Nous avons commencé à débattre avec les salariés embauchés pour faire fonctionner cette machine kafkaïenne. Ici au nombre de 120, ils sont principalement chargés des inscriptions (et non de l’ouverture de droits, qui ne concerne d’ailleurs que la moitié des chômeurs) au moins pour toute l’Ile-de-France. Peu de temps après notre arrivée, les employés ont arrêté de travailler et la direction leur a ordonné de quitter les locaux, coupant court à toute discussion collective avec les salariés. Exactement comme dans les Pôle Emploi qui ferment leurs portes dès que des chômeurs viennent s’y exprimer et y agir autrement que comme des individus isolés.

Nous avons cherché à contacter le directeur régional, Raymond Lagré, pour le sommer de répondre à la série de questions suivantes :

Pouvez-vous confirmer la suppression du suivi mensuel personnalisé à la fin du mois de mai ?
Quel nombre de radiations a eu lieu en Ile-de-France sur l’année 2009 et pour quels motifs ?
Combien y-a-t-il de sous-traitants privés (spécialisés dans le coaching, les stages de motivations, etc… ?). Pouvez-vous nous donner la liste de ces entreprises ainsi que le budget qui leur est consacré ?
Y-a-t-il une directive interne qui oblige les directions des agences de Pôle Emploi d’appeler la police dès que des chômeurs et allocataires viennent faire valoir le droit d’information aux usagers ?
Y-a-t-il une directive interne qui officialise la présence de vigiles à l’entrée des Pôle Emploi et qui les charge de faire le tri parmi les chômeurs et les allocataires ? (comme à l’antenne Kléber de Montreuil où les vigiles disposent désormais d’un cahier avec la liste nominative des chômeurs et allocataires sectorisés dans cette antenne). Combien coûte l’emploi de ces vigiles ?
Combien coûte l’installation des lampes bleues en Ile-de-France ?
Comment le plan de rigueur gouvernemental va-t-il se traduire pour les usagers de Pôle Emploi ?

Vers 16h, le directeur de cabinet de M. Lagré, M. Baillot est venu rejoindre les quelques flics présents en bas de l’immeuble. Il a refusé de nous rencontrer dans les locaux pour répondre à nos questions. Nous avons alors décidé de le rejoindre au bas de l’immeuble, ainsi que les salariés en chômage technique. Là aussi, il a refusé tout dialogue, précisant ne s’être déplacé que “pour prendre des nouvelles de ses collègues” et “constater que le droit de retrait des salariés avait bien été appliqué”. Mais au fait, c’est quoi un droit de salarié imposé par une direction ? [Maintenant vous partez, rentrez chez-vous intimait une cadre de la plate-forme]

En tous cas, cette obligation d’éviter tout contact avec les chômeurs grévistes est parfaitement cohérente avec la “révolution managériale” qui partout passe par un vaste processus de dématérialisation et d’informatisation. Plus nous sommes “dématérialisés” par Pôle Emploi (à travers internet, le téléphone ou les portes fermées), moins nous avons d’espace pour nous rencontrer et lutter contre les injonctions qui nous sont faites.
Aujourd’hui, nous nous sommes matérialisés là, en chair et en os, nous avons cessé de n’être que des dossiers, des chiffres, en somme des “D.E”. Car nous ne pouvons être réduits à des “demandeurs d’emploi”, des victimes en manque de travail. Nous pouvons aussi bien user individuellement et collectivement du chômage pour résister à la mise au travail forcé, pour repousser les injonctions à l’adaptation à la conjoncture économique.

Ni travail forcé Ni culpabilisation Ni management

Vive la grève des chômeurs !