Salut au “comité communiste de réflexion” de toulouse
Category: Global
Themes: Resistances
Comme nous l’avons mentionné au sein de précédentes publications, dans un certain nombre de villes ou de régions du monde1, des éléments, souvent jeunes, indignés par les conditions actuelles et à venir d’existence de l’humanité, se retrouvent pour échanger leurs réflexions et forment ainsi des cercles de discussion. Certaines fois, il s’agit pour les éléments qui créent de tels cercles de comprendre comment et pourquoi la société actuelle s’enfonce dans la barbarie guerrière et plonge une part toujours croissante de l’humanité dans la misère. D’autres fois, de tels cercles se créent pour tirer les leçons des luttes qui ont été menées, pour comprendre ce qui les a limitées ou carrément faites échouer. Le but est alors de défendre et promouvoir, dans les prochaines luttes, les moyens de leur développement.
C’est en suivant cette seconde voie qu’une poignée d’étudiants de la faculté du Mirail, à Toulouse, a formé un cercle de discussion sous le nom de « Comité de Réflexion Communiste ». En effet, une partie de ces étudiants avait été partie prenante des luttes qui s’étaient menées en France en novembre 2007. Marqués par cet esprit combatif, ils se réunirent d’abord en pensant qu’il était possible que la lutte ne soit pas finie et qu’il fallait examiner les moyens qui pouvaient éventuellement être employés pour la relancer. Mais rapidement, il est apparu évident que le redémarrage de la lutte n’était pour l’instant pas possible et que le but des discussions du comité était donc, surtout, de faire le bilan de cette lutte de novembre pour préparer l’avenir.
Dans toute cette phase de la vie de ce cercle, toute une série de questions ont été posées et discutées. Il était évident pour tous – mais encore fallait-il faire la narration des événements pour que tout le monde prenne connaissance de la réalité des faits – que les syndicats étaient les principaux responsables du fait que la lutte n’avait pas pu se développer. Ainsi, le comité s’est posé la question de savoir pourquoi « le comité de lutte » des étudiants de l’université était devenu le champ clos des batailles des différents syndicats qui sont animés par des groupes politiques différents, ce qui avait écœuré les étudiants qui n’appartenaient pas à telle ou telle organisation ou à un syndicat et qui, de ce fait, désertaient le comité de lutte (et parfois la lutte elle-même). De même, pourquoi les syndicats ont-ils saboté la jonction entre les étudiants et les cheminots en lutte2 de la même manière qu’ils ont clairement empêché celle des cheminots et des gaziers et électriciens ? Les syndicats en sont même arrivés à stigmatiser les étudiants (qui font partie du comité) qui étaient allés intervenir dans les assemblées générales de cheminots sous le prétexte qu’ils n’avaient pas été mandatés ! Ces événements ont été le point de départ d’une des premières questions que s’est posée le comité : pourquoi les syndicats mènent-ils une telle politique ? Seraient-ils incompétents pour mener la lutte ? Est-ce que cela viendrait de l’orientation des organisations politiques qui les noyautent (le PS pour l’UNEF, le PC pour la FSE et la LCR pour SUD) ? Enfin, une telle politique ne viendrait-t-elle pas du fait que la forme syndicale est définitivement inadaptée dans la période actuelle comme arme de combat de la classe ouvrière ?
Cette discussion a mené à un questionnement sur les manifs organisées par les syndicats : faut-il participer à ces manifestations que beaucoup de membres du comité ressentaient comme des processions défouloirs, organisées par les syndicats, n’ayant aucun moyen de faire reculer l’Etat ? Pour d’autres membres du comité, ces manifestations sont appelées par les syndicats parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement et pour empêcher que la colère n’explose dans des dimensions qu’ils ne pourraient plus contrôler ; ces manifestations sont donc des moments pendant lesquels les ouvriers en lutte peuvent se retrouver et exprimer leur solidarité – y compris contre les syndicats qui voudraient que, à la fin des manifestations, tout le monde rentre chez soi avec l’idée que l’on a fait tout ce que l’on pu et qu’il ne reste plus maintenant qu’à les laisser négocier.
