Pourquoi nous n’irons pas a l’antifa fest
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Lieux : Lyon
Quelques anarkaféministes qui n’avons pas vocation à englober l’ensemble des avis, anarchistes et féministes, dans ce débat.
Nous, anarkaféministes lyonnaises, tenions à réagir au complément d’information des organisateurs du festival Lyon Antifa Fest. Et comme les commentaires ne sont pas possibles, nous le faisons par un texte. Au départ, le déroulement aurait pu laissé place au doute quant aux positions des organisateurs, mais leur texte clarifie de façon explicite à nos yeux leur non-positionnement. Nous ne souhaitons pas revenir sur le contenu sexiste de l’affiche ni sur les arguments des organisateurs sur de potentielles divergences entre féministes sur « sexiste ou pas ». Cependant, pour que tout soit clair, nous considérons cette affiche sexiste et caricaturale dans le rôle que jouent les femmes dans les luttes antifascistes.
Mais nous souhaitons revenir sur une violence supplémentaire, cautionnée par les organisateurs, et qui repose sur deux points :
L’auteur de l’affiche est un auteur de viol. Les organisateurs le savent depuis longtemps, des dires mêmes de l’auteur. Passons sur l’euphémisme de « casseroles » utilisé pour désigner un viol, négation de la violence dont il est l’auteur. Et malgré ça, les organisateurs ont travaillé avec cet auteur de viol, ont imprimé, diffusé et collé son affiche.
Les organisateurs, pour se justifier, remettent en question la parole de la victime tout en prétendant ne pas la remettre en cause. Nous aussi, nous avons eu du mal à suivre le raisonnement ! On ne peut pas jouer sur deux tableaux à la fois : soit on reconnaît l’auteur de l’affiche comme violeur en prenant en compte le témoignage de la victime, soit on dit que la victime est une menteuse. Point. Il n’y a pas de position intermédiaire non-bancale. Pire la position des organisateurs a permis de libérer la parole du violeur !
Ainsi, double agressions pour la victime : le viol subi par son agresseur et l’agression supplémentaire que toutes les personnes, dont les organisateurs de ce festival, lui font subir par la remise en cause de sa parole en travaillant avec ce violeur.
Nous constatons, comme à chaque dénonciation de viol, la même spirale, le même procédé et les mêmes arguments, la même violence prise en travers de la gueule : l’obligation de se justifier, le passage du statut de victime à celui d’allumeuse, de menteuse voire de déstabilisée ou d’hystérique. Nous ne cautionnons pas la justice bourgeoise et patriaracale et c’est pour cette raison que la parole de la victime nous suffit ! Les mêmes figures antisexistes qui, quand ils sont confrontés aux situations de violences concrètes que nous subissions et dont l’un des leurs est l’auteur, louvoient, se justifient, ou trouvent des excuses… La cohésion des dominants contre les dominées, comme à chaque fois, qu’ils soient « de nos milieux » ou non. Et comme à chaque fois, l’agresseur utilise la même stratégie : celle de contrecarrer, de donner une vision tronquée de la vérité, sa vérité d’auteur de viol, de liguer les membres de notre milieu contre la victime, l’obligeant à se taire ou à quitter les lieux militants qu’elle avait l’habitude de côtoyer.
La victime a eu un infini courage de dénoncer publiquement le viol qu’elle a subi : pour elle-même, pour toutes celles qui n’ont pas osées parler, ou pour celles qui pourraient subir la même violence et voudraient parler. La parole de la victime n’a jamais à être remise en question, encore moins par des dominants. NON ne veut pas dire OUI, c’est pourtant pas compliqué, 3 lettres…
Nous soutenons les inculpéEs du 9 mai face à la répression policière qu’ils/elles ont subi. Mais parce que nous sommes anarkaféministes, Parce que nous voulons que nos milieux soient des milieux sûrs, Parce que NON, c’est NON, Parce que les pseudo-justifications des organisateurs ne justifient rien, Parce que nous crions haut et fort notre pleine solidarité avec la victime,
Nous ne participerons au festival Lyon Antifa Fest.
Dans nos milieux comme ailleurs, à bas les sexismes !
Dans nos milieux comme ailleurs, à bas les sexismes !
Des anarkaféministes en colère mais solidaires.
“On ne peut pas jouer sur deux tableaux à la fois : soit on reconnaît l’auteur de l’affiche comme violeur en prenant en compte le témoignage de la victime, soit on dit que la victime est une menteuse. Point.”
ben justement, moi ça me choque les gens qui croient détenir la vérité ultime. ça n’existe pas, c’est comme l’objectivité du journaliste, l’intégrité républicaine du flic et l’équité impartiale du juge.
