Vincenzo – communiqué suite à l’arrêt de la cour de cassation
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Catégorie : Local
Thèmes : Contre-sommetsRépression
Par contre, elle demande à la Cour de justice européenne située à Luxembourg une interprétation des textes au regard de la complexité juridique de l’affaire. La nouvelle audience de la Cassation est fixée au 22 juin et interviendra à l’issue de l’audience de la CJUE (date non connue à ce jour).
Nous concernant, et bien que le sujet semble passionnant pour la justice, cette décision est à nouveau invivable humainement pour Vincenzo. De plus, elle implique du temps, de l’argent, de l’engagement (avocats, audiences, déplacements…) pour le comité de soutien. Cette temporalité devient insupportable et la justice française avait tous les éléments pour casser ce mandat d’arrêt européen.
Vincenzo sera-t-il enfin libre avant les vingt ans des événements de Gênes? Pourra-t-il enfin se projeter dans une existence normale?
Nous resterons attentifs et mobilisés jusqu’au terme de cette affaire.
Le comité de soutien à Vincenzo
Empêcher l’extradition de Vincenzo est important pour tous
[Traduction-résumé « maison » de l’émission de radio Blackout du 27 janvier]
Réponse : Vincent a eu hier l’arrêt de la Cassation. Il a été arrêté il y a maintenant quelques temps, le 8 août 2019. Il y a déjà eu trois ou quatre décisions à plusieurs niveaux juridiques. Et hier, il y a eu la deuxième Cassation, qui aurait pu être la décision définitive. Ce n’était pas sûr et ça ne s’est d’ailleurs pas passé comme ça. La Cassation a décidé de tout renvoyer à la Cour de justice européenne. On s’attendait à un délibéré quasiment définitif, et finalement ça reste pendant et ça grimpe encore d’un niveau. C’est un peu dommage parce que la dernière décision était positive pour Vincenzo. Pour rappel, la décision de la cour d’appel d’Angers disait que Vincenzo ne serait pas remis à l’Italie. Il aurait purgé treize mois en France, c’est-à-dire que, sur les douze ans qu’il était censé faire, ils enlevaient les dix ans du délit de dévastation et saccage, qui n’était pas reconnu par la France. Il aurait donc dû faire un reliquat de peine, moins ce qu’il avait déjà purgé en Italie, mais seulement sur le territoire français. La décision était donc très positive, pas seulement pour lui, mais aussi pour tout le monde. Et c’est peut-être pour ça que la Cassation n’a pas validé cette décision et l’a remise en discussion. Pour ce qui concerne dévastation et saccage, la cour d’appel d’Angers a dit : non, on ne vous le remet pas. Si ça avait également été confirmé en Cassation, ça aurait créé un précédent très important. A partir de là, si quelqu’un avait été recherché pour dévastation et saccage en France, il pouvait, en cas d’arrestation, se référer à la décision qui concerne Vincenzo et s’en servir. Ça aurait donc ouvert un nouvel espace et la France n’a sans doute pas voulu assumer cette responsabilité. Elle a donc décidé de saisir la Cour de justice européenne pour qu’elle fasse le point sur la question. Voilà où on en est.
Question : au-delà de l’aspect purement judiciaire, tu peux nous parler un peu de tout ce mouvement de solidarité qui, dès le début, s’est créé en Italie, mais aussi en France, et qui a eu du poids ?
