Yo, nous c’est le CAR (collectif antifasciste rennais), on est un collectif antifasciste, autonome et révolutionnaire rennais.

Rennes est une ville ancrée à gauche, où nombre de structures collectives et d’espaces d’assemblées se sont organisées, et s’organisent encore, pour lutter contre la menace fasciste avec succès : l’extrême droite craint la réponse antifasciste et n’ose plus s’organiser sur Rennes même. Néanmoins, si notre îlot semble préservé, c’est oublier que dans les urnes à Rennes aussi l’extrême droite gagne lentement du terrain. Si la peste brune se répand moins vite en Bretagne qu’ailleurs, la direction prise reste la même : la fascisation du champ politique français s’accèlère chaque jour un peu plus.

Partant de ce constat, à Rennes comme ailleurs, il nous semble vital de penser des structures antifascistes capables d’organiser une réponse puissante, partout où c’est possible, capables aussi de penser un agenda propre pour faire progresser la lutte antifasciste et révolutionnaire.

En tant que collectif antifasciste, il nous parait nécessaire de former sur les idéologies d’extrême droite et les pratiques antifascistes, de lutter contre les organisations d’extrême droite, mais aussi de participer aux mouvements sociaux. Car une lutte antifasciste qui n’est pas anticapitaliste et ne s’oppose pas aux ravages des politiques néolibérales n’a aucun sens, oubliant que l’un nourrit l’autre.

Parce que nous souhaitons un antifascisme populaire et accessible, il nous parait essentiel de faire du lien avec les acteurices des luttes locales, d’y participer, d’entretenir les systèmes de solidarités et d’en penser des nouveaux pour nourrir l’entraide et les liens, qui sont nécessaires pour des luttes victorieuses.

Cela implique également de mettre à la disposition les informations, recueillies grâce au travail de vigilance antifasciste, aux organisations, collectifs ou assemblées, mais aussi, dans la mesure du possible, à toustes, car l’antifascisme n’est pas que l’affaire des individus organisés.

De plus, il nous parait essentiel de composer avec le reste du monde militant qu’il soit autonome, syndical, partisan. Parce que nous sommes matérialistes, nous croyons à l’organisation et au rapport de force, aussi nous parait-il nécessaire de ne pas s’enfermer dans des postures morales de pureté et de travailler avec les autres parts du monde militant, quand bien même nous ne croyons pas aux solutions réformistes.

Comme composer n’équivaut pas à se compromettre, nous assumons que cet exercice est fait de conflictualité et que nous trouvons cela sain ; la politique n’est pas qu’une affaire de discours entre petits bourgeois, elle régit nos vies, nos intérêts propres et donc nos luttes au sein de notre camp social.

De plus, nous pensons qu’un antifascisme fort ne peut s’arrêter aux frontières d’une ville ou d’un département. Aussi si notre premier terrain d’action est Rennes, parce que nous y vivons, nous souhaitons renforcer les liens qui nous unissent avec d’autres organisations de gauche et antifascistes à l’échelle nationale.

NOTRE VISION DE L’EXTRÊME DROITE

L’extrême droite n’est pas une, mais plusieurs familles politiques soit, mais peu importe leur origine idéologique ou philosophique, elles ont toutes en commun de partager une vision essentialiste du monde. Qu’elle soit encore et toujours attaché au mythe d’un retour à un ancien régime

fantasmé ou qu’elle aspire à créer un ordre nouveau prétendument révolutionnaire. Qu’elle se dise attaché à l’ultra-libéralisme ou souverainiste, elle se nourrit de fantasme réactionnaire et crée une vision simpliste et binaire du monde où les choses sont ainsi par nature.

De part sa vision profondément inégalitaire du monde, il y aura toujours des dominant.e.s et des dominé.e.s, qui doivent apprendre à collaborer contre les autres, car est-ce que le vrai danger ne serait pas plutôt l’étranger ? Bien qu’elle mobilise parfois des discours dit de “troisième voie”, ceux-ci ne servent qu’à nourrir la confusion et les racismes.

Quand elle parle social, c’est pour parler de ce qu’il faut préserver et non gagner, et cette préservation l’ED ne le fait pas en proposant de redistribuer les richesses produites ; non, ce qu’elle propose pour soi-disant améliorer les conditions de vie des un.e.s c’est de détruire celle des autres, et surtout des plus minorisé.e.s : les étranger.e.s, les exilé.e.s, et plus largement les non-blanc.he.s.

Comme le veut l’expression, le fascisme est la roue de secours du capitalisme, mais nous irions même plus loin nous pensons que le capitalisme produit le fascisme.

Le capitalisme est une organisation économique profondément inégalitaire où la majorité des richesses produite est volée par quelques un.e.s, et où le phénomène d’accumulation est sans fin. Parce qu’il faut toujours plus de profit et de croissance, il est nécessaire de trouver sans cesse des nouveaux marchés (souvent obtenus par la force et l’impérialisme). Parce que cette fuite en avant vers la croissance ne peut être atteinte, le capitalisme entre régulièrement en crise et produit des crashs boursiers et économiques majeurs. Pendant ces crises, les politiques appliquées sont toujours les mêmes partout dans le monde politiques austéritaires et discours conservateurs se répandent, permettant alors à l’extrême droite de gagner du terrain et de séduire la droite en promettant de “rétablir l’ordre”.

Quand l’austérité n’est plus acceptable pour les populations ou que les resistances sont trop fortes, l’extrême droite devient alors l’alliée naturel de la bourgeoisie libérale. A chaque fois que l’extrême droite est arrivée au pouvoir, quelque soit le moyen (par les urnes, par le coup d’état militaire, par le putsh etc.), elle y est toujours arrivée avec son aide. Logique, puisque l’extrême droite réprime et réprimera toujours les mouvements sociaux et les organisations de gauche.

