l y avait du beau linge le 20 mars dernier au soir à la Mutu.

Le collectif Urgence Darfour réunissait en effet à cette date ses troupes pour un grand raout médiatique soutenu par Bernard-Henri Lévy et l’ex-ministre socialiste Bernard Kouchner, ainsi que par le CRIF, SOS-Racisme, la Licra, l’Association Communauté Rwandaise de France, le B’nai B’rith France et l’Union des étudiants juifs de France.

A cette occasion les orateurs ont réclamé une intervention internationale et demandé à la communauté internationale d’armer les rebelles du Mouvement de libération du Soudan. Ensuite, les dirigeants du collectif ont annoncé que cinq présidentiables – François Bayrou (UDF), Nicolas Sarkozy (UMP), Ségolène Royal (socialiste), Dominique Voynet (Verts) et Marie-Georges Buffet (communiste) – s’étaient engagé à agir dans ce sens s’ils étaient élus.

Il n’est pas utile d’être un grand géopoliticien pour comprendre que, vu ses soutiens, le collectif Urgence Darfour existe dans un but qui n’est pas forcément celui de défendre la population du Darfour…

D’ailleurs Médecins sans Frontières et Action contre la Faim ont dénoncé vendredi passé les propositions du collectif, les qualifiant de « simplistes et dangereuses » et Jean-Hervé Bradol, président de Médecins sans Frontières (MSF), interrogé par l’AFP après une virulente tribune dans Libération, n’a pas caché sa pensée : « le collectif, calqué sur un modèle américain, a une cause politique à défendre: la mise au pas du régime soudanais actuel par une surenchère guerrière ».

Mais, me dira-t-on, la situation humanitaire est terrible au Darfour et elle légitime une intervention internationale…

Qu’il y ait un problème humanitaire, nul ne le nie, mais encore faut-il le mettre en perspective. Ainsi le président de MSF souligne que si la situation au Darfour est « dramatique », le nombre mensuel de morts « n’est pas pire qu’au Congo, au Sri Lanka ou en Irak en ce moment ». Quant à Joss Rovélas dans L’Afrique, les Noirs et le Darfour (texte publié sur le site www.geostrategie.com) il remarque : « Les chiffres qui circulent parlent de 180.000 morts et quelques 2 millions de personnes déplacées sur une population de 42 millions d’âmes. A titre de comparaison (terme que nous trouvons impropre ici), 3,5 millions de Congolais sont morts ces 3 dernières années, pour le plus grand bénéfice des compagnies pétrolières : silence média »

Le même Joss Rovélas, militant de la cause noire, tord le cou à une autre raison qui justifierait l’intervention : le génocide des population noires par les élites arabes : « Pourquoi nos média ne nous montrent pas les images des membres du gouvernement soudanais, ont-ils peur de découvrir que Omar Hassan Ahmed El-Bechir, le président soudanais, est Noir ? (…) Souvenons-nous des leaders tels que Jerry John Rawlings du Ghana, Kenneth Kaunda de Zambie, Daniel Arap Moi du Kenya, Yoweri Museveni de l’Ouganda et John Garang du sud Soudan, pendant 20 ans, ces leaders ont combattu le gouvernement autocratique de Khartoum, pour une meilleure justice au Soudan qui tienne compte des aspirations des minorités chrétiennes et animistes du sud du pays. Ces leaders étaient mieux placés que quiconque pour combattre la moindre négrophobie au Soudan si elle s’était avérée. » Quant à Marc Lavergne, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du Soudan, il précise : « pour moi, tout le monde est noir dans cette histoire. La notion de racisme n’a pas sa place. Les milices tribales janjawids sont des mercenaires qui ne se revendiquent pas du tout arabes. » (www.afrik.com 16 juillet 2004)

Alors pourquoi tout ce battage médiatique ?

On le comprend en notant que le 15 mars dernier quand Condy Rice, a consacré une conférence de presse à ce sujet elle l’a fait conjointement avec son homologue israélienne…

Tout s’éclaire donc, et les soutiens français et internationaux (1) prennent tout leur sens, ainsi que la veulerie à leur égard de nos candidats à l’élection présidentielle…

Mais pourquoi le soudan ?

Depuis quinze ans, le gouvernement de Khartoum est la cible des gouvernants Etats-Unis qui veulent le renverser. Cette ténacité vient du fait que le Soudan a pendant longtemps abrité des mouvements de la résistance palestinienne, ainsi que certains groupes islamistes radicaux. Par ailleurs – et vraisemblablement surtout – le Soudan est le plus grand pays d’Afrique noire par sa superficie (5 fois la France), il est riche en terres arables et en ressources minières ou pétrolières, et il flirt depuis quelques temps avec la Chine…

L’intérêt de l’Empire est donc de contrer ses adversaires, de s’implanter directement – ou par ONU interposée – au Soudan et de s’en approprier les richesse, tout en éliminant un gouvernement rebelle. La lutte contre « l’islamo-fascisme », les pratiques génocidaires, ainsi que le devoir d’intervention humanitaire, n’ayant pour but que de fournir à l’administration Bush ses cohortes d’idiots utiles.

Cela étant, je ne dis pas qu’il ne faut rien faire pour le Darfour. Mais il faut faire autre chose que ce qu’on nous propose. Sur le plan humanitaire, l’opération de secours à laquelle participent MSF et ACF, permet actuellement l’approvisionnement en nourriture, en eau potable et en soins de plus d’un million de personnes, nul ne nous empêche d’en faire la promotion. Au niveau politique, il faut soutenir ce que réclament les spécialiste de la région, dont Jean-Hervé Bradol qui écrit : « La solution est de remettre les parties autour de la table et de faire en sorte que la France et l’Union européenne se mobilisent pour une solution politique en lien avec les puissances qui comptent aujourd’hui au Soudan, notamment la Chine ».