Réponse : ça a été fondamental. Il y a eu des erreurs avec d’autres mandats d’arrêt européens dont on a connaissance. Il y a eu des extraditions rapides, malgré toutes ces erreurs. D’habitude, ça n’empêche rien. Mais là, la mobilisation a commencé dès les premiers jours. Vincenzo a été arrêté dans ce village de Bretagne, où personne ne connaissait son passé. C’était un fugitif, il n’avait pas parlé de ses problèmes avec la justice. Ils sont donc un peu tombés des nues, mais au bout de vingt-quatre heures, ils se sont réunis dans un petit bar du village. Ils nous ont dit qu’ils étaient dix à la première réunion, trente à la deuxième et que, le dimanche, il y avait déjà soixante personnes. C’est de là que tout est parti en l’espace de quelques mois. A partir du comité de Rochefort-en-Terre, là où Vincenzo avait été arrêté, la cause s’est étendue un peu à la France entière. Ils ont été très sensibles au problème de la répression en Italie à Gênes et ont aussi démontré une grande ténacité, une capacité à intervenir sur le réel. Ils ont des façons de faire que, sans doute, n’auraient pas utilisées les proches de Vincenzo : un grand usage des médias, de la presse, recueil de signatures, pétitions. Il y a peu de temps, ils ont même pu recueillir la signature de deux anciens ministres de la justice. Ici, on n’aurait sans doute pas pu le faire, ni eu plaisir à le faire. Là-bas, ils l’ont fait parce qu’il faut savoir qu’il y a toutes sortes de gens dans ces comités : ses voisins, ceux qui faisaient de la musique avec lui, des personnes qui ont une sensibilité politique, mais sans être militants, sans préjugés vis-à-vis des formes de lutte à employer. Ils ont vraiment utilisé un peu de tout. Et, au début, ça n’a pas été facile pour nous de s’accorder avec cette façon de faire. Mais, avec le recul, je dois dire qu’ils ont démontré une ténacité exceptionnelle. Ça fait maintenant un an et demi que l’affaire est pendante, et ils ont empêché la justice française de faire passer l’affaire en sourdine et l’ont contrainte à l’approfondir. Et c’est ce qui fait que Vincenzo est encore libre. La partie est encore ouverte, et c’est vraiment seulement grâce à cette mobilisation qu’il y a eu en France.
Question : comment peut-on se tenir au courant de ce qui se passe et de ce qui va se passer ?
Réponse : il y a un site qui s’appelle simplement Sosteniamo Vincenzo, qui est un peu un site collecteur où on publie aussi du matériel qui provient de la France. Mais je crois que, d’ici au rendu de la décision de la Cour de justice européenne, on devrait faire un effort collectif. La sentence [de la Cassation] tombera le 22 juin 2021, c’est-à-dire quasiment exactement vingt ans après les journées des 20 et 21 juillet 2001. On aura donc une décision clé à vingt ans de ces journées-là. Je sais bien que c’est difficile, mais il faudrait réussir à en faire l’histoire de tous, suivre Vincenzo sur cette période. Ce serait important parce que Gênes est justement une histoire qui nous est commune à tous, à l’époque, mais aussi dans les années qui ont suivi. Ce qui s’y est passé a conditionné les manifestations. Et le délit de dévastation et saccage, on en parle encore aujourd’hui. Qu’il y ait une décision sur la légitimité de ce délit au niveau européen, ça dépasse le cas de Vincenzo et concerne beaucoup de monde. Il faudrait donc un effort collectif. Je ne vois pas encore sous quelle forme le faire parce que ce énième renvoi nous a un peu déstabilisés, mais il faut trouver le moyen d’y arriver, préparer un peu le terrain d’ici à juin, faire monter la pression sur ce sujet. Je ne peux pas donner de recettes sur comment s’informer, rester en lien avec ce qui va se passer, mais j’invite à être très attentif jusqu’à la décision du 22 juin.
Question : on essaiera d’informer ici. La situation est plutôt intéressante parce le délit de dévastation et saccage pèse toujours. Pas seulement pour les condamnations passées. Il est continuellement utilisé depuis 2001 pour réprimer les manifestations. Comme tu dis, c’est une affaire particulière, mais elle peut devenir importante pour beaucoup de personnes. On restera donc attentifs jusqu’en juin.
Réponse : en rapport à cette affaire, je veux juste rappeler que, quelle que soit son issue, il y a beaucoup d’injustices liées à Gênes qui ne seront pas effacées. Je pense surtout à Marina, Jimmy et Luca [qui font partie des dix condamnés de Gênes]. Marina a déjà purgé sept ans de prison, Luca a subi de longues années d’incarcération, Jimmy aussi. Les condamnés de Gênes pour dévastation et saccage étaient tous différents et ont purgé de lourdes peines, à part Vincenzo, qui a réussi à fuir. Là, on a la possibilité d’obtenir quelque chose de bon avec Vincenzo, mais ça ne pourra pas effacer ces condamnations honteuses. J’en parle surtout parce que Vincenzo tient à rappeler à chaque fois qu’il n’a pas été le seul condamné dans cette affaire.