ENJEUX ET PERSPECTIVES DE LA LUTTE ANTIFASCISTE

Dans une période où les lois scélérates s’enchaînent, où les idées nauséabondes se propagent sur tout le territoire, une centaine de personnes se sont rassemblé·es, le samedi 17 février à Lorient, pour discuter des violences et de la rhétorique d’extrême droite, des outils/moyens disponibles pour lutter, s’organiser et se protéger.

Si l’événement a permis de mobiliser et de créer du lien entre les différentes organisations, associations, collectifs·ives, et individu·es, nous souhaitons revenir sur quelques points dans une démarche constructive afin d’analyser les enjeux et les perspectives données par cet événement.

Les sensibilités politiques représentées étaient variées, de la gauche partisane et institutionnelle (LFI, UDB, EELV) à des collectifs·ives féministe, queer ou antifasciste. C’est peut-être le point fort et le point faible aussi de ces tables rondes.

C’est une réussite, car plusieurs composantes de la gauche se sont rassemblées pour discuter et débattre de problèmes majeurs, permettant, on l’espère une prise de conscience chez certain·es. Cependant, il était difficile de dépasser le cadre de l’institutionnel et du réformisme, plusieurs intervenants étant issus de la social-démocratie. En effet, peu de remises en question d’un système trop bien établi, qui pourtant produit les conditions nécessaires à l’expansion du fascisme, le capitalisme. Là sont une partie des enjeux, nommer et définir nos adversaires collectivement pour ensuite définir une base théorique sur laquelle toutes les composantes de la «gauche» pourraient s’entendre. Par «gauche», on entend toute structure luttant pour plus de liberté et d’égalité réelle, luttant pour l’émancipation pour tous·tes, et par tous·tes.

On peut théoriser le fait que l’antifascisme est à deux vitesses, avec un antifascisme institutionnel, quasi inexistant dans la majorité des partis politiques, frileux d’un antifascisme plus combatif et offensif. Aux yeux des réformistes, seule la lutte par les moyens légaux serait légitime, et pour ces personnes, le combat antifasciste ne se mènerait que dans un cadre donné par les institutions et le système en place.

À contrario, des milieux autonomes, pour qui le dépassement des cadres institutionnels est l’essence même de l’autonomie politique. L’antifascisme ne peut se passer d’une dimension révolutionnaire, car ce sont ces mêmes institutions qui produisent du fascisme.

Comment deux forces politiques aux idéaux divergents pourraient alors œuvrer dans un même but ? Là est tout l’intérêt de la désignation d’un ou d’ennemi·es communs, pour faire converger les différentes forces.

Les luttes sont plurielles, les acteurices de ces luttes aussi. Nous pensons que la diversité des tactiques a son intérêt dans la lutte antifasciste. Le fascisme est protéiforme, des groupes organisés aux bancs de l’assemblée, celui-ci s’exprime et agit de différentes manières mais toujours dans une même finalité, alors, pour mieux mieux le combattre, il faut l’attaquer sur tout les fronts.

Au delà de la lutte légaliste, il est nécessaire de s’organiser collectivement pour dépasser l’impasse qu’est le réformisme, et reconnaître que d’autres modalités d’actions plus offensive aient leur place au sein de la lutte antifasciste et soient toutes autant légitimes. L’expansion fasciste doit-être combattue partout. Nous ne devons pas avoir peur d’employer des moyens plus combatifs, parce qu’en face nous avons un ennemi qui agit pour notre anéantissement commun, de tout ce qui ne rentre pas dans le cadre d’une société ultra réactionaire et conservatrice.

Si nous tolérons la non-tolérance, cette dernière se dévelloppe jusqu’à faire disparaître la tolérance. Nous ne pouvons pas courir ce risque. Si la non-tolérance représente un danger vital pour nos adelphes, des moyens pour lutter jugés jusqu’à présent illégitimes deviennent alors légitimes.

La non-violence dogmatique est un privilège.

C’est pour ça qu’il est nécessaire d’ouvrir les ponts et de populariser la lutte et la culture antifasciste face à l’urgence. Des discours simplistes de rejet de l’autre aux justifications des inégalités et discriminations, l’éducation populaire est un moyen incontournable quand cela est encore possible, pour lutter contre l’extrême droite.
L’apprentissage et la formation à l’esprit critique sont des fondations qui doivent permettre de développer la suite. L’enjeu réside aussi par le questionnement des dynamiques internes à nos groupes, à notre camp social, et que nous pouvons faire évoluer par des formations et des moyens de propager notre culture (auto-défense, projections, débats, éducation populaire etc).

Enfin, la lutte antifasciste doit être intimement liée à l’anticapitalisme, l’antiracisme, dans une logique d’intersectionnalité, et de lutte contre le patriarcat.

Sur ce dernier point, Sébastien Bourdon, auteur de l’ouvrage «Une vie de lutte plutôt qu’une minute de silence», explique :

«Dans l’imaginaire collectif, la figure de l’antifa est quasi systématiquement associé à celle d’un homme. S’il est indéniable que le milieu antifasciste reste assez largement masculin, la présence de femmes n’y est pas pour autant marginale». Depuis quelques années, des avancées ont lieu, avec la création de la Coordination Féministe Antifasciste en 2019. Une des fondatrices rappelle que «Nous voulons développer des leviers et outils pour contrer les obstacles que «nous rencontrons aux seins des luttes que nous menons. Il s’agit de comprendre et cibler les dynamiques patriarcales et racistes qui s’y jouent pour mieux les renverser et faire en sorte d’être toujours plus nombreuses à investir ces espaces. Il s’agit de mettre en lumière nos combats politiques pour les imposer et ainsi faire évoluer les lignes des luttes antifascistes afin que nos voix souvent invisibilisées, récupérées ou silenciées soient entendues». Un exemple à suivre sur le pays lorientais ?

L’antifascisme ne peut être vivant et représenter une alternative que s’il est pluriel, riche de la diversité de ses membres, de ses méthodes, de ses débats, et des alternatives qu’il porte. L’ennemi est commun, c’est le constat des partisan·es d’une société plus libre et égalitaire.

Pour en revenir sur le 17 février, il faut tout de même rappeler les points positifs de cet événement ! L’organisation s’est autogérée sans un véritable appui des institutions traditionnelles lorientaises, de nouveaux visages et des individu·es venu·es de nombreux départements ont fait le déplacement, et la présence du public a permis des interventions très souvent pertinentes. Cet événement suivait la venue de Vincent Edin pour la présentation de son ouvrage «En finir avec les idées fausses propagées par l’extrême droite», et la conférence du CAM, «L’Extrême-droite : sa stratégie numérique». En moins de quatre semaines, ce sont trois événements qui se sont succédés, avec espérons le, une prise de conscience et l’envie de s’organiser chez les militant·es du pays lorientais.