Lundi 18 mai, 8h30, la porte d’entrée du squat le « Pied De Biche » vole en
> éclat. Les forces du désordre font usage de leur bélier, après avoir soit
> disant sonner, alors qu’on a pu de sonnette depuis une descente de fafs, il
> y a quelque mois. Le bruit nous réveille. Dans la cours, une dizaine de
> flics en uniforme et tout autant de civil armé qui commencent à envahir les
> étages du bâtiment principal. Lorsqu’ils arrivent à notre étage, nous sommes
> à moitié nus. Ils sont une demi douzaine à se rincer l’oeil avec un sourire
> narquois et à nous dire de nous habiller. Quand J., une habitante du squat,
> demande pourquoi ils sont là, ils lui répondent qu’on est pas chez nous et
> de nous dépêcher de nous habiller. Nous pensons alors être expulsés, sans
> même qu’il y ait eu de procédure. Lorsque je demande la raison de ce bordel,
> ils me répondent qu’ils ont besoin de nous auditionner pour une affaire de
> dégradation, sans rien dire de plus. Avant de descendre, l’un d’eux nous
> demande si nous avons des objets de valeurs, à quoi je réponds que toute
> notre vie se trouve entre ces murs. Un petit blanc s’installe avant qu’il
> réplique de ranger ces dits objets, pour pas qu’on accuse la police de vol.
>
> En descendant, nous voyons notre colocataire, entouré de 5 flics, contrôlant
> son identité. Chacune des pièces de la maison et des dépendances sera
> visitée par les pandores. En sortant dans la rue, accompagnés de 6 hommes de
> la BAC et de quelques uniformes, nous voyons encore des flics. De nombreuses
> voitures sont garées dans la rue Lamartine et dans la rue Walvein. En tout,
> une bonne trentaine de flics en uniforme et de la BAC. D’ailleurs, il y a
> plus de BAC que d’uniforme.
>
>
> Au commissariat, j’apprendrai, seulement après l’avoir demandé, que je suis
> en garde à vue. On ne m’informe pas de mes droits et je ne connais toujours
> pas le motif exact de tout ce cinéma. Le flic ne fait que tapé sur le
> clavier de son ordinateur. Sur les mur des dizaines d’articles de journaux
> relatant tout autant d’embastillement. Surement les « exploits » du chien de
> garde qui m’auditionne. Il daigne enfin m’informer de la raison exact pour
> laquelle je suis devant lui : DEGRADATION VOLONTAIRE D’UNE VITRINE DE LA
> SOCIETE ADIA INTERIM A L’AIDE D’UNE BOUCHE D’EGOUT LORS D’UNE MANIFESTATION
> INTERDITE LE JEUDI 14 MAI 2009. Je demande aussitôt à voir un avocat, un
> médecin, ainsi que prévenir une personne proche, et je précise que je
> garderais le silence jusqu’à ce que mes droits soient appliqués.
>
>
> *Ce jeudi 14 mai, un l’appel des étudiants pour une manifestation de nuit
> contre la marchandisation de l’Université et de l’éducation en général avait
> été lancé. L’idée de faire une manifestation de nuit permettait aussi de
> protester contre la politique de la mairie qui interdit tout rassemblement
> festif, concert et autres dans la ville. Environ 150 personnes avaient
> répondu à l’appel. Il y avait des étudiants pour une grande partie, mais
> aussi des travailleurs, des chômeurs, des SDF… La manifestation était
> festive et joyeuse. En arrivant place de la Victoire, le cortége s’arrête
> quelque instant. Les banderoles se mettent devant l’agence d’intérim qui
> fournit la main d’œuvre nécessaire au déblocage de l’université. Des
> individus commencent à peindre des slogans. A ce moment, je suis à une
> dizaine de mètres de la vitrine en train de regarder un cracheur de feu,
> présent pour l’occasion. Soudain un bruit sourd retentit : la vitrine de
> l’agence d’intérim est brisée. Tout le monde est surpris. Le temps s’arrête
> quelques secondes. Puis la manifestation repart déambuler dans les rues du
> vieux Tours. Selon la police, un témoin m’aurai vu jeté la bouche d’égout
> dans la vitrine à deux reprises. *
>
>
> Au poste, des coups de fil sont passés, à ma famille et à mon avocat. Dans
> la foulée, je suis descendu sous bonne garde dans une cage où j’ai droit à
> une fouille. Je finirai en caleçon sous la caméra d’une cellule peu éclairé.
