Face à la crise, que fait le mouvement syndical ?
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Themes: Luttes salarialesResistances
Le temps a paru effectivement fort long, en particulier dans les secteurs en lutte comme l’enseignement supérieur, entre l’imposante journée de grèves et de manifestations du 29 janvier et celle du 19 mars 2009. Mais que dire, alors même que les manifestations de mars se sont révélées plus massives encore que celle de janvier, que des salariés du secteur privé y ont été de nouveau présents en raison de la multiplication des plans de licenciements collectifs, de l’incapacité de l’intersyndicale à proposer des suites à la mobilisation, au lendemain de cette seconde journée d’action ? Après dix jours d’attente, le 1er mai a finalement été annoncé comme ne devant pas être « protocolaire » mais « revendicatif » et l’annonce de défilés communs à toutes les organisations comme un événement historique, donc en lui-même signifiant.
Une explication courante, au moins dans les discours produits « à chaud » dans les rangs militants, consiste à pointer la distance qui sépare la « base », soit les salariés et syndicalistes « de terrain » ayant massivement répondu aux appels du 29 janvier et du 19 mars, des appareils dirigeants qui gouvernent le « sommet » des organisations. La bureaucratisation de ces derniers les conduirait à privilégier d’autres intérêts que ceux qu’ils affichent officiellement, et ce au mépris d’un potentiel de lutte pourtant attesté par la force des démonstrations convoquées à six semaines de distance. Les directions, et en particulier celle de la confédération à l’heure actuelle la plus puissante, soit la CGT, seraient-elles en train de « trahir » alors même qu’elles disposent d’un important rapport de forces ? La question résonne d’autant plus fort qu’ailleurs, et en particulier en Guadeloupe, l’épreuve de force prolongée avec le gouvernement n’a pas été écartée et qu’elle s’est incarnée dans un mouvement social d’ampleur exceptionnelle.
La focalisation sur une opposition entre base et sommet, la dénonciation des trahisons bureaucratiques peuvent servir de catharsis dans le feu de l’action, afin de ne pas céder au découragement. Mais force est de constater qu’elles contribuent bien plus souvent à conforter les convictions des militants partisans d’un syndicalisme « de lutte » qu’à déstabiliser la ligne de dirigeants réduits à l’identité de cyniques professionnels. Parfois, l’accusation de cynisme va jusqu’à la mise en cause des « bureaucrates corrompus ». Si les pratiques d’influence orchestrées par des représentants d’intérêt patronaux sont bien réelles, cette dimension est cependant un cas d’espèce pour faire exploser la dichotomie base/sommet. Des professionnels du syndicalisme naturellement portés au dialogue social parce qu’ils collectionnent les jetons de présence dans les organismes sociaux, aux responsables de syndicat ou de fédération qui troquent la « paix sociale » contre des facilités matérielles pour leur organisation, en passant par les syndicalistes en entreprise qui négocient avantageusement leur propre licenciement, les façons d’être « acheté » sont multiples, même s’il convient de les relativiser1. Dans ce contexte, les sommets confédéraux, certes parce qu’ils sont le plus exposés publiquement, mais aussi parce qu’ils sont au faîte de hiérarchies encore fondées sur une légitimité proprement militante2, apparaissent relativement moins inquiétés par de telles dépendances. Ce registre d’explication suppose en outre un décalage entre le discours et les actes, une sorte de conscience coupable, alors même que les dirigeants des centrales syndicales sont persuadés de proposer la meilleure orientation, sinon la seule possible. Ce sont dès lors d’autres formes d’adhésion, plus idéologiques, qui doivent être explorées pour expliquer cette stratégie d’empilement de journées d’action.
Un autre registre courant d’explication éclaire les stratégies syndicales par leur « fonction » dans le cadre du capitalisme mondialisé. Partout dans le monde, des organisations syndicales « intégrées » depuis plusieurs décennies au système ne pourraient faire autrement que de négocier des contreparties sociales à la logique de l’exploitation, contreparties de plus en plus maigres du fait de la radicalisation néolibérale des classes dominantes. Cette approche néglige un point essentiel : le rôle du syndicalisme n’est jamais donné une fois pour toutes, il dépend des luttes qui se mènent dans et hors de cet univers. De ce point de vue, la situation française est particulièrement intéressante. À la différence de beaucoup d’autres pays, le syndicalisme pouvait en effet y apparaître moins « intégré », la configuration syndicale étant marquée par l’hégémonie de la CGT, autrement dit par un syndicalisme interprofessionnel depuis ses origines, historiquement nourri par une idéologie de lutte des classes (dans ses versions successivement syndicaliste révolutionnaire et communiste), refusant de se penser comme un « médiateur » entre travail et capital. De même, l’émergence des syndicats Sud à la fin des années 1980, comme le maintien d’une certaine conflictualité sociale tout au long de cette période, sembleraient témoigner de l’existence de nombreuses ressources pour proposer une alternative radicale au néolibéralisme. Comment dès lors expliquer l’adoption d’une stratégie d’évitement relatif de la confrontation, légitimée de fait par toutes les organisations dans le cadre de l’intersyndicale ? Pour éclairer ce paradoxe, il importe de passer d’une approche macroscopique à une compréhension fine des logiques qui structurent l’univers syndical national.
