Il y a du rouge sur les bonnets rouges
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Catégorie : Local
Thèmes : Luttes salariales
Lieux : Bretagne
Comprendre
Affirmer qu’à Quimper la droite a manifesté et qu’à Carhaix la gauche s’est réunie est une erreur tactique. C’est implicitement reconnaître que la droite est dans cette région dix fois plus mobilisatrice que la gauche. C’est ensuite congédier sans égards un prolétariat en détresse, et l’inciter à coopérer davantage avec le patronat ou la droite.
Antonio Gramsci a écrit : « On ne peut pas choisir la forme de guerre qu’on veut, à moins d’avoir d’emblée une supériorité écrasante sur l’ennemi. » [1] Certains à gauche estiment que le patronat (MEDEF, FNSEA) et sa courroie de transmission politique (l’UMP) sont tellement « hégémoniques » au sein des Bonnets rouges que les paysans et ouvriers qui ont rejoint le mouvement ne sont que des « esclaves » manipulés par leurs « maîtres ». L’analyse est en partie correcte, mais elle n’épuise pas le sujet. Celle-ci ne rend pas compte de la nature populaire du mouvement de révolte déclenché par les Bonnets rouges.
Gramsci a montré que « l’hégémonie du capitalisme » ne repose pas simplement sur ses moyens de répression, mais qu’elle s’exprime par une collaboration pure, c’est-à-dire un consentement actif et volontaire de ceux qu’elle domine. Les ouvriers, qui ont pourtant leur propre vision du monde et sont dotés d’un « sens commun », sont aussi dominés sur le plan symbolique et matériel par les patrons qui les emploient. Ceci explique dans une large mesure pourquoi des ouvriers qui craignent pour leur emploi font cause commune avec un patronat exploiteur et opportuniste. La majorité des petits paysans et ouvriers qui manifestaient aux côtés des patrons le savent probablement. Mais leur « sens commun » du moment leur dicte de faire alliance avec l’ensemble des forces locales en lutte.
Plutôt que de claquer la porte au nez des « jaunes », des « Chouans » et autres « cléricaux » du mouvement, ne serait-il pas plus pertinent que la gauche tente de s’en rapprocher, de dialoguer avec lui, de mener à ses côtés ce que Gramsci nommait une « guerre de position », afin de permettre de construire une contre-hégémonie à celle du patronat ? S’y refuser par paresse intellectuelle ou par sectarisme, c’est se condamner, à gauche, à perdre le combat avant même de l’avoir mené.
Analyser
Il est excessif d’affirmer que dans l’attelage hétéroclite et ambivalent de Quimper, on n’y trouve que du poujadisme ou une forme de grillismo à la française. (du mouvement M5s de Beppe Grillo) À Quimper, ont aussi manifesté tous ceux qui luttent pour les emplois menacés. Le gouvernement a reculé sur la question de l’écotaxe à la suite des pressions conjuguées du patronat et des travailleurs.
Rappelons que l’écotaxe a été décidée sous la présidence Sarkozy, dans le cadre d’un consensus UMP-PS-EE-LV. La défense de l’environnement est ici un alibi de technocrates pour imposer un impôt indirect qui affectera terriblement les petites entreprises. Cet impôt sur les transports locaux ne règlera en rien le déréglage climatique et la fonte de l’Antarctique, dont les responsables se situent à un autre niveau. La FNSEA, qui s’est gavée des aides communautaires et a bénéficié du productivisme agroalimentaire, vient sans vergogne se raccrocher à cette révolte populaire. Mais cela n’enlève en rien la pertinence du combat des paysans contre l’écotaxe. Il existe au cœur du mouvement des Bonnets rouges une radicalité des petits contre un impôt injuste.