Aujourd’hui, plus que jamais, l’antifascisme est une lutte vitale, et ce pour de nombreux facteurs.

ANTIFASCISME ET ANTIPATRIARCAT

Venant notamment des milieux TransPédéGouines+, le CAR, bien que collectif mixte se veut particulièrement attentif aux thèses antiféministes et masculinistes, qui servent à maintenir en place les systèmes d’oppression de race, de classe et de genre, et à la récupération de des luttes antipatriarcales à des fins racistes. Ainsi, ne pas soutenir les luttes antipatriarcales revient à nier que l’une des principales voie de radicalisation vers l’extrême droite d’une partie de la jeunesse sont les sphères masculinistes. Ces sphères grandissantes ne sont pas nouvelles et ne sont pas qu’une réaction aux progrès obtenues par les militant.es féministes, elles ont toujours existé pour contrer les luttes féministes (la disparition des vrais hommes) et pour justifier, naturaliser et maintenir le système patriarcal.

Nous y sommes d’autant plus attentif aux luttes antipatriarcales que le ciment de l’alliance entre la “bonne” droite gaulliste et l’extrême droite en France, s’est notamment construite, sous les yeux de toustes, durant les mouvements réactionnaires contre le PACS, le Mariage pour Tous ou la PMA. Le tout devant une gauche molle qui a trop longtemps fermé les yeux. Nous n’oublions pas aussi que les discours transphobes d’aujourd’hui ne sont que des visions revisités des discours homophobes d’hier. Que sous prétexte de défendre des enfants, les fascistes luttent contre leur émancipation et pour le maintien d’un système qui permet à l’inceste d’être intrinsèquement ancré dans nos sociétés. Que les discours anti-avortement répondent non seulement à une vision du monde où les hommes contrôlent le corps des femmes et des enfants, mais aussi à une vision raciale.

Quoi qu’ils en disent publiquement pour les fascistes de tous bord, les personnes LGBT+ sont un des signe de la dégénérécence de leur grande civilisation fantasmée. L’existence même des personnes LGBT+ menace leurs visions traditionnalistes et réactionnaires du monde, ainsi que le système capitaliste qui a encore besoin de la division genré du travail pour continuer à se maintenir. Par ailleurs, l’extrême droite a besoin du contrôle sur la natalité pour préserver son contrôle sur les corps composant sa population. Toutes alternatives au modèle familial traditionnel sont décadentes certes, mais avant tout sa plus grande peur : celle d’un occident qui, en décroissance démographique, se verrait grand remplacer par les pays du Sud, aurait besoin de recourir à l’immigration pour continuer à nourrir le besoin constant de croissance du système capitaliste; mais bien pire, de la disparition de la “race blanche” par le métissage.

ANTIFASCISME ET ANTIRACISME

Le bouc-émissaire peut changer avec l’époque et les nuances idéologiques, mais les extrêmes droites s’appuyent toujours sur une construction binaire du monde : nous et eux, l’intérieur et l’extérieur. Les premier.ère.s ciblé.e.s sont toujours les populations qu’elle racialise et hiérarchise. Quel que soit le vocabulaire employé, qui lui aussi change avec le temps : réemigration, extermination, invasion, grand remplacement, etc. ces derniers ne visent qu’à promouvoir un discours de suprématie blanche.

Nous pensons qu’un antifacisme qui n’est au clair avec le racisme ne peut être à même de lutter efficacement contre les facistes et les réactionnaires. Nous pensons qu’il faut à la fois penser le système racial comme un tout structurel, ce qu’il l’est, et penser toutes ses formes particulières (islamophobie, antisémitisme, négrophobie, asiaphobie, anti-tsiganismes, arabophobie…) qui permettent à la fois de le maintenir en place et d’instrumentaliser les luttes des un.es contre celles des autres – et ce bien au délà de l’extrême droite, tout le champ politique en est coupable.

Nous vivons en France, dans une société post-coloniale qui a créé et qui entretient encore des catégories raciales qui impactent physiquement, psychiquement et économiquement l’ensemble des individu.es : les dominant.e.s et dominé.e.s. En effet s’il est parfois d’usage de parler de populations racisées (ce que nous faisons nous même par facilité de language), le terme est inexact au sens où la racialisation est une construction sociale qui peut être négative comme positive. La catégorie blanche est aussi une catégorie sociale construite, racialisé positivement et fluctuante dans le temps. Ce qui est défini comme blanc ou non n’est pas qu’une histoire de teinte de peau, mais bel et bien de contexte politique et des contextes migratoires (l’histoire de l’immigration en Europe au hasard nos voisins frontaliers espagnols et italiens en est une excellente illustration).

Nous estimons que, partant d’une grille d’analyse matérialiste, nous ne pouvons ignorer cela. Si nous rêvons d’un monde débarassé de toutes classes raciales, ignorer leur existence dans le réel ou s’enfermer dans des visions faussement universalistes permet à tout le champ politique de nourrir un racisme acceptable (comme l’islamophobie qui, si elle a ses spécifités, est avant tout du racisme anti-arabes et noirs). Et là encore, tout le champ politique en est coupable. Et le gagnant de cela sera toujours l’extrême droite, et sa vision inégalitaire du monde, pour qui la question raciale joue un rôle central. Cette dernière nourrit et s’empare des paniques morales et de la confusion idéologique sur laquelle elle fait sa lie.

Plus largement, les extrêmes droites, de part leurs visions essentialistes (et bien souvent eugénistes) se portent garantes et sont souvent la face la plus violente de toutes les structures inégalitaires (validisme, psychophobie, toxicophobie, agisme etc…).

Ne la laissons pas faire, combattons les et écrasons les !