Notre action principale, au jour le jour, à Berlin, est de faire en sorte que cette affaire (et ce qu’elle représente : la répression au sens général du terme) atteigne l’opinion publique. C’est le seul moyen de pression que nous avons à disposition : lorsque le peuple se rend compte que ses dirigeants ne respectent pas leurs propres règles, et qu’il manifeste son désaccord, l’Etat se retrouve acculé à faire marche arrière.
Pour cela, nous faisons un gros travail pour faire rédiger des articles à ce sujet dans les médias dominants. Un certain nombre de journaux ont publié des informations relatives à l’affaire de Christian, sur les prisons et la répression. Toutefois, le discours dominant des médias étant celui de l’État (« nous vivons dans un pays démocratique »), ces textes apparaissent seulement comme dénonçant des dysfonctionnements ou des « erreurs judiciaires », et non comme une volonté délibérée de protéger des intérêts.
Cependant, notre but étant de faire libérer Christian mais aussi de faire diminuer la répression, nous ne voulons pas nous contenter d’infiltrer seulement de temps à autre les médias traditionnaux, qui de plus, ont déjà pu dénaturer notre propos, ou l’utiliser pour leurs intérêts.

C’est pourquoi, en complément de ces actions de « parazitage », nous essayons d’être notre propre média en réalisant de la documentation, en organisant des concerts militants ou des conférences… En clair, garder de le contrôle de notre communication afin que cela serve au mieux nos objectifs.

Notre préoccupation première étant l’humain et non l’économie ou le pouvoir hiérarchique, nous ne voulons pas que d’autres, comme le Parti des Verts allemand a essayé de le faire, nous utilise. Ce Parti nous a soutenu (mollement, tout de même), car cela lui permettait, via l’exemple de Christian de critiquer la garde des sceaux appartenant à une autre fraction politique. Toutefois, les Verts ont pris part active à des décisions aggravant la condition des détenus (faire mettre du grillage aux fenêtres aux mailles si serrées, qu’il n’y a quasiment plus de lumière pénétrant dans les cellules). Aussi peu de cohérence, nous laisse incrédule sur la sincérité des partis politiques qui ne veulent, en vérité, que servir leurs propres intérêts.

L’expérience de cette lutte contre la répression, nous amène à penser que l’État est moins un organe politique, qu’un organe de protection du capitalisme. Comme cela se fait-il qu’il y ait de moins en moins de criminalité, et de plus en plus de prisonniers ? Le modèle américain qui consiste à privatiser les prisons, et de faire de l’incarcération un marché économique, est bien suivi en Europe.
Par exemple, pour permettre à Christian de téléphoner, nous devons envoyer par virement bancaire de l’argent sur le compte de l’entreprise Télio qui taxe 0,09€ de la minute pour un téléphone fixe berlinois, O,18€ pour un téléphone fixe non berlinois et 0,72€ pour les téléphones portables. Ce qui est entre trois et neuf fois plus cher que les propositions des opérateurs téléphonique communs.
Toute denrée alimentaire supplémentaire au menu d’un prisonnier (qui est d’ailleurs d’une qualité exécrable) coûte extrême cher : 4€ une portion de fromage.
Cela nous coûte très cher pour notre petite bourse, mais n’est toutefois pas suffisamment rentable pour justifier le fait d’avoir autant de prisonniers. Le fait est que la répression au sens général du terme permet la croissance d’un secteur économique en pleine expansion : tout ce qui touche à la sécurité (caméras, biométrie…).

Dans beaucoup de codes pénaux européens, une agression contre des biens matériels est plus sanctionné qu’une agression envers un humain (excepté s’il est intéressant économiquement, ou s’il représente l’économie : le meurtre d’un immigré chômeur passera pour moins grave que celui d’un PDG).
L’augmentation de la durée des peines est aussi un phénomène à noter. Primo, parce que le prisonnier rapporte de l’argent ; secondo, le spectre des prisonniers sévèrement punis, fait tenir le reste de la population tranquille, de la même manière que le spectre de chômeurs alimente la peur de perdre son travail, et d’accepter tout et n’importe quoi pour le garder.
La répression se fait dans deux directions : l’une vers le prisonnier lui-même, l’autre vers le reste de la population à qui l’on montre un symbole de ce qu’il ne faut pas être.