A la réflexion, la référence au mouvement de 1765 n’est pas usurpée. Dans un contexte de crise économique, le peuple, excédé par la pression fiscale de Louis XIV, avait refusé de nouveaux impôts sur le papier timbré et l’étain. N’oublions pas que le mouvement ouvrier et les républicains radicaux se sont historiquement opposés aux impôts indirects ciblés en fonction des professions et de la production, pour lui préférer la taxation directe progressive ciblant les riches et le capital. Comme la révolution française l’a démontré, être contre la fiscalité n’est pas en soi un acte réactionnaire, quand celle-ci est injuste et pénalise avant tout les travailleurs les plus précaires.
Expliquer
La manifestation de Quimper a vu la réactivation d’un vieux discours anti-Bretons. Ceux-ci ont été présentés dans les médias, mais aussi au sein de formations politiques de gauche, comme des individus réactionnaires, folkloriques, cléricaux, soumis et idiots (comme Bécassine), régionalistes, etc. Une hargne jacobine très 3e République s’est abattue contre les Bretons, dont on a naturalisé les caractéristiques les plus stéréotypées. Ces accusations outrancières sont grotesques. N’est-ce pas la « réactionnaire » Bretagne qui élit depuis trente ans un nombre record de candidats de gauche ? N’est-ce pas aussi la Bretagne qui a le plus résisté à la contamination des idées du Front national et de l’extrême droite ?
La rébellion populaire couve en Bretagne et ailleurs. Pourtant, nombre de commentateurs continuent de décrire les rapports entre groupes sociaux à partir de grilles de lecture désuètes. Le clivage gauche/droite, entendu comme le combat entre des forces politiques et syndicales identifiées à la droite et à la gauche est, dans le cas présent, estompé. Les Bonnets rouges mettent en scène un double clivage qui renvoie aux temps prérévolutionnaires de l’Ancien régime.
D’une part, nous assistons à la réactivation d’un clivage centre-périphérie (Paris-Bretagne), symbolisé par une fierté régionale incarnée par la présence importante des Gwenn-ha-Du dans le cortège. (Drapeau breton).
D’autre part, un autre clivage oppose les acteurs sociaux et économiques (les ouvriers, mais aussi les patrons) à une noblesse d’État nationale (celle des palais ministériels et des élus nationaux), qui fait payer au peuple des décisions fiscales injustes.
Le mouvement des Bonnets rouges est politiquement ambivalent et comporte des zones d’ombres importantes. Cependant, la gauche de transformation sociale serait bien avisée de l’aborder sans apriori idéologique. Les directions de partis doivent faire confiance à leurs militants locaux afin qu’ils entreprennent un travail de rapprochement avec les éléments progressistes de ce mouvement. Car sur nombre de ces bonnets rouge, il y a bien du rouge.
[1] Antonio Gramsci, Cahiers de prison, 10, 11, 12, 13, Paris, Gallimard, 1978, p. 410.
Vous trouverez ci-dessous une contribution au débat de trois camarades des Solidaires de Bretagne, qui n’engage pas les structures.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir une population debout, refuser la fatalité et exprimer avec force une colère bien légitime.
La situation économique et sociale de la Bretagne est catastrophique. Le « modèle breton » de développement économique productiviste, est aujourd’hui en faillite. Cette faillite a été accélérer par la crise financière et économique qui sévit partout en Europe et par la mise en oeuvre des plans d’austérité, pour ne pas dire de stupidité, qui ne font qu’apporter de la crise à la crise
Le paradoxe de la situation bretonne, c’est que se sont les ultras libéraux du MEDEF et de la Fnsea qui ont réussi la prouesse de prendre la tête et de canaliser la révolte des populations à leur profit.
Pourtant, se sont les organisations syndicales implantées dans les entreprises touchées par les plans sociaux qui mènent la lutte sur le terrain. Ces organisations, qui par ailleurs, du fait de leur division, ne réussissent pas à organiser et de coordonner les luttes, que l’urgence réclame pourtant.
