APPEL DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE RENNES II

Nous étudiants de l’université de Rennes 2 considérons que l´avènement de Nicolas Sarkozy à la présidence de la république ne doit pas signifier le renoncement à toute forme de lutte sous prétexte que le gouvernement actuel serait soi-disant légitime pour mener ses réformes. Le coup porté, la démoralisation ambiante ne doit pas devenir synonyme de capitulation : ne regardons pas vers cette « gauche » partagée entre renoncement à ses principes et collusion cynique avec la droite. Ne comptons que sur nous même : les travailleurs, les sans papiers, les étudiants, les chômeurs, les « jeunes des cités », ne doivent pas se résigner à voir leurs droits démolis un à un par une droite et un patronat décomplexés. Quant à cette France de Sarkozy elle peut se résumer à un principe aussi vulgaire que son président : voler aux pauvres pour donner aux riches. Une France qui demande aux classes populaires de toujours travailler plus pour gagner moins et d’obéir docilement au patronat. Une France effrayée devant son déclin annoncé et qui attend que son nouveau maître la redresse. Une France qui doit être prête à tous les sacrifices pour demeurer compétitive et qu’il faut donc manager comme une grande entreprise.

Loi d’autonomie des universités (LRU) ?

C’est cette logique managériale appliquée à l’université que propose la loi d’autonomie des universités (LRU) votée a toute vitesse cet été et présentée par Sarkozy lui-même comme « la plus importante de sa législature ». Cette loi répond aux objectifs de libéralisation, de privatisation et de mise en concurrence des universités, fixés par le processus de Bologne. Ce processus (série de réunions de ministres de l’enseignement supérieur européen initiée à Bologne en 1999) s’était fixé pour but la mise en compétitivité des universités à l’échelle européenne en déterminant de grandes orientations concernant les programmes, les diplômes et la gouvernance des universités. Cette politique qui se matérialisait hier par les décrets LMD-ECTS se poursuit aujourd’hui par la loi d’autonomie des universités (LRU). Cette reforme approfondit la remise en cause de l’université en tant qu’ « établissement public à caractère scientifique et culturel » ouvert à une large frange de la jeunesse, défendu et mis en place (par la loi Faure) après et grâce au mouvement de Mai 68.
En effet avec la LRU, il s’agit avant tout de réorganiser la gouvernance des universités en leur conférant une autonomie financière afin de donner la toute puissance au président d’université pour faire de lui un manager dirigeant son université comme une entreprise. Il détiendra ainsi une liberté quasi-totale dans la gestion de son budget, de son patrimoine immobilier, et de ses « ressources humaines ». Pour lui faciliter la tâche, l’organe décisionnel, le conseil d’administration, sera restreint à 20 membres (au lieu de 50 aujourd’hui) et la présence de personnalités extérieures (représentants du patronat local) sera accrue alors que le nombre de représentants étudiants et personnels sera diminué. Ces mêmes personnels aussi bien que les enseignants se verront désormais désignés par le président d’université lui-même et embauchés sous contrat de droit privé. C’est donc bien la fin du statut de fonctionnaire à l’université qui s’annonce.
Ce début de privatisation des universités se traduit par un profond désengagement financier de l’Etat qui se contentera désormais de fournir une dotation globale aux universités et laissera le soin à celles-ci de trouver le reste de leur financement dans des investissements privés (patronat, collectivités locales) et à moyen terme, dans la hausse des frais d’inscription. Ces investissements privés ne se feront évidemment pas sans contrepartie : ils contribueront à mettre en place une soumission des formations et des diplômes aux besoins économiques du patronat et des industries locales.
Ce pouvoir accru du patronat dans la définition du contenu des formations signifiera la diminution des places dans les filières économiquement non rentables voire la suppression pure et simple de certaines d’entre elles. Les formations universitaires auront désormais pour mission essentielle : « l’insertion professionnelle ». L’éternel chantage à l’emploi sert aujourd’hui de justification pour envisager l’étude seulement sous sa dimension évaluative et comme une simple préparation à la sélection sur le marché du travail et non plus comme une activité de pensée réticente à se soumettre aux besoins des entreprises.
Dès lors, l’orientation active à l’entrée de l’université (conçue comme une présélection qui ne dit pas son nom) aura pour objectif d’indiquer aux nouveaux bacheliers les filières qu’ils devront choisir, ceci en fonction de critères économiques, c’est à dire en fonction des besoins temporaires du patronat. Mais le plus fort est que cette professionnalisation des formations ne garantit aucunement l’obtention d’un emploi puisque seule une infime partie des postulants à un diplôme trouveront un emploi dans l’entreprise pour laquelle ce diplôme a été conçu tandis que les autres se verront reléguer dans les poubelles du marché du travail avec un diplôme tellement spécialisé qu’il ne pourra servir qu’a un seul type d’emploi (voir les exemples de la licence pro Disneyland à la fac de Marne-la-Vallée ou la licence pro airbus a Toulouse).
Cette autonomie pédagogique accordée à chaque université aura également pour conséquence la casse du cadre national des formations (des diplômes qui n’auront ni le même contenu ni la même valeur entre les différentes universités) et donc la casse dissimulée du droit du travail, les conventions collectives reconnaissant les mêmes droits en fonction d’un même diplôme.

