Le citoyennisme qui vient
Catégorie : Global
Thèmes : Anarchie
Lieux : anarchie
Puisque dans le contexte de fièvre électoraliste actuelle, un certain nombre de camarades anarchistes, révolutionnaires, autonomes, etc. sont frappé.e.s de désorientation politique et stratégique, il nous a semblé qu’une clarification s’imposait.
L’électeur est un oppresseur
Depuis la dissolution de l’assemblée nationale se font entendre au sein de la gauche dite « radicale » les orchestres de la petite musique citoyenniste et électoraliste : la situation serait critique et il faudrait donc que chacun.e prenne ses responsabilités et s’en aille mettre docilement son bulletin dans l’urne. Voici que l’on subit à nouveau, comme en 2002, comme en 2017, comme en 2022, les éternelles injonctions à voter, à « faire barrage », à soutenir ou à rallier le Nouveau Front populaire pour empêcher l’extrême-droite ou le fascisme d’arriver au pouvoir. Et ces injonctions s’accompagnent immanquablement de la rhétorique culpabilisante habituelle : les abstentionnistes, toutes et celles et ceux qui refusent de jouer ce jeu-là, s’en mordront les doigts. Ils regretteront leur négligence coupable. Ils seront mortifiés et honteux, au soir du premier ou du second tour, quand le pire sera arrivé par leur faute. Etc. etc.
Nous n’avons que faire de cette petite musique. Ce chantage nous fait bien rire. Nous tiendrons bon sur nos principes. Nous ne voterons jamais et nous ne culpabiliserons jamais. Disons-le tout net : à nos yeux, il n’y a pas de crise politique en France aujourd’hui. De notre point de vue, c’est le calme plat. L’État se porte très bien, la République raciste et sécuritaire est en pleine forme et les péripéties superficielles propres à la compétition entre celles et ceux qui veulent conquérir une portion des institutions ne nous concernent pas. Cette lutte pathétique entre la gauche et la droite du Capital n’est pas notre problème. L’Ennemi est au pouvoir depuis longtemps déjà.
Nous sommes fatigué.e.s d’avoir à rappeler tout cela, c’est pourquoi nous ferons court. En trois points :
1. L’État ne connait que l’oppression
L’État n’est pas un outil neutre que l’on peut conquérir et utiliser pour impulser une politique prétendument différente. L’État ne connait que la domination et l’oppression, et toute tentative pour investir les institutions est une erreur stratégique grossière. L’État ne mène qu’à l’État. Il n’est jamais « juste », ni « bon ». Il doit être démoli de l’extérieur, point.
2. Peu importe le régime : tous les États se valent
Tous les régimes et tous les programmes qui s’appuient sur l’État se valent. Cet enseignement de l’anarchisme est l’un de nos acquis les plus précieux et nous devons continuer à le proclamer : il n’y a aucune différence entre les types de régimes qui fonctionnent avec et pour l’État. Distinguer démocratie et fascisme ne révèle que le confort de celles et ceux qui raisonnent au chaud, à l’abri de la violence quotidienne d’État, loin des matraques, des prisons et de la répression coloniale.
3. L’électeur est un oppresseur
Le vote est une fonction institutionnelle. Toute personne qui vote se met au service de l’État et consent à soutenir sa logique d’oppression. Le vote sert structurellement les intérêts et les privilèges de la bourgeoisie capitaliste. Il ne vise qu’à désigner les maîtres et les bourreaux au sein d’un système fondé sur l’exploitation, la domination de classe, le racisme et le patriarcat. Le vote est un geste de collaboration avec l’État et tout électeur est un oppresseur.
Alors à toutes celles et ceux parmi nos camarades qui vont se précipiter dans les bureaux de vote, et à toutes celles et ceux qui nous font la morale, nous rappelons donc ce fait essentiel : il n’y a pas d’anarchistes électeurs. Cela n’existe pas. C’est un oxymore absolu et une ligne de démarcation non-négociable : entre la révolution et l’oppression, il faut savoir choisir son camp.
D’ailleurs, ajoutons une fois pour toutes : nous ne sommes pas « abstentionnistes ». Nous ne nous définissons pas selon les critères de participation électorale à l’appareil d’État. Notre geste de refus n’est pas une abstention, c’est une libération. Ce sont les électeurs qui s’abstiennent. De faire la révolution, de mener la lutte dans la rue, de refuser de soutenir l’État, de résister véritablement à l’oppression.