Fo continue à jouer cavalier seul. La Cfdt joue la carte du syndicalisme de proposition et préfère la négociation à l’action. Au nom du syndicalisme rassemblé la CGT, ne veut pas heurter la Cfdt et finit par se paralyser elle-même (Voir compte-rendu de l’intersyndicale régionale du 5 novembre à Rennes ci-dessous). Pour sa part, Solidaires Bretagne souhaite l’organisation rapide d’une nouvelle grande manifestation unitaire régionale et que cette perspective de mobilisation soit annoncée dès demain soir à l’issu de l’intersyndicale. Cette manifestation pourrait avoir lieu à Morlaix ou a défaut que la mobilisation prévue en Ille et Vilaine pour le 23 novembre prochain, devienne une journée de mobilisation régionale. Ce qui n’est pas encore gagné. Fo vient de nous faire savoir par courrier qu’elle ne se rendrait pas à l’intersyndicale de demain à Rennes.
Manifestation de Quimper et Carhaix du 2 novembre – Premiers bilan et perspectives.
Fin octobre, l’absence de coordination et de proposition de mobilisation du mouvement syndical, que pourtant la situation sociale exigeait, a laissé un boulevard dans lequel le MEDEF et la Fnsea se sont engouffrés, relayé avec une efficacité certaine par le Maire de Carhaix et son collectif des « Bonnets rouges » faux-nez du patronat breton et piloté par le puissant et ultralibéral Institut de Locarn.
C’est cette grossière manipulation qui a convaincue l’Union Régionale Solidaires de Bretagne, en accord avec la Cgt et la Fsu à appeler dans l’urgence à la manifestation de Carhaix. Préparé en quelques jours sans battage médiatique, elle aurait pu n’être que symbolique, cela n’a pas été le cas. La presse régionale a annoncé de 2500 à 3000 manifestants, c’était de cet ordre.
Initié par la CGT, Solidaires et FSU (avec aussi des divergences qu’il ne sert à rien de nier au sein de ces organisations); l’appel s’est élargi ensuite à la Confédération Paysanne, au Front de Gauche (appels notamment du PG 29 et du PCF 29), à EELV, Lutte Ouvrière. Des salariés des boites touchées par les licenciements étaient là notamment ceux de Marine Harvest, Tilly Sabco, Nutréa-Triskalia, qui ont tous pu s’exprimer à la tribune après la lecture de la déclaration unitaire CGT, Solidaires, FSU.
La manifestation de Quimper a été un très gros succès en terme de participation, au moins 15 000, peut être plus, en tout cas ce fut une des plus grosses manifestations de ces dernières années en Bretagne
Les médias ont aidé, le soutien matériel des organisateurs (mise à disposition de bus, de bonnets rouge, de drapeaux, …) a joué un rôle. Le phénomène grandissant des réseaux sociaux a aussi contribué à mobiliser des gens qui sans doute faisaient là leur première manif, ce qui n’était pas le cas à Carhaix où la moyenne d’âge était plus élevée. Si l’on excepte un syndicat de salariés FO, et Christian Troadec (étiqueté « divers gauche » qui peut passer d’une alliance avec José Bové à une autre avec la FDSEA) les principaux organisateurs (Medef 29, FDSEA, CCI…), ne se situent pas dans notre camp politique et social. C’est cette alliance interclassiste qui a posé et qui continue de posé problème, c’est cela qui a permis les appels de Marc Le Fur député UMP des Côtes d’Armor, chef de file de la droite bretonne ou d’Agnès Le Brun députée UMP de Morlaix, présents à Quimper avec un bonnet rouge et le soutien bienveillant du FN et des identitaires …
A l’opposé, il y avait à Quimper des manifestant(es) qui non seulement étaient conscients de ce problème, mais sont allés à Quimper avec l’intention de le dénoncer dans la manif elle même. Il ne faut donc pas faire d’amalgame entre ces manifestant(es) et les dirigeants de cette manifestation. C’est sur cette tactique que les avis ont pu diverger, pas sur le fond: que ce soit dans les syndicats Solidaires, CGT et FSU, tout le monde regrette et dénonce la volonté de main-basse du Medef et de la FDSEA sur la colère légitime de la population.
