Voici un texte paru sur le site Peik-e-Iran, le 24 juin ,un site proche du parti communiste Iranien Tuddeh en exil

http://peykeiran.com/Default.aspx

Quand le régime se sert des plus pauvres pour taper sur les pauvres

sur une rencontre avec un matraqueur du régime des mollahs, dont la mission est de frapper les manifestants.

Jalal Keyhan Manech : dans la matinée du samedi 20 juin, alors que la journée s’annonçait pleine de troubles à Téhéran, l’image d’agents en civil qui tabassent les gens dans la rue avec une matraque se précise. Ces individus sont des journaliers qui reçoivent un salaire. L’un d’entre eux explique que « le journalier est payé 200.000 tomans à la journée et les non iraniens plusieurs fois plus ». Le matraqueur qui a fait ces confidences à un journaliste a ajouté « Nous, nous sommes dans un dortoir. Mais les non iraniens sont à l’hôtel ».

Reportage :

Quatre jours après l’annonce du résultat du scrutin, des agents en civil qui portaient le casque des forces anti-émeute ont fait leur apparition dans les rues. Ils ont un accent que l’on ne connaît pas. Certains témoins oculaires affirment que ces matraqueurs disent des choses qu’on ne comprend pas. D’autres disent qu’ils se sont retrouvés face à des matraqueurs qui parlaient arabe. Hier chez un vendeur de sandwich, j’ai eu l’occasion de parler avec l’un d’entre eux :

J’étais dans le magasin quand il est entré. Il a commandé une boisson fraîche. Il avait une matraque à la main. J’ai ouvert la conversation.

– Salam mon frère, bon courage !

– Que Dieu te prête longue vie, prie pour moi (son regard est angoissé, il a un fort accent)
– Tu viens d’où ?

– Torbat.

– Torbat ?

– Torbat Djam.

– Quel âge as-tu ?

– 36 ans.

– Tu es marié ? Tu as des enfants ?

– Non, ça coûte cher une femme et des enfants. Moi je suis au chômage.

– Au chômage ? Mais tu n’es pas milicien ? Tu ne touches pas de salaire des gardiens de la révolution ?

– Non, je ne suis pas milicien, quoi, je suis chômeur.

– Mais t’es pas au boulot là ?

– Ouais

– Ben pourquoi t’as un bâton à la main ?

– On nous a fait venir ici pour taper sur les Monafeghine (nom péjoratif donné par le régime aux Moudjahidine du peuple d’Iran, OMPI et par extension aux insugé-es de la jeunesse iranienne). On nous a donné ce bâton pour ça.

– Qui vous l’a donné ?

– Hadji. Il a dit : tu frappes pour qu’ils ne se relèvent pas. C’est des traitres.

– Et toi, qu’est-ce que t’en penses ?

– Moi j’en pense rien, je prends mon fric.

– Tu prends du fric pour taper ? Et ça te plaît ?

– Ouais ! On me paye pour frapper. A ma place tu ne frapperais pas ?

– Alors, combien ils donnent ?

– 200 tomans par jour. (Il a les yeux qui brillent) 200.000 tomans !

– C’est beaucoup ! Qu’est-ce que tu vas faire avec tout ça ?

– Je vais me trouver une femme. Je peux même en avoir deux avec tout cet argent. Tu sais combien ça fait ? 2 millions. Peut-être que je ne vais pas retourner à Torbat. Je vais peut-être rester ici. Hadji a dit qu’il y aura encore des manifs. Ils ont du travail pour nous.

– Ça fait combien de jours que tu es à Téhéran ?

– Trois jours. Je dois encore rester sept jours.

– Les autres qui sont avec toi, ils sont venus d’où ?

– Je ne les connais pas tous, mais dans notre dortoir, il y en a du Mazandaran, d’Arak et aussi du Khouzistan. Il y en a aussi de Torbat Heydarieh et de Khavaf. (Il a bu sa boisson. Il demande une cigarette. Je lui en donne une. Il l’allume. Il continue à parler en fumant.)

– Il y a des arabes aussi avec vous, non ?

– Ouais, mais j’ai entendu dire qu’ils les ont mis à l’hôtel. On dit qu’ils viennent du Liban. Hier soir pour souper, on nous a donné du thon. Les gars disaient qu’aux Arabes, on leur donne de la bonne bouffe.

– Où est votre dortoir ?

– Je ne sais pas. Je ne connais pas Téhéran. Mais c’est loin. Tu vas comme ça jusqu’à ce que tu arrives au dortoir. (Il pointe son doigt vers l’est de Téhéran)

– Tu n’étais jamais venu à Téhéran ?

– Non, c’est la première fois.

– Tu pries ?

– Oui. Mais ici, on nous a dit que quand on va en mission, faut même pas aller aux toilettes.

– Ça ne te déranges pas de frapper les gens ?

– Des gens ? Hadji, il dit que ceux qui crient des slogans sont des Monafeghine. Moi je le crois. C’est Hadji. Tu sais que Hadji c’est pas un menteur. (A ce moment un homme de forte corpulence et de grande taille entre dans le magasin, le regard noir, il aperçoit ce jeune, il l’interpelle :)

– Qu’est-ce que tu fous là ? Avec qui tu parles ?

– Rien, personne, je suis venu boire une limonade.

– Retourne à ton poste, Yallah !

(L’homme prend sa matraque et s’en va. Il a bu frais et il va mieux. Dans sept jours, il y aura-t-il encore du travail pour lui ?)

Derniéres vidéos qui n’arrivent plus qu’au compte goute du fait de la censure du régime

http://www.youtube.com/watch?v=Gyq4CUmqk2k-

http://www.youtube.com/watch?v=wnypdEnZFmg-