Depuis le temps que vous nous bassinez avec ces thèmes que vous chérissez tant et que nous nous préoccupons de ce projet d’aéroport, nous avons eu maintes occasions de réfléchir aux questions d’aménagement du territoire, d’emploi, de sécurité, d’écologie. De fait, nous ne les nions pas mais les multiples fruits de ces réflexions, parfois trop mûrs ou pas assez, rarement conditionnés selon les critères concrets qu’offre la politique moderne, s’il vous arrive d’y goûter du bout des lèvres, c’est pour les recracher aussitôt.
Ainsi, avançant à notre rythme, nous ne sommes certainement pas partisans de l’immobilisme mais définitivement, notre chemin n’est pas le votre. Votre voyage, vous l’espérez le plus bref possible, tout confort, qu’importe son coût et les dégâts qu’il implique ; qu’importe si vous doublez tout le monde, écrasant les plus lents au passage. Il faut avancer, toujours plus loin, toujours plus vite.
Nous voulons cheminer plus lentement, prenant le temps d’observer le paysage et de bavarder avec les passants. il ne nous semble pas être repliés sur nous-mêmes – peut-être sommes-nous mal placés pour en juger – mais il se peut parfois, pour fuir le vacarme des moteurs à expansion, pour respirer un peu d’air frais ou pour comploter votre retraite, que nous essayions de nous cacher dans les bosquets.
Vous désirez maîtriser tout le monde, le raisonner selon vos idées, et de manière durable encore. A présent, nous ne doutons plus de vos capacités, car ce n’est qu’une question de moyens et vous êtes prêts à dépenser sans compter. Seulement, nous espérons qu’une fois encore, David terrassera le monstre Goliath, avec la pierre de la logique : cet aéroport, qu’il soit de Haute Qualité Environnementale ou non, n’embellira pas l’avenir, bien au contraire. Et nous vous prions de croire que nul n’est assez stupide pour applaudir votre conscience écologique et « les valeurs de solidarité » que vous prétendez porter avec ce projet (la seule solidarité dont vous faîtes preuve se fait à l’agrément du Groupe Vinci et de quelques « amis », politiques ou chefs d’entreprises qui comptent sur ce projet pour accroître leur pouvoir ou leur chiffre d’affaire). En revanche, si c’est le refus de courir après le profit que vous nommez « logique de régression », nous y adhérons avec joie, espérant en faire profiter tout le monde.
Les problèmes qu’engendre le trafic aérien ne concernent pas seulement les riverains d’aéroports mais bien la collectivité en général. Si les paysans du nord de Nantes, menacés d’expulsion, défendent leurs terres, d’autres opposants défendent leurs idées et ce combat nous semble tout aussi légitime. Quant à leur soi-disant « excès », ne pensez-vous pas que c’est une réponse appropriée face à la démesure de votre projet ? Et plus vous serez déterminés – à passer au dessus des gens sans vous soucier d’eux, de leurs avis, de leur santé – plus il faudra vous attendre à subir les « excès » de ces personnes.
Les choix que vous défendez sont peut-être « raisonnés » mais vos raisons ne tiennent pas le tarmacadam.
Les choix que vous défendez ne sont pas « responsables » parce que vous n’en porterez jamais la responsabilité. Vous êtes « du côté de la loi » mais surtout, vous ne serez plus là pour constater les horreurs qu’engendrera votre aéroport. Et votre argument le plus cynique, « pourquoi pas nous ? », est précisément celui qui dénote l’irresponsabilité de ces choix. Nous n’espérons ces initiatives politiques, ni ici, ni ailleurs, et nous souhaitons voir les statistiques du chômage grimper en flèche plutôt que de participer à l’accroissement de ce système.
Certes « les avions ne s’arrêterons pas de voler demain » et il en volera même davantage si l’on construit de nouveaux aéroports plutôt que de changer de logique. Considérant que le développement est un puits sans fond ni garde-fous, nous condamnons cette idée et supposons que, de ce point de vue, l’implantation d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes ne sera maîtrisé en rien.
S’il est indéniable que nous combattons pour un peu moins de béton et de trafic, ce n’est pas ce qui nous enrage le plus. C’est avant tout le comportement des décideurs, ceux qui écrivent des articles comme celui auquel nous répondons aujourd’hui, qui nous pousse à faire front résolument. Nous ne vous laisserons pas imposer à l’infini votre monde d’argent, de pouvoir, de mensonges et d’horreurs, sans résister… Tant que nous le pourrons.

*http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/14/demenage…_3232.