Par contre ce qui a été évident, c’est le manque de réactivité du mouvement syndical qui de ce fait a ouvert un boulevard au collectif des bonnets rouge. (Fabriqué en chine pour la plus part) et distribués gratuitement au début par le patron d’Armor Lux.
La CFDT, pourtant largement majoritaire dans le secteur agroalimentaire en Bretagne, a quant a elle fait le choix de n’appeler a aucune manifestation.
Pour nous où sont les vrais clivages ?
Celles et ceux qui ont manifesté à Quimper, ne peuvent pas voir dans Carhaix une « diversion » ou une « division », Carhaix a eu l’indispensable avantage de poser en grand la question de la nécessaire indépendance de classe, Carhaix a contribué à dénoncer les tentatives de récupération politicienne de l’UMP et de l’extrême droite (voir les immenses banderoles à Quimper : « Hollande démission » ou le tracteur avec un grand portrait de Marine Le Pen).
Celles et ceux qui ont manifesté à Carhaix, ne peuvent pas résumer Quimper à une manif de patrons et de gros paysans , car il n’y avait pas 15 000 patrons et gros paysans, il y avait aussi beaucoup de salariés, précaires, chômeurs, jeunes en colère et on les comprends.
Le problème s’est posé, quand de la lutte contre les licenciements, on est passé au combat centré contre l’écotaxe, puis contre tous les impôts et les charges y compris sociales, le rôle de l’état, les contraintes réglementaires et surtout environnementales
Il y a eu aussi reconnaissons le quand même tous, instrumentalisation, et en tout cas volonté d’instrumentalisation, de salariés par des patrons de grandes chaînes de distribution et les patrons licencieurs. L’exemple que tout le monde a pu voir sur France 3, c’est le PDG de Tilly-Sabco, qui fait son annonce de 1000 suppressions d’emplois, le 31 octobre et est le 2 novembre dans la rue au milieu des salariés qu’il vient de virer. Patrons qui par ailleurs licencient à tour de bras les militants syndicaux combatifs et cela avec constance depuis des années. Nos camarades de l’entreprise Nutréa-Triskalia, qui ont été intoxiqués gravement par des pesticides interdits, puis licenciés comme des malpropres par leurs patrons qui se trouvaient à la tribune à Quimper peuvent en témoigner. C’est aussi le représentant de cette entreprise qui s’est exprimé le premier a s’être exprimer et au nom du patronat agroalimentaire breton, lors de la grande conférence sur le pacte d’avenir de la Région Bretagne du 6 novembre organisée par le Préfet de Région en présence de tous les parlementaires bretons et de tous les acteurs économique et sociaux de la Région.
Par contre à Carhaix, nous camarades ont pu prendre la parole et témoigner de la violence des patrons voyous, qui aujourd’hui ont la prétention de défendre le mieux l’intérêt des salariés de l’agroalimentaire et pourquoi pas de l’intérêt général en Bretagne….
Il existe bien deux vrais clivages :
– Le premier est social: entre les salariés et ceux qui vivent de leur travail sans exploiter personne (petits paysans et petits artisans), les précaires et les chômeurs qui tous souffrent de l’austérité d’un côté; les patrons (de l’agroalimentaire, des transports routiers…) , les dirigeants de la FDSEA et de l’agro-business, les gros actionnaires de l’autre qui demandent encore plus de libéralisme au gouvernement.
– Le deuxième clivage est politique: il y a celles et ceux qui sont pour une réforme fiscale radicale qui permette une répartition plus juste des richesses (suppression des impôts indirects sur les produits de première nécessité, impôts sur les revenus du capital …), qui ne sont pas contre l’impôt car il finance les services publics et ceux qui ont utilisé l’écotaxe comme prétexte pour exiger la baisse des cotisations patronales et sociales (le salaire socialisé), la suppression des normes sociales (le code du travail), environnementales (pouvoir polluer sans limite) et profiter de la crise comme effet d’aubaine pour remettre en cause notre modèle social issu du CNR.
