Le bonneteau de la « démocrature » RESISTONS ENSEMBLE – bulletin numéro 219
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : RépressionRésistons ensemble
Lieux : France
Le bonneteau de la « démocrature »
Le jeu de bonneteau est un jeu de dupes. Vous avez le bonneteur, le meneur de jeu. Deux cartes noires et une rouge sont posées sur un carton dans la rue, sont mélangées et le gagnant doit retrouver la rouge. Le chef est entouré de complices, « les barons », qui jouent les faux gagnants et les embrouilleurs. Les badauds, entraînés dans le jeu, sont inévitablement dépouillés. La vision du joueur est faussée par la vitesse de mouvement des cartes, il est irrémédiablement condamné à l’échec.
Ça vous parait exotique ? Détrompez-vous, nous y sommes tous dedans. Comme avant la crise, les crimes policiers et la justice à la solde continuent à sévir. Dans les extrémités de l’empire colonial les affaires continuent. À Mayotte, les expulsions barbares sont à l’œuvre, en Kanaky deux morts s’ajoutent aux 9 autres tués, en Martinique les CRS débarquent et déjà un jeune est blessé par balles.
En Métropole, l’entrée du Bonneteur se prépare. Pour le moment le RN (parce qu’il s’agit bien de lui) est tapi dans un coin. Déjà après avoir exercé pendant 2 mois le plein pouvoir sans contrôle, Macron choisit son premier ministre en fonction des désidératas de Marine Le Pen. Barnier s’excuse auprès d’elle, car un de ses ministres a pris au sérieux le fameux « front républicain ».
Le ministre de l’intérieur de ce gouvernement fantoche veut « rétablir l’ordre dans la rue et dans les frontières », il veut établir une nouvelle loi sur l’immigration, encore plus raciste et xénophobe que celle de Darmanin. Il déclare que le pouvoir de ce gouvernement repose sur « la volonté de la majorité du peuple ».
Cette volonté de se passer du parlement aussi fantoche soit-il, définit les bases d’une dictature qui, comme toutes ses semblables (par exemple le régime d’Orban en Hongrie), serait une émanation directe du peuple, se cachant ainsi derrière le voile pudique de la démocratie : une « démocrature ».
Face au vol de la victoire électorale du nouveau front populaire NFP par Macron, les partis de la gauche parlementaire jouent eux aussi les barons. Le programme de NFP n’était pas anticapitaliste, mais plusieurs de ses propositions pouvaient susciter beaucoup d’espoir. L’abrogation des lois anti-immigrés, sur la retraite, des dispositifs « tir libre » offerts aux flics par la loi Cazeneuve, le smic à 1 600 euros…
Au lieu de mobiliser le peuple dans la rue, en s’appuyant sur l’enthousiasme de la victoire électorale, les partis de gauche, mais aussi les directions syndicales ne font que s’agiter et se chamailler. Quant à la proposition de la LFI de « destitution » de Macron, le hochet sonne creux là encore.
Dans la situation actuelle, le terrain politique et social est totalement imbibé par la haine raciale et par la désillusion de voir impossible que le système actuel évolue vers un avenir plus radieux.
Le Bonneteur RN, après quelques tours de passe-passe prendra les cartes, et là, la défaite est assurée. Mais rien n’est encore joué.
Comme les badauds, ceux d’en bas, peuvent renverser la table, disperser les cartes biaisées et faire fuir le Bonneteur et toute sa bande. C’est déjà arrivé.
> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]
Justice d’exception pour les flics
Une fois n’est pas coutume, quelques uns ont été condamnés par la justice en raison de leur violence. D’abord à Angoulême où 2 flics en fin de carrière ont été condamnés à 6 mois de prison avec sursis (sans inscription dans le casier toutefois). Sans le savoir, l’un eux avait déclenché sa caméra piéton se filmant en train de gifler Issam SDF au commissariat, le second lui hurlant dessus des propos racistes, « bien sûr on va te frapper, nous on n’aime pas les bougnoules, c’est pas de notre faute ». Ensuite, à Pontoise où deux agents de la BAC d’Argenteuil ont été condamnés à 6 et 8 mois de prison avec sursis et interdiction d’exercice sur la voie publique pendant un an pour le deuxième. Le 29 janvier 2021 à Corneilles-en-Parisis, ils contrôlent un jeune homme dans un hall d’immeuble, cherchant dans son téléphone une photo de l’un d’entre eux en bas résille qui circulait sur les réseaux… coups de poings et de pieds, 27 coups de taser.
