La mayonnaise putride du RN est en train de prendre

Vous avez sûrement fait l’expérience. Vous avez tout ce qu’il faut pour la fabriquer : de l’huile, de la moutarde, un jaune d’œuf, du vinaigre, du sel et du poivre. Puis vous touillez, rien ne se passe. Vous n’obtenez qu’une bouillie peu appétissante. Et puis miracle, un peu d’huile en plus et une crème jaune, la mayonnaise, commence à se former, le basculement a eu lieu. La mayonnaise politique est pareille, sauf que pour fabriquer la sienne le RN n’a pas besoin de payer ses fournisseurs pour obtenir ses ingrédients. Les partis de gouvernement, de Sarkozy, Hollande jusqu’à Macron, ont été les fournisseurs attitrés du programme des fascistes : Projet de déchéance de nationalité, ministère de l’identité nationale, série des lois dites sécuritaires, antiterroristes et d’immigration, campagnes de haine islamophobe, loi sur le séparatisme, attaque dévastatrice contre les pauvres, mise en question du droit du sol, lois Cazeneuve, réforme Blanquer… Finalement Macron n’a fait qu’élargir en autoroute le chemin tracé par ses prédécesseurs. Ce n’est pas pour rien que le RN accuse la droite comme la gauche d’avoir pioché dans son programme. Le 7 juillet le Front populaire a réussi à repousser le vote RN en 3e position et a obtenu une majorité relative. Divine surprise. A ce jour on ignore à quelle combinaison parlementaire cette situation débouchera. Cela étant le RN qui devient le plus grand parti parlementaire a gagné 50 députés. Son succès relatif s’explique par une grande confusion, on entend dire par exemple : « Ceux-là, on ne les a pas encore essayés… », « la peste on a déjà essayé, le choléra pas encore. » Les millions d’électeurs et d’électrices ont été trompés par des promesses mensongères sur un meilleur avenir, mais qui serait en réalité un régime fasciste, raciste, xénophobe, dominé par le Grand Capital. Le vote du 7 juillet a démontré que la mayonnaise putride du RN n’a pas pu encore se consolider. Alors comment démonter la mayonnaise ? Il nous faut préparer la nôtre. Nous avons déjà accumulé quelques ingrédients par nos luttes : Quelle formidable avancée aurait pu être la lutte contre la réforme de la retraite débarrassée des embrouilles bureaucratiques ! Quelle boussole enthousiasmante pointant vers l’avenir, la manif unie pour le souvenir de Clement Meric assassiné par des fascistes, contre le génocide à Gaza et le régime colonial en Kanaky, ou des marches pour Nahel, Adama, ou encore des luttes qui associent des paysans à la jeunesse contre les méga-bassines ! Mais il y a encore beaucoup à faire, notamment démasquer la propagande mensongère du fascisme. Mais continuons à touiller et avec les ingrédients de la lutte et la bonne température, notre mayonnaise onctueuse et joyeuse montera.

> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]

Trois nouveaux tués par les balles de la police À Cherbourg dimanche 9 juin vers 23 h, une patrouille de police aurait voulu contrôler une voiture qui selon elle roulait trop vite, le conducteur aurait refusé de s’arrêter et y aurait été contraint par l’arrivée en face d’une nouvelle voiture de police. Les 3 occupants auraient alors tenté de fuir, l’un d’entre eux, 19 ans, a été pris pour cible par un tir de pistolet à impulsion électronique alors qu’une policière lui tirait avec son arme à feu en pleine poitrine  : le jeune homme est mort sur le coup. La policière a été placée en GAV pour homicide volontaire et une enquête de l’IGPN est en cours. À Aubervilliers le 19 juin, lors de l’opération mensuelle de «  grand nettoyage  » des rues de la ville, un agent de propreté aurait été agressé au tournevis par un homme, SDF, de 47 ans, ce qui aurait entraîné l’intervention de la police municipale  : un flic lui a alors tiré une balle dans le thorax, le tuant sur le coup. Le 29 juin à Bobigny à 6 heures du matin, un agent affecté à la Sécurité routière, tombe sur Amar, 37 ans qui dormait dans un bâtiment désaffecté qu’il squattait depuis quelques jours. Il lui a tiré 7 balles avec son arme de service dont une dans la tête et deux dans le dos, ce qui pourrait laisser penser qu’il fuyait.Pour le flic il s’agit de légitime défense mais pour Yassine Bouzrou avocat de la victime le motif semble raciste au vu de ce qu’a déclaré l’agent lors de son audition. Celui-ci est mis en examen pour meurtre. Mais pour l’Etat, la vie d’un SDF arabe squatteur dans le 93 vaut-elle seulement quelque chose  ? À suivre.