Tout le monde l’a dit, la situation est compliquée. N’a-t-on pas vu à Josselin, des ouvriers intérimaires de GAD Josselin être envoyés par leur patron, contre d’autres ouvriers GAD Lampaul-Guimiliau ? Le patron les menaçant de licenciement s’ils n’obéissaient pas à ses ordres. Cette division est bien évidemment mortelle, pour le mouvement syndical si elle venait à se développer.
Sur ces deux clivages fondamentaux, tous les adhérents et militants de Solidaires de Bretagne, se retrouvent tous dans le même camp et sans ambigüité aucune, qu’ils soient allés à Carhaix ou à Quimper. Ils n’ont donc aujourd’hui aucune raison de se diviser.
Notre préoccupation principale aujourd’hui après l’intersyndicale du 5 novembre (Compte-rendu ci-dessous) et la Conférence Régionale est de savoir comment on continue, pour que le mouvement ne soit pas à la remorque des patrons, pour aider à lever les confusions et unir les salariés et leurs organisations syndicales dans l’action pour défendre leurs intérêts de classe.
Quelles perspectives ?
La réunion de l’intersyndicale du 7 novembre à Rennes va être déterminante pour la suite.
Dans cette période historique pour toute la Bretagne, le mouvement syndical se doit d’être à la hauteur des enjeux et prendre toutes ses responsabilités pour être à l’initiative, construire son unité et créer les rapports de force que la situation exige.
Nous verrons s’il est possible d’annoncer une nouvelle grande mobilisation régionale dans une ville du Finistère ( Morlaix ?) très rapidement ou seulement pour le 23 novembre en transformant la mobilisation initialement prévue à Rennes pour défendre l’emploi dans l’automobile et l’électronique durement touchés, en une grande manifestation régionale interprofessionnelle.
Nous savons que ces propositions de mobilisation ne sont pas encore celle de toutes les organisations syndicales, et qu’il y aura un gros travail syndical à faire dans les entreprises et les administrations pour élargir et amplifier la mobilisation.
Mais nous gardons aussi à l’esprit que le mouvement social parti de Bretagne pourrait s’étendre à tous le pays, tant la situation économique et sociale est dramatique dans toutes les régions de France, comme dans la plupart des pays d’Europe.
Le 06 novembre 2013
http://sous-la-cendre.info/1859/coleres-et-mobilisations-en-bretagne
Le tea-party à la française, des identitaires, nazis, fascistes, des chiens du patronat, des esclaves qui défendent leurs maîtres, et ci et ça. Que de haine face au peuple qui était dans la rue samedi à Quimper, des personnalité-e-s politiques jusqu’aux citoyens de gauche, le risible n’a pas manqué de côtoyer le pitoyable.
Les médias aussi n’étaient pas en reste dans cette course à l’absurde, pendant et après la manifestation ils ne parlaient que des « casseurs ». Là-dessus il faut dire qu’on commence à avoir l’habitude, mais notons au passage que les « casseurs » n’ont rien cassé, pas de pillage, pas de mobilier urbain détruit si ce n’est quelques morceaux de trottoirs qui ont servi à faire des projectiles pour attaquer la préfecture. Par contre, le plus inquiétant est le traitement du mouvement des bonnets rouges avant la manifestation. Une sainte alliance s’est formée de Rue89 et l’Huma en passant par Le Monde jusqu’au Figaro, pour critiquer un mouvement qu’ils disent de droite et/ou d’extrême droite, à la solde du patronat, etc. Étrange comme alliance non ?