> Le flic me demande de me rahabiller. Avant de me mettre en cellule, il me
> demande mes lunettes. Je refuse, en lui disant qu’« *il ne demanderai jamais
> son pacemeaker à un cardiaque* ». Il me menace, je lui donne. Puis il me met
> dans la cellule juste en face de son bureau. Lors de la visite du médecin,
> je n’ai droit qu’à une prise de tension. Le médecin me demande si je suis
> sous subutex, je lui répond que *« la peau qu’il voit sur mes os, c’est pas
> la came, mais la dalle qui me ronge. »* L’entretien se termine par quelques
> blagues sur Sarkozy auxquelles seul le médecin et le flic, présent lors de
> l’entretien, se marrent. Avant d’être remis en cellule, je remarque sur la
> montre du doc’, il est à peine 10h30. Une heure plus tard, je retourne dans
> les bureaux pour une seconde audition. On tourne et retourne dans les
> couloirs et les étages. Je suis complètement perdu dans ce bâtiment. Nouveau
> flic, nouveau bureau, nouveau décor. Sur le mur, des photos du film les
> TONTONS FLINGUEURS (la scène où ils se prennent une cuite), une carte de la
> police grand format avec Coluche en photo, ça me fait sourire. Dans cet
> enfer, on se détend comme on peut ! L’audition porte sur mon mode de vie,
> mon logement, mes ressources, etc… Puis vient, de nouveau, une question
> sur l’affaire. Je réponds la même chose qu’à son collègue, à savoir que je
> n’ai rien à dire et que je souhaite voir mon avocat. De retour au rez de
> chaussée, en cellule. Sur le chemin, je croise J., sur un banc dans un
> couloir. Je lui dit discrètement « avocat ». J’ignore si elle est ou pas en
> garde à vue.
>
>
> La cage, quelques mètres carrés de béton recouvert d’une fine pellicule de
> peinture, elle-même recouverte de crasse, de trace de merde et de sang. Sans
> parler de l’odeur, à gerber ! De plus, il y a la clim, ou un ventilo qui
> tourne en permanence. Mon attention se tourne vers les tâches de sang. Ça
> fait une ligne de tâches éclatées et quasi rectiligne, comme si vous preniez
> un pinceau imbibé de peinture, et que vous donniez un coup sec dans le vide.
> La plus grosse tâche fait presque la taille de mon pouce. Je tourne et
> retourne dans la petite cellule. Le temps passe… très lentement. J’ai
> droit à un repas, sans goût. J’essaie de dormir un peu, mais impossible, il
> y a toujours une porte qui claque, un boulet qui vient vous déranger pour
> rien… Toujours ce foutu ventilo. Un peu plus tard, j’entends du chahut.
> J’approche de la vitre, et vois une troupe de flic traînant un homme a
> terre, menotté dans le dos. L’homme est amorphe, il ne dit pas un mot. Ils
> remarquent que je les regarde, et trainent donc le type à l’abri des
> regards, dans un autre couloir. J’entends des cris pendant quelques
> instants. Plusieurs flics rejoignent l’attroupement. Puis plus rien. Pendant
> une ou deux minutes, il y a un silence total. Puis les flics quittent la
> scène. Ils sont près d’une douzaine. L’un d’eux a des vêtements dans les
> mains. Les trois derniers tiennent l’homme, toujours aussi calme, mais
> semble être un peu dans les vapes.