Un 3e victime du Raid à Marseille dans les révoltes suivant la mort de Nahel Été 2023 sur ordre de Darmanin des policiers du Raid sont déployés à Marseille. Après la mise en examen de 3 de leur membres impliqués dans la mort de Mohamed Bendriss, décédé après avoir reçu un tir de LDB alors qu’il circulait à scooter (voir RE212), de 2 autres pour la «  mutilation définitive  » d’Abdelkarim Y., éborgné par un tir de «  bean bag  » (voir RE213), deux nouveaux policiers de cette unité ont été placés en garde à vue pour des blessures graves. Zachary C. qui rentre chez lui après son travail de serveur tombe nez à nez sur la colonne du Raid. Il témoignera avoir été la cible d’un tir de LDB (ou peut-être un lanceur de bean bag) à moins de 3 mètres de distance. Grièvement blessé à l’aine il est copieusement insulté et menotté en attendant d’être pris en charge par un médecin. Il ressortira de l’hôpital libre mais marqué par son passage. «  C’était apocalyptique. Dans une salle, il n’y avait que des blessés en état d’arrestation, menottés ou accompagnés par des policiers. Et des blessures… Un gars qui avait sans doute commis un vol dans une vitrine avait le bras ouvert, mais aussi des blessures sur tout le visage et la bouche en sang. Il avait dû être passé à tabac. Il y avait des gens touchés par des flashballs, avec des bleus comme ça sur les cuisses. C’était n’importe quoi.  » Cette expérience le poussera à porter plainte.

En juin et en juillet  : hommage à nos morts Le 22 juin a eu lieu une journée de commémoration dans les locaux de la FASTI, rue des amandiers dans le 20ème, en hommage à Lamine Dieng mort il y a 17 ans entre les mains de la police. Après 13 ans de combat sur le plan judiciaire, la famille a pu faire reconnaître devant la Cour européenne de DDH, la torture infligée à Lamine et le crime. Mais pour les soutiens de Lamine, «  la République française a aussi publiquement démontré qu’elle n’entend pas punir ses agents meurtriers et défaillants. Lamine a été lynché par la police, déshumanisé par l’appareil judiciaire, et l’État couvre ses agents  : telle est la norme sur le sol français. Et encore aujourd’hui, car les classements sans suite, les non-lieux, les relaces, les acquittements s’accumulent  ». C’est pour continuer de dénoncer cet état de fait qu’a eu lieu le samedi 29 juin la marche pour Nahël, à l’appel de sa maman Mounia Merzouk. Cette marche a rassemblé dans la dignité un millier de personnes et s’est achevée sur un discours poignant des proches de Nahël qui ont réclamé la vérité et fait honneur au souvenir du jeune garçon. Le sentiment de colère et d’injustice qui avait causé le soulèvement des jeunes des quartiers il y a un an, bien que contenu, était toujours palpable. Début juillet, les conclusions tirées par la justice après la reconstitution du 5 mai donnent raison aux révoltés en mettant à mal la version de la légitime défense puisqu’elles établissent que les policiers ne couraient aucun danger au moment du tir. Une semaine après la marche pour Nahël, le samedi 6 juillet, cela a été au tour du comité Adama d’appeler à une 8ème marche à Beaumont-sur-Oise afin d’honorer sa mémoire et de continuer à lutter pour la vérité et la justice. Le sentiment de colère et d’injustice qui avait causé le soulèvement des jeunes des quartiers il y a un an, bien que contenu, était toujours palpable. Une semaine plus tard, le samedi 6 juillet, c’est au tour du comité Adama d’appeler à une 8ème marche à Beaumont-sur-Oise afin d’honorer sa mémoire et de continuer à lutter pour la vérité et la justice.

Prison ferme pour violences policières À Strasbourg cinq CRS étaient poursuivis pour «  violences aggravées  » et «  atteinte arbitraire à la liberté individuelle  » suite à la plainte d’un individu après son interpellation le 11 avril 2023. Contrôle au faciès, brutalités, 48 h de gardes à vue… Le chef du groupe a été condamné à 30 mois de prison dont 12 mois ferme sous bracelet électronique, un agent a également été condamné à 18 mois de prison dont 9 mois ferme, sous bracelet électronique, deux autres ont été condamnés à des peines de 12 et six mois de prison avec sursis, le dernier a été relaxé «  au bénéfice du doute  ». Des condamnations qui dénotent dans la foret de classements sans suite et autres non lieux…