La diversité présente au sein du champ syndical français empêche en premier lieu de généraliser trop vite. La compréhension des orientations qui semblent s’imposer au sein de cette intersyndicale à huit – rappelons que celle-ci rassemble la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, la CGT, FO, la FSU, Solidaires et l’Unsa – passe par un décryptage des logiques qui président aux décisions des dirigeants syndicaux et qui demeurent perçues comme pertinentes par une partie des équipes intermédiaires, dans les fédérations et les structures territoriales. Elle implique ainsi de penser le syndicalisme en termes relationnels, c’est-à-dire d’intégrer dans le raisonnement le poids des cultures organisationnelles, les effets de champ syndical et de positionnement dans l’espace des relations professionnelles.
Pour ce faire, nous nous proposons dans cet article de partir de questions courantes – celles qui sont discutées dans le cadre de la mobilisation, qui structurent le « sens commun militant » – afin non pas de prétendre y répondre de façon tranchée, mais de les éclairer sous des angles complémentaires. Il ne s’agit en aucune manière de « justifier » des positions, ni de les « juger » en se parant de l’extériorité du chercheur. Nous voulons plutôt tenter d’en expliciter les présupposés, les reformuler dans les termes des responsables syndicaux, de manière à délimiter ce qui nous semblerait être les terrains et les enjeux d’une confrontation productive. Pour que la critique des orientations syndicales dominantes produise des effets, elle doit partir des logiques qui président aux décisions des syndicalistes. C’est en prenant le risque de les comprendre, en restituant les prises de position des responsables nationaux à leurs positions dans l’espace syndical, qu’on peut espérer avoir prise sur elles. C’est en dégageant leur rationalité, les cheminements intellectuels qui les rendent crédibles, qu’on peut mettre en lumière leurs impasses et les bifurcations possibles.
Pourquoi s’enfermer dans une intersyndicale avec la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, au risque de freiner la mobilisation ?
Le maintien d’une intersyndicale à huit organisations constitue une démarche relativement contraignante. Il suppose un compromis permanent entre des positions divergentes, aboutissant à des prises de position a minima. Ce faisant, ce compromis minimal permet aux organisations de conserver certaines libertés les unes par rapport aux autres, et parallèlement aux porte-parole syndicaux de disposer de marges de manœuvre dans leurs discussions avec le patronat et les pouvoirs publics, sans être tenus vis-à-vis des salariés par des revendications précises. La CFDT, qui s’est retrouvée isolée fin décembre 2008 lorsqu’elle a été la seule organisation à signer l’accord sur l’assurance-chômage, bénéficie en outre grâce à l’intersyndicale d’une place centrale dans la mobilisation et le fait savoir. La récupération d’une partie des propositions de cette organisation par le gouvernement (comme le « fonds d’investissement social ») – réplique du scénario de 2003 – plane dès lors comme une menace plus ou moins précise. L’intersyndicale ne servirait-elle donc qu’à freiner la mobilisation? Serait-elle d’abord profitable à l’organisation réputée la moins exigeante vis-à-vis du patronat et du gouvernement ? Mais dans ce cas, comment expliquer le fait qu’aucune organisation ait envisagé de sortir de ce cadre ?
On peut d’abord imaginer qu’en raison des crises internes qu’elle a connues, de son affaiblissement sur le plan numérique et militant après 2003 et de son recul relatif aux élections prud’homales de décembre 20083, la CFDT ne puisse pas se permettre de faire cavalier seul avec le gouvernement. L’exaspération et la radicalisation sensible des salariés intiment les responsables syndicaux à faire preuve de prudence dans leurs choix. En outre, entre 2003 et 2008, il y a eu 2006 : l’unité syndicale sans exclusive réalisée contre le CPE, à rebours des pratiques traditionnelles4, a été considérée par les responsables syndicaux comme un facteur essentiel de la réussite du mouvement. Le cadre unitaire constitué à partir de la déclaration commune du 5 janvier 2009 est par ailleurs original. Les tactiques syndicales routinières tendent généralement à sérier les terrains de confrontation et de négociation. Ici, la plate-forme unitaire se décline en plusieurs axes qui touchent autant aux revendications pour l’emploi et les salaires qu’à une réorientation des politiques publiques. De la sorte, comme ne cessent de le présenter les dirigeants de la CGT, cette intersyndicale se différencie des précédentes en ceci qu’elle ne s’est pas constituée autour du refus d’une réforme en particulier, mais qu’elle esquisse le projet d’une politique économique alternative. Dans la situation présente, les potentialités antilibérales de la mobilisation syndicale apparaissent ainsi comme latentes, portées par la situation bien plus que résultant de la confrontation, au sein de l’intersyndicale, entre deux « camps ».
