Depuis quelques temps déjà, l’université de Nantes, à l’instar de nombreuses autres universités, connait un mouvement de contestation avec blocage des cours et occupation des bâtiments. Cette situation ne convient pas à tout le monde. Elle gêne les étudiants qui ne se sentent pas concernés par la réforme et qui souhaiteraient aller en cours. Elle gêne la présidence de l’université qui aimerait garder le contrôle de la situation. Aussi, ce mouvement soulève des questions. On peut se demander s’il est légitime d’empêcher des étudiants d’aller en cours. Et puis on peut se demander si tout ça, c’est bien démocratique. Qu’est ce que la démocratie ? Est ce qu’il est démocratique d’empêcher des gens d’aller étudier ? Le problème se situe vraisemblablement ailleurs, on pourrait se demander si la société dans laquelle nous vivons est elle-même démocratique. La loi pécheresse a-t-elle fait l’objet d’un débat au sein de l’université ? Ou même d’un vote ? Le système existant ne laisse pas beaucoup d’alternatives, on se plie à la volonté des dirigeants, ou bien on se révolte. Peut-on exiger de nous, sous prétexte que des élections ont eu lieu, que nous nous soumettions pendant cinq ans aux moindres volontés de celle et ceux qui nous dirigent en ayant pour seul droit, celui d’exprimer timidement nos idées et de mendier un peu de compréhension. Bloquer une université, c’est empêcher physiquement les gens de se rendre en cours et c’est sûrement un échec de la démocratie. Au même titre que l’envoi de CRS pour déloger les étudiants, au même titre que les fermetures administratives, au même titre que chaque fois que la force vient contraindre l’individu. La différence, en ce qui concerne les mouvements de contestation, c’est qu’il ne s’agit pas là d’un mode normal de fonctionnement, mais d’une réaction de révolte contre une mesure trouvée injuste.

A Nantes comme dans d’autres villes, le président de l’université a organisé un vote à bulletins secrets pour demander l’arrêt du mouvement étudiant. L’usage veut, lors des mouvements sociaux, qu’il y ait régulièrement des votes pour déterminer s’il y a lieu de continuer le mouvement. Cette coutume peut être interpretée comme un besoin de rassembler une majorité pour être légitime à se révolter. Je pense pour ma part que ce rituel doit plutôt servir à évaluer le rapport de force afin de determiner si telle ou telle action est envisageable. Que ces votes aient lieu dans les AG ou par bulletins secrets ne me semble pas être une question fondamentale. Par contre, il convient de se demander qui organise le vote et dans quel but. Le vote d’un blocage doit être l’expression de la volonté d’un mouvement à s’organiser lui-même. Il s’agit pour des personnes mécontentes de se rassembler et de s’organiser pour construire un mouvement de contestation. Pourquoi une personne favorable à une réforme aurait-elle son mot à dire sur la façon dont les gens hostiles à cette même reforme devraient s’organiser pour la dénoncer ? Il n’y a que de dangereux communistes comme le président de l’université pour penser que le plus grand nombre définit l’intéret commun auquels les minorités doivent se soumettre. De quel droit le président, qui n’est même pas étudiant, organise-t-il un vote pour determiner la suite d’un mouvement auquel il n’a même pas participé. A t-on déjà vu un vote qui aurait pour objet de savoir si la majorité des étudiants seraient favorable à ce que le président fasse tous les jours un spectacle de danse devant le pôle étudiant ? Non, tout simplement parce que le président est aussi libre de ne pas danser que les étudiants sont libres de continuer leur mouvement. On ne peut pas faire de vote pour valider ou non la réforme de l’université parce que, malheureusement, seul le parlement à le pouvoir de le faire. On ne peut pas voter pour la fin d’un mouvement auquel on ne participe pas parce que chacun est, heureusement, libre de ses choix politiques. En revanche, ce qui est possible, et c’est probablement l’objet de ce vote, c’est que le président peut demander à être plébiscité pour envoyer des gardes mobiles déloger les étudiants mécontents. La vraie question du vote est alors « Souhaitez vous que la présidence de l’université use de la force pour faire taire le mouvement des étudiants contre la réforme de l’université ? ». On comprends dans ces conditions que des gens veuillent empêcher ce vote d’avoir lieu.

Diplodocus