La situation actuelle est une situation que je considère comme pré-révolutionnaire, car le capitalisme connaît une crise si forte qu’il ne peut assurer la stabilité et la régulation économique et sociale dont il prétend être porteur, qu’il tente de résoudre sa crise sans pouvoir y parvenir car toutes les mesures prises par les dirigeants capitalistes alimentent et aggravent la crise qui devient générale dans chaque pays et à l’échelle de la planète toute entière. Plus le capitalisme se développe et plus il appronfondit la contradiction inhérente à son organisation entre le capital et le travail.

Ce n’est pas une vue de l’esprit, c’est la réalité des faits actuels. Plus le capital va vers le capital et plus le taux de profit a tendance à s’affaiblir. Dans le capitalisme, c’est le chacun pour soi, chaque capitaliste veut tirer le meilleur parti du capital qu’il a placé, mais quand le système est en crise, l’instabilité est telle que chacun se méfie davantage des autres et que les transactions financières ne peuvent plus s’opérer comme auparavant. Les capitalistes attendent alors de l’Etat son intervention pour essayer de remettre de l’ordre dans l’anarchie qui a conduit à la crise et exige de lui de renflouer les pertes que les capitalistes ont subis. L’Etat dirigé par des serviteurs du grand capital entreprend alors le sale boulot, il prend l’argent partout où il peut le trouver, celui des services publics, celui du travail, celui des gens, il emprunte, pour garantir les banques ou pour les renflouer en liquidités sous prétexte qu’il faut que les banques puissent prêter aux entreprises afin que ces dernières survivent. Or les banques ne prêtent que si elles sont certaines que cela leur rapporte et pour s’en assurer elles haussent les taux d’intérêts. La dette des uns et des autres est semblerait-il une nouvelle aubaine pour les banques capitalistes mais pas pour ceux ceux qui ont emprunté : particuliers, entreprises, pouvoirs publics. Pour toute la société cela se traduit dès lors par un endettement énorme qui se traduit par une surexploitation des gens : hausses des taxes et impôts, blocage des salaires et de toutes les prestations avec risque même de réduction générale des revenus, augmentation des heures supplémentaires non payés ou obligatoires, suppression des services publics, insuffisance du crédit à l’investissement, multiplication des faillites d’entreprises, croissance forte du chômage et de la précarité,baisse de production, crise des approvisionnements des entreprises et des commerces, pénuries diverses et massives etc…

Cette phase est celle que nous risquons de connaître prochainement avec une violence telle que des millions de gens qui ne pensaient pas socialement régresser ou se retrouver dans la pauvreté vont rapidement connaître des situations dramatiques.

Tant que ces millions de gens penseront que les partis et les politiciens actuels peuvent apporter des réponses à cette crise, la révolution ne restera qu’une hypothèse. Mais ils vont vérifier dans les prochains mois que la majorité de ces organisations et leurs dirigeants ne sont que des instruments dans les mains du capitalisme pour faire perdurer le système. Qu’ils n’existent que pour maintenir l’ordre capitaliste qui est désormais une anarchie capitaliste qui va frapper très fort la vie de millions de personnes. Ils vérifieront que beaucoup de ces organisations ne défendent aucunement leurs intérêts, ils le constateront par les luttes qui prendront certainement une ampleur importante et dans lesquelles la question du pouvoir devra être posée : c’est à dire « que décider, comment décider et qui doit décider ? « .

De plus en plus de citoyens vont s’intéresser aux questions économiques, sociales et politiques par ce que les hommes politiques actuels et les partis traditionnels seront dans l’incapacité de leur apporter des réponses satisfaisantes au brutal changement de situation. Même les organisations qui se réclament de la transformation sociale seront sous le feu de la critique car elles ont été jusqu’ici incapables de présenter une alternative politique claire fondée sur une analyse marxiste de la réalité en cours.

Déjà grandit l’idée dans les entreprises et les quartiers que les capitalistes ont joué avec l’argent de la société et l’ont gâché dans des opérations spéculatives. Demain face aux licenciements massifs qui vont toucher toute la société et non seulement quelques secteurs, des millions de gens qui connaissent le travail , qui participent au fonctionnement des entreprises vont commencer à demander des comptes aux capitalistes et aux dirigeants politiques qu’ils soient de droite ou de gauche. Les circonstances permettront des débats publics auxquels participeront des gens qui jusqu’ici n’osaient pas ou ne voyaient pas l’intrêt d’y participer. Si les gens s’organisent de façon conséquente ils pourront interpeller les responsables de la crise et leurs personnels serviles : chacun des dirigeants actuels tant politique qu’économique devra s’expliquer sur les choix qu’il a fait, qu’il entreprend et qu’il compte entreprendre. Chaque responsable sera jugé sur ses actes et non plus sur ses paroles ni à partir de la propagande à laquelle se prête la plupart des médias de la grande bourgeoisie.

La participation active des gens à la vie politique n’aura rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui : il n’est pas exclu que les mouvements de colère et de révolte seront certainement très durs, la répression aussi car les capitalistes et leur pouvoir vont l’ exercer sans pitié, et surtout avec des provocations pour que la colère débouche sur des violences qui risqueront de se retourner contre le peuple lui-même. Sans écarter la possibilité d’une utilisation du populisme de l’extrême-droite pour détourner les gens de leurs responsabilités démocratiques. Cependant les révolutionnaires, les éléments les plus conscients de la transformation doivent veiller à former de nouveaux leaders et responsables politiques qui seront élus par les gens pour défendre leurs intérêts et les aider à s’organiser. Il est indispensable que ces hommes, ces femmes et ces jeunes non seulement soient issus des entreprises et des quartiers populaires, qu’ils portent les valeurs de la classe ouvrière, mais qu’ils soient des exemples pour la vie démocratique : ce sont des gens qui refusent les méthodes manipulatrices, qui veillent en permamence à informer les citoyens, qui déjouent les vieilles manoeuvres de récupération des politiciens, ces nouveaux leaders doivent être des personnes honnêtes, totalement indépendantes de la maffia capitaliste ou des magouilles locales avec des trafiquants de tout poil, reconnus par les citoyens comme des gens droits et dévoués à la cause du peuple, ils doivent permettre au mouvement de prendre conscience de lui-même, de ses atouts et de ses faiblesses, afin d’avancer dans la conquête du nouveau pouvoir démocratique. Dans un tel mouvement, les élections des représentants des citoyens devront régulièrement être organisées avec des dispositions qui permettront aussi la révocation des élus si ces derniers n’accomplissent pas leur mandat. Car en définitive ce sont les citoyens qui doivent décider. En permanence la conquête démocratique du pouvoir devra être l’objet d’un débat ouvert avec tous les protagonistes du mouvement et surtout d’une organisation rigoureuse dans laquelle se retrouve les plus larges masses de citoyens.

Les années à venir peuvent s’ouvrir sur un mouvement historique tel qu’une révolution démocratique jamais vue dans l’histoire pourra surmonter la crise actuelle et permettre de construire une civilisation fondée sur le développement des êtres humains. Sans cette révolution, la crise capitaliste affectera durablement les éléments essentiels de la civilisation avec une plongée de l’Humanité dans une barbarie elle-même inédite, où une caste mondiale de puissants exercera la violence de classe et le contrôle des gens qui risqueraient de devenir des esclaves soumis à un cyber-monde totalement déshumanisé.

Jean-Paul LEGRAND