Surtout, la grille de lecture opposant des organisations « réformistes » à d’autres plus combatives est loin d’être le principal cadre de pensée de celles et ceux qui font la politique – au sens concret du terme – des organisations syndicales. Il nous semble que ce sont d’autres préoccupations qu’il faut restituer afin de repérer les lignes de partage et les principes de division qui servent de repères dans l’élaboration des orientations syndicales.
La valorisation de l’unité renvoie, tout d’abord, à l’intériorisation par les équipes dirigeantes de la faible représentativité du syndicalisme français dans le salariat, résultante d’une « crise » dont le taux de syndicalisation apporterait la preuve objective indiscutable : 8 % de syndiqués dans la population active salariée, soit le taux le plus faible des pays de l’OCDE5. Cette approche est particulièrement prégnante à la CGT où la question du « syndicalisme rassemblé » fournit un des axes stratégiques de la centrale depuis le milieu des années 1990. Durant la séquence qui a suivi le mouvement social de l’automne 1995, cette revendication a servi à la CGT à relativiser, d’une part, son rapprochement avec la CFDT (que rendait nécessaire sa demande d’adhésion à la Confédération européenne des syndicats) et à se démarquer, d’autre part, de la construction d’un « pôle radical », en lien avec la FSU, Solidaires et, dans certaines configurations, FO6. De ce fait, le projet de « syndicalisme rassemblé » n’a jamais été synonyme à la CGT d’un syndicalisme de lutte, tourné vers la contestation des réformes néo-libérales. Il renvoie à l’idée que, les facteurs endogènes étant au cœur de la crise du syndicalisme, celui-ci devrait trouver en lui-même les ressources pour rebondir. L’unité est perçue comme une condition essentielle pour recrédibiliser le syndicalisme. Derrière cette analyse se trouve la conviction que les salariés se désintéresseraient des syndicats à cause de leurs luttes intestines, de leurs divisions et, en dernière instance, de leur politisation7. De ce point de vue, les résultats des élections prud’homales n’ont pas considérablement modifié la donne. S’ils confortent la première place de la CGT et conduisent à relativiser l’image de « trois grandes confédérations » (CGT, CFDT, FO), ils n’ont aucune raison d’être interprétés, en interne, comme un signe que la recomposition syndicale pourrait être accélérée par une dynamique volontariste de rassemblement des syndicats les plus combatifs. D’où la négation, dans le projet cégétiste, de relations privilégiées avec telle ou telle organisation pour des raisons « idéologiques » et, au contraire, la mise en avant de relations diversifiées et non exclusives, censées manifester la volonté de défendre les intérêts des salariés avant des « intérêts de boutique ».
Au regard de cette situation, il semble étonnant que des acteurs plus périphériques, dont la position n’est pas complètement consolidée dans le champ, n’en contestent pas plus ouvertement les règles et surtout les modalités de fonctionnement implicites. Pour formuler l’idée autrement, pourquoi Solidaires – qui avait à plusieurs reprises appelé à la « grève générale » en 2003 – ou la FSU – dont bien des secteurs sont mobilisés, à la fois dans le primaire et dans le supérieur – ne font-ils pas entendre des voix dissonantes ? De même, pourquoi les dirigeants de FO ont-ils accepté l’issue de l’intersyndicale du 30 mars alors qu’ils avaient reçu mandat de leur CCN de défendre le principe d’une journée de « grève franche » de 24 h ? Plusieurs facteurs agissent là encore de façon interdépendante. En premier lieu, le précédent de la mobilisation de 2003 a laissé des traces sur le plan individuel et collectif. L’atonie actuelle dans le secteur de l’enseignement secondaire – outre qu’il est nourri par une position ambiguë du SNES sur la masterisation – se comprend aussi au regard du sentiment de défaite qui a suivi les longues semaines de lutte du printemps 2003. A la suite de celui-ci, le bureau de Solidaires tirait également un bilan critique sur l’incapacité de l’organisation à pousser la CGT à accélérer le rythme du mouvement, en raison même de la difficulté rencontrée par les militants des différents SUD à élargir la grève dans leurs propres secteurs d’activité. Enfin, la conviction selon laquelle la CGT détiendrait les clés d’un appel à la grève générale est, paradoxalement, d’autant plus forte à FO que les responsables de cette organisation récusent toute forme de mobilisation des salariés « par le bas », qui échapperait d’une manière ou d’une autre à la « démocratie de délégation » incarnée par les organisations syndicales représentatives.