Une toute petite avancée en ce qui concerne l’enquête sur mort de Nahel il y a plus d’un an : suite à la reconstitution judiciaire du 5 mai, 3 nouveaux rapports – balistique, médical et d’accidentologie –ont été remis aux juges d’instruction chargés de l’enquête. Les experts ont contredit la version de Florient M., flic tireur en estimant que le redémarrage de la voiture « ne présentait pas de danger imminent » car « il n’y avait pas de risque d’écrasement ». À suivre… Pour le reste, malheureusement rien ne change. Ainsi, le 10 septembre la cour d’appel de Paris a confirmé le non-lieu au bénéfice du policier mis en examen pour des violences sur Gabriel 14 ans lors de son interpellation, fin mai 2020 à Bondy à la sortie du premier confinement. Suspecté d’avoir tenté de voler un scooter il avait été passé à tabac et insulté : fractures au visage, dents cassées et 30 jours d’ITT. Mais le tribunal a préféré valider la version policière : le flic dit lui être tombé dessus emporté par sa course…
Le 20 septembre le tribunal de Nantes a relaxé le commissaire Chassaing, aux commandes de l’opération de police menée à Nantes durant la fête de la musique de 2019 qui avait coûté la vie à Steve Maia Caniço, mort noyé. Le procureur avait déploré lors du procès en juin le fait que le commissaire Chassaing soit le seul à se retrouver sur le banc des prévenus, le préfet de l’époque ou la maire de Nantes ayant été sortis de l’affaire… Finalement, Chassaing n’est plus seul : comme les autres ils est lavé de toute responsabilité.
Et puis avant que la justice ne se charge de les blanchir, leur hiérarchie les couvre et les soutient par tous les moyens.Suite à l’attaque du Burger King dans le XVIIème arrondissement de Paris où s’étaient réfugiés des manifestants GJ du 1er décembre 2018, 9 agents ont été mis en examen, c’est aujourd’hui à la juge d’instruction de décider s’ils seront jugés en correctionnelle comme l’a requis le parquet. Pour cela il faudra passer outre les manœuvres innombrables de la hiérarchie policière pour obtenir leur impunité : refus du commandant de questionner ses agents et de les identifier, évaluations annuelles dithyrambiques, promotions, blanchissement par la commission disciplinaire… interdits pendant quelques mois d’exercer sur la voie publique et de porter une arme, les 9 incriminés ont pu reprendre leurs missions dans les manifestations, comme avant.
Des JO contre la liberté
Du mois de mai au mois de juillet sur le parcours de la flamme olympique toutes les manifestations, rassemblements ou expressions contestataires de n’importe quel ordre ont été empêchées et parfois interdites à l’échelle d’une ville entière a parcouru la France . Ce sont surtout les militants pro-Palestine qui ont fait les frais de ce muselage comme à Aix-en-Provence ou à Laval où des tracts, des banderoles (« le génocide n’est pas un sport olympique ») ont été confisqués et des militants interpellés et amendés. À Arles le collectif « Barriol en colère » empêché de protester contre la misère qui règne dans ce quartier populaire alors qu’il y a « de l’argent pour la flamme ». À Paris le 10 Août lors du « marathon pour tous », 8 femmes d’un collectif de footballeuses portant le voile (les « Hijabeuses ») venues soutenir une des leurs amies qui participait à la course, munies, comme de nombreux spectateurs de pancartes, ont été contrôlées, fouillées, palpées puis enfermées toute la nuit dans une cellule au commissariat. Même logique liberticide avec le dispositif policier déployé à Paris et surtout dans les banlieues populaires où se sont déroulées des épreuves : il était là « pour maintenir les gens à l’écart » selon un membre du Collectif Stop Violences policières qui a organisé des maraudes à Saint-Denis pour informer et soutenir les habitants des quartiers angoissés à l’idée que les JO, en les isolant davantage, ne produisent le même arbitraire que pendant le confinement de 2020. Toujours pour ces JO, près de 200 Micas (« mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » consistant le plus souvent à être interdit de sortir de sa commune et obligé de pointer chaque jour à une heure précise) prononcées contre des personnes considérées par l’État comme très dangereuses et pouvant passer à l’acte. Parmi elles des mineurs : au moins 7 exemples ont été documentés par Mediapart. Des enfants de retour d’Irak ou de Syrie déjà sous stricte surveillance, des jeunes en détresse bénéficiant d’un suivi psychiatrique ou de mesures éducatives dont la mise en œuvre a été ainsi compromise mais aussi ce jeune de 16 ans, converti à l’Islam, à qui la police a simplement reproché d’être en contact avec des jeunes « projihadistes » sur les réseaux, qui a été privé de vacances et de rentrée scolaire jusqu’à fin octobre. N’y-a-il pas de quoi devenir enragé ?