Sur la manifestation
Rue89 a ainsi publié un article qui compare les bonnets rouges à la manif pour tous. Avec quelques camardes nous sommes allés à Quimper samedi et nous n’avons pas vraiment la même vision des choses, en même temps ce témoin se dit PS et nous anar. Mais au delà de ça, il raconte être arrivé sur le lieu de rassemblement en longeant des rangées de 4×4. Nous, nous sommes arrivés sur la place de la résistance avec un cortège de salarié de Lampaul qui se battent pour leurs emplois, sous des drapeaux Force Ouvrière et qui scandaient « Breton, français, un patron reste un patron ».
Ensuite une fois sur place nous avons noté quelques points de détails qui peuvent tout de même avoir leur importance. Comme d’habitude en manif, une sono envoyait de la musique avant les prises de paroles. Qu’est ce qu’on écoute donc dans les manifestations « du patronat et de l’extrême droite » ? Keny Arkana, Gilles Servat1, Manu Chao, les Ramoneurs de Menhirs qui reprennent la bellaciao avec le chant de l’Armée Révolutionnaire Bretonne. Très fasciste tout ça en effet… A noter aussi que pendant la manifestation on a entendu chanter bien fort « la jeunesse emmerde le front national ».
Autre détail, les couleurs affichées : en plus des nombreux drapeaux breton il y avait donc FO, Lutte Ouvrière, CGT, Front de Gauche, UDB, Breizhistance, SLB (trois organisations de la gauche bretonne), NPA, Les Alternatifs. Le plus à droite que nous avons vu était le Parti Breton. Pas de drapeaux français, sauf un qui a été déchiré devant la préfecture, pas de l’UMP, pas de FN. Pas de signe non plus des groupuscules fachos d’Adsav et Jeunes Bretagne, s’ils étaient là ils devaient être bien cachés. En même temps vu les antifascistes présents c’était peut être pas plus mal pour eux. La grande, et très ridicule, banderole « Hollande démission » était apparemment celle de fascistes, on le saura pour la prochaine fois. Des témoignages racontent aussi que les discours de gauche étaient hués pendant les prises de paroles. Aucune idée, nous pendant ce temps on essayait de forcer le passage vers la préfecture. D’ailleurs pour l’anecdote on a même vu un vieux au lance-pierre qui nous disait que ça lui rappelait Mai 68. Par contre quand le représentant du collectif pour l’emploi a fait un discours en fin de manifestation, pour réclamer plus de liberté d’entreprendre et pour cracher sur l’écologie et la décroissance, il se faisait huer aussi.
Sur le mouvement des bonnets rouges
Alors oui, c’est un mouvement complexe, mais non ce n’est pas qu’un mouvement de droite, tout comme il n’est pas malheureusement que de gauche. Le seul trait idéologique commun est sûrement l’hostilité face à l’Etat jacobin centralisateur et la demande d’un pouvoir plus local, donc plus proche du peuple. Vous semblez nombreux à craindre ou à croire que ce mouvement soit de droite, mais pourquoi donc n’avez vous pas espoir qu’il devienne de gauche ? Mes camarades et moi qui étions à Quimper sommes de ceux qui ont cet espoir. Cinq heures d’affrontements pour attaquer une préfecture, symbole du centralisme et de la répression d’État, c’est quand même pas tous les jours dans une manif. Sans compter que ce n’était pas « une dizaine de casseurs » mais des jeunes, des vieux, des ouvriers, des pêcheurs, des paysans, des étudiants, etc. Le risque si cet espoir se perd, et c’est déjà le cas avec la contre manifestation de Carhaix, est de voir une prophétie-autoréalisatrice qui en effet servira le patronat. C’est à dire que les forces de gauche en disant que ce mouvement est de droite déserte la mobilisation, laissant la place aux forces de droite pour qu’il devienne de droite.