Un autre élément qui résulte aussi en partie de l’épisode de 2003 est la nécessité pour une organisation comme Solidaires de se tourner complètement vers son propre renforcement. Bien que cela ne soit pas dit explicitement, la représentation partagée de Solidaires comme structure transitoire dans le cadre d’un mouvement de recomposition plus large a perdu de son actualité et revêt moins de sens pour les militants investis notamment dans les SUD. C’est bien une nouvelle confédération, même si elle ne porte pas ce nom, qui est en construction. Il en résulte un travail militant de type différent – et l’intense préparation des élections prud’homales l’a bien montré –, moins tourné vers la jonction avec d’autres mouvements sociaux et davantage guidé par les contraintes des luttes de positions dans le champ syndical. Les Solidaires locaux ont mené ce combat au quotidien pour obtenir une place dans les intersyndicales au niveau des villes, ce qui semble aujourd’hui relativement acquis. La direction nationale de Solidaires le fait également depuis plus d’une décennie et de ce fait, le « coût » de sortie ou de démarcation de l’intersyndicale à huit peut apparaître comme trop important ou contre-productif au regard de ces efforts accumulés pas à pas. Le choix qui est alors fait – et qui suscite des débats importants dans l’organisation – est celui d’investir la mobilisation au niveau local, en multipliant les initiatives et les formes d’action, mais sans bousculer le cadre unitaire à l’échelon national. Plus largement, la conscience des coûts d’une éventuelle marginalisation et l’insistance mise par chaque organisation sur son propre renforcement s’est exacerbée après l’adoption de la loi du 20 août 2008 modifiant les règles de la représentativité : en substituant les résultats électoraux au principe de présomption irréfragable, la réforme impose à tous, sous peine de disparaître, un redéploiement militant, voire des rapprochements organisationnels. Des effets importants sont attendus de l’application des nouvelles règles de représentativité – réforme qui a été portée conjointement par la CGT et par la CFDT -, mais en termes « d’assainissement » du champ, c’est-à-dire de réduction de sa pluralité interne et de renforcement des organisations qui seront capables de mobiliser les salariés sur le plan électoral. La situation de la FSU est sans doute plus spécifique, dans la mesure où des logiques centripètes, celles des syndicats nationaux, l’emportent aux dépens de la fédération. L’éventualité d’une sortie de l’autonomie, c’est-à-dire de l’entrée dans une confédération – en l’occurrence la CGT –, apparaît comme une possibilité pour une partie des militants et se cristallise peu à peu en ligne de clivage interne, dans un contexte de crise de la fédération et de fonctionnement déficient de celle-ci.
Pourquoi ne pas battre le fer quand il est chaud en lançant un mouvement de grève reconductible et intersectoriel ?
Eclairer au moins en partie les raisons qui conduisent au maintien de cette intersyndicale à huit n’explique pas complètement la relative timidité des syndicats quant aux modalités d’action choisies avec la succession de journées de mobilisation.
Une formule est devenue rituelle parmi les cadres syndicaux : « la grève générale ne se décrète pas ». Si ce genre de propos sert souvent à disqualifier une telle perspective comme étant irréaliste a priori, elle n’en contient pas moins une part de vérité. À la différence d’autres traditions syndicales dans le monde, le syndicalisme français se distingue par sa faiblesse structurelle en matière de mobilisation coordonnée des travailleurs. La distinction précoce des activités syndicale et mutualiste, la prise en charge de la protection sociale par des organismes étatiques ou para-étatiques, un droit du travail n’autorisant aucune dérogation conventionnelle ou législative au bénéfice des syndiqués ont historiquement borné le syndicalisme français au terrain revendicatif, le privant ainsi des masses d’adhérents « captifs » qui ont fait la force des syndicalismes belge, allemand ou scandinave8. De ce fait, les syndicats français n’ont pas les ressources ou le degré de centralisation des organisations d’autres pays. En dehors de secteurs professionnels délimités se faisant de plus en plus rares, les organisations syndicales n’ont pas les moyens militants de construire une grève de manière volontariste, ni les moyens matériels de la tenir (à l’aide, par exemple, de caisses de grève conséquentes). Si des impulsions syndicales furent à l’origine d’importants épisodes de grève, particulièrement dans le secteur public (de 1953 à 2003, en passant par 1995), les deux principaux épisodes de mobilisation interprofessionnelle, en 1936 et 1968, furent quant à eux largement spontanés.