Et donc? Quelle aurait été l’autre l’alternative entre ces deux choix? Continuer en regardant ailleurs?
c’est ça, “y a que deux cotés de la barricade”, “choisis ton camp camarade”, etc.
un ressenti c’est un ressenti. ça a la valeur d’un ressenti. c’est individuel et subjectif. que cette personne ait ressenti ce moment comme un viol, certes. ça peut se comprendre. que le gars ait ressenti ce moment comme “pas un viol” ça peut se comprendre aussi. les deux personnes concernées ont donné leur version des faits et tenté d’expliquer leur ressenti de cette histoire. ce que je trouve dégueulasse dans cette histoire comme dans les autres du même genre (sans jeux de mots débile) c’est le dogme du “on ne contredit pas la victime”.
se demander pourquoi le mec n’a pas ressenti ça comme un viol: “BIEEEEN”
se demander pourquoi la meuf a ressenti ce moment comme un viol: “MAAAAL”
au même titre qu’il y a des raisons (sociales, politiques et culturelles) qui donnent une idée du pourquoi un mec se comporte de telle ou telle manière dans une relation sexuelle (hétéro ou pas), il y a probablement des raisons qui expliquent qu’une meuf se retrouve dans une situation qui ne lui va pas et dont elle n’arrive pas a se sortir sur le moment.
considérer que si une “victime” dit un truc, c’est la vérité ultime, c’est considérer qu’il y a une catégorie de personnes “mieux” (genre les cochons de la “ferme aux animaux”), et personnellement ça me dérange. considérer que c’est un ressenti mais que le questionner, y réfléchir, c’est le nier, c’est pareil.
donc y a un paquet de choix entre “ce mec est un violeur en série” et “cette meuf est une menteuse hystérique”.
et tout le monde fait comme si un viol, c’était simple, défini et hop, tu vois/vis une situation, tu sais si t’es justement, du bon ou du mauvais coté de la barrière. hors c’est pas si clair, c’est pas si simple, parce que justement c’est aussi des histoires de ressentis, c’est subjectif. et même en l’occurence, on peut changer de ressenti sur un histoire.
ce qui me saoule avec cette histoire c’est aussi que ça illustre cette ambiance merdique des dernieres années par ici. ce truc de parler qu’à moitié des trucs, de mélanger les histoires, de faire des gros paquets de merde et de faire de chaque “violeur” (eh ouais c’est entre guillemets c’est exprès, fais toi plaisir) découvert dans le milieu, un symbole, et ce truc j’en parle en connaissance de cause parce que comme tout le monde dans ce putain de “milieu”, j’y ai participé, aussi. c’est aussi que cette ambiance de meute, qui permet hypothétiquement aux “victimes” (là aussi c’est entre guillemets, mais c’est parce que quelquepart ça me ferait carrément chier d’être catégorisé comme ça) de parler ces moments glauques, cette ambiance permet aussi d’aller casser du symbole. on commence par mettre tricard Machin pour laisser de l’espace a Machine, et on fini par peter la gueule de Bidule pour… pour…
pour lui faire comprendre?
pour le faire saigner?
pour se défouler?
pour que Machine puisse avoir des croutes sur les phalanges?
et après on va parler du virilisme des milieux antifa?
merde, j’ai pas envie de causer de “rouge-brun” de “retour sournois du fascisme” etc, mais je trouve que faire comme si ces histoires était simple comme s’il n’y avait que deux camps, clairs et définis, et ben c’est glauque et pas représentatif du monde tel que j’ai envie de le concevoir. d’autant plus si les auteurs de ces textes se revendique de l’anarchisme.
Super comment tu mets tout et tout le monde sur un pied d’égalité. J’imagines que tu as le même raisonnement quand il s’agit de la lutte des classes, ou de l’anti-racisme, ou d’autres formes de domination?
Personne ne dis que le monde est blanc ou noir. Tu dirais ça à quelqu’un qui s’est fait taper ou insulter par une sorte de faf? “Mais non, c’est un ressenti, le sien est différent. Regarde tu devrais comprendre le texte d’explications merdiques. Tu sais, la situation est plus complexe que ça…”.
Parce que dans cette histoire il y a des personnes avec des places sociales différentes, hein, tu le nieras pas (enfin si tu le fais déjà)?
En attendant, vous êtes un certains nombre (de mecs) à passer votre temps à remettre en question la parole de la personne qui a subit la situation, et rien sur les “explications”, foireuses faut bien le dire, du mec en question. Et ça c’est complètement typique.
Alors faut quoi pour qu’un “ressenti” devienne effectivement un acte merdique et puant? Quoi y’avait pas de cocards? Faut un mot du médecin?