Les trois pouvoirs ne sont pas aussi bien séparés que l’on le prétend. Si dans chacun d’eux on trouve des gens qui ne sont intéressés que par le pouvoir ou l’économie : ils ont le même but, donc ils fonctionnent ensemble ou du moins font la même chose. C’est comme cela que l’on peut se retrouver dans des situations où le fait d’être accusé par la police, signifie que l’on est déjà coupable, car la justice se contente souvent de faire le travail de bureaucratie pour légitimer le jugement de l’exécutif, et de jouer pour l’occasion une pièce de théâtre en guise de procès. La police a des tendances préoccupantes à agir de plus en plus en dehors des cadres démocratiques, et les tribunaux de lui emboîter le pas.

Nous considérons que la vraie politique est celle qui s’occupe de l’humain et des idées, pas celle qui est centrée sur un optimum économique à n’importe quel prix.

Nos États deviennent de plus en plus policiers, et s’inspirent et se conseillent les uns les autres sur leurs politiques répressives respectives. Par exemple, Nicolas Sarkozy a dit être admiratif de la politique anti-terroriste d’Angela Merkel. Le plus intéressant est qu’il a fait cette remarque le jour de la saisie de serveurs internet de groupes anarchistes sur Berlin juste avant le G8. Ce même jour, beaucoup d’appartements d’activistes politiques ont été perquisitionnés pour rien et sans fondements. Certains interpellés sont longtemps restés en détention provisoire sans jugement et, certains sont toujours accusés avec le paragraphe 129A : organisation terroriste. Aucune pièce juridique valable n’existe et l’affaire traîne depuis le 9 mai 2007.
Autre exemple édifiant, l’évacuation et la démolition extrêmement rapide de l’Ungdomshuset, une maison des jeunes alternatifs de Copenhague au Danemark, en mars 2007. Il s’est déroulé à cette occasion une véritable expérience de laboratoire en matière de répression policière, avec des agents en civil observateurs venant de plusieurs pays européens. Des affrontement très violents ont eu lieu jours et nuits, pendant une semaine, et peu de médias ont relayés l’information (alors que dans d’autres cas, on nous assène de nouvelles des cités où quelques voitures ont brûlées). Les forces de l’ordre de chaque pays dispose maintenant d’un exemple de quelle dose de répression peut supporter une démocratie.

Nous voudrions donc faire ces conférences pour parler de Christian, mais aussi sensibiliser les gens à cette répression constante et latente à la fois (le mythe de l’insécurité par exemple qui amène les gens à accepter toute forme de contrôle dans leur vie publique et privée par peur d’être agressés). Le discours dominant paraît évident car il ne rencontre quasiment plus d’opposition, mais ce n’est pas parce qu’on entend qu’un seul message : qu’il est vrai.
Nous pouvons faire nous-mêmes opposition, devenir médias et communiquer sur les problèmes que l’Etat essaie d’étouffer. La plus grande victoire de ce système serait de nous avoir déjà tous réprimés dans notre imagination, notre créativité, et notre prise d’initiative… Il ne manquerait plus que l’on s’auto-censure pour lui laisser la voie libre.

Comme l’a si bien dit Michel Foucault, ce ne sont pas les prisons qui sont surpeuplées, mais la population qui est trop emprisonnée.

On espère vous voir sur une des conférences !

Pour plus d’information, vous pouvez vous référer à notre site internet :
www.conf-free-christian.info

Pour ceux qui lisent l’allemand, vous pouvez consulter la page du groupe de solidarité berlinois :
www.freechristian.gulli.to