Faisant encore preuve d’un universalisme dominant des Lumières, les anarchistes de l’au-delà sombrent cette fois dans le racisme dans leur numéro 13, plus précisément dans l’édito, intitulé « Vive l’insécurité ».

Au nom d’une identité anarchiste et d’insoumis auto-revendiqué et auto-valorisante, les rédacteurs de Lucioles se permettent de récupérer tous les actes des autres insoumis-e-s et d’en parler à leur place en donnant leurs analyses sur ces actions.

Cette récupération peut aller jusqu’à récupérer la mort d’un « insoumis » de Montreuil tué par la police dans le 20ème et d’en parler et de l’utiliser comme s’il s’agissait d’un compagnon, pour développer sa propre propagande.

Cette posture politicarde permet de parler à la place de n’importe qui et d’inféoder les actes des autres insoumi-e-s à la seule perspective anarchiste développé par Lucioles. Celle d’expliquer aux révolté-e-s le pourquoi et le but de leur révolte.

Cette position omnisciente, de l’anarchiste qui parle de nulle part, au-delà des classes, des races, des sexes, des genres ou de toute autres catégories considérées comme étant celle définies par les dominants, permet de tenir des propos de dominant : classistes, racistes, sexistes, tout en les invisibilisant.

C’est ce qui se passe dans le numéro 13 de Luciole avec ce passage :

« […]il y a plusieurs façons de réagir à cette sensation d’étouffement : fermer sa gueule, aller voter et se dire que jusqu’ici tout va mal mais que ça pourrait être pire, mais aussi se révolter, s’insoumettre, se venger, ne pas se laisser marcher dessus et garder la tête haute face aux riches et à leurs harkis[…] »

Les auteurs du texte, sortent ce mot « harkis », gratuitement, de nulle part, hors de tout contexte, comme un équivalent de collabo. Pourquoi ne pas avoir utiliser le terme de collabo justement ? Pourquoi le traître devrait-il nécessairement être arabe et colonisé ?

L’utilisation de ce terme est raciste. Pour un texte qui ensuite dénonce “les figures d’épouvantail”, ressortir la figure du Harki, hors de tout contexte, comme insulte raciste, c’est faire preuve d’un manque de travail sur soi et des dominations dont tout anarchiste jouissant de privilège peut être porteur.

De même ce passage pose également problème par son ambiguïté : « Autant de figures imaginaires montées en épingle au 20h pour que le bon français domestiqué se chie dessus, consomme et vote dans la plus totale indifférence du sort des autres, et dans l’incapacité d’identifier l’ennemi là où il se trouve vraiment, c’est-à-dire pas sur la porte d’à coté du même palier, mais au parlement, à la tête des entreprises, dans les commissariats, les centres communautaires et les palais de justice. »

Ce passage identifie l’ennemi comme étant présent dans les commissariats et les palais de justice mais au même niveau également dans les centres communautaires sans définir ce qu’il entend par ce terme. Hors à Paris, les centres communautaires sont essentiellement juif ou pour quelques-uns protestants. Désigné l’ennemi de façon si flou paraît dangereux et ne permet pas de désarmer de façon clair les “figures d’épouvantail”.

Au delà, nous ne pensons pas que l’ennemi soit uniquement, le patron, les flics, les juges ou les chefs religieux, mais qu’il peut être aussi être parmi nous ou en nous, même en tant qu’anarchiste de l’au-delà.