Nous allons voir ce que les arrêts de la cour de cassation du 15 avril ont comme conséquences pour les gardes à vue qui vont avoir lieu entre le 15 avril et le 1er juin, et en tirer quelques conseils.

La phrase importante des arrêts de la cour de cassation est : « il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires. »

En l’état actuel de la loi, on a bien une intervention de l’avocat au début de la garde à vue, mais cette intervention se limite à un entretien d’une demi-heure avec le gardé à vue. L’avocat n’a pas accès au dossier et n’assiste pas aux interrogatoires.

Les arrêts du 15 avril sont très clairs sur un point : l’avocat doit pouvoir assister aux interrogatoires. Il ne s’agit cependant que d’une faculté à laquelle les personnes gardées à vue peuvent renoncer (les arrêts disent bien qu’il faut que la personne « puisse bénéficier » de l’assistance de l’avocat). Il y a gros à parier que les flics vont conseiller aux personnes de renoncer à ce droit en leur expliquant que leur garde à vue sera plus longue s’ils veulent qu’un avocat assiste aux interrogatoires. Notre conseil est de ne pas céder au chantage et d’exiger la présence d’un avocat, qui sera soit celui que la personne gardée à vue désigne (s’il peut être joint et accepte de venir), soit un commis d’office.

Il y a une chance, si aucun avocat ne peut venir, de pouvoir jouer sur une nullité de la garde à vue. Si personne ne peut dire, à l’heure actuelle, comment et à quelles conditions ces nullités seront vraiment efficaces, il serait dommage en tout cas de ne pas tenter le coup. Il est donc impératif d’exiger la présence d’un avocat. Mieux vaut passer quelques heures de plus en garde à vue et quelques mois en moins en prison que le contraire…

Ce qu’on appelle le « droit au silence » n’est en rien une nouveauté et a toujours existé. La seule chose qu’instaure la nouvelle loi c’est l’obligation pour les flics de préciser à la personne qu’elle a le droit de répondre aux questions posées, de faire des déclarations ou de garder le silence (obligation qui existait déjà à l’époque de la loi sur la présomption d’innocence mais avait été supprimée depuis).

Pour notre part, nous avons toujours conseillé de garder le silence en garde à vue ou au maximum de faire des déclarations mais en aucun cas de répondre aux questions (les raisons sont exposées ici). Donc même si un avocat débarque, nous conseillons de ne pas répondre aux questions. Ce n’est pas parce que la personne gardée à vue a exigé la présence d’un avocat qu’elle a consenti à répondre à un interrogatoire. Quelle que soit la pression qu’exerceront les flics (voire l’avocat commis d’office) en vous recommandant de parler, n’y cédez pas: l’expérience montre que le silence reste la meilleure des armes en garde à vue.

Les arrêts sont muets sur un point important : la faculté, pour l’avocat, de consulter le dossier. La réforme qui entrera en vigueur en juin ne l’a pas prévu, sauf pour quelques pièces de procédure. Un bon avocat bataillera pour avoir accès à l’ensemble du dossier, ce que les flics lui refuseront sûrement et ce qui sera pour lui un point à mettre en avant pour contester la garde à vue ensuite. Bref, si votre commis d’office vous explique qu’il ne va pas demander à lire le dossier parce qu’il n’en a pas le droit, c’est que c’est un bouffon. Ne suivez alors aucun de ses conseils.

Les arrêts admettent que le droit à assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue puisse connaître des restrictions dans certains cas (« en règle générale », disent les arrêts). La loi actuelle recense un certain nombre de cas (terrorisme, stups…) où la venue de l’avocat est différée. La loi qui entrera en vigueur le 1er juin reprend ces exceptions et en ajoute d’autres (en particulier les flics pourront demander le « report » de la présence de l’avocat lors des interrogatoires lorsque des « raisons impérieuses » l’exigeront…). Il semblerait que le gouvernement ait recommandé aux flics et aux procs d’appliquer les dispositions de la loi qui sera en vigueur en juin dès aujourd’hui, ce qui est plutôt étrange d’un point de vue juridique (mais c’est leur problème). Dans tous les cas, la formule « en règle générale » est vague et ne donne pas de précisions sur les cas où les flics peuvent s’opposer au droit à l’assistance de l’avocat : donc quand il y aura refus de leur part, quelles que soient les raisons invoquées, il y aura une possibilité de jouer là-dessus pour chercher une nullité. Là encore, c’est à l’avocat de faire ce boulot mais il sera utile de le rappeler aux commis d’office.

Pour conclure sur tout ça, disons en deux mots qu’on ne sait pas du tout ce que la présence d’un avocat au cours de la garde à vue va changer réellement, mais il convient de se méfier : certains avocats, parmi les commis d’office, risquent fort de prendre leur rôle « d’auxiliaires de justice » au mot et de se transformer en vrais auxiliaires des keufs, donnant des conseils qui au bout du compte vont enfoncer la personne au lieu de l’aider.

D’autre part, même en présence d’un avocat qui bataille un peu contre les flics, les choses seront loin d’être gagnées puisque la nouvelle loi prévoit tout simplement qu’un flic pourra demander à ce qu’un avocat qui le dérange un peu trop soit remplacé (article 8 de la loi, futur article 63-4-3 du code de procédure pénale). Pas sûrs que les flics ne cherchent pas à se débarrasser des gêneurs dès aujourd’hui, sans attendre le 15 juin.

Bref, dans l’absolu les arrêts du 15 avril et la réforme du 1er juin ne changent pas grand chose et surtout n’enlèvent pas le fait qu’il est préférable de se taire en garde à vue et de réserver ses explications à plus tard, après avoir pris une connaissance complète du dossier et des éléments à charge par l’intermédiaire d’un avocat de confiance.