Contre la police du cortège de tête
Dans la fièvre électoraliste ambiante, un étrange phénomène est apparu. Lors de la manifestation (parisienne) du 15 juin 2024, le mot d’ordre semblait être « pas de vagues », « pas de casse ». Que ce soit la position des syndicats ou d’organisations rigides qui prétendent s’approprier la manifestation, passe encore : nous savons que nous avons des ennemis parmi la foule des manifestant.e.s et nous savons que la confrontation avec les SO et les pacificateur.ices est inévitable.
Mais voilà que le cortège de tête semble avoir généré sa propre police. Jusque dans ce lieu autrefois pleinement consacré aux expériences ou aux tentatives insurrectionnelles, à la démolition des symboles de l’État et du Capital ou à la confrontation directe avec les forces répressives, les bons citoyens, les braves gens de l’antifascisme de circonstance, se piquent à présent de faire respecter l’ordre.
Faut-il donc maintenant que nos cortèges soient infiltrés par les citoyennistes ? Faut-il supporter de lutter en trainant avec soi, comme des boulets, des gens qui iront bientôt voter et faire ainsi allégeance aux institutions ? Les mêmes, sans doute, qui poussent la transgression jusqu’à taguer des slogans en faveurs du vote ou du soutien au Nouveau Front populaire… Voici que l’acte de vandalisme est lui aussi absorbé par le citoyennisme. Quel degré d’aliénation et de soumission faut-il pour en arriver là ? On a même lu sur une banderole ce terrible aveu : « Sans la rue, pas de Front populaire ». Que faut-il comprendre ? Les révolutionnaires ne sont-ils maintenant que de simples supplétifs du carriérisme électoral ?
Là encore, nous sommes fatigué.e.s de le rappeler : le cortège de tête, même affaibli, même en déclin, doit demeurer le lieu où l’on s’affranchit des lois et de l’ordre, où l’on fait reculer, même fugacement, l’État, le Capital et les rôles serviles qu’ils nous imposent. C’est le lieu où les buts officiels de la manifestation s’estompent au profit du seul objectif de confrontation et d’intensification. Sauf dans des cas très exceptionnels, un cortège de tête combattif n’a que faire des motifs pour lesquels une poignée de syndicats dociles ou d’associations réformistes et/ou paternalistes ont appelé à manifester. Toute manifestation est une rampe de lancement potentielle pour des débordements et pour un saut qualitatif, rien de plus, rien de moins.
Alors voilà : toi le bon citoyen, toi qui t’offusques qu’il y ait un peu de casse ou un feu de poubelle lors d’une manifestation alors même que tu viens régulièrement dans le cortège de tête comme au spectacle, pour te rincer l’œil et te faire peur, toi qui viens faire la police, toi qui incarnes l’État au sein même de nos luttes, nous n’avons pas besoin de toi à nos côtés. Tu te dis révolutionnaire, radical, antifasciste, peut-être même anarchiste ? Tu n’es rien de tout cela. Organise ton propre cortège, à l’arrière, loin de nous, et ne viens pas nous faire la morale.
Chantage électoraliste, anarchistes et révolutionnaires d’isoloirs, flics du cortège de tête : la période est propice à tous les reniements, mais elle a le mérite de clarifier les positions des un.e.s et des autres. Nous saurons, dorénavant, à quoi nous en tenir.
Des insurrectionnalistes
Le relativisme et le maximalisme politique font de nombreuses victimes, tout d’abord l’intelligence des personnes qui lisent les textes, ensuite la crédibiltié des personnes qui les écrivent.
Comment peut-on, sérieusement, écrire “: il n’y a aucune différence entre les types de régimes qui fonctionnent avec et pour l’État. Distinguer démocratie et fascisme ne révèle que le confort de celles et ceux qui raisonnent au chaud”.
Bien sûr en tant qu’anarchiste nous luttons contre l’état, sous toutes ses formes. Que ce soit une monarchie de droit divin, une république parlementaire ou encore une dictature fasciste. Mais il faut quand même être particulièrement perdu dans la rhétorique pour ne pas voir la différence entre une situation où “coller une affiche déplaisante pour le pouvoir” présente un risque mortel élevé et la situation actuelle en france.
Ce n’est d’ailleurs pas comme si nous disposions des témoignages passés et présent des compas qui ont vécu ou vivent encore dans des dictatures… Que l’on pense aux écrits d’Alfredo Bonanno, aux récits des compas de la révolution espagnole et de la lutte contre le franquisme, aux compas russes et biélorusses, aux compas syriens…
Quand aux “lignes de démarcations non-négociables”, on préfèrait qu’elles soient autres et avec plus de sens que celui d’aller glisser des bouts de papier dans des urnes…
Par exemple, se désolidariser de sabotages, s’organiser avec des autoritaires, agresser sexuellement des compas, amener des idées réactionnaires dans nos milieux et autres crasses d’actualités.
