PROCES DE VINCENNES :
RESISTONS !
Les dix personnes accusées d’avoir incendié le camp de rétention de Vincennes le 22 juin 2008 comparaitront devant le Tribunal de la Grande Instance de Paris. Leur procès se déroulera du 25 au 27 janvier 2010. Qu’elles aient participé ou pas à cet acte de résistance, elles doivent toutes être relaxées. La fermeture du camp permit de limiter les rafles de sans papiers à Paris et dans la région parisienne pendant le temps de sa reconstruction. D’autres camps de rétention ont été fermés grâce à la mobilisation.
Prévoyant la mise en place d’un Local de Rétention Administrative (un mini camp de rétention), la préfecture du Loir et Cher avait sollicité la mairie de Blois (de droite) pour que celle-ci lui loue des locaux. Les négociations et les travaux prirent du temps. Les élections municipales de 2008 permirent au PS de prendre la mairie. Elle était toujours le bailleur de ces locaux devant abriter un LRA. Celui-ci était prêt à fonctionner : enfermer des sans papiers en attendant qu’ils soient expulsés.
Les Amis de l’égalité de Blois, le Collectif de Soutien aux Demandeurs d’Asile et aux Sans Papiers de Tours et le DAL 37 ont interpellé la nouvelle municipalité en lui posant une question : « comment des élus socialistes peuvent-ils contribuer concrètement à la politique xénophobe de Sarkozy, alors que le PS se mobilise contre l’immigration jetable ? » Des tracts et un rassemblement pendant le conseil municipal ont poussé le maire de Blois à résilier ce bail le 20 mai 2008. Ainsi le LRA de Blois a été détruit grâce à la mobilisation et en mettant les élus face à leurs contradictions. Pour justifier cette décision, le maire de cette commune estime que la mairie n’a pas à participer à la politique d’immigration du gouvernement. « Je ne pouvais l’accepter humainement et politiquement… C’est une décision qui va dans le sens de nos valeurs », a déclaré cet élu municipal de Blois. (Journal de 12 h de FR 3 centre du 21/05/08) Sans doute, ce responsable ne voulait pas que son mandat commence avec des mobilisations montrant qu’il collaborait avec la politique de Sarkozy, entre autres, par rapport à l’immigration. Cela risquait de ternir son image !
Le PS n’est pas fiable dans ses positions (cela vaut pour tous les partis de gôche voulant participer à la gestion de la société capitaliste). Il est uniquement motivé par sa volonté d’accéder au pouvoir et d’en conserver sa gestion. La fin justifiant les moyens, il est prêt à renier du jour au lendemain ce qu’il a dit la veille, à instrumentaliser des mouvements sociaux, pourvu que cela entre dans sa stratégie de conquête. Il avait hurlé, avec beaucoup d’autres, pour dénoncer en 1975 l’existence clandestine du camp d’Arenc, à Marseille. Des étrangers y étaient retenus par la police, en toute illégalité, en attendant qu’ils soient expulsés. Pendant la présidence de Mitterand, le nombre de CRA a considérablement augmenté après leur légalisation par la loi Bonnet du 10 janvier 1980. La xénophobie d’Etat s’est développée quelque soit la couleur politique du gouvernement en place. Le consensus, au moins en matière d’immigration, est très fort au sein de la caste politique. La politique européenne, xénophobe, s’impose à tous !