«  L.435-1 m’a tué·e  » L.435-1 c’est l’article du Code de sécurité intérieure instauré sous Hollande en 2017 qui élargit les conditions d’application du principe de légitime défense pour les policiers. Déjà dans le précédent numéro nous évoquions le non lieu requis par le procureur après la mort de Zyed Bensaid à Nice le 7 Septembre 2022 (voir RE206). Pourtant même l’enquête de l’IGPN a démontré l’absence de menace lorsque le policier a fait feu sur Zyed. Mais pour le procureur, s’appuyant sur l’article L.435-1, la menace n’a pas besoin d’être imminente pour justifier le tir, elle peut être seulement potentielle. Dans une affaire similaire Luis Bico a été tué par la police près de Montargis en août 2017 (voir RE165). Le 15 mai dernier, de la même manière que pour Zyed, la Cour de cassation confirmait le jugement en appel qui reconnaissant que si les conditions de la légitime défense classique ne s’appliquaient pas, le nouvel article du Code de sécurité intérieure si. L’article L.435-1 continue a produire son effet, d’abord sur le terrain avec l’explosion du nombre de personnes tuées par les balles policières (https://bastamag.net/webdocs/police/) et maintenant dans les cours de justice avec sa suite logique, le non lieu. Lire  : https://www.flagrant-deni.fr/affaire-luis-bico-la-cour-de-cassation-valide-le-permis-de-tuer-de-la-police/

Nouvelle-Calédonie, le retour de la déportation coloniale En Nouvelle Caledonie, après la suspension de la loi constitutionnelle, la CCAT «  cellule de coordination des actions de terrain  » est de nouveau la cible de la politique de criminalisation du gouvernement. D’emblée qualifié de «  groupe mafieux  » ses membres sont maintenant présentés comme «  les commanditaires présumés  » des révoltes. Le 19 juin onze responsables étaient interpellés et gardés à vu pendant 96 heures avant d’être mis en examen. Sept d’entre eux ont été envoyé en détention provisoire dans des prisons de l’Hexagone, à des milliers kilomètres de chez eux. Le gouvernement renoue ici avec une vieille pratique particulièrement brutale de la répression politique des résistances dans les colonies. En Kanaky les révoltes se sont ravivées suite à ces déportations coloniales faisant un nouveau mort , un homme ciblé et tué par un tir de gendarme dans l’est de Nouméa.

Blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie Le recours en urgence de La Quadrature du Net devant le Conseil d’État a mis a nu l’inconsistance juridique d’un tel dispositif de censure, l’Etat peinant à se justifiant en brandissant la «  théorie des circonstances exceptionnelles  » (d’une certaine manière l’ancêtre de l’état d’urgence mais jurisprudentiel) admise par les juges il y a une centaine d’années. Le rejet du recours par le Conseil d’État en dit long sur la montée autoritaire en France. La Quadrature du Net a déposé un recours en excès de pouvoir contre cette décision.

La police à l’assaut des lycéens pro-palestiniens Suite à la répression du 3 mai devant le lycée Monet à Paris, deux lycéens parmi les 7 interpellés sont poursuivis par la justice. Les parents d’élèves ont saisi la Défenseure de droits sur la base des témoignages (dont certains font état d’«  actes de torture  » commis dans les voitures de police). Mais cela n’a pas pour autant arrêté l’Etat  : dans le 20ème, la répression est encore montée d’un cran avec la tentative d’occupation du lycée Hélène Boucher par une cinquantaine de lycéens toujours en soutien à Gaza. La police intervient immédiatement en nombre ( plusieurs compagnies dont celle destinée à lutter contre le banditisme et le terrorisme), gaze les lycéens rassemblés au 2ème étage les forçant à se réfigier dans une salle de classe après avoir dressé des barricades faites de tables et de chaises. Les 48 jeunes gens (dont certains de 15 ans) y seront maintenus pendant près de 2 heures sans jamais voir aucun responsable éducatif du lycée, menottés au serflex, menacés, insultés puis tous emmenés au commissariat en GAV jusqu’au lendemain après-midi. La mobilisation des parents permettra que la menace de «  conseils de disciplines externalisés  » faite par la direction du lycée soit abandonnée.

Au CRA 2 de Lyon  : l’enfer au quotidien alors qu’il était présenté comme un modèle à son ouverture. Ce centre de rétention détient le record national de placements à l’isolement ( dans des cellules infectes où est parfois utilisé un kit psychiatrique de contention pour immobiliser le retenus) et de nombre de plaintes déposées par des retenus, la plupart du temps pour violences policières  : 65 d’après une source interne et cela malgré les pressions et la risque de se retrouver soi-même visé par une plainte de flic pour outrage qui vous envoie direct en prison. Aucune de ces plaintes n’a été traitée.

> [ A G I R ]

Permanences anti-JOP Conseil et accompagnement juridique, droit du travail, recueil de témoignage, relais médiatique, matériel de lutte… Du 4 juillet jusque début septembre, permanences physiques : mardi 17h-20h au local de Solidaires – 31 rue de la Grange aux Belles, Paris 10e – et jeudi 17h-20h à la Bibliothèque Associative de Malakoff – 14 impasse Carnot, Malakoff – Plus d’infos https://saccage2024.noblogs.org/

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La mayonnaise putride du RN est en train de prendre RESISTONS ENSEMBLE – bulletin numéro 218 – du 12 juillet 2024 (.pdf)

source : https://resistons.lautre.net/spip.php?article648