En rang serré quoi. Y’a des solidarité mal placée, qui aident certainement pas à ce que les nanas se sentent plus en sécurité dans ce genre d’histoire…
Depuis plus de 7 ans, je suis en couple avec M. On n’est pas parfaits, on a nos problèmes, nos boulets, on est comme tout le monde construits avec plein de malfaçons diverses… Mais s’il y a bien un défaut qu’il n’a pas, c’est d’être un connard de macho. Jamais ce garçon ne m’a forcé à faire quoi que ce soit que je ne désirais pas, jamais il n’a cessé d’être à l’écoute, toujours il a respecté mes limites, jamais il n’a été possessif ou quoi que ce soit… On a déjà eu des désaccords, des discussions, sur des sujets inhérents au sexisme, et je ne me suis jamais heurtée à un mur de mauvaise foi patriarcale, j’ai toujours eu en face de moi quelqu’un d’intelligent et à l’écoute. Bref, un gars loin, très loin, de l’image d’un macho dominant oppresseur…
Je me sens un peu conne de devoir parler ainsi, et agacée aussi, mais la situation est devenue tellement invraisemblable que je ne peux pas laisser des inconnuEs ouvrir grand leurs bouches pour dire n’importe quoi sans m’inscrire en faux.
Les violences sexistes et sexuelles, comme la plupart des femmes, j’en ai fait les frais. Je ne m’étalerai pas sur mon passé, ce n’est pas l’objet de ce texte, mais les types sexistes, les machos, les connards violents et les agresseurs sexuels, je sais ce que c’est… Et avec M je n’ai jamais eu affaire à ça, au contraire… Et pourtant aujourd’hui, je suis horrifiée de constater que des gens qui ne le connaissent pas diffusent et relaient des condamnations lapidaires, en dressent un portrait de dangereux maniaque sexuel qui devrait se tenir éloigné de toute femme…
Je me rappelle très bien ce jour de merde de 2009, j’ai demandé à M. si ça allait, et où il m’a répondu « Non… Il se passe quelque chose de grave, on m’accuse de viol ». Si quelqu’un m’avait collé soudainement un coup de poing dans la gueule, j’aurais sans doute été moins éberluée. VIOL. VIOLEUR. Imaginez vous 5 minutes que ces mots si lourds désignent un de vos proches. VIOLEUR. VIOL.
Je ne vais pas revenir sur les événements qui ont suivi la publication de la brochure, M le fait très bien dans sa réponse. J’ajouterai simplement que quelques mois après que le scandale ait eclaté, j’ai commencé à recevoir, de temps en temps, des messages anonymes orduriers sur mon site, m’accusant d’avoir des relations avec un VIOLEUR, me demandant quel effet ça faisait de coucher avec un VIOLEUR. Je regrette de ne pas avoir gardé de traces, aujourd’hui cette glorieuse prose a disparu.
On a là un groupe de gens qui, pour s’imposer, n’hésite pas à user de mauvaise foi (le sexisme de l’affiche, les interprétations fantaisistes du texte de M…), de mensonges (Le collectif des Tanneries obligé de démentir de fausses affirmations d’exclusion proférées en son nom), et de pressions (des gens ont été emmerdés simplement pour être des potes de potes… Des orgas boycottées…)… En tant que copine du condamné VIOLEUR, que dois-je comprendre de cette campagne ? Suis-je supposée être une complice ? Une traîtresse à la cause des femmes ? Une victime ?
Cette colère contre le patriarcat, contre l’oppression, je la comprends et la partage… Mais les réactions guidées par cette colère, si elle n’est pas assimilée, raisonnée, sont juste destructrices…
Sur un forum, après quatre pages de commentaires fantaisistes, de comparaison avec Bertrand Cantat (!), de profilages psychologiques, un diagnostic de pervers narcissique posé (!), quelqu’une dit :
« Quand j ai lu “combien de fois en 4 ans,” je me suis vraiment demandée combien de femmes ayant une vie sexuelle hétéro n avaient effectivement pas vécu ce genre de situations… »
Je suis complètement d’accord avec ce constat de banalité. Est-il alors pertinent de déchaîner tant de haine sur un seul gars et d’en faire un exemple ?
Est-ce que l’auteure de la brochure se sent soulagée ou vengée par ce qu’il se passe ?
Je m’interroge. Les seules personnes à qui tout ce merdier semble profiter sont ceux qui se forgent une belle image de militant irréprochable en hurlant hypocritement avec la meute…
Je vous laisse imaginer l’horreur psychologique de se trouver dans une telle situation, dans ce torrent de merde, quand le vernis du militantisme ne couvre plus la volonté de nuire … Aujourd’hui, je me sens mieux grâce aux messages de soutien publics et privés reçus de la part de filles et de gars consternéEs, des amis comme des des inconnuEs… J’aimerais toutefois que les gens qui s’empressent de condamner et de relayer des accusations aussi graves que VIOLEUR, réfléchissent un chouia aux conséquences et à la violence de tels procédés, que rien n’est anodin, qu’on ne peut pas jeter quelqu’un en pâture à la vindicte populaire sans éclaboussures ni dommages collatéraux… Tout cela est indélébile.
Pour terminer, je reste totalement perplexe devant le rôle de tabloïd joué par Indymédia dans cette affaire. La vocation d’Indymédia est-elle se se poser en juge et décider qui est un criminel ? Et quand je lis cette phrase : “Nous ne cautionnons pas la justice bourgeoise et patriaracale et c’est pour cette raison que la parole de la victime nous suffit !” j’ai franchement des frissons…