Cette délibération N°30 de la séance du conseil municipal (CM) du 10 février 2012 colle harmonieusement à la vision d’ « éco-métropole » de MM. Jean-Marc Ayrault (député Maire de Nantes, « conseiller spécial » de M. François Hollande candidat PS aux présidentielles) et Joël Batteux (maire de St Nazaire). Ainsi dans une luxueuse brochure [1], le chapitre « Protéger, préserver, valoriser l’estuaire » on peut être tranquillisé en lisant : « L’estuaire de la Loire constitue le coeur naturel de l’Eco-métropole. Un coeur marqué par la très grande richesse de son patrimoine vert et bleu : une faune et une flore exceptionnelles mais également très fragiles. […]
Temple de la biodiversité, l’écosystème estuarien doit devenir le moteur d’une nouvelle approche du développement dans laquelle protection et réparation de ce patrimoine se conjugue avec créativité, innovation et développement. » Selon eux, cette éco-métropole Nantes St Nazaire a « tout pour être un foyer actif de la révolution environnementale, économique et sociale exigée par le XXIème siècle. » Il s’agit rien moins que de « relever les défis d’une attractivité européenne, d’un développement durable et de la cohérence sociale ». Chers lecteurs, je vais vous faire découvrir comment ils veulent les relever ces défis. Pour cela il m’a fallu siphonner des éléments du procès verbal du CM du 4 novembre 2011 et affouiller quelques articles de presse.

Le capitalisme vert a le vent en poupe

Ce 4 novembre, solennel, le grand Joël annonce : «La nouvelle que nous attendions impatiemment est tombée hier soir [silence : suspens] : le groupe Alstom [dont l’Etat est actionnaire] a décidé du principe de l’établissement, ici, d’un ensemble de productions en série de nacelles et de turbines pour éoliennes off-shores, en même temps qu’à Cherbourg seraient produits les mâts et les pales des dites éoliennes.

Nous ne pourrons nous réjouir définitivement que lorsque l’Etat aura choisi [en avril 2012] les lauréats des appels d’offres qu’il a lancés pour l’équipement des champs éoliens en Manche et en Atlantique, en particulier chez nous, sur le banc de Guérande, et sur le champ dit des deux îles » qui semble, d’après mes informations, en bonne voie d’être enfin retenu. […]

Si on rajoute à cela le rôle de STX [entreprise multinationale des chantiers navals] dans la construction en série des socles « jacket » des futures éoliennes et l’éventualité presque, la probabilité, qu’Alstom choisisse St Nazaire comme base industrielle de ses futurs développements d’énergies marines renouvelables, éoliennes, hydroliennes et énergie des vagues, nous sommes peut-être, je dis bien peut-être, à la veille d’une formidable accélération de la dynamique industrielle et portuaire de la métropole Nantes/St Nazaire. »

C’est ce qu’ils appellent, dans la glaçante brochure sur papier glacé évoquée plus haut : « Renouveler la dynamique économique du fleuve [2] Le Grand Port Maritime Nantes-Saint-Nazaire (GPM) poursuit ainsi l’objectif de se maintenir au rang de premier port atlantique français. »

M. Batteux finit néanmoins son propos sur : « Reste que ces productions géantes devraient occuper des espaces considérables sur les sites de St Nazaire et de Montoir. [« Il faudra plusieurs dizaines d’hectares […] », précise Pierre Klein du GPM. [3] ] Dès lors, il faut d’ores et déjà prévoir de nouveaux espaces de développement de l’activité portuaire. C’est la raison pour laquelle il me paraît vital que les études et les procédures pour l’aménagement du Grand Tourteau soient lancées sans délai. » Justement, le grand tourteau, le voilà me direz vous ! Il ne s’agit pas du crabe dormeur, Cancer pagurus en latin, mais du nom d’une vasière [4] située à Méan un des quartier de notre ville.

