Lettre ouverte aux maîtres du monde par jean-marc raynaud
Category: Global
Themes: Resistances
Lettre ouverte aux maîtres du Monde par Jean-Marc Raynaud
Donnez nous le pouvoir, tout de suite, et nous vous laisserons, peut-être, la vie sauve !
C’est un fait, vous êtes, aujourd’hui, les maîtres du Monde ! Vous avez tous les pouvoirs. Celui de la force. Celui de l’argent. Celui du contrôle des populations. Celui de la marchandisation, à votre profit, des choses et de la vie.
Ici, là et ailleurs vous êtes les seigneurs et nous sommes vos serfs ! Et, pour la plupart d’entre nous, des serfs avec, dans la tête, la laisse de vos valeurs (loi du plus fort, individualisme, obsession du paraître, un estomac à la place du cœur…). Et vous avez même réussi à nous faire croire que si nous étions des serfs c’était de notre faute. Car, c’est sûr, au royaume du capitalisme, tous les serfs ont leur chance (toute petite) pour devenir des capitalistes !
En un mot comme en cent, vous nous avez niké sur toute la ligne ! Oh, bien sûr, ça a mis du temps. Spartacus vous a fait vaciller. Comme la révolte des Croquants. La révolution de 1789. La Commune de Paris. Les mutineries de 14-18. La révolution russe. Le Front Populaire. La révolution libertaire espagnole de 1936. Mai 68. Le sous commandant Marcos… Mais, à chaque fois vous avez su y faire. Jadis, le bâton. Aujourd’hui, toujours le bâton, mais seulement après l’échec (rare) de la carotte. Et, donc, vous croyez que vous êtes tout, que vous avez tout et que vous contrôlez tout !
Et pourtant, vous commencez à avoir peur ! A force de piller les biens communs que sont l’air, l’eau, les ressources naturelles (que votre cécité vous a fait croire éternelles et inépuisables), vous en êtes arrivés à détruire les conditions même de la vie sur la planète. C’est-à-dire à remettre en question les conditions de votre propre survie. Car, c’est incroyable, la fonte des pôles, le réchauffement climatique, le pourrissement de l’air et de l’eau, la fin de ressources naturelles ayant mis des millions d’années à se constituer, l’appauvrissement des sols, la désertification galopante, le cancer de l’urbanisation, les pauvres qui se reproduisent comme des lapins…, ne vont pas épargner les riches !
Alors, à quoi bon des châteaux, des comptes en banques, des serfs…, quand l’air et l’eau seront pourris, quand il n’y aura plus rien à bouffer que de la merde, quand l’argent ne permettra plus d’acheter ce qu’il n’y aura plus, quand le pouvoir n’aura plus aucune matérialisation, quand les jacqueries seront de chaque jour, et quand, vous et vos enfants, allez, comme nous, crever la gueule ouverte ?
Dur, dur, que d’être les maîtres du monde d’un monde en train d’imploser, et, donc, à court terme, les maîtres de rien, si ce n’est du cimetière que vous êtes en train de construire ! Votre capitalisme (privé ou d’Etat) a, aujourd’hui, atteint ses limites physiques et embrasse, désormais, l’absurde et le suicide à bouche que veux-tu. Et, comme nous, vous allez y avoir droit. Mais, il est clair que votre mort sera mouvementée. Lors de l’agonie finale et générale, les pauvres, sachez-le, vont venir brûler vos châteaux. Ils vous feront connaître les pires supplices qui soient. Et ils mettront vos têtes et celles de votre progéniture en haut de leurs piques. Les manants du désespoir c’est rarement « civilisé ».
Alors, pour vous, comme pour vos proches, ne perdez pas un instant. Donnez nous le pouvoir – tous les pouvoirs – et tout de suite ! Avouez vos crimes. Repentez-vous. Dites votre incompétence. Votre fatuité. Votre arrogance. Pleurez. Implorez. Et, priez pour qu’il ne soit pas trop tard !
Une fois que vous nous aurez remis les clefs, nous arrêterons tout. Le capitalisme. Le pillage des biens communs. Le productivisme pour le productivisme. La croissance pour la croissance. La financiarisation de l’économie. Les dépenses militaires. Les subventions aux patrons et aux curés. L’exploitation et l’oppression des êtres humains… Et nous mettrons en branle un monde nouveau. Une seule république. Le monde. Tous les humains égaux. Plus de frontière. On partage tout et on gère tout, ensemble. On en revient à l’essentiel. Se nourrir. Se vêtir. Se loger. Se cultiver. Tous et toutes. Sans exceptions. Et intelligemment. Sans détruire les conditions de la vie sur la planète. Et tout cela dans la liberté. Sans police politique. Les yeux dans les yeux. Avec le peuple pour seul juge et seul maître de son destin.
Est-il besoin de le préciser, il serait stupide et dangereux pour vous de chipoter sur ceci ou sur cela. Et, surtout, de donner le pouvoir aux écolos, aux socialistes, aux communistes, au petit facteur, à mamie Laguiller, aux synthésistes (entre Marx et Bakounine) d’Alternative libertaire, et même… aux anarchistes ! Ces gens là seraient capables d’accepter le pouvoir que vous leur offririez ! Et d’en faire le même usage que d’habitude !
Votre seule chance est, en fait, d’abandonner le pouvoir au peuple en espérant que, comme jadis, il commence par ouvrir les prisons. Sachez, mais ça n’est pas une assurance tous risques, nous autres anarchistes, nous nous emploierons, alors, à ce que vous ne soyez ni guillotinés, ni emprisonnés à vie.
Mais, on ne vous promet rien !
Chaucre le 1er mai 2008.
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