Le Comité a aussi tenté de répondre aux questions qui s’étaient posées dans la lutte en prenant le problème par un tout autre bout : si les sections syndicales des différentes corporations n’ont pas rejoint les étudiants, n’est-ce pas parce que la situation des membres de ces corporations est en fait assez confortables ? La lutte des cheminots, celle des enseignants… n’étaient-elles pas celles de catégories socio-économiques voulant garder leurs acquis et non des expressions de la lutte de la classe ouvrière ? En d’autres termes le comité s’est posé la question de savoir si l’on ne devait pas comprendre la classe ouvrière comme seulement composée des précaires, des chômeurs et des habitants des banlieues. La discussion qui a eu lieu sur ce thème a permis de conclure que l’appellation « classes moyennes » était en fait une astuce idéologique de la classe dominante pour qu’une grande partie des prolétaires ne se considèrent pas comme ouvriers. Et pourtant, quels que soient les secteurs, dans le privé comme dans le public, dans les ateliers ou dans les bureaux, au chômage ou à la retraite, c’est bien la même classe, la classe ouvrière, qui est exploitée et attaquée, c’est bien la même classe qui est de plus en plus précarisée et qui a de plus en plus de difficultés à « joindre les deux bouts ». De même, le comité a pu affirmer clairement que ce n’est pas le très bas niveau de salaire ou le fait de ne pas être propriétaire de son logement qui permet de qualifier tel ou tel être humain de prolétaire, mais le fait qu’il n’a que sa force de travail (manuelle ou intellectuelle) à vendre. Sur cette base, la discussion nous a permis d’établir que les habitants des banlieues, que le capitalisme a marginalisés, sont des prolétaires tout autant que la plupart des membres des prétendues « classes moyennes ». Que l’atroce misère et la marginalisation dans laquelle les a poussés le capitalisme les amène à se lancer dans des révoltes isolées – et malheureusement suicidaires – ne change rien à cette réalité et cela signifie que l’avenir de leur lutte ne passe pas par ces émeutes mais par la lutte solidaire avec les autres prolétaires.
Le rôle des syndicats comme frein ou saboteurs du développement de la lutte a amené le « Comité » à se demander pourquoi l’assemblée générale n’avait pas su s’opposer à leur politique. Plusieurs sortes de réponses ont été apportées par les membres du Comité : pour certains, il est nécessaire qu’une minorité dirige l’assemblée générale pour que cette dernière puisse se donner les moyens de développer la lutte ; pour d’autres, la prise de décisions par une minorité à la place de l’assemblée générale ne peut en aucun cas aboutir à renforcer la lutte. Comme pour toute lutte ouvrière, ce sont les ouvriers eux-mêmes et eux seuls qui peuvent développer la lutte et donc le décider ; dans un tel cadre, les minorités qui ont une meilleure compréhension des moyens de développer la lutte doivent tout faire pour convaincre l’ensemble des ouvriers réunis en assemblée générale de l’orientation qui permettra de développer la lutte. Cette discussion a permis de débattre sur la manière dont évoluait la conscience des ouvriers et des étudiants individuellement et collectivement.
Toutes ces questions étant à la base de différences d’appréciation réelles entre les membres du comité, il a été décidé de lire et discuter un certain nombre de textes anciens du mouvement ouvrier qui donnent un éclairage important. C’est donc en cherchant à répondre aux questions posées par la lutte que le Comité a été amené à discuter le livre de Rosa Luxembourg Grève de masse, parti et syndicats qui permet non seulement de comprendre l’évolution des syndicats, mais aussi de voir quel est le rôle des communistes dans la lutte. Suite à la discussion de ce premier livre, le Comité discute en ce moment celui de Léon Trotski Bilan et perspectives .
Enfin, le comité a décidé à ne pas se limiter à ces questions et a décidé de discuter d’autres questions qui touchent à ce que nous savons tous comme nécessaire : la nécessité du changement de la société. C’est en ce sens, par exemple, que le Comité a décidé d’examiner la réalité et les conséquences de la politique menée par H. Chavez au Venezuela.
Comme nous l’avons dit précédemment, ce comité n’est pas isolé, dans bien d’autres pays, des ouvriers et des étudiants élaborent de telles discussions. Bien sûr, comme on peut le voir dans ce qui précède, tous ces débats ne se terminent pas par un accord au sein du comité, mais le CCI salue et encourage la création et le développement de tels regroupements parce que c’est par de telles discussions que des questions essentielles sur les causes de l’état catastrophique du monde actuel, sur les moyens qu’il faut utiliser pour le développement de la lutte et sur la perspective de l’avènement du communisme se clarifient. C’est pour cela et avec cet état d’esprit que le CCI participe chaque fois qu’il le peut à ce type de débat.
Ces regroupements participent du fait que la classe ouvrière se forge les armes pour les inévitables combats qui sont à venir.
Paul – Courant Communiste International
1 Lire notamment nos articles sur des cercles de discussion aux Midlands et à Bruxelles (« Groupe de discussion des Midlands en Grande-Bretagne : Un lieu de clarification de la conscience de classe » et « Discussion: entre le rêve et les faits, sur l’identité et l’Etat »).
2 Les membres de ce cercle de discussion de Toulouse avaient d’ailleurs dénoncé par écrit, dans le feu de la lutte, ce sabotage de l’unité par les syndicats étudiants et cheminots, témoignages que nous avons publiés, sur notre site web, sous le titre : « Comment les syndicats ouvriers et étudiants pourrissent la lutte et la réflexion (témoignages dans la lutte) ».
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