De la fnac à l’hypermarché de produits culturels et de loisirs
Category: Global
Themes: Luttes salariales
Les salarié(e)s de la Fnac ont appris par la presse mardi 25 mars le départ du P-d-g Denis Olivennes. Depuis pas une note d’information dans les établissements. Seuls les « managers » ont eu droit à une lettre du Président sur Intranet. En revanche, dans les médias, D. Olivennes a largement commenté ses années Fnac et son départ comme patron du Nouvel Obs, qui confirmerait qu’il est bien un homme de gauche ! A la Fnac, on l’a constaté serviteur appliqué du Medef.
Ses cinq années de règne à la Fnac ont sans aucun doute été les plus douloureuses socialement pour le personnel de la Fnac : suppressions de postes, restructurations permanentes avec ou sans PSE, liquidation des Fnac Photo, casse des métiers, individualisation des rémunérations, primes d’objectifs, règlement intérieur répressif et maintenant monétisation des RTT.
Ce dispositif allant de pair avec un anti-syndicalisme permanent. L’objectif de PPR était clair : accélérer l’alignement de la Fnac sur les normes de la grande distribution, tant sur le plan social que commercial, en maintenant l’image d’une enseigne « agitatrice » et atypique. Pour remplir ce mandat, où l’imposture le dispute à l’acrobatie, PPR a trouvé en Olivennes l’homme de la situation. Ce normalien et énarque cultive une image d’intellectuel, capable de parler aux médias aussi bien compte d’exploitation que littérature… On notera aussi que le soi-disant passé trotskiste de D. Olivennes a fait surface à son arrivée à la Fnac alors qu’il n’en était pas question quand il sévissait à Air France ou à Canal+.
Marketing oblige : cette petite touche personnelle devait convaincre que le nouveau p-d-g agissait bien dans la continuité des fondateurs de l’enseigne, Max Théret et André Essel ! Pourtant, au-delà de leur rôle comme premiers patrons de la Fnac, quel rapport établir entre des hommes ayant courageusement mis leurs convictions politiques au service de la Résistance et le lycéen du Ve arrondissement visitant un bref instant l’extrême gauche avant de rentrer dans le rang comme tant d’autres dans la décennie suivant Mai 68 ?
Les hommes d’Olivennes à la Fnac ont eu pour mission de détricoter, point par point, un statut social construit de haute lutte. Il était le symbole d’une enseigne un peu à part, non totalement intégrée au monde de la grande distribution. En effet, il était indissociable d’une politique commerciale basée sur le respect du client et la volonté de répondre à ses besoins. Si ce statut social était dans la ligne de mire des dirigeants précédents, l’accélération, la généralisation et le caractère systématique des attaques sont bien à mettre à l’actif des équipes de D. Olivennes. Les salarié(e)s comme les client(e)s pâtissent de ces choix dictés exclusivement par des impératifs de rentabilité au détriment d’une politique industrielle à long terme.
Le résultat est aujourd’hui édifiant. Pas forcément exprimées collectivement, les tensions sociales sont réelles. La confiance que le personnel pouvait avoir dans la Fnac laisse place au doute, à l’insécurité quant à son avenir, à la lassitude face à la direction. Les moyens de travailler correctement et de répondre de manière satisfaisante à la clientèle ont disparu. Les tensions entre les salarié(e)s s’exacerbent au détriment de la cohésion des équipes. Les salaires sont bloqués. Alors que le salaire d’embauche était supérieur d’environ 150 € au SMIC il y a une dizaine d’années, il est maintenant tiré par l’augmentation de celui-ci chaque année en juillet. La grille des salaires se tasse vers le niveau le plus bas. L’instauration en 2007 d’une prime individuelle d’objectif a provoqué la concurrence entre vendeurs.
Des pratiques inédites jusqu’ici voient le jour pour tenter d’attraper quelques dizaines d’euros de prime. Par exemple, des vendeurs éditent des cartes de visite avec leurs horaires de travail afin qu’un client conseillé revienne réaliser son achat auprès d’eux. Et bien évidemment, ce système incite à vendre des produits et des services ne répondant pas aux besoins du client mais qui participent de la prime potentielle en fin de mois. Les métiers existant jusqu’en 2005/2006 ont été remplacés par des « fonctions » imposées sans concertation ni négociation. C’est le « comportemental » qui est maintenant évalué par la hiérarchie. Sous couvert de « mobilité » et de « polyvalence », devenus les mots clés du management, tout le monde peut tout faire.
Les vendeurs des Produits techniques encaissent et chacun(e) peut être déplacé vers un autre poste de gré ou de force. Peu importe que l’on soit Libraire ou vendeur d’appareils photo. En parallèle, l’offre en Disque et en Livre diminue sensiblement. La pression constante sur les effectifs et le PSE sur les services administratifs crée les conditions pour faire accepter cette mobilité.
Ce sont les fondamentaux de la Fnac qui sont mis à mal aujourd’hui. Peu d’enseignes se targuaient d’avoir des vendeurs spécialisés et passionnés. La contrepartie était d’une part des rémunérations un peu supérieures à celles du secteur et d’autre part un statut moins précaire, donc un turn-over moins important. C’est ce qui faisait globalement l’intérêt de la Fnac pour ses salariés comme pour sa clientèle.
Le 25 mars, les salarié(e)s de la Fnac ont donc appris une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne avec le départ de D. Olivennes. La mauvaise avec le retour à la Fnac de C. Cuvillier après un détour par Conforama qui, en bon camarade de promo HEC de F-H.Pinault, doit « achever la mue de l’enseigne ». Après l’épisode Olivennes, plus besoin de mascarade pour PPR : la Fnac est entrée définitivement dans l’ère de la grande distribution… Pas de quoi rassurer salarié(e)s et clients !
Pour SUD Fnac, Olivier Gasnier, Gaëlle Créac’h… et leur bande !
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