Selon la DREAL Pays de la Loire (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, un des services de l’Etat), avec ce Grand Tourteau, il s’agit du « dernier fragment d’une vasière autrefois très étendue, à haute productivité primaire, bordé de petite surface de prés salés et de roselières. Zone au potentiel nutritionnel encore important pour l’avifaune migratrice et hivernante (limicoles, anatidés), en relation avec les vasières du banc de Bilho et les marais Brièrons, ainsi que pour diverses espèces de poissons marins (nourricerie). » Inventoriés au patrimoine naturel national ces 71 hectares du domaine public maritime (ZNIEFF 520014631) sont classés « Natura 2000 », zone naturelle d’intérêt communautaire européen.

Je ne sais pas si vous commencez à saisir les enjeux… alors je donne la parole à l’élu Vert
François Billet emboîtant le pas à son chef de majorité :

« Effectivement, je pense que c’est une bonne nouvelle. Mais j’ai tendance à dire qu’elle ne tombe pas du ciel parce que nous avons la chance d’avoir un territoire qui a encore gardé une activité industrielle : nous avons STX, d’une part, nous avons un Grand Port Maritime, et des territoires disponibles (sic) […]. Il est important que les chantiers ne soient pas sur un mono-produit qu’est le paquebot et qui n’est pas forcément hyper-profitable, et je ne vois pas pourquoi cette filière [éolienne] ne le serait pas. […] Pour moi ce n’est vraiment qu’un début et c’est une bonne augure parce que je pense, et nous pensons, les écologistes (sic) [cette propension à l’hégémonie de EELV est insupportable], qu’il faut redévelopper le tissu industriel et remettre l’industrie que la France a perdue. »

Au contraire, au sein de l’écologie radicale, nous pensons qu’il faut sortir de l’industrialisme (Cf. colloque de novembre 2011 organisé par La ligne d’horizon [5] ).

Il poursuit avec l’assurance de faire mouche : « L’intérêt de ces énergies renouvelables, c’est qu’elles remettent, qu’elles relocalisent nécessairement l’industrie : on ne va pas transporter les pieds des éoliennes depuis la Chine ou depuis la Corée, et il est évident qu’elles ne peuvent se faire que sur notre territoire ».

La relocalisation, une « évidente nécessaire évidence » ! La voici celle-là, cette relocalisation, sésame magique anti-mondialisation, concept vraiment boiteux lorsqu’il n’est pas inscrit dans une vision globale critique du capitalisme.

Tellement évidente cette relocalisation que M. le Maire ajoutera « Il ne s’agit pas simplement de fournir les champs éoliens à côté de chez nous ; il s’agit demain d’attaquer le marché international, européen. Il s’agit donc d’une production en série. [Ce] sont des pièces énormes, on reste dans le gigantisme, ce sont des pièces qui font 400 tonnes pour les turbines et les nacelles, qui vont faire près de 900 tonnes pour les « jackets ». (…)
En clair, il s’agit d’une gigantesque relocalisation pour… exporter juteuseusement !
Jeu des chaises musicales et cancer « terminal »

Seulement voilà, « face aux enjeux colossaux du développement de l’éolien offshore, et plus généralement des énergies marines renouvelables (EMR), le Grand Port Maritime doit revoir l’aménagement spatial [et la localisation] des terminaux de Montoir et de Saint-Nazaire. Un véritable casse-tête. » [6]

Pour vous permettre de bien comprendre la problématique, je dois d’abord dire qu’avant l’annonce du fort probable débarquement d’Alstom, le principal projet du plan stratégique du GPM, [à peine croyable à l’heure du dérèglement climatique et de la nécessaire démondialisation décroissante] c’est l’extension progressive d’ici 2020 du terminal Conteneurs. Les bateaux porte-conteneurs plus gros pourront alors accoster pour décharger 2 fois plus de boîtes remplies de marchandises produites « localement » (i.e. dans les pays sans protection sociale sérieuse pour les travailleurs ni contraintes écologiques et sanitaires.) et multiplier ainsi par 3,5 le trafic actuel (sic).

