Correspondance tunisienne
Category: Global
Themes: Guerre
Affrontements à Rades (banlieue nord et pop de Tunis) depuis quelques
jours notamment.
Et encore, Oum La rais, Redeyef, Metlaoui. Ce sont des petites villes du
sud ouest, la région minière de Ghafsa où je suis arrivée il y a quelques
jours.
La société des mines de phosphate qui ne maintient que petitement
l’économie de la région est gangrènée de corruption. En plus, Ennahda, le
parti islamiste maintenant au pouvoir, y met son grain de sel. C’est le
bordel.
Une région déshéritée, complètement. Une entreprise qui remplit la moitié
des caisses annuelles de l’Etat: chercher l’erreur.
Il y a une grande présence ouvrière. A peu de chose près, ce sont les
seuls emplois qu’offrent la région. Une section locale de l’UGTT
(syndic)solidement implantée et soutien réel aux luttes (à différents
moments d’ailleurs 1984 émeutes du pain, 2008 mouvement de grèves des
mineurs…) Forte présence du POCT aussi (parti marx lenn).
Et beaucoup beaucoup de jeunes en colère. Mais de moins jeunes aussi.
C’est une région plus conservatrice que la capitale, les filles ne sortent
pas des masses et parlent peu. Je n’en ai pas encore rencontré beaucoup à
vrai dire… Surtout des garçons, autour d’un café qui dure 4 heures.
Chaque année, l’entreprise de phosphate recrute au travers d’un concours
mis en place depuis la période coloniale. L’affaire est bien sûr
complètement corrumpue : les postes vont aux sympathisants d’Ennahda ou à
ceux qui payent leur travail (beaucoup beaucoup d’argent). Ils annoncent
les résultats des différentes villes de la région à une semaine
d’intervalle. Il y a quelques jours c’était à Oum La Rais (Moulares). Les
autorités ont attendu avant de donner les résultats et déjà avant
l’annonce, ça a pêté grave.
En depuis samedi : grande présence policière, barrages routiers (certains
oeuvres de personnes en colère d’autres des keufs), route interrompue
entre Ghafsa et Moulares (keufs), couvre feu entre 19h et 5 h .
En journée, jets de pierre et, en face, lacrymo et autres gaz (directement
expédié par le brésil). J’ai jamais vu (enfin reniflé autant de lacrymo!)
Même si les armes ne sont pas égales, la détermination est palpable d’un
côté. la sauvagerie de la répression aussi.
Entre autres réactions. Le comico de Oum la Rais a été attaqué à 19h
aujourd’hui et les personnes en cellules, libérées. Les infos officielles
disent que la police se retire de Oum la rais.??? Mais ne dit mot des
événements.!!!
Le climat est à l’insécurité: mais la vraie, celle qui fait que tout le
monde se méfie de chacun.
La police semble aussi “frapper au hasard”: maisons fracturées,meubles
fracassées, personnes tabassées chez elles. Ou alors ils sont vraiment mal
renseignés! Ils devraient changer d’indic. Et pourtant … Des miliciens
au service de Ennahda jouent aussi des rôles d’indic : ben, tiens! Ils
sont du coin eux aussi, tous ces symphatisants qui ont été convaincus par
la propagande salafiste à l’oeuvre dans la majorité des mosquées (et pas
seulement dans le sud).
Je n’ai pas compris si Oum la rais (Moulares) était la première ville dont
ont été annoncés les résultats. Mais ce que je sais, c’est qu’il reste :
Metlaoui, a priori le samedi 21/4 et Redeyef le 26 ou 28/4. J’avoue ne pas
avoir réussi à avoir le fin mot des dates et des villes: chaque personne
me dit l’une ou l’autre ville pour l’une ou l’autre date.
Ce sera donc … la surprise.
18 avril, bassin minier de Ghafsa
Chaque jour ses rencontres. Chaque rencontre ses précisions. Parfois, les
informations se contredisent. Les personnes aussi, se chamaillent pour
faire valoir leurs infos et leur lecture des événements. Mais toujours, ça
me semble intéressant, même dans les contradictions. C’est que les
situations sont complexes.
La répression policière de la veille a été plus ciblée qu’il ne le
semblait hier à Oum Larayes (puisque parait-il que c’est l’écriture
françisée du nom de la ville): les maisons de deux membres du POCT (parti
des ouvriers communistes de Tunisie) ont été attaquées car leurs habitants
avaient reçu des journalistes indépendants qui avaient filmés les
échauffourées et interviewé des oumlaraoui. Les journalistes en question
ont été recherchés par les flics dans la petite ville. Un d’eux a été
rattrapé. Heureusement pour lui et pour les autres arrêtés ce jour-là,
quelques heures après le commissariat a été attaqué. Et tout ce petit
monde libéré.
Oum Larayes n’est pas la première ville où ont été donné les résultats du
concours de recrutement de l’usine des phosphates. Mdillah a reçu ses
résultats dans une relative sérénité. Il faut dire que trois mois plus
tôt, de premiers résultats ont été annoncés et “tout a été brûlé à
Mdillah” (sic). On parle encore de Ennahda, dont les membres et
sympathisants rafflent les quelques emplois existants dans la région. Pour
le second essai d’annonce de résultats à Mdillah, donc, les autorités
locales ont finement recruté un membre de chaque famille (on parle aussi
de tribu car ce sont des grandes grandes millefa).
Ce concours me semble encore assez obscur. D’après certains, il est apparu
en même temps que l’entreprise des phosphates, pendant la période
coloniale. Selon d’autres, il est plus récent. Et les mouvements de grève
et de fortes protestations de 2008 portaient aussi sur cette mascarade de
concours. Apparemment, aujourd’hui il se ferait sur des critères
socio/économiques : c’est-à-dire que l’idée est de recruter parmi les
familles où il y a le plus de chomage…
Petit détour géographique: Rades, banlieue nord de Tunis où depuis
plusieurs jours ont lieu des mouvements de protestations similaires à ceux
du bassin minier de Ghafsa. Ces évenements seraient dûs aussi à un
contexte de recrutement : celui du port. Sur 198 postes à pourvoir, 194
sont allés à Ennahda.
Bon, cette info est à confirmer, préciser etc. D’autant que d’autres
éléments louches sont aussi en jeu à Radès. Il y a beaucoup de rumeurs sur
les “corps de police” et autres milices qui ont participé à la répression
à Radès. Les habitants sont comme “déboussolés”. Sur les images prises sur
place qui circulent sur facebook ont entend, pour la première fois, des
personnes qui souhaitent le retour de Zaba… Vous imaginez l’ambiance.