Bon hé bien voila, ça y est. Enfin un texte contre le vote qui dit honnêtement ce qu’il pense et sans chichi. Ca change des autres textes où les tournures de phrase pleines de mauvaise foi rendait plus difficile les debunkage. Au moins là ca va être facile.
“un cortège de tête combattif n’a que faire des motifs pour lesquels une poignée de syndicats dociles ou d’associations réformistes et/ou paternalistes ont appelé à manifester.” Cette phrase résume parfaitement la position des personnes qui l’ont écrite. Aucune base politique n’est importante pour vous. Tout casser est la fin en soi. La confrontation n’est pas pensée comme un OUTIL au service d’une lutte COMPLETE pour une société sans oppression, mais comme le but qu’il faut viser. Concrètement, ce que la phrase implique, c’est que si des groupes confus citoyennistes appellent à défiler pour une cause injuste, alors c’est okay d’aller dans leur manif et d’y former un cortège de tête pour tout péter. Bah non, c’est pas comme ça que ça marche.
Et en plus de ça, comment osez-vous vous approprier ce qu’est le cortège de tête ? Et affirmer que votre point de vue est le seul qui soit bon. Etes-vous les chefs du cortège de tête ? Et plus généralement, assumez-vous que face aux pacificateurices des luttes qui disent que la seule manière de lutter est dans la légalité, vous réagissez en affirmant vous-même que la seule manière de lutter est la vôtre ?
La phrase ” le cortège de tête, même affaibli, même en déclin, doit demeurer le lieu où l’on s’affranchit des lois et de l’ordre, où l’on fait reculer, même fugacement, l’État, le Capital” est pour le coup risilble. On s’affranchit des lois, vraiment ? Exagérer à ce point là, c’est participer à l’imaginaire spectaculaire de l’émeute, que vous avez l’air de critiquer vous-même quand des “citoyennistes” viennent se “rincer l’oeil”. Mais avec ce genre de phrases, c’est vous qui produisez le spectacle ! Sans compter que c’est tellement faux ! Faire reculer l’Etat et le Capital, vraiment ? A nouveau, la confrontation est un OUTIL, ce ne sera jamais seulement les émeutes qui abbatront l’Etat et le Capital, si elles ne sont pas accompagnées d’autres luttes pour s’affranchir des oppressions.
Et à force de rendre spectaculaire l’émeute, vous la dépolitisez complètement. “Toute manifestation est une rampe de lancement potentielle” veut dire que n’importe quel prétexte est bon pour faire une émeute. C’est complètement invisibiliser que c’est la rage des personnes opprimées qui font les émeutes.
maintenant quand je lis que l’électeur est un oppresseur… vous confondez à nouveau but et moyen. Mais ce qui est vraiment insupportable, c’est l’utilisation des personnes concernées par le racisme pour servir votre propos, quand vous dites “loin des matraques, des prisons et de la répression coloniale.” Alors là non ! les groupes politiques anti-racistes qui PRENNENT la répression dans la gueule, bien plus sauvagement que ce que le cortège de tête ne vivra jamais, quand iels votent, iels ne sont pas loin des matraques, de la prison et de la répression coloniale.
Je ne sais pas qui vous êtes, si vous êtes concerné.e.x par le racisme ou pas, mais n’invisibiliez pas des personnes concernées dans le seul but d’argumenter dans votre direction. Assumez que c’est votre position que vous défendez et dites tout simplement que les personnes qui appellent au vote sont pour vous des traitres, plut^to que de dire qu’iels sont loin de la répression.
Mais apparemment, je ne suis pas anarchiste pour vous, parce que j’ai osé voter, donc mon commentaire ne vaut sûrement rien. Qu’importe ce que je fais dans ma vie, si je suis contre les oppressions, le pouvoir, contre l’Etat et que je lutte comme je peux au quotidien pour défendre ces idées, j’ai essayé de “conquérir et utiliser l’Etat pour impulser une politique prétendument différente”. Lol
De toute façon je m’attendais à rien de bon pour un texte qui s’appelle le citoyennisme qui vient… ou les insus tendance appelo qui imaginent subir un grand remplacement par des citoyennistes. Chapeau l’égo !
Y’a quoi à “debunker” des “textes contre le vote”?
La seule position possible c’était d’aller voter? Une pensée critique face au chantage électoraliste c’est pas possible?