L’absence relative de mobilisation dans le secteur privé et la crainte de renforcer la représentation dominante d’un secteur public comme lieu privilégié de la grève est un motif qui a pu guider, en 2003, la stratégie suivie par la CGT. Si ce type de représentation, largement diffusée par les médias, repose sur une connaissance partielle et en partie erronée de ce qui se passe dans les entreprises privées, il n’en reste pas moins que le clivage public / privé joue en interne, qu’il est intériorisé par une partie des directions syndicales9. L’hypothèse d’un « déphasage » avec ce que vivent les salariés du privé, d’une incompréhension relative de ces derniers par rapport aux stratégies et aux discours syndicaux, est souvent présentée comme l’une des raisons de la faible syndicalisation. À nouveau, la prégnance du thème de la crise du syndicalisme se fait ici sentir. Celle-ci entrerait en résonance avec une crise plus large des identifications collectives. Les salariés se seraient ainsi d’autant plus éloignés des organisations syndicales qu’ils seraient devenus plus individualistes. En 1995, la notion de « grève par procuration » avait été proposée pour souligner le rapport ambivalent des salariés à l’action collective. Après ce mouvement, une partie des organisations qui avaient été à la pointe du mouvement (CGT et FO) ne connurent pas de remontée de leurs effectifs. C’est au contraire la CFDT qui tira son épingle du jeu grâce à la continuité d’une politique de développement inspirée des méthodes managériales. L’inversion de la courbe de ses effectifs, qui lui permit de retrouver en 2002 le nombre maximum d’adhérents qu’elle avait atteint au milieu des années 1970, semblait conforter une stratégie de resyndicalisation pensée dans les termes du pragmatisme, de proximité et de services aux adhérents10. La condamnation des actions minoritaires et l’impératif de modération se justifient, dès lors, par la nécessité de renouer avec une progression des effectifs. La construction d’un tel raisonnement, tel qu’il peut être avancé par la direction confédérale de la CGT, reproduit effectivement sur certains points des arguments qui ont alimenté le processus de recentrage dans la CFDT, à l’orée des années 1980. La direction confédérale de la CGT s’oppose ainsi ouvertement à l’idée d’une grève générale et reconductible ; si elle « comprend » les actions radicales comme les séquestrations, elle met en garde ses militants contre leurs limites et leur instrumentalisation par des minorités « politiques » ; et elle évoque des formes d’action nouvelles, plus « médiatiques », censées conquérir « l’opinion publique ».
La situation actuelle se différencie pourtant des séquences conflictuelles antérieures en raison de mouvements de grèves dans les entreprises privées, de la visibilité médiatique des formes d’action qui y sont menées et d’une participation effective de ces salariés aux grandes journées d’action. Les effets de la crise ne créent-ils pas justement les conditions pour dépasser le clivage public-privé par des mots d’ordre communs, notamment sur le plan des revendications salariales ? On pourrait donc penser que le préalable de la mobilisation du privé pèse d’un poids beaucoup plus réduit dans l’élaboration des stratégies syndicales. C’est peut-être le cas, mais d’autres considérations qui, là encore ne sont pas nouvelles, contribuent à cet évitement d’une situation de confrontation ouverte avec le gouvernement. Pousser l’épreuve de force jusqu’à la grève générale, c’est risquer d’entrer dans une logique de délégitimation du pouvoir politique. Or, pour la quasi-totalité des organisations membres de l’intersyndicale, le fait de se retrouver de facto dans le rôle d’une opposition au gouvernement est une situation à éviter, et ce d’autant plus que la logique même de l’intersyndicale, qui met en cause la politique économique du sarkozysme, porte en soi un potentiel important de politisation. Elle a par exemple donné prise à l’appel unitaire des dix organisations de la gauche anticapitaliste en soutien aux mobilisations du 29 janvier. Au lendemain de cette date, les responsables de la CFDT mettaient en garde contre le risque de « globalisation». La croyance dans l’autonomie du champ syndical va de pair avec cette idée que la politisation du mouvement conduirait à déporter les syndicats vers un terrain qui n’est pas le leur ou, du moins, qui ne doit plus l’être. On rencontre ici un autre aspect d’un sens commun syndical structuré par l’omniprésente crise du syndicalisme, tant les équipes dirigeantes que de nombreux militants de terrain ont intériorisé la nécessité d’une nette coupure entre syndicalisme et politique. La défiance qu’expriment au quotidien nombre de salariés à l’égard du personnel politique incline d’autant plus les syndicalistes à se démarquer de cet univers, ce qu’ils traduisent d’abord par une mise à distance des partis politiques et des « idéologies ».
Ce rapport actuel au politique est à comprendre dans sa complexité. Ce qui ressort notamment des actions et des prises de position de la direction confédérale de la CGT depuis le milieu des années 1990, donc depuis l’ère Viannet, est une adhésion renforcée – une illusio – aux principes de fonctionnement du champ syndical et, plus largement, à l’idée d’une autonomie relative de l’espace des relations professionnelles. La remise en cause des liens avec le PCF et la crise de celui-ci s’est traduite pour la direction de la confédération et pour une partie des équipes syndicales par la disqualification de l’idée même d’un projet de société ou d’un programme ayant une envergure politique. S’en tenant à des « repères revendicatifs », la CGT entend ainsi se prémunir de toute dépendance partisane et laisser derrière elle la logique de courroie de transmission. Cette position est loin de faire l’unanimité en interne, qu’elle soit combattue de façon explicite par des militants qui, de fait, transposent une partie des luttes internes du PCF dans la CGT11 ou qu’elle soit démentie, en actes, par des militants qui transfèrent aux élus la responsabilité de faire de « bonnes lois » (comme celle de renationaliser EDF et GDF)12, dans l’attente d’un nouveau gouvernement d’une hypothétique gauche plurielle.
