Quelques mois en zad: conseils
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Category: Local
Themes: EcologieGenre/sexualitésZad
Places: Le carnetZAD
Note 1: J’ai tendance a écrire au ‘tu’ et après jme suis dit ‘mais non pas du tout c’est pas tout le monde comme ca ‘ mais j’ai pas eu le courage de tout ré-écrire, ca m’a pris pas mal d’énergie de replonger dans ce bordel émotionnel qu’était la ZAD. Du coup j’annonce, c’est qu’un point de vue, y’en a d’autres et que les phrases a l’impératif mériterait d’être ré-écrites. Disons que quand je dis ‘tu’ ca devrait plutôt être ‘ je’. Déso :(
Note 2 : La ZAD en question c’est la ZAD du Carnet.
PARTIE 1 : Les conseils
Ca c’est la partie facile a écrire. C’est tout les ptits trucs que j’ai découvert trop tard et ou j’ai dit ‘ Ah mais si j’y avais pensé avant ca se serait mieux passé’. No shit.
Conseil 1 : Ton espace, ta santé
C’est impossible de vivre continuellement dans des espaces collectifs. Au début, c’est fun, c’est fort. Soirée chanson, discussion, sociabilisation. Aujourd’hui, si ca repart, mon premier reflexe sera de me faire ma cabane. J’ai pas tout le temps l’envie ou l’energie de sociabiliser, y’a des gens que je hais qui trainent dans les espaces co. J’peux pas me reposer convenablement quand la derniere personne du sleeping arrive a 4h de son tour de garde et que la première attaque a 6h parce que c’est un.e leve-tot.
La lutte h24 7j/7 c’est un peu ce qu’on te vend avec la ZAD et tu t’y force, parfois consciemment, parfois non. Mais c’est pas contre-revolutionnaire que de se fabriquer un nid pour se reposer après une journée de merde, rythmé par les passages d’hélicos, les propos de merde des ‘camarades/copaines’ et des coups de pression des méchants.
C’est quelque chose que j’ai compris seulement après quelque mois sur zone, et je témoigne que purée ca fait du bien d’avoir un espace a soi sur zone. Un peu comme un ‘hors zone’ mais dans la zone.
Exemple : Un des lieux ou j’ai plus vécu c’est P1 soit la partie de la ZAD la plus proche du parking. Donc la plus proche du monde. Un moulin. Ca va, ca vient. A chaque évenement c’est le bordel. Toi, t’es la, t’essaye de vivre ta vie et tu tape des connards sexistes/racistes/transphobes/psycophobe etc. (choisis un ou plusieurs) qui viennent t’expliquer la vie et la lutte. T’encaisse tu dis rien et ces TOCARD repartent le lendemain comme des fleurs. Mais sombre merde tu m’as gaché la soirée a m’expliquer ce que dois ou ne dois pas être la lutte et tu reste la UNE SOIREE.
Conseil 2 : PREND DES PAUSES
Celui la mérite des majuscules parce que PRENDS DES PAUSES. A la ZAD tu stresses, tu dors mal, il pleut, tu t’éclates, tu vis des relations émotionnellements MAXI forte, tu croises les flics 3 fois par jours, tu consomme des produits ( l’alcool la clope et le café sont aussi des produits hein). Ton cerveau en prend plein la geule. Tu peux pas être efficace après 3 mois de galère nez dans le guidon quand ca part en drama. Ton empathie, ton attention, tout l’émotionnel est au plus bas. Et ca n’aide personne. Et quand ca part en live avec les flics j’me sentais ‘shaky’, tremblotante. Hyper active, hyper nerveuse, tenais pas en place, partout et surtout nulle part. J’penses que si j’avais pris plus de pause, j’aurais mieux réagis en situation de merde.
Exemple : On vient de recevoir la notification d’expulsion de la zone, on fait des réu tout les matins avant de partir sur nos chantiers. Tout le monde est a cran . En AG, on nous annonce qu’une meuf cis (je crois) est expulsée après des faits d’agressions sexuelles. L’histoire me parait bizarre et j’ai pas confiance dans les personnes qui ont géré l’affaire. Mais j’ai enchainée deux demi-nuits et j’ai été revéillé par les keufs ce matin. Je pose une question ou deux et cherche pas plus loin. Plus d’energie.
Conseil 3 : Le RSA n’attend pas et les cimetières sont remplis de gens irremplacables
Un truc que j’me dit avec le recul cest que j’aurais du faire plus gaffe a ma vie ‘hors zone’ et notamment l’administratif. La ZAD durera pas éternellement, quoi qu’on souhaite, quoi qu’on fasse et la chute va etre dure. Sortir de la-bas la tête crevée avec 10 copaines hors zone que j’ai ghost, 3 mail de la CAF et une radiation de pole emploi c’est pas facile surtout quand la sortie se passe mal. Ca rejoint un peu le conseil 2 d’ailleurs. Prends des pauses et gère l’administratif, ton toi du futur te remerciera a l’expulsion.
Exemple : A la ZAD pas ou peu d’élec. Donc peu d’accès a ton mail/tel. Tu loupe un RDV pole emploi, la caf te sucre la moitié de ton RSA du mois prochain pour t’apprendre la ponctualité et te menace de te virer la prochaine fois. T’as le seum. A la fin du mois tu dois gratter des clopes a tes potes qui sont autant en galère que toi.
A la relecture j’me rends compte que ca touche pas que a l’administratif mais aussi au relations en général, a la santé, a la famille, aux thunes, a l’état de ton camion/voiture etc… Tout le ‘hors zone’. Prend en compte que ca finira un jour en gros, et fais en sorte que la sortie difficile qui s’annonce soit le plus smooth possible.