Le GPIS, police privée des bailleurs sociaux, à l’œuvre
Dans le quartier des Hautes-Noues à Villiers-sur-Marne, dans la nuit du 25 au 26 juillet, une dizaine d’agents du Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance (GPIS), interviennent avec chiens, matraques et gaz lacrymogènes. Rapidement ils font preuve de violence envers les habitants présents dans la rue sous prétexte d’outrage. « Ils se sont mis sous tension tous seuls » explique un témoin. Deux jeunes hommes sont blessés. L’un d’eux qui perd connaissance sous la violence des coups est transporté à dos d’homme au commissariat. Arrivé plus tard à l’hôpital il sera placé dans le coma, il a frôlé la mort. Le 29 juillet un rassemblement devant la direction territoriale du bailleur social, Paris Habitat a réclamer le démantèlement du GPIS à Villiers-sur-Marne. « C’est financé par le bailleur, par les loyers des locataires… C’est donc nous qui les finançons pour que nos enfants soient agressés ! Ça fait deux ans qu’ils sont là et on ne comprend pas à quoi ils servent. Il ferait mieux de refaire les logements »
Le « refus d’obtempérer » fait une nouvelle victime
Dans la nuit du 25 au 26 juillet, Maïky Loerch en voiture avec sa compagne et leur bébé de six mois sont contrôlés par la gendarmerie à Fenouillet, dans la banlieue nord de Toulouse. « Refus d’obtempérer », les gendarmes ouvrent le feu, un des projectiles, fatal, va traverser l’appui-tête du conducteur et le toucher à la tête. Le parquet de Toulouse a ouvert une information judiciaire. Le 30 juillet à Toulouse une marche blanche réunissait près de 200 personnes en hommage au jeune homme de 28 ans.
Violences au commissariat
Dans la nuit du 24 au 25 juillet, un homme alcoolisé, accusé d’outrage, est placé en GAV au commissariat des Ve et VIe à Paris. Débute alors un long calvaire. Frappé par un premier policier lors de la fouille il se retrouve en cellule avec un bras fracturé une plaie ouverte à l’arcade. Plus tard en attendant d’être conduit à l’hôpital un deuxième flics s’acharne sur lui. Hormis la salle de fouille toutes les violences sont filmées par les caméras du commissariat. On y remarque l’absence de réactions des autres agents. Le premier cogneur a rapidement porté plainte contre le gardé à vue pour violence, soutenu par le témoignage des 2 policiers. Mais lors d’auditions à l’IGPN ceux ci se sont rétractés. Un réserviste, témoin également auditionné, a expliqué que le 2eme policier cogneur avait « pété un câble » en apprenant que l’homme devait bénéficier de soins. Jugement des deux flics le 29 octobre.
« Idir, Idir, on n’oublie pas ! On pardonne pas ! »
Le 9 septembre 2020, Idir Mederess est mort à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas. Il devait sortir quelques jours plus tard. La version officielle du suicide est largement contredite par les témoignages des co-détenus qui décrivent des violences de la part des matons (voir RE194). Aujourd’hui le dossier se dirige vers un non-lieu. Le 8 septembre dernier plus d’une centaine de personnes se sont réunies autour de la famille déterminées à poursuivre le combat.
Durcissement de la procédure d’asile
Publiés en plein été par un gouvernement « démissionnaire » plusieurs décrets donnent corps à une loi immigration, dite « loi Darmanin » de janvier 2024. Adoptée avec les voix du RN elle est en matière de droit des étrangers la plus restrictive de la cinquième République. Ces décrets auront un impact significatif sur le durcissement des conditions de séjour en France, risquant de produire un grand nombre de sans-papiers faisant l’objet d’une OQTF pas nécessairement exécutable. Le titre de séjour étant conditionné au contrat d’engagement à respecter les principes de la République (CEPR), le demandeur d’asile est sommé d’avoir un comportement irréprochable. Par exemple, l’étranger s’engage « à ne pas perturber le fonctionnement des services publics » alors qu’il est plus que quiconque confronté au dysfonctionnement systémique de l’administration – notamment à la préfecture depuis la dématérialisation des demandes de titres de séjour – et que rien n’est fait pour remédier à ces problèmes.
Le peuple Kanak toujours confronté au mépris colonial et à la répression
le Haut-commissaire de la République du territoire avait menacé les manifestants : « ils prennent le risque de se faire tuer ». Le 19 septembre le GIGN en opération coup de poing dans une tribu Kanak pour arrêter une dizaine d’indépendantistes, a tué deux homme de 30 et 29 ans, Samuel Moeika et Johan Kaidine. La tribu Saint-Louis, bastion indépendantiste historique poursuit les actions et les barrages depuis plusieurs mois. Les gendarmes ont construit un mur le long de la route qui entoure le territoire de la tribu, assiégée de fait, atmosphère d’apartheid. Le 10 juillet, Rock Victorin Wamytan, âgé de 38 ans, neveu d’un leader indépendantiste et aussi membre de la tribu Saint-Louis, a été abattu par un sniper.
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