>
>
> J’essaie de visualiser la configuration du bâtiment pour me rassurer. Vers
> 15h, je vois enfin mon avocat. Je lui précise les conditions dans lesquelles
> je suis retenu. Le sang sur les mûrs, l’homme trainé au sol, mes lunettes…
> Je lui demande des nouvelles de J. J’apprends qu’elle est libre, et qu’elle
> était entendue en tant que témoin. Puis nous parlons de mon cas. Je lui
> explique comment s’est passé la manifestation, et que le soit disant témoin
> n’a pas pu me reconnaître en train de jeter la bouche d’égout, car je ne
> l’ai pas jeté. Elle me conseille de détailler au maximum les faits, de
> demander une confrontation avec le témoin, ainsi que d’aller sur les lieux
> des événements. Avant de partir, mon avocat demandera, à voir la cellule
> dans laquelle je suis. Ce qui lui sera refuser. Elle demande aussi que mes
> lunette me soit rendu. Nouveau refus. Elle laisse une réclamation écrite, et
> me dit que dehors, les copains me soutiennent. Ca fait du bien au moral !
>
>
> A peine, une heure après la visite de mon avocat, je remonte dans les
> étages pour une troisième audition. Dans les couloirs, les humiliations
> continuent, j’aurai droit à des brimades, des remarques à deux balles. Ils
> veulent me provoquer pour que je craque. Les deux premières auditions
> s’étaient à peu près bien passées. Celle-ci est beaucoup plus tendue. Le
> flic est stressé et énervé. Je suis calme. Dans le bureau, il me pose des
> questions auxquelles je réponds avec détail comme me l’a conseillé mon
> avocat. Il note que ce qu’il a envie de noter. Je lui dit, mais il refuse de
> compléter ma déposition. Je demande une confrontation avec le témoin. Il me
> répond que ce n’est pas moi qui choisis la procédure. Je demande aussi à
> pouvoir aller sur les lieux pour montrer et démontrer que je ne pouvais pas
> être le lanceur de plaque d’égout. Nouveau refus. L’audition tourne court,
> il note à la fin du rapport : « Je maintiens que je suis innocent », puis
> imprime et me le donne pour que je signe. Je relis, complète ce qu’il a
> volontairement omis. Il s’énerve, m’arrache le papier des mains, et me dis :
> « Qu’est-ce tu fais ? T’écris pas sur MON papier, c’est MON papier. » Il
> m’arrache le PV des mains et le déchire ; puis en imprime une nouvelle série
> avant de me le tendre de nouveau pour le signer. Je lui dis que dans ces
> conditions, il était hors de question de signer quoi que ce soit. Il
> s’énerve un fois de plus, et me ramène en cellule. Pendant tout le trajet,
> j’ai le droit de nouveau à des remarques désobligeantes et me laisse pourrir
> de nouveau en cage.
>
> Je sortirai de garde à vue un peu avant 18h, avec une convocation au
> tribunal de tours le 12 août 2009 à 9h pour être jugé pour dégradation
> volontaire d’un bien, en l’occurrence le bris d’une vitrine de la société
> Adia Interim. Je risque 2 ans de prisons et 30 000 euros d’amende. Dans le
> contexte actuel, où les gouvernants « orientent » les décisions de justice,
> je n’attends rien de cette procédure judiciaire qui vise à me marginaliser.
> Que ce soit individuellement ou collectivement, les tribunaux condamnent, et
> ce, même en absences de preuves, se pliant, volontiers, à la volonté
> politique de criminaliser tous ceux qui résistent, luttent et tentent de
> s’extraire du système capitaliste. Face à un tel désir répressif, aucune
> défense juridique ne tient la route. Je reste donc persuader que la
> meilleure des défenses consiste à affaiblir les racines de cette mascarade
> « démocratique », les tenants du pouvoir politique et économique.
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> LA ROUE TOURNE…
>
> PAS DE JUSTICE, PAS DE PAIX
>
> FEU AUX PRISONS
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