Exemple : je suis sortie de la ZAD avec 3 carries, plus de carte vitale, une adresse mail dont j’ai zappé le mot de passe et une adresse légale incertaine. Entre le mental, l’administratif et la flemme, prendre un RDV chez le dentiste m’a pris 2 mois. Et entre temps j’avais mal au dents. Genre vraiment mal.
Conseil 4 : Prépare ta sortie
A la ZAD ton quotidien c’est entre 10 et 100 personne. La moitié de ton temps c’est de la sociabilisation, du travail émotionnel et de la médiation. Si tu prépares pas ta sortie, tu seras seule. Après quelques mois plongé dans un bain constant de personne, pour moi c’était genre pire que TOUT. Ptet tu devras retourner chez tes parents, ptet chez des potes, ptet dans la nature, ptet nulle part. Dans pas mal de cas personne ne pourra comprendre ce que t’as vécu, peu importe combien de temps tu leur expliquera. Et après une experience aussi intense des gens qui comprennent c’est essentiel.
Du coup ce que je conseil c’est de pas partir seule et pas direct. Avant de retourner dans ta vie prend toi une semaine avec tes potes de la ZAD hors zone. Faites un rituel d’adieu, partez a la mer, partez a plusieurs vers un autre lieu de lutte. Parce que le retour a la vie d’avant ‘risque’ d’etre dur, et c’est pas rien ce qu’y s’est passé. Ca mérite de faire attention a la facon dont ca se finit.
Exemple : La première semaine après la fin m’a parue tellement fade, tellement vide je peux a peine le décrire. Tout les soirs j’appelais une personne partie de la zone pour parler. Et je pense que je recevais 1 a 2 coup de fil par jour d’autre personne partie de la zone pour les mêmes raison. Pour rien dire en plus, genre tu vas bien, tu fais quoi, refaire les événements du passé, reparler la zone. L’image qui me vient en tête c’est celle des poules qui se serrent les unes aux autres en frisonnant quand l’orage éclate. Et pourtant on avait fait une sortie que j’décrirais comme mi-propre ( on avait un peu suivies le conseil précedent).
Plus d’energie mais peur de jamais finir la suite. Du coup je poste quand même le brouillon en commentaire
PARTIE 2 : les questions
En vrai cette partie mériterait autre choses qu’un article écrits d’un coup sec seule. En tout cas il découle d’expériences sur zone mais aussi de beaucoup de discussion avec mes potes de zone mais aussi mes ennemies politiques de la zone. De toute facon je suis lancée et j’ai peur que si je remets ca a plus tard je finirais jamais donc let’s go
Question 1 : Le vert et le rose
La ZAD est millieu extrement virilistes, l’imaginaire guerrier né nottamment depuis les expulsions de NDDL est extrémement présent. L’écologie ramene aussi BEAUCOUP de personnes essentialistes. Dans ce contexte, faire exister les questionnements de genre et de luttes anti-patriarcale est SUPER CHIANT. On a du se battre dur pour la première cabane en mixité-choisie sans mec cis. En réaction, des mecs cis on essayé de créer une douche en mixité choisie sans meuf parce qu’on était excluante alors eux aussi le seraient. On a du organiser des fucking réunion de médiation pour expliquer pourquoi on faisait ca et pas mal de personnes concernées se sont retrouvées a faire de la pédago pendant 2h pour apaiser les tensions. Ca s’était genre début-mi octobre, vraiment au début de la ZAD.
Voila les bases sont posées. Des histoires y’en a encore eu 10, toujours sur la même ligne, mais bon on va pas épiloguer.
Conclusion => Avis a toutes les personnes concernées par les luttes anti-patriarcales, la ZAD n’est pas un endroit (trans)féministes Vous ne serez pas seule, ca vaut le coup d’y aller mais ce n’est pas (trans)féministe.
Question : On fait quoi de ca ? Comment lutter avec des mecs qui chient sur les gays les trans et les meufs a longeur de journée. Comment lutter. La question inverse se pose aussi, comment être solidaire avec les meufs cis victimes d’oppression de genre mais elles mêmes extremement mysogines et transphobes ?
Exemple : Avec des ami.es, avant la ZAD on sortait d’un squat transféministe et anarchiste. Après quelques semaines sur zone on s’est retrouvé a dire a propos d’une personne ‘ Bon, il a dit enculé mais c’est vraiment le pire’. Après on a réalisé ce qu’on avait dit et on a ri jaune. Cette phrase nous a marqué. Parce que un mois avant on aurais jamais laissé un mec cishét parler comme ca chez nous sans l’embrouiller. Mais en même temps c’est une réalité, ce mec qui utilisait des insultes homophobes et transphobe n’était pas le pire.
Question 2 : le noir et le marron
J’vois beaucoup d’article sur la pureté militante. C’est aussi un truc que j’ai ressentie en ville. A la ZAD c’est le foutoir. S’organiser dans ce foutoir ou personne est d’accord
Question 3 : y’a jamais assez de bois, barricades VS cabanes
Le matos est en quantité limitée. On a beau faire de notre mieux en récup, en vol, en don, y’a JAMAIS assez. Mais disons que sur la ZAD deux tendances s’opposaient. Le groupe plus de cabane et le groupe + de barricades. C’est un questionnement qui se pose encore chez moi.
Merci beaucoup pour ce petit guide/témoignage. Je l’ai trouvé chouette et de bon sens.