Pour une université publique, indépendante, populaire et démocratique

Nous ne combattons pas cette loi et la politique qui la soutient dans le but de défendre peureusement l’université d’aujourd’hui en se félicitant de ce qu’elle résiste encore, alors qu’elle est déjà partiellement restructurée et devenue largement perméable aux intérêts patronaux. Nous ne défendons pas le statut quo. L’enjeu est bien de porter autre chose qu’une simple dénonciation des réformes gouvernementales. Il s’agit dès aujourd’hui de mettre en avant des propositions positives, de s’engager dans une démarche offensive, afin de ne pas se laisser enfermer dans une posture purement contestatrice. A la volonté de soumettre définitivement l’université aux lois du marché nous opposons une idée de l’université autonome des exigences de rentabilité. Si « autonomie » de l’université il doit y avoir, c’est donc bien vis à vis des intérêts capitalistes et de leur soif de profits immédiats.
Afin de maintenir cette nécessaire distance entre l’étude et le monde de l’entreprise il faut garantir aux universités des moyens humains et financiers suffisants. Seul un important réengagement financier de l’Etat dans les universités est en mesure d’assurer une réelle indépendance des établissements universitaires vis à vis des lobbys patronaux. Mais ce réengagement financier doit se faire dans l’intérêt de tous : étudiants, enseignants, personnels, et non dans le souci de soutenir la compétitivité des universités françaises sur le « marché mondial de l’enseignement supérieur ». C’est pourquoi nous réclamons que ce réengagement de l’Etat se traduise par l´embauche massive et la titularisation de tous les personnels des universités (enseignants et non enseignants).
Il nous parait également important de faire vivre l’idée que l’accès à l’éducation est un droit pour tous, un droit qui ne souffre d’aucune restriction liée aux inégalités sociales entre étudiants. Par conséquent l’université se doit d’être gratuite, ouverte à tous. Ainsi nous exigeons la suppression des frais d’inscription, condition certes non suffisante mais indispensable pour permettre à toute une partie de la jeunesse des classes populaires d’accéder aux études universitaires, et ainsi de maintenir voire d’approfondir la présence d’un élément populaire à l’université.
Si ces exigences financières et sociales sont décisives, elles ne peuvent nous contenter dans la mesure où il faut encore s’assurer d’un véritable contrôle démocratique sur les décisions et leur application. Par conséquent, il est fondamental que tous, étudiants, personnels, enseignants, prennent part aux choix politiques de leur université. Ainsi il nous semble juste d´imposer la suppression des conseils centraux des universités, organes bureaucratiques et illégitimes, et de leur substituer des Assemblées générales souveraines où tous les acteurs de l’université seraient invités à débattre et décider égalitairement.

L’unité du mouvement : grève, solidarité effective entre les luttes, affirmation égalitaire.

Nous sommes conscients que la lutte qui s’annonce sera dure et longue, que le pouvoir en place est déterminé à prouver sa force, son autorité, à ne pas céder face au mouvement social qu’il exècre. Mais la colère est là : sans papiers, cheminots, gaziers, postiers, étudiants, enseignants, fonctionnaires, pêcheurs… Tous ces fronts qui s’ouvrent appellent une stratégie efficace : tout faire pour que ces luttes convergent, pour qu´aucune ne s’enferme dans un mouvement corporatiste. Une tactique minimale passe selon nous par l’articulation de deux principes qui doivent être mis en œuvre simultanément : structuration et consolidation interne de chaque lutte, élaboration et action avec les autres secteurs en lutte. Le mouvement devra aussi créer les conditions par lesquelles chacun sera encouragé à participer égalitairement à la délibération, à la prise de décision ainsi qu’aux différentes tâches que la vie du mouvement impose de remplir.
La solidarité effective, cela signifie d’abord : n’oublier personne, et surtout pas les principales victimes des politiques racistes et sécuritaires menées depuis des années, c’est-à-dire les personnes de provenance étrangère, les immigrés, les sans papiers, qui luttent pour leurs droits depuis bien longtemps. Nous ne pouvons accepter cette politique étatique de mise hors droits de populations entières, d’institutionnalisation des persécutions insupportables et dramatiques des étrangers sans papiers : les contrôles, les rafles, les arrestations, les rétentions, les expulsions. Les immigrés ce sont des gens qui étudient, travaillent, s’occupent de leur famille, suivent des soins, fuient des persécutions, des gens qui tout simplement vivent ici. S’ils vivent ici alors ils sont d’ici, dès lors il faut les compter comme tout le monde et les reconnaitre par des droits dans la loi. C’est pourquoi nous exigeons l’abrogation des lois CESEDA et Hortefeux et la régularisation de tous les sans papiers.
Ensuite il faut avoir en tête que l’objectif de Sarkozy et du MEDEF c’est bien d’en finir avec les derniers « bastions de résistance ». Il s’agit de mettre un coup derrière la tête aux cheminots, fonctionnaires, étudiants, symboles d’une période avec laquelle Sarkozy veut en finir (« liquider Mai 68 »). Pour faire passer la pilule à « l’opinion » le gouvernement utilise la bonne vieille technique de la division en opposant des catégories de la population les unes contre les autres (privilégiés contre ceux qui se lèvent tôt, salariés du privé contre ceux du public, bons français contre immigrés, « casseurs » contre militants responsables). C’est ainsi que Sarkozy, avec le cynisme qui est le sien, n’hésite pas à présenter sa réforme des régimes spéciaux comme une mesure d’équité entre les salariés. Dès lors, quiconque s’y oppose est pointé du doigt tel un aristocrate défendant ses privilèges. Pour éviter ce piège il est indispensable de porter une autre idée de l’égalité entre les salariés, une égalité qui se fasse vers le haut et non vers le bas. De l’argent il y en a, la question est de savoir comment répartir ces richesses : Sarkozy y a déjà répondu en offrant 15 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches. Nous, nous affirmons qu’elles doivent revenir à ceux qui les produisent, c’est-à-dire aux travailleurs, ainsi nous exigeons une retraite à taux plein à 60 ans avec 37,5 annuités de cotisations retraites pour tous les salariés.
L’unité du mouvement qui vient repose sur trois conditions sine qua non : la grève avec blocage, la recherche d’une solidarité effective avec les autres secteurs en lutte et dans la présupposition égalitaire de la capacité de tous à infléchir sur le cours du mouvement et des moyens de la vérifier. Nous invitons tous ceux qui se sentent en accord avec ces principes à rejoindre la lutte et à faire vivre le débat sur les questions relatives aux modalités d’action et d’organisation et sur les revendications que portera le mouvement. À ce jour, la plate forme revendicative de l’Assemblée de Rennes 2 est celle-ci :

• Abrogation de la loi d’autonomie des universités (LRU)
• Suppression des frais d’inscription
• Titularisation des personnels, réengagement financier de l’Etat dans les universités
• Suppression des conseils centraux, AG décisionnelle
• Régularisation des sans-papiers sur la base de leur activité en France
( ex : carte d’étudiant = carte de séjour )
• 37,5 annuités de cotisation retraite pour tous les salariés

Assemblée générale mercredi 7 novembre à 12H30
Manifestation jeudi 8 novembre
Manifestation interprofessionnelle mardi 14 novembre

Assemblée Générale de Rennes II du 06 Novembre 2007