Comment iels font celleux qui peuvent pas voter? Iels sont ou tout.e.s celleux qui faisaient du chantage et de la culpabilisation en promettant le grand soir dans le rue après les élections? L’antifascisme c’est de défiler pour mendier un.e premier.e ministre? T’as l’impression que le FN a reculé, vraiment?
Pour ma part je n’ai vu dans aucun “texte pro vote” une analyse pertinente de la situation. Des promesses, beaucoup. De la peur. Des contresens et des révisions historiques aussi pas mal.
Je trouve aussi pas mal de mauvaise foi dans ton commentaire. Tu projette beaucoup de chose sans savoir toi non plus ce que font leurs auteur.e.s par ailleurs par exemple. Tu leur reproche de donner leur vision du “cortège de tête” mais tu fais de même.
La ou je te rejoint c’est dans ta vision de l’émeute comme un outil parmi d’autres. Répeter en permanence, tout le temps, la même forme d’offensive n’a pas de sens, c’est même dangereux. Mais encore une fois tu ne sais pas ce que font les personnes en dehors de ces moments, et moi non plus.
En tout cas j’ai pas compris quel colletif anti-raciste s’est fait réprimer pour être aller voter. Ni en quoi rappeler que celleux qui peuvent aller voter sont en général bien plus protégé.e.s que d’autres est problématique. Je crois même que cela va plutot dans le sens de ce que tu dis.
P.S: tu n’as manifestement pas compris l’ironie du titre, qui se moque de cette “tendance appelo” justement. Sans doute un clin d’oeil au nouveau coup marketing des SDT sur l’antifascisme.
Salut, bon je me suis sûrement mal exprimée parce que je suis pas du tout pro-vote. Au contraire, j’ai toujours défendu l’anti-électoralisme politique et je le défends toujours aujourd’hui. Si je suis allé voté, là dans cette situation, c’était un choix personnel et je pense sincèrement que je n’ai absolument pas participé au chantage pro-vote qui, moi aussi, me met hors de moi.
Et JUSTEMENT, les seuls texte anti-votes que j’ai vu, à part ton commentaire, font EXACTEMENT la même chose. Une culpabilisation anti-vote, et c’est ca qui m’énever vraiment ! Comme si y avait pas de raisons d’aller voter et que cette question c’était soit tout noir soit tout blanc, qu’on pouvait pas être contre la démocratie représentative et quand même aller voter, sans vouloir “conquérir le pouvoir par l’urne”. Et c’est exactement ça que fait ce texte en mode beaucoup plus assumé que d’autres et c’est ça que je voulais dire par débunker : débunker la position culpabilisatrice, complètement manichéenne et complètement d’un côté ou l’autre de la barricade. Pas débunker une position anti-vote qui peut pour le coup être défendue.
Ensuite sur la thématique de l’anti-racisme, pareil je sais pas ce que tu as compris de mon commentaire, mais je n’ai pas dit que des personnes s’étaient faites réprimer POUR avoir voter. J’ai dit qu’il y avait des personnes qui assumaient un appel au vote et à qui on ne pouvait pas reprocher par ailleurs, dans leur vie, de ne pas subir la répression.
Et ça n’empêche pas que ce que tu dis est vrai, que les gentes qui n’ont pas accès à l’outil du vote, sont les moins privilégiées et que c’est possible d’en parler oui, même si j’ai pas du tout abordé ce problème dans mon commentaire. Mais par contre, ce n’est pas DU TOUT ce que dit le texte. Ca dit que toutes les personnes qui acceptent d’aller se soumettre au vote sont à l’abri des violences quotidiennes de l’Etat. Et ça je suis désolée mais c’est vraiment n’importe quoi !!!
Pour le cortège de tête, okay je donne ma vision, mais ce que je veux dire justement, c’est qu’il y a plein de nuances. A un aucun moment je ne rejette l’émeute comme mode d’action. A nouveau, c’est très éloigné de ce que je pense, au contraire ! Par contre, je dis que défendre l’émeute pour défendre l’émeute, en réaction aux pacificateurices, c’est de la merde aussi. Surtout quand c’est fait de cette manière, ou c’est dit que les émeutes, c’est le moment ou on fait reculer l’Etat et le Capital. C’est juste pas vrai du tout et se mettre des oeillères de balancer des trucs comme ça.
Et pour répondre à ta quetion, est-ce que j’ai l’impression que le FN a reculé ? Bah bien sûr que non, mais j’ai jamais cru à ca et j’ai jamais prétendu le contraire. Je fais certainement pas partie des personnes qui sont allées voter et qui s’arrête là
Ce commentaire ne respectait pas la charte.
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