Ce qui compte avant tout pour la direction de la confédération, relève de la position interne dans ce champ et du fait d’en être complètement partie prenante, en s’appuyant sur les canaux de légitimité spécifiques qu’a engendré son institutionnalisation : les élections professionnelles et les multiples positions de pouvoir situées dans les institutions sociales, par opposition à une intervention directe dans le champ politique spécialisé. Cette démarcation se traduit également, au plan symbolique, par une certaine neutralisation du discours syndical, les porte-parole d’organisation récusant un registre « idéologique » (marxiste) qui risquerait de les attirer vers leur passé autant que les situer sur le même terrain que certains acteurs du champ partisan. Inversement, la contrepartie d’une certaine « radicalisation » de FO au plan confédéral, depuis le milieu des années 1980 – dont témoigneraient ses appels devenus récurrents à la grève générale interprofessionnelle – c’est justement la préservation de cette illusio d’un monde syndical totalement déconnecté du monde des partis13. De ce point de vue, aussi bien les différentes composantes de Solidaires que des équipes syndicales au sein de la CGT – prêtes à assumer un autre discours ou la contestation sociale est nécessairement politique – se retrouvent en décalage avec la vision présentée comme légitime, par les directions confédérales, du statut des syndicats dans la société.
À la différence de celle de la CFDT, l’orientation de la CGT reste cependant ancrée dans une rationalité économique alternative – comme, dans une certaine mesure, celle de la confédération FO. Cette posture est valorisée par les dirigeants cégétistes auprès de leurs militants comme étant plus exigeante que celle de leurs concurrents. Elle n’en conduit pas moins, en excluant un affaiblissement du pouvoir politique tel qu’il puisse entraîner sa chute, à subordonner la mobilisation à la négociation plutôt que l’inverse. La légitimité supposée du syndicalisme dépendant de sa capacité à exister comme « partenaire social », éventuellement exigeant, mais responsable, les calculs des représentants syndicaux sont bornés par les arènes du dialogue social : leurs temporalités et leurs attentes s’ajustent à celles de leurs interlocuteurs, pouvoirs publics et employeurs, plus qu’aux demandes des salariés. Un élargissement du conflit au-delà des arènes institutionnalisées du dialogue social risquerait en effet de mettre en cause les frontières apparemment stabilisées entre les ordres d’activité – ce qui est le propre d’une crise politique14. La ligne d’action partagée par la plupart des équipes syndicales dirigeantes repose ainsi sur l’hypothèse que des négociations puissent s’ouvrir sur divers chantiers, entraîner des échanges assez longs, et nécessiter une mobilisation de longue haleine. D’où l’intérêt de maintenir une pression suffisamment forte sur le gouvernement et le patronat pour les contraindre à négocier, mais suffisamment espacée pour éviter toute dynamique de « débordement ». C’est dans cette optique qu’après l’échéance du 1er mai, il est question d’une nouvelle journée d’action un samedi de juin.
Cette valorisation du « dialogue social » comme seul horizon auquel puisse prétendre le syndicalisme – loin d’un projet de changement radical de société – ouvre d’autres pistes d’analyse. Finalement, le syndicalisme français, malgré sa diversité interne, n’est-il pas en train de s’engager sur la voie d’une politique de pactes sociaux, soit d’échanges ritualisés et canalisés entre le pouvoir et des représentants professionnalisés du monde du travail ?15 C’est à une forme d’intégration durable du mouvement syndical dans les modes de régulation du système capitaliste que nous assisterions, intégration qui se traduirait dans les modes de pensée des responsables syndicaux, dans leur façon d’envisager à la fois la légitimité de leur organisation, mais aussi les possibles qui s’ouvrent à elle. Pour autant, si tant est qu’on puisse le constater sur un temps relativement long, le paradoxe d’un tel processus d’intégration est qu’il s’opère à contre-courant des évolutions dans d’autres pays européens. Des pratiques durablement installées de « pactes sociaux » ont justement été remises en cause ou dénoncées par une partie des syndicats en raison même de leur perte de contenu dans le régime de production néolibéral. Celui-ci, à la différence de ce que permettait le keynésiano-fordisme, n’accorde, en effet, aucune place au compromis social. Dès lors, l’implosion de ces stratégies de négociation nationale a donné lieu soit à une intégration renforcée d’un mouvement syndical coupé des formes de conflictualité et co-gestionnaire de la crise, comme en Espagne, soit à un redéploiement critique de certaines organisations ou de composantes de ces dernières. Les exemples allemand et belge sont ici intéressants, car ils renvoient à des formations sociales où ce type de politique, rendue possible par la puissance du mouvement social-démocrate ou socialiste, a été mené et connaît aujourd’hui une profonde mutation. La remise en cause des liens avec le SPD et l’implication de syndicalistes dans la création de Die Linke atteste d’une reconfiguration partielle du rapport au politique et de la recherche de nouvelles alternatives.