Sur les raisons de notre engagement
A ceux qui disent que tous les bonnets rouges défendent l’agroalimentaire, le patronat et les paysans accrocs à la monoculture et gavés de subventions, NON. Avec mes camarades nous étions de ces manifestants hostiles à ces façons de produire, mais nous avons vu qu’il faut faire une différence entre le court et le long terme. Nous étions mobilisés samedi car il y a des milliers de travailleurs qui vont perdre leurs emplois en Bretagne, des familles entières qui vont plonger dans la misère. Il y a une véritable urgence sociale, l’écotaxe n’en est pas la responsable mais elle ne va faire qu’accentuer ce phénomène. A long terme nous sommes nombreux à réclamer une autonomie politique et économique locale pour tourner la page de ce système capitaliste destructeur en vie humaines et en richesses naturelles. C’est évidement à long terme pour cela que nous nous battons, hier à Quimper et demain de nouveaux aux côtés des zadistes de Notre Dame des Landes, comme de nombreux bretons de gauche. Mais à court terme nous refusons de voir des milliers de travailleurs, qui triment au quotidien, être condamnés à la misère, c’est avec ces gens là que nous sommes allés manifester samedi, pas aux cotés du patronat.
Sur notre colère
Nous nous demandons donc : depuis quand le peuple de gauche se drape-t-il dans une pureté idéologique -aussi exécrable que la pureté ethnique- qui l’empêche de se battre aux cotés des classes laborieuses sous prétexte qu’elles s’opposent à une mesure dite écologique ( ce qui n’est pas le cas). Nous, et je pense que nous pouvons parler au nom de tous ces bonnets rouges de gauche, nous en avons assez de ces réflexions de petits bourgeois qui pensent avoir les plus belles idées sur la meilleur des sociétés à mettre en place et qui ne voient pas la misère à leurs pieds. Descendez donc de vos tours d’ivoires et détruisez les à coup de masse ! Oui à l’idéalisme mais n’oubliez pas les réalités du peuple au nom duquel la gauche porte un idéal.
Cette révolte des bonnets rouges est peut être le moyen de créer un vaste mouvement contre les politiques d’austérités. Peut être même cela va-t-il aboutir, comme la révolte de 1675, sur la contestation des privilèges de la noblesse, non plus de sang mais économique. Nous l’avons dit ce mouvement est complexe, rien n’y est joué, tout y est donc possible. Peut être ne fait il que commencer, c’est alors à nous peuple de gauche de s’en saisir au lieu de le critiquer en relayant les idées nauséabondes des chiens de garde médiatiques. Si vous voulez vous abstenir d’y prendre part, abstenez-vous donc par la même de nous traiter de capitalistes et de fachos, car pour les bonnets rouges qui sont comme nous bien à gauche et antifascistes c’est difficile à entendre.
Nous savons bien que tous les bonnets rouges n’ont pas nos idées, ainsi en va de la diversité populaire, mais nos idées ont leur place dans ce mouvement. Le fait est tout de même que les bretons sont aujourd’hui en révolte et nous souhaitons ardemment que ce feu dans la lande ne devienne pas feu de paille, mais au contraire un vaste incendie qui brûlera le patronat et l’État centralisateur. Nous souhaitons continuer le combat et nous vous invitons à le rejoindre pour y faire grandir ses forces de gauche. Vive les bonnets qui sont profondément rouges et que vive l’insurrection !
Des révoltés bretons.
1) Avec le morceau très connu ici La blanche hermine, que des fafs ont essayé de récupérer dans le passé, d’où la réponse de l’auteur dans Touche pas à la blanche hermine, chant révolutionnaire et antifasciste.
http://actualutte.com/une-autre-vision-des-bonnets-rouges/
Je suis bBreton et fier de l’être. Samedi 2 novembre, j’étais à Carhaix, pas à Quimper. Pourtant, parait-il, l’avenir de la Bretagne, se jouait dans la capitale de la Cornouaille. Ce grand bal pour l’emploi était organisé par les pollueurs de nos rivières et de notre littoral, et par les exploiteurs de la force de travail bretonne. Avec un tel passif, qu’est-ce qui les autorisait à défendre notre région qu’ils ont tant abimée ? On pouvait encore penser hier que c’était le prix à payer pour une économie florissante. Forts alors de ce seul actif, ces acteurs de premier plan donnaient l’illusion d’une certaine compétence, les autorisant à un grand rassemblement pour l’emploi. Mais devant l’effondrement de l’économie bretonne dont ils sont les seuls responsables, quelle légitimité ont-ils encore à parler d’économie et d’emplois ?
