Les origines anarchistes du premier mai

L’idée d’une grande journée d’action contre l’exploitation salariale et la journée de 8 heures est lancée aux États-Unis en 1884, par l’AFL (American Federation of Labor) et le journal anarchiste The Alarm. Nous sommes en plein développement de l’ère industrielle et du salariat de masse. Une immense manifestation est organisée à Chicago par le mouvement syndical, largement animé par les anarchistes, le 1er mai 1886. Le patronat réplique : 1200 ouvriers licenciés, des casseurs de grève embauchés, 3 manifestants tués le 3 mai avec l’aide active de la police. Un meeting de protestation, le 4 mai à Haymarket Square, rassemble 15.000 personnes. La police charge la foule. Une bombe (d’origine inconnue) est lancée, des coups de feu tirés par la police : dans la confusion, on dénombre huit morts… côté police. Et de nombreux blessés dans la foule. Le pouvoir fait arrêter 8 syndicalistes, tous anarchistes. Un procès truqué les condamne à mort. Si trois voient leur peine commuée en bagne, Parsons, Fischer, Engel, Spies – et Lingg qui s’est suicidé dans sa cellule – sont exécutés malgré leur innocence avérée. Leur meurtre soulève l’indignation internationale. À l’invitation de l’AFL, le congrès de l’internationale socialiste de Paris déclare une journée de lutte du prolétariat. Le 1er mai 1890 à Vienne (Isère), Louise Michel et d’autres anarchistes appellent les travailleurs à la grève : répression. Le 1er mai 1891 à Fourmies, l’armée tire : neuf morts. Le même jour à Clichy, la police tabasse puis condamne des manifestants anarchistes. En Argentine, le 1er mai 1909, à l’appel de l’organisation anarchiste FORA, une manifestation a lieu : la police tue 8 personnes.

Une journée contre le travail… pervertie en fête du travail

Le 1er mai est donc une journée de colère et de lutte résolue des travailleurs-euses contre l’exploitation capitaliste et le travail salarié, et pour la révolution sociale, autogestionnaire et expropriatrice. Pourtant cette journée de lutte sera récupérée et vidée de sa substance contestataire. Par les bolchéviques bien sûr, qui l’instrumentalisent politiquement en en faisant journée chômée dès 1920, avant de massacrer les anarchistes l’année suivante à Cronstadt et en Ukraine. Puis par les nazis : Goebbels en fait en 1933 un « jour national du travail », chômé et payé. En 1941, le collaborateur Philippe Pétain décrète à son tour en France le 1er mai (la St-Philippe à l’époque) « fête du travail et de la concorde sociale » et remplace l’églantine rouge des révolutionnaires par le brin de muguet, avec l’aide de René Belin, dirigeant CGT devenu secrétaire d’état au travail. C’est ainsi que la lutte des travailleurs-euses contre l’esclavage salarial… devient la fête du travail ! Depuis, les manifs du premier mai se sont transformées en sages randonnées pédestres, ponctuées de discours glorifiant le salariat et ses avantages (jour chômé).

À bas la fête de l’esclavage, vive la lutte

Pour faire plier le capital et l’État, l’histoire démontre qu’il est vain de compter sur le pouvoir politique ou syndical, encore moins de le conquérir. C’est une lutte sans ambiguïté contre l’esclavage salarial, par la grève d’occupation et l’action directe, qui ont fait plier le patronat et l’État ; ce sont des mouvements d’ampleur sur des bases autonomes, autogérées, qui ont acculé le pouvoir à nous rendre des droits volés. À l’inverse, c’est aujourd’hui l’absence criante d’organisation claire contre le capital et l’État, qui permet au patronat de détruire ces mêmes droits, avec la complicité des bureaucraties politiques et (hélas) syndicales. C’est pourquoi nous ne demandons pas un esclavage salarié plus « juste » : nous voulons organiser la reprise en main de nos vies. Si nous sommes contre le travail, nous sommes pour l’activité librement consentie par les individu-e-s au sein de la société. Là ou plus rien n’a de sens, donnons-nous les moyens de vivre en harmonie avec nous-mêmes et les autres. Ne partons pas en “vacances” pour éviter le burnout. Ne nous vendons plus sur un CV comme un kilo de patate. Ne nous contentons plus de jours dispersés où l’on défile deux heures sous les bannières cogestionnaires : nous voulons effondrer morceau par morceau ce qui nous gangrène, tous les dispositifs de contrôle et particulièrement celui du travail salarié qui n’est voué qu’à la soumission de nos existences au grand capital. A-t-on besoin de produire autant pour jeter toujours plus et faire perdurer l’ordre des choses ? À tous les niveaux, émancipons-nous de ce qui nous avilit. Par l’initiative individuelle et l’alternative en actes, par la désobéissance et la construction d’un mouvement d’ensemble de grève générale expropriatrice, et autogestionnaire. Avec ou sans boulot-papiers-carte syndicale, ne comptons que sur nous-mêmes pour prendre en main nos vies !

groupe Pavillon Noir – Fédération anarchiste de la Vienne
pavillon.noir.over-blog.fr – pavillon-noir@federation-anarchiste.org

PREMIER MAI 2011 À POITIERS :

CORTÈGE ANARCHISTE, 11H00, PALAIS D’INJUSTICE

ASSEMBLÉE POPULAIRE AUTONOME, 14H00, AMPHI DU PARC DE BLOSSAC