Les transformations du syndicalisme français, liées au repositionnement dans le champ des relations professionnelles d’une partie de ces composantes, telle la CGT, conduiraient-elles à mettre en place en France une politique d’intégration qui apparaît tant du côté des détenteurs du capital que des organisations syndicales comme un outil dépassé dans les autres pays européens ? Si les logiques politiques et syndicales peuvent se rencontrer ici – l’une valorisant un contrôle de la conflictualité et du « coût » du travail, l’autre sa légitimation institutionnelle – il n’est pas certain qu’un tel scénario soit appuyé par le patronat en France. De plus, bien qu’elle présente le mérite de déplacer la focale vers des facteurs plus macro, une telle analyse n’a de sens qu’en étant articulée à une compréhension plus fine de l’univers syndical national. De ce point de vue, il convient de ne pas conclure trop vite à l’emprise du modèle de concertation sociale sur des organisations dont une partie des militants restent marqués par la matrice d’un syndicalisme de lutte. Des résistances multiples existent en leur sein et interdisent de penser ces évolutions en termes linéaires.
Plutôt que d’accuser les directions syndicales de refuser une stratégie ascendante de mobilisation, nous espérons avoir montré l’intérêt de se demander pour quelles raisons elles la refusent. Nombre de syndicalistes, aux différents niveaux des hiérarchies organisationnelles, sont marqués par une conscience aigue de la fragilisation du syndicalisme, coordonnées qu’oublient parfois certaines critiques. Mais cette omniprésence de la crise syndicale, prisme à travers lequel les équipes dirigeantes abordent les enjeux de la crise capitaliste, conduit souvent à accepter comme allant de soi certaines prémisses qui demanderaient pourtant à être discutées. Si la crise du syndicalisme est loin de n’être qu’un fait de discours, les effets rétroactifs de ce discours sont d’autant plus certains que les organisations syndicales tendent à se déposséder de leurs capacités critiques. Cet enjeu est particulièrement visible dans le positionnement de la direction confédérale CGT. Sa rupture avec l’idée que puissent exister des « intérêts objectifs » de la classe ouvrière dont l’organisation syndicale serait en quelque sorte le représentant « naturel » (avec le Parti), l’a entraînée vers l’extrême inverse. Le syndicalisme s’étant coupé des travailleurs du fait de son institutionnalisation, le seul remède à sa crise serait de se mettre simplement « à l’écoute des salariés ». Un tel raisonnement a par exemple motivé la signature de la « position commune » sur la représentativité. Mais en fondant la légitimité syndicale sur le critère exclusif des résultats aux élections professionnelles, c’est une représentation des travailleurs comme des citoyens-salariés saisis dans leur individualité qui se trouve confortée. Cette philosophie sociale, congruente avec les formes instituées de la démocratie libérale et représentative, réduit la formation de la volonté collective à l’agrégation des préférences individuelles, et son expression à la parole de professionnels de la représentation. En même temps qu’ils renoncent aux certitudes d’un objectivisme classiste (hâtivement assimilé par certains au « marxisme »), les syndicalistes en viennent ainsi à voir dans des objectivations concurrentes (celle de l’opinion publique ou celle des « experts ») les intérêts « spontanés » des salariés, sans questionner les processus de fabrication qui sont derrière ces expressions « naturalisées ». Pour dépasser cette injonction contradictoire entre les logiques de l’action militante et celle de l’opinion publique, entre les nécessités de convaincre et de se conformer, il importe de réhabiliter le caractère nécessairement conflictuel de la définition des intérêts et les dynamiques collectives qui permettent de les faire exister. C’est pourquoi il est vital que la conflictualité sociale rencontre de nouvelles formes de conflictualité idéologique, et que celles-ci trouvent des canaux de diffusion au sein du monde syndical. En outre, et c’est là que s’identifient travail intellectuel et travail militant, un savoir critique sur le syndicalisme ne trouvera ses conditions de réception que dans la revitalisation de cadres de débat démocratiques, autrement dit, de véritables dispositifs d’intersubjectivité fixant eux-mêmes leurs propres limites, sans que certaines questions soient proscrites a priori parce que considérées comme politiques.
Sophie Béroud, Karel Yon, chercheurs en science politique
1 Sur la diversité des financements syndicaux illicites, cf. Roger Lenglet, Jean-Luc Touly et Christophe Mongermont, L’Argent noir des syndicats, Paris, Fayard, 2008.
2 Sur la persistance du modèle ouvriériste de dévouement militant dans le syndicalisme français, cf. Anne-Catherine Wagner, « Syndicalistes européens. Les conditions sociales et institutionnelles de l’internationalisation des militants syndicaux » Actes de la recherche en sciences sociales, 155, 2004, p. 13-33.