RESISTANCE TOUJOURS !
Au moins depuis la Seconde guerre mondiale, on sait que l’on se doit de désobéir à l’Etat lorsqu’il commet des actes contraire au respect de la dignité et de la vie humaines. Cela est conforté depuis 1995 lorsque Jacques Chirac, président de la république, a reconnu que le régime de Vichy s’inscrivait dans la continuité de l’histoire de l’Etat français. Celui-ci est pleinement responsable de la collaboration avec le régime nazi, des déportations, etc. Cette reconnaissance du combat de la résistance légitime la lutte contre l’Etat lorsqu’il porte atteinte à la dignité et à la vie humaines.
Comment un sans papier peut exprimer sa lutte pour la préservation de la dignité et de la vie humaine quant il est « retenu » dans un camp ? Peut-on retirer le droit à une personne de mener ces combats sous prétexte qu’elle est étrangère (surtout quant elle est directement et physiquement concernée) ? Si oui, qu’en est-il de Manoukian et de ses camarades dont leurs photos furent exhibées sur l’Affiche Rouge ? Aucun n’avait la nationalité française. Ils ont tout autant lutté contre le régime nazi que contre l’Etat français, complice, par la politique de collaboration, de l’occupation.
L’Etat français n’est pas le garant de la vie humaine, au moins des personnes retenus dans les camps de rétention, lorsqu’il expulse, par exemple, des Afghans dans un pays en guerre. De même, si il estime nécessaire, il bafoue les droits reconnus des individus. 124 réfugiés sont arrivés en Corse par la mer. Au lieu de les accueillir dignement, L’Etat les a transférés de force dans des camps de rétention dans différentes villes en France. Des associations, collectifs et le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU ont rappelé à l’Etat français qu’il est dans l’obligation de respecter la Convention de Genève. Il ne peut donc pas les enfermer dans des camps prévus pour retenir des gens en attente de leurs expulsions du territoire. Le gouvernement ne voulait pas infléchir sa position. Les préfets ont, encore une fois, montré qu’ils étaient à sa botte, même si cela piétine les droits des personnes. Manifestement, le gouvernement contrôle moins bien les juges. Plusieurs juges ont remis en liberté certains de ces réfugiés. Il est clair que tous doivent être libérés. Pour justifier la privation de liberté de ces réfugiés, Besson constate le défaut de législation par rapport à ce type de situation. Ne va-t-il pas essayer de trouver une parade juridique pour tenter de dissuader des réfugiés d’entrer en France ? Craint-il d’affronter une situation analogue à celle que connait l’Italie ? Seuls les tremblements de terre médiatisés heurteraient la sensibilité des responsables de l’Etat et des fonctionnaires participant aux expulsions du territoire ?
Pendant des mois, les retenus des camps de Vincennes et du Mesnil-Amelot se sont mobilisés pour dénoncer les conditions de leur rétention, obtenir leur liberté et leur régularisation. La cause immédiate de l’incendie du CRA de Vincennes fut la mort d’un retenu. Comment ne pas s’insurger concrètement lorsque dans un camp, les gardiens et les responsables laissent mourir un retenu alors que de l’aide est demandée ? Comment un retenu peut-il lutter pour la préservation de la dignité et de la vie humaines quand il est enfermé dans un camp ?
L’incendie du CRA de Vincennes et des autres (Toulouse, Bordeaux…) sont des actes de résistance. L’Etat, comme pendant la Seconde guerre mondiale, veut les criminaliser par qu’il ne supporte pas qu’on puisse porter atteinte à sa souveraineté. Il fait fi de toute dimension humaine lorsqu’il expulse des êtres qui sont encore humains. Quelques soient les textes juridiques en vigueur, on doit résister de différentes manières si cette législation conduit à porter atteinte à la dignité et à la vie humaines. Cette résistance passe par le soutien aux sans papiers, leur régularisation globale et sans condition, la lutte pour la fermeture et la disparition des camps de rétention, l’égalité des droits, etc. Pendant la Seconde guerre mondiale, la résistance a participé à l’élargissement du fossé entre l’Etat et la société. Aujourd’hui le comportement de celui-ci par rapport à la politique d”immigration nous impose également d’élargir ce fossé pour faire en sorte qu’il ne puisse plus mettre en danger la vie d’autrui et fouler sa dignité.

« … En 1942 [la rafle du Vel d’Hiv], cette expulsion prend la forme d’une livraison aux autorités occupantes. En 2006, les intéressés sont renvoyés dans des pays dont certains sont soumis à des dictatures impitoyables, dont d’autres sont ravagés par la guerre civile, dont tous sont marqués par le sous-développement, le sous-emploi et la pauvreté. Bien entendu, le résultat final est infiniment moins tragique aujourd’hui qu’hier, mais ce qui est caractéristique, c’est que, dans les deux cas, l’administration française se désintéresse entièrement de ce résultat : littéralement, ce n’est plus son affaire. On a soutenu qu’en 1942 les autorités françaises ignoraient le sort réservé aux Juifs par les nazis : peut-être, mais leur ignorance même était le résultat d’une décision réfléchie : elles ne voulaient pas le savoir. Il en est exactement de même aujourd’hui : ce qui compte pour le gouvernement, c’est de se débarrasser des hommes, des femmes et des enfants concernés ; sitôt la frontière franchie, il ne s’estime plus responsable de rien et les abandonne à leur destin en toute indifférence.
« … Entre 1942 et 2006, les éléments de continuité sont donc nombreux, et il est d’autant plus légitime de les mettre en évidence que, comme les historiens l’ont aujourd’hui démontré, la politique anti-juive du gouvernement de Vichy ne lui a nullement été dictée ni imposée par l’occupant, même si elle comblait ses vœux. C’est d’eux-mêmes et spontanément que le gouvernement, l’administration et la police de Vichy ont offert et apporté leur concours aux autorités allemandes, notamment sous le prétexte proclamé de préserver la souveraineté de l’Etat sur le territoire national : ils ne sauraient donc excuser leur conduite au nom de la contrainte ou de la « force majeure ». La comparaison est donc légitime avec la politique présente, dont l’origine « française » n’est pas discutée.
« Si les événements suivent leur cours actuel, il est vraisemblable que les analogies iront jusqu’à leur terme et que, dans trente ou quarante ans, des cérémonies de repentance seront organisées pour déplorer et désavouer la politique d’immigration pratiquée actuellement. Plutôt que d’attendre un tel dénouement, ne serait-il pas préférable de renforcer dès aujourd’hui la résistance à cette politique, en attendant d’y mettre fin dès que l’évolution de l’opinion le permettra ? » (1942-2006 : réflexions sur un parallèle contesté. Emmanuel Terray, Directeur d’études à l’EHESS le 15 octobre 2006)

DES PAPIERS POUR TOUS
FERMETURE ET DISPARITION DES CAMPS DE RÉTENTION
LIBERTE DE CIRCULATION ET D’INSTALLATION
OUVERTURE DES FRONTIERES
Tours, le 25/01/10
JC du collectif SOIF D’UTOPIES