des fantasmes masculins et féminins, elles ne suggèrent donc guère un changement dans les rôles sociaux, par leur correspondance avec les canons de la beauté (8). Et leur politique de photogénie délibérée est justifiée dans le livre Femen, où l’une des fondatrices ukrainiennes déclare : « Nos filles doivent être sportives pour endurer des épreuves difficiles, et belles pour utiliser leur corps à bon escient. Pour résumer, Femen incarne l’image d’une femme nouvelle : belle, active et totalement libre. » Quoi qu’il en soit, vouloir faire passer un discours « subversif » en usant des codes dominants de la beauté ne peut être qu’une tromperie, volontaire ou non.
Pareille « nudité » n’a de plus rien à voir avec celle que l’on trouve dans les lieux naturistes, où se mélangent les sexes comme les types de corps et d’âges : les Femen ont le buste dénudé comme à la plage quand on veut une poitrine bronzée. Si donc se déshabiller dans la rue constitue bien un délit, leur effeuillage partiel reste en fait dans la ligne de pratiques couramment admises en Occident – en somme, elles sont juste comme une pub qui serait descendue de son panneau. Rien de subversif là-dedans. […]
« Il y a plusieurs féminismes et le genre d’idées que défendent les Femen peut être dangereux », estiment à présent les TumulTueuses (12). Notamment parce que leur féminisme est essentialiste, basé sur l’instinct et la « nature » des femmes : en Ukraine, elles parlent de reconstruire « une image nationale de la féminité, de la maternité et de la beauté, basée sur l’expérience des mouvements de femmes euro-atlantiques » ; leurs positions sont moralistes (« développer les qualités intellectuelles et morales des femmes ukrainiennes »), nationalistes (« redorer l’image de l’Ukraine, pays plein d’opportunités pour les femmes ») et racistes (comme leur action devant l’ambassade de Turquie sous prétexte que les citoyens turcs seraient les touristes sexuels les plus actifs). Les Femen prétendent « libérer » les autres femmes en leur disant ce qui est bien et ce qui est mal ; et certaines de leurs actions stigmatisent, culpabilisent et infantilisent les femmes musulmanes ou les prostituées. En fait, LA Femme n’existant pas, il n’y a pas lieu de parler à la place des femmes, et celles-ci doivent se libérer par elles-mêmes, sans qu’on leur impose de modèle, soulignent les TumulTueuses avec justesse. Et de conclure : « Il n’existe pas de “nouveau féminisme” ni de “nouvelle femme”. Les courants féministes, leurs revendications et leurs modes d’action ont évolué, comme tous les mouvements politiques, mais nous ne partons pas de rien, nous avons une histoire. Il s’agit d’une lutte de longue date, qui n’a jamais cessé et qui se poursuivra tant que cela sera nécessaire. »
Concernant le voile, Femen France a organisé en mars 2012, sous le slogan « Plutôt à poil qu’en burqa », une « opération antiburqa » devant la tour Eiffel en incitant « la France » à se déshabiller comme si cet acte était forcément libérateur. Plutôt que d’affirmer la supériorité de la nudité, mieux vaudrait défendre la liberté des femmes de s’habiller comme elles le souhaitent (13) et éviter de donner des leçons néocolonialistes. Mais, a déclaré I. Chevchenko à 20 Minutes, « on ne va pas adapter notre discours aux dix pays où s’est implanté le groupe. Notre message est universel »…
Sur la question de la prostitution, Femen est abolitionniste. Dans le même numéro de Charlie, I. Chevchenko explique : « Quand une femme aura la possibilité d’être PDG d’une multinationale le lundi et prostituée le mardi, parce qu’elle le souhaite, je l’accepterai. C’est pareil pour la burqa : quand une femme pourra sortir à poil le lundi et porter une burqa le mardi, parce qu’elle le souhaite, je l’accepterai. » Un raisonnement pour le moins curieux, et qui incite à ironiser comme C. Guillon : ainsi donc, après la « révolution des femmes » que cette Femen dit appeler de ses vœux, il y aura des cheffes d’entreprise et des prostituées ? […]
Vanina
http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article1348
Il semble que mon commentaire n’ai pas été bien compris.
Il y a débat sur ce texte : c’est à dire que tou-te-s les modérateur-ice-s ne le perçoivent pas de la même manière.
Nous sommes unanimes sur l’aspect nauséabond de beaucoup d’aspects des FEMEN. Une trilogie de textes très interessants vient justement de sortir sur le sujet, brossant un portait vraiment pas flatteur du mouvement : voici celui qui concerne cette partie en particulier : http://olivierpechter.wordpress.com/2014/01/18/islamophobie-et-reseaux-neoconservateurs-lhistoire-cachee-des-femen-22/
S’il faut vous “rassurer” : j’abonde dans le sens de cette analyse de leurs dérives.
Mais le fait de s’interroger sur le fait de faire passer la nudité comme instrument politique particulièrement dans des cas où ça choque (et ça peut être dans une église française, hein) pour de l’exhibitionnisme, ça me semble important et ça a questionné aussi l’équipe. Nous n’avons pas obtenu consensus juste sur cet aspect là. Il n’est en aucun cas question de défendre les FEMEN et ça serait chouette de ne pas nous laisser comme seule issue un positionnement binaire. Le fait de s’interroger ne remet en rien en question la position anti-sexiste, anti-autoritaire et anti-paternaliste d’indymedia. Au contraire.
Pour nous aider à modérer cet article et à le valider, il aurait été plus utile de trouver un ou des textes où Warschawski s’exprime clairement sur le féminisme ou sur la nudité comme une des voies (possible mais non obligatoire) de libération de la femme…
Et encore une fois : ce commentaire n’entraine pas un positionnement d’indymedia nantes.
Merci.
Warschawski est bien moins agressif par rapport aux Femen que Vanina dans l’article de l’OCL ou qu’Olivier Pechter dans le lien cité par Indy Nantes, et leurs textes auraient probablement été validés ici s’ils avaient été envoyés. Mais c’est à W. qu’on demande des comptes.
Je ne vois pas bien l’intérêt de demander à W. de « s’exprimer clairement sur le féminisme ou sur la nudité comme une des voies (possible mais non obligatoire) de libération de la femme » étant donné qu’à ma connaissance il n’a jamais écrit sur le féminisme ni pris position pour ou contre ses diverses composantes.
Encore une fois, son article concerne un cas précis : les actions provocatrices des Femen dans le tiers-monde et plus précisément dans les pays musulmans, où les Femen parlent À LA PLACE des intéressées, c’est-à-dire des femmes qu’elles prétendent émanciper à LEUR manière.
C’est un article très modéré à côté de ceux de Vanina et d’Olivier Pechter, qui à l’inverse s’attaquent non seulement à l’exhibitionnisme des Femen comme stratégie spectaculaire-publicitaire, mais à leur moralisme-nationalisme-racisme ici même, dans notre société occidentale.