3 Les résultats aux élections prud’homales du 3 décembre 2008, avec un taux d’abstention de 74,5%, sont les suivants : CGT 33,8% (+1,6 points par rapport à 2002), CFDT 22,1% (-3), FO 15,9% (-2,3), CFTC 8,9% (-0,7), CFE-CGC 8,2% (+1,2), UNSA 6,6 (+1,2), Solidaires 3,8 (+2,3).
4 Le rassemblement des cinq confédérations qui bénéficiaient du principe de présomption irréfragable de représentativité (CFDT, CFTC, CGC-CFE, CGT et FO) avec les autres organisations syndicales (FSU, Solidaires, Unsa) ne s’était jusqu’alors jamais réalisé. Le « club des cinq » considérait auparavant qu’une telle ouverture devait être repoussée, car risquant de légitimer l’existence des ces organisations.
5 Loup Wolff, « Le paradoxe du syndicalisme français : un faible nombre d’adhérents, mais des syndicats bien implantés », DARES, Premières informations premières synthèses, 16.1, 2008.
6 Sophie Béroud, « La décennie des “victoires défaites” (1995-2007) ou les effets du découplage entre mobilisations sociales et dynamiques syndicales » in Bertrand Geay, Laurent Willemez, dir, Pour une gauche de gauche, Broissieux, Ed. du Croquant, 2008, p. 19-34.
7 L’insistance sur les facteurs endogènes de la crise du syndicalisme, par opposition aux facteurs exogènes tels que les mutations des structures économiques et de la composition sociale du salariat, est la marque des producteurs intellectuels les plus prolixes et les plus visibles de travaux sur ce sujet, Dominique Andolfatto et Dominique Labbé (voir par exemple : Sociologie des syndicats, Paris, La découverte, 2000 ; Histoire des syndicats (1906-2006), Paris, Seuil, 2006 ; Les syndicats en France, Paris, La Documentation française, 2007 ; Les syndiqués en France: Qui ? Combien ? Où ?, Paris, Groupe Liaisons, 2007). Cette grille de lecture est appropriable d’autant plus aisément par les responsables syndicaux qu’elle désigne des problèmes sur lesquels ils peuvent agir directement.
8 Jean-Marie Pernot, Syndicats : lendemains de crise ?, Paris, Gallimard, 2005.
9 Baptiste Giraud, « Au-delà du déclin. Difficultés, rationalisation et réinvention du recours à la grève dans les stratégies confédérales des syndicats », Revue Française de Science Politique, 56 (6), 2006, p. 943-968
10 Cécile Guillaume, Sophie Pochic, « La professionnalisation de l’activité syndicale : talon d’Achille de la politique de syndicalisation à la CFDT ? », Politix, 85, p. 31-56.
11 Cette posture est aujourd’hui moins visible, mais elle a conduit à la guerre interne contre les « Rouges vifs » dans la CGT, comme l’atteste par exemple la façon dont a été longtemps perçu le comité national des privés d’emplois, cf. Julian Mischi, « Pour une histoire sociale du déclin du parti communiste » in Florence Haegel, dir, Partis politiques et système partisan en France, Paris, Presses de Sciences Po, 2007, p. 89.
12 Pour une bonne analyse des effets produits par ces luttes et de cette reproduction implicite d’un rapport de dépendance vis-à-vis de l’univers partisan : Adrien Thomas, Une privatisation négociée : la CGT à l’épreuve de la modification du régime des retraites des agents d’EDF-GDF, Paris, L’Harmattan, 2006.
13 L’évolution de la Confédération FO, à contre-courant de ses principales rivales, apparaît comme une tentative de résistance à la mise en cause du rôle pivot qu’elle avait joué dans l’édification du compromis social des Trente Glorieuses. Le tournant néolibéral déstabilise en effet les deux piliers de son enracinement dans le paysage social : la négociation de branche et la protection sociale paritaire. Pour une mise en lumière des luttes internes qui ont conduit à l’adoption de cette ligne d’action, voir le chapitre 5 de : Karel Yon, Retour sur les rapports entre syndicalisme et politique : le cas de la CGT-FO. Éléments pour la sociologie d’un “monde de pensée”, thèse de science politique, Université Paris I, 2008. Sur un aspect plus délimité de cette évolution, cf Karel Yon, « Quand le syndicalisme s’éprouve hors du lieu de travail : la production du sens confédéral à Force ouvrière », Politix, 85, 2009, p. 57-79.
14 Michel Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de la FNSP, 1992.
15 La sociologie des relations industrielles consacre une large part de sa production à l’analyse de ces pactes sociaux. Pour une synthèse sur les années 1990 : Giuseppe Fajertag, Phillipe Rochet, dir, La nouvelle dynamique des pactes sociaux en Europe, Bruxelles, PIE- Peter Lang, 2001.
Sophie Béroud et Karel Yon
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