Pour ces travaux, « le chantier sera colossal. » [7] pour disposer d’un linéaire de quai de 1500 mètres, contre 650 aujourd’hui. Il faudra gagner une centaine de mètres sur la Loire. Il faudra ensuite déplacer le terminal sablier et le terminal roulier. Pour ce dernier c’est ballot, début 2010 y a été inaugurée « la nouvelle autoroute de la mer » avec ses bateaux qui « absorbent une partie du trafic routier entre la France et la péninsule ibérique à destination de Gijon,» [8]

Et où veulent-ils le déplacer ce terminal à bagnolles et camions sachant qu’il n’y a plus guère d’espace ? Dans la zone… du Grand Tourteau, située entre le pont de Saint-Nazaire et les chantiers STX France, soit plusieurs dizaines d’hectares de vasière à remblayer !

Des noms d’oiseaux qui se perdent !

Vous avez donc compris la nécessité d’une « interprétation » de la délibération N°30 et nous en déduirons qu’« un développement qui réponde aux besoins du présent [définis par les capitalistes] sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Rapport Bruntland, 1987) n’est autre que laisser le pouvoir de nuisance à une engeance dont un certain Monsieur Stephen Schmidheiny [9] fut un fieffé représentant. «Cette éminence grise réussit à convaincre 50 multinationales à s’engager derrière lui en 1992, lors du Sommet de la Terre de Rio, année du sacre du développement durable, pour réconcilier business et écologie ! On vient d’apprendre ce 13 février, juste 20 ans après, sa condamnation à 16 ans de prison en tant qu’ancien responsable d’Eternit, producteur d’amiante, de cancers, et 3.000 morts. Preuve en est donc que le développement durable est une véritable saloperie car c’est le développement du capitalisme et
celle de la barbarie qui vient.

Pour en finir avec la délibération 30 : non !, il n’y a pas de « valorisation de l’estuaire de la Loire » quand dans le même temps, ces poliTOCs (Troublés Obsetionnels de la Croissance verte) attendent avec gourmandise que le Grand Port Autonome détruise à Méan, réduise à néant, la vasière du Grand Tourteau ; cette zone Natura 2000 qui fait l’émerveillement des enfants venus observer avocette élégante, huîtrier-pie, sterne naine, canard souchet, colvert, foulque macroule, courlis cendré, tadorne du Belon, barge à queue noire, chevalier gambette… Une vingtaine d’espèces d’oiseaux différentes dont une en voie d’extinction et ce n’est pas l’autruche évidemment !
Etre objecteur de croissance c’est faire tout pour préserver ce patrimoine naturel, ce « bien commun » à l’humanité présente et future.

Supplétifs de l’oligarchie, MM. Batteux et Ayrault, ces deux escogriffes et leurs communicants qui bandent à « la performance sociale, économique et environnementale de leur projet d’Ecométropole », auront à répondre devant une Cour pénale internationale de l’environnement [10] si jamais leurs funestes projets de reconfiguration du port de Nantes St Nazaire et celui d’aéroport à Notre Dame des Landes (NDDL) voyaient le jour.

Mais les dés ne sont pas jetés. Et d’ici là, j »espère que nous serons nombreux à participer au « Forum européen sur les Grands projets inutiles » qui aura lieu du 4 au 8 juillet 2012 à NDDL. Il s’agira de confronter nos problématiques territoriales et de penser ensemble la coopération interterritoriale ; et préparer ainsi les échéances cruciales de 2014 élections municipales et territoriales avec suppression des conseils généraux et régionaux pour constituer de nouvelles collectivités.

En attendant je souhaite que nous soyons nombreux et motivés à porter la critique de la décroissance durant la campagne des législatives. Il est de notre responsabilité de faire entendre nos idées pour promouvoir un monde où bien-vivre ensemble est possible.

Thierry Brulavoine

Notes :
1 – Eco.Métropole Nantes saint Nazaire : construire la ville autour du fleuve ; Mars 2009
2 – Idem
3 – http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=118720
4 – étendue de sédiments meubles (vases) déposés sur l’estuaire et découverte à marée basse
5 – http://www.lalignedhorizon.net/wikka.php?wakka=Actualites
6 – Journal des Entreprises, Edition Loire-Atlantique 44, 3 février 2012
7 – http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=112420
8 – http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=110518
9 – Cf. http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20120213.OBS1224….html
10 – http://arsindustrialis.org/la-cour-p%C3%A9nale-internat…ement