Il leur aura suffi de casser quelques portiques d’éco-taxe pour redorer leur blason et trouver le coupable idéal. Comme les garnements dans la cour de récréation, pris la main dans le sac, ils disent alors : c’est pas nous, c’est les autres. Et les autres, ce sont toujours ceux qui sont loin : Paris, la République, l’Europe, la mondialisation, tout ce qui mettrait des freins à l’économie. Se dessine alors le cadre idéal : les autres sont les méchants responsables de tous nos malheurs. Faisons bloc entre nous Bretons contre eux. Et il faudrait croire à cette fable battue et rebattue qui a conduit à tant de tragédies ?
Je suis Breton et fier de l’être, et me voilà invité par ceux qui ont apporté à la Bretagne la pollution de l’eau, les troubles musculo-squelettiques et maintenant la fermeture d’usines agroalimentaires, malgré des aides publiques massives. Me voilà invité à Quimper par tous ceux qui ont perdu la Bretagne depuis quarante ans et qui n’ont comme avenir à lui proposer que de continuer à la gérer comme avant pour la perdre demain encore et toujours ! Me voilà invité à Quimper par des décideurs publics et privés incompétents et cyniques qui cachent mal sous leur bonnet rouge les oreilles de leur bonnet d’âne !
Quant aux salariés de l’agroalimentaire, on est triste pour eux, tant leur désarroi les égare. Les voilà mariés, bras dessous bras dessous, avec ceux qui ont cassé leur corps pour trois francs six sous et qui leur promettent pour avenir de continuer à le faire pour encore moins cher ! Inutile de se voiler la face. Samedi à Quimper, ce n’était pas un bal de mariage, seulement et tristement le bal des cocus…
C’est parce que je suis Breton et fier de l’être que je n’en peux plus de cette Bretagne qui souffre et surtout de tous ceux qui la font souffrir ! Je n’en plus de tous ces bateleurs d’une bretonitude rabâchée et racoleuse qui s’en servent pour mieux asservir les corps et les esprits ! Etre Breton, c’est autre chose que d’être supporter d’un club de foot et d’applaudir les vedettes payées à prix d’or ! Etre Breton, c’est respecter la dignité des femmes et des hommes. Etre Breton, c’est respecter l’environnement dans lequel ils vivent et qui les fait vivre ! Etre Breton, c’est avoir l’humanité comme maison, et la Bretagne comme berceau. C’est parce que je suis Breton et fier de l’être que je veux que tous les enfants de cette terre aient un avenir différent de celui qu’ont connu beaucoup de leur parent. Et pour cela, qu’on ne me demande pas de faire confiance à ceux qui portent depuis quarante ans ce modèle économique et humain qui a tant failli en Bretagne. Il faut en changer et ce changement se fera sans eux.
C’est pour cela que j’étais à Carhaix. Samedi, c’est là que je me suis senti Breton, avec toutes les organisations syndicales et politiques qui pensent un autre avenir pour notre région. Dans la capitale du Poher, loin de tous les démagogues nationalistes qui agitent le gwen a du et le bonnet rouge pour mieux masquer qu’ils sont les auteurs de la crise sociale, environnementale, économique et politique, loin des fossoyeurs de la Bretagne, il faisait bon être Breton.
http://blogs.mediapart.fr/blog/pyb29/031113/breton-et-fier-de-l-etre-samedi-j-etais-carhaix-par-yves-marie-le-lay
ou
http://www.reporterre.net/spip.php?article4958