La voix des sans papiers n° 21 est parue (octobre 2024)
Catégorie : Global
Thèmes : Immigration/sans-papierEs
Lieux : France
EDITORIAL
LA TYRANNIE À PLAT VENTRE: DEVANT QUI?
«La tyrannie en marche»: ainsi la Voix des sans-papiers titrait son numéro 16 du 12 septembre 2017. Le nouvel occupant de l’Élysée n’était entré en fonction que le 14 mai; et pourtant, malgré le peu de temps passé, on apercevait clairement le sens de la marche des événements. On voyait l’apprenti tyran (l’«enfant gâté» des gentillets) en proie à une agitation permanente, à la rage d’être en fait encore là au pied du mur élyséen: trépignant d’impatience puisqu’il lui fallait, de toute évidence, l’escalader encore et encore ce haut mur, pour atteindre coûte que coûte le pinacle. On se le figurait à la fois confiant dans l’appui des mordus de la tradition du chauvinisme populaire et du populisme antipopulaire; de connivence avec les élites en place et leurs fastes et luxes insolents; et enfin, sûr de l’appareil d’État policier et oppresseur, dispendieux et plus que jamais servile et avide.
Le tableau était complet: le tyran en herbe on le voyait mijoter ses coups: il concoctait l’escalade jusqu’au faîte du «trône royal». – Mais, où sont donc les trônes d’antan? Qu’importe! Lui se voyait déjà en souverain revenant, en «Roi-Soleil» façonnant la mise en place d’un pouvoir plus que personnel, tel un dieu sur terre accouchant d’un «intérêt commun» selon la vieille formule mise en usage dans l’intérêt des «tout-puissants» monarques absolus: «l’État c’est moi».
Le titre de la Voix des sans-papiers était suivi d’une citation de Pascal qui donnait le ton, pour les indifférents portés à ne voir derrière le titre qu’un jeu de mots sur le mode allusif, mais aussi à ne pas considérer d’un mauvais œil une approche plus ou moins «psychologiste» du problème du pouvoir: «La Tyrannie consiste au désir de domination, universel et hors de son ordre… La Tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu’on ne peut avoir que par une autre.»
Il nous semble, cependant, aujourd’hui encore, comme alors (sauf certains qui nous applaudirent), que beaucoup continuent, même «à gauche», de ne pas réaliser le danger qu’incarnent de tels hommes «royaux» travestis en hommes et chefs «d’État», avec leur passion de jouer à tout va les «dangers publics numéro un», pour asseoir leur trône de droitisme réac à l’abri derrière des armadas de flics et autres fauteurs de la guerre sociale. À l’abri de quoi? Des multiples, vilaines doléances des masses du «peuple souverain».
Sept ans ont passé. Et pourtant l’intelligence des faits et des enjeux ne paraît pas avoir suivi. Ceci n’est pas un essai, ce ne peut donc pas être le lieu d’en aborder les raisons. Disons qu’elles dépassent, en général, les volontés individuelles et de clan, si fortes soient-elles, si forts soient les tyrans et leurs suppôts. Nous allons apporter ci-après deux exemples significatifs. Sans doute le lecteur en comprendra aisément le sens.
Bons premiers, les socialos, avec leur droitisme gouvernemental devenu, avec le temps, congénital, et même (façon de dire) «légendaire». Rien donc d’étonnant, quand on réfléchit au haut degré de perfection atteint, au sein de leurs «sensibilités politiques» fractionnelles, par l’étatisme libéral, malformation atavique.
Sans compromis (sans oubli), impossible aujourd’hui de gouverner la France, nous dit-on. Ainsi, ayant «oublié» l’histoire sanglante des «compromis historiques» encore récemment passés par les «sociaux-démocrates» de divers pays européens avec les tyrans de chez eux (personnages non moins «historiques» et réels, voire sortis tout droit des rangs des «social-démocraties»); ayant surtout oublié l’histoire présente du «socialisme» français, qui a su enfanter et former «politiquement» le tyran du moment; les voilà, nos bons socialos modérés et surtout «responsables»: les uns, prêts à s’embarquer vers des miettes de pouvoir, et les autres vers d’autres «horizons», où aider à fractionner les éventuelles coalitions «populaires» en groupes hostiles entre eux.
Et voilà, surtout, au-delà des idiosyncrasies et états d’esprit plus ou moins sinistres des personnages qui nous gouvernent, le superbe fruit de saison de ce socialisme «démocratique» à la française. En 2017, quand le président a été élu, les «grandes fortunes» (les ultra-riches) possédaient le 20% de la richesse totale française. Aujourd’hui, ce pourcentage a plus que doublé, atteignant le 47% de la richesse totale (RTL 5/6/2024, qui cite l’Observatoire des inégalités). Besoin n’est pas d’en dire plus. Voilà de quelle dure substance est faite l’arnaque de haut vol perpétrée, pendant les sept dernières années, aux frais de l’argent, de la vie et de la «volonté du peuple souverain». Voilà pourquoi beaucoup de travailleurs et de retraités de France ont déjà sombré, continuent de sombrer, dans la pauvreté extrême. Merci, Monsieur le président des Français!
Et, pour finir, la cerise sur le gâteau: bons seconds, ceux qui (eux aussi petits-enfants, conscients ou pas, de François Mitterrand), pour juger du tyran, de son gouvernement (chef-d’œuvre enfin pondu), donc aussi de sa qualité et substance politiques, appellent à la rescousse le maître mot «coup de force» (anti-démocratique), là où il y a de fait un «coup d’État permanent», véritable: il continue sans répit depuis sept ans. Ce dernier mot est de Mitterrand même, qui eut le cran et la «sagesse», dans les années soixante, de le lancer à la figure du général de Gaulle et de sa 5e République militarisée. Ce qui veut dire: c’est vous, Monsieur le président, l’ennemi public numéro un des Français!
Or, incapable d’accepter la réalité des choses, notre illustre président, sûr et certain aujourd’hui comme hier de son coup de génie de juin, est foncièrement incapable aussi de s’avouer son piteux échec politique; incapable d’avouer publiquement que (par le cours inévitable des choses) il a fait naufrage au port. Donc incapable de tirer les conséquences de ses actes. Avide de solipsisme, persuadé qu’en politique, après le pouvoir de violence de l’État gazeux policier sur les hommes, seule existe, au moral comme au physique de l’emploi, la vide rhétorique de «style» élyséen (de «pensée» pompière), le voilà à genoux comme un pèlerin à Lourdes: demandant la grâce de garder son petit bout de pouvoir personnel présidentiel. Le voilà donc durcir et étendre son droitisme jusqu’à l’extrême droite, l’extrémiser jusqu’à se mettre à plat ventre devant les Lr, mine d’être lui le chef, lui la proue vent debout, et non un serviteur à plat ventre devant son maître et «surveillant»: devant les volontés